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Full text of "Journal des jeunes personnes"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/journaldesjeunes42pari 


U<,' 


JOUUx>AL 


DES 


JEUNES  PEllSOWES. 


3 


Z 


IMPRIMERIE   DE   BEAU, 

A    SAINT-GERMAIX-EN-LAYK. 


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^^^û£/t. 


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i»\i;is. 
Al   iniu:Ai    in   j(M  i;.N  AI. 

S«,  I\1;K  HICUtLlEU. 
18^ 


JOURNAL 


DES  JEUNES  PERSONNES 


XVIir    ANNEE. 


--«S«^' 


KDUCATION. 


ii 


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'J!     :^  U  ^i^ 


LES   HETRES  DE   S0LITIDE:«\ 


lA     JAI.OISIK. 


Une  propnisioii  natinrlle  à  nous  faire 
valoir,  nous  porte  trop  souvent,  mes  iil- 
les  ainu'es,  à  vouloir  transformer  nos 
défauts,  sinon  en  (pialités,  du  moins  en 
/jrrtivt's  rvidrnti  s  d«'  «rlli's  de  ces  (pialilis 
(pie  nous  préten«lons  posst'der.  Entre 
tous  les  exemples  tle  ee  jjeme  qui  se  pr«'- 
senteront  »»  votre  souvenir  ,  bornons- 
nous  pour  le  moment  à  eelui  cpie  nous  a 
ollert  la  l'u-ncilc  d'inni^intittun  \^'i]  ;  vous 
u'aeeeptere/.  plus  maintenant,  uVsl-ce 
pas, eonnne/-»rrwir  èiidrntt'Awwv cxtjf'me 
sensibilité  ^  ce  tjni  n'est  au  fond  (|ne  l.i 
preuve  rviiiente    des    dt'"St)rdi'es    mor.iux 

.1)  Y.  les  l».in.  11  .1  llldf  la  2'âerle. 

(1)  Voir  l.  III  tif  lu  2.  >crlr.  p.  2îi. 

AiHim  (les  nrliclcn  ronlrnii»   »!.i! 
m'   |kmjI  cire   rcproiliilt,   mn*    le   <  t 

furnicl  «tcK  aiiloiir(>,  .«on»  princ  de  pouiautloi  en 
riinnef.r  •II. 

Il-  Snu!      T. .III.-   IV.  N-  1     — 


l>i\xluits  ])ar  l'cgoîsmc  ?  Eli  l»ien  !  mes 
I  lièirs  amies,  il  eu  est  de  même  ilu  j>en- 
eliant,  si  prompt»^  d«"{;éuérer  eu  passion 
terril  lie,  (ju'on  désij^ne  par  le  nom  de 
jaluitsie. 

l*ersoime  ne  saurait  s*'  ci"oiiv  lout-à- 
lalt  e\(Mnptde  jalousie,  c'c*sl-â-d ire  de  c«* 
sentiment  |NM'Sonuel  qui  pirnd  ombrage 
de  I.i  pri'f«**r»M»ee  acx^onlée  à  tm  autre. 

Tunide  d'abt)rd,  le  jaloux  soulliY  sans 
.se  plaindre;  mais  |HMt  à  |m  u  il  arrive  à 
regarder  eonune  un  \i»l  li  t«'ndn*sjk\ 
r.idmiralioii ,  la  p^MisiT  luènie  dont  il 
nest  pas  ruiiicpie  objet;  quieonque  ol>- 
lienl  la  plus  petite  part  tle  ivtle  ten- 
dresM\  lie  o't(e  admiration  qu'il  veut 
|K)ss*'der  ou  exeiler  s«'ul  ;  qui«t>nque  est 
féfTt^ttiU  (lu  cri'/  r  d\KX'up<'r  la  |>ou.vV  de 
la  pei^ioune  aintt'x* ,  csl  ctMwidéu*  |>ar  \c 
jaloux    eonnne    un   tntomi;   mais,    eu 

j\\\!M\  is:.o.  I 


im'iuc  trnips,  l.i  p«>isoniu^  ainuHMKvivMil 
l.i  vic'tiiuc  de  soiijK'ons  de  tv)iis  1rs  i:i- 
sl.nils.  Le  j.\l(ni\  l.i  ]nmrsMlt,  s;ims  se  bs- 
srr  jamais,  de  srs  cioutoi  oiUinpcanls  ;  11 
la  fatigue  de  ses  plaintes,  i!e  ses  n  pio- 
rlies,  lie  ses  Imnieurs,  de  ses  colères,  et 
plus  il  se  rend  détestable,  ]dns  j;ra:ulit 
en  lui  la  prétention  ti  élre  iini<n(ciii(/it 
aimé  I 

Quant  à  rr'///A'7;// qui  e\(^ite  sa  jalou- 
sie, il  se  croit  en  droit  de  lui  prêter  tous 
les  défauts,  de  laeeuser  même  des  vices 
les  plus  odieux.  Suivant  son  caprice, 
il  le  couvre  de  ridicule,  ou  bien  il  en  mé- 
dit, et,  de  la  médisance,  il  passe  rapide- 
ment à  la  calonuiie.  Rien  ne  lui  coûte, 
rien  ne  lui  répugne  pour  f  erdre  son  en- 
nemi dans  l'esprit  delà  personne  aimée, 
]>uis  dans  Topinion  particulière  ou  pu- 
blique de  chacun  des  mend)res  de  la  so- 
ciété au  sein  de  laquelle  ils  vivent  tous 
les  deux. 

L'envie,  la  hideuse  et  ignoble  envie 
agiiait-elle  autrement?  Et  cependant,  si 
nous  ne  nous  vttntons  pas  posiin'ciuc/it 
d'être  jaloux  ,  très-volontiers  laissons- 
nous  entrevoir  que  nous  serions  disj^osés 
à  le  tlevenir  ;  c  est prourcr  que  loin  d'être 
ifiscr:sihl(s,  nous  sommes  doués,  au  con- 
traire, d'une  exquise  sensibilité! 

La  jalousie  di'ajlfrctio/t  acceptée,  je  ne 
vois  pas  pourqMoi  nous  nous  refuserions 
à  admettre  plus  tard  celle  du  pouvoir 
qu'assurent  aux  hommes  le  savoir,  liii- 
telligence  ;  aux  femmes,  la  beauté,  l'es- 
prit, la  grâce,  les  talents  I  Je  ne  vois  pas 
non  plus  pourquoi  nous  hésiterions  à 
poursuivre  de  nos  sarcasmes ,  à  ruiner 
par  la  médisance  et  la  calomnie  la  répu- 
tation de  tous  ceux  qui  obtiennent  quel- 
ques-ims  des  succès  auxquels  nous 
crovons  avoir  seuls  des  droits. 

\S équité  exige  que  nous  admettions 
aussi  les  jalou-ïies  de  rang,  de  préroga- 
tives, de  fortune.  L'épouse,  la  saur, 
cioira  n'être  pas   digne  de   ces  titres  si 


(■l!i>  ne  se  n;0!ilre  j^a.s  jnîouse  i!es  droits 
de  son  époux,  de  son  iière  ;  si  elle  n'em- 
]Moie  pas  tous  It^s  nujvens  pour  ('eart(U" 
d:-  leur  eiieniin  les  rivaux  cpii  lui  font 
oinbiage;  elle  rej;artlera  comme  uti  de- 
\()ir  de  ])erdre  ceux-ci  au|>rès  des  person- 
nes liant  ]il  uves,  des(jU(^lles  dépend  Ta- 
vanci ment  (jui  Jalt  l'espoir  de  l'époux  ou 

du  frère INh's  fdles  chéries,  la  voie  où 

nous  entraînent  nos  passions  est  glissan- 
te et  rapide  !  Nous  ne  leur  faisons  ])as 
\n\e  seule  concession,  sans  que  cette  voie 
ne  devienne  plus  rapide  et  ]dus  glissante 
encore....  Dieu  seid  peut  nous  donner  la 
force  de  ne  point  la  suivre  jusqu'au  bout; 
mais  ne  serait- il  pas  sage  de  réunir  tous 
nos  clforts  pour  nous  en  détourner  dès 
l'entrée  ? 

Connue  médecin,  j'ai  vu,  dans  ma 
longue  pratique,  de  pauvres  jeunes  gens, 
de  malheureuses  jeunes  iilles  mourir 
victimes  de  leur  jalousie.  Le  mal  moral, 
s'il  est  profond,  engendre  le  mal  physi- 
que. Comment  ce  mal  moral  avait-il 
grandi  au  point  de  troubler  si  gravement 
les  fonctions  animales  qui  entretiennent 
le  phénomène  appelé  la  vie,  que  le  mal 
physique  était  deveiui  sans  remède? 

II  faut  vous  le  dire,  vous  le  répéter,  à 
vous,  mes  bien  chères  amies,  qui  êtes  des- 
tinées parles  lois  divines  et  huiuaines,  à 
développer  dans  l'ànic  des  enfants  au  ber- 
ceau de  bons  ou  de  mauvais  geruK^s  ;  ce 
mal  moral  prend  trop  souvent  sa  source 
dms  la  tendresse  excessive  de  la  jeune 
mère,  de  la  sœur  aînée  ou  mère  adoptive 
(jui  a'inmnt  uni  que  me /if ,  éprouve  une  joie 
inexprimable  à  se  voir  uniquement  aimée 
par  ce  petit  être  dont  toutes  les  pensées, 
toute  la  tendresse  lui  appartiennent.  Si, 
])lus  tard,  elle  devient  mère  une  seconde 
fois;  si,  plus  tard,  la  mère  adoptive  ac- 
corde ses  aft'ections  ou  seulement  sa  pro- 
tection à  un  autre  enfant  ;  si  la  sœur  aî- 
née se  marie;  si  €nïn\  l'objet  unique, 
jusqu'alors,  de  leur  tendresse,  de  leurs 


3 


wjins,  doit  1rs  païUifjor  désormais  avrc 
un  autre,  la  jilijiisic  dont  Ir  {;rrine  a  été 
nourri  j»ar  une  aHéction  exclusive,  se  dé- 
velopp*'  a\ec  une  effrayante  rapidité. 

La  jalousie,  ai  je  dit  !  niais  ne  vovez- 
vous  pas  bien  que  c'est  légoïsme  I  Vous 
avez  appris  à  ce  petit  être  à  s'aimer 
avant  /"///  ;  vous  l'avez  aidé  à  rap|>orter 
/fini  à  lui  ;  à  se  rej^arder  connue  le  point 
important  ancpnl  /'  ///  vient  alioutir  ; 
connue  le' pivot  unicpie  de  votrr  vie,  de 
la  vie  de  tont  ce  qui  vous  enlonri-,  vt  vous 
voulez  que  maintenant  il  se  soumette  à 
ne  tenir  (jne  le  second  rauj;  ? 

\oIrr  i(li|^ion  divine  vous  montre  que 
les  torts  de  e<tle  jeune  âme,  qui  n*a  be- 
soin qu<*  d'être  étlairi'e  pour  s'amender, 
s<jnt  en  partie  les  vôtres  Faites-lui  eom- 
prendn-  connni  lit  vous  êtes  vous-même 
victime  mail leun  use  de  son  mallieur  ; 
f.iites-lui  <'oniprendre  ,  par  ce  doiiMe 
exemple,  qu'on  ne  manque  pas  impuné- 
ment à  la  loi  de  T)i<'u  qui  ordonne  ttail 
niseniMe  1  amour  du  proi  liain  et  l'onlili 
ou  plutôt  le  sacrifice  de  soi-même  à  au- 
trui ! 

Non-seulement  l'amour  du  proiliain 
doit  s'étendre  à  tous  et  à  (  liaeun  (!■  s 
membres  de  la  {;rande  famille  liumaiix, 
mais  il  iliTiMid  encore  toute  tendress»*  e\  • 
elusive  ;  la  tendresse  exclusive,  donm  e 
ou  re<;ue,  n'est  au  JomI  (pie  l'amour  «le 
soi-même  déj-juM"  sous  de  trouqieurs  de- 
hors ,  »'t,  de  1  amour  de  soi-même,  ri*sn!- 
lent  des  SiMitiments  (pie  Dieu  iéj)rou\c, 
l'injustice  envers  l'objet  aimé-,  li  liauie 
ruvei-s  ceux  qui  l'appnH-bent. 

One  failes-vousdonc  en  ouvrant  votie 
Ame  à  tant  de  troul)les  lionteux,  vou>  à 
(|iii  il  a  et»'  dit  :  >•  ^t/nrz  mi  tnnenii%  fm- 
t'  \  tin  birn  à  rrnx  ifut  v<>ns  hois.*rnt  ^  1 1 
priez  pour  irnjr  tft  i  V'tiJ  prrsrrutrnt  et  \hhij 
rnlomnirnl  fl)  !  ••  A  ous  faites  le  mallienr 
de  (pli  \oiis  aime  ;  vous  |tei>é(-ute/.  \oii> 

(t)  trat*ytlf  selon  «aiNf  Manhtru,t\\a[*,  \, 


calomniez    le  procbaiiî,    vous  haïssez... 
et  vous  vous  dites  cliré-tieenes  I 

J^es  philosophes  ont  beaucoup  t'crit, 
sans  conclure,  sur  cette  passion  terrible. 
uve  de  l'égoïsme  ;  oui,  saus  conclure.  Que 
dit  le  vieux  Montaigne  en  parlant  de  la 
jalousie  :  •>  Quant  aux  femmes,  il  n'y  u 
/ji'inl  (le  cunieil  contre  ce  mn/j  car  leur 
nature  est  toute  confite  en  snuf/cnns,  t»a- 
niic  tt  cnriontc  [\),  »  Acceptez  vous,  nit*s 
filles  aimées,  cette  conclusion  ?  Croirez- 
vous,  vous  qui  av»  z  étt-  élevées  dans  la  loi 
de  1  Evangile,  qu'il  n'y  a  point  de  remède 
contje  la  vivacité  d'imagination,  cause 
j>remière  du  soupçon,  contre  la  curiosité 
vaine,  et  contre  la  vanité  ? 

l  II  antre  philosophe.  Charron,  nou-i 
dit  :  M  Lr  srnl  mnj>rn  ilt  fcuiltr  est  tir  se 
rrmiie  di^nc  de  ce  t^uon  délire,  *  Ceci 
(Si  plus  juste  et  |>lus  vrai  ;  mais  il  ajoute: 
««  car  la  jalnnsie  n'est  tju  une  deffianec  de 
sr.y-me'inie^  rt  nn  fèmoi^nage  de  notre pen 
dcmriifr  2).  •»  Ceci  n'est  point  CDinpIè 
tement  vrai.  Ouehjues  âmes  douées  d  une 
dêlicatt^sse,  dune  sensibilité,  d  une  nio- 
desiii*  r»*ell«",  cons«'rvent,  dans  la  jalousie, 
sentiment  tout  |>er>onncl,  les  qualités  qui 
leur  sont  piopn's;  (  Iles  se  jugent  |)eu  di- 
gnes d  afleetioa  ;  (Iles  southt  nt  ;  cil»  s 
|>lem«'nt,  mais  en  si'cril  :  la  |>crsounahte 
iie  remporte  pas  entièrement  sur  la  dé-li- 
caless*^  de  leur  âme,  sur  leur  UKuWtie 
vraie,  et  (pielques-uiies  meuivnl  du  mil 
«pii  lis  ronj;e  et  qu'illes  n'ont  jamais  fait 
eoiMiailre  :  ce  sont  là  des  exception^.  Clu  /. 
le  plus  giand  nombre,  au  contraire, 
la  jalousie  |Hni(  bien  êtir  un  témoignage 
du  jHMi  de  mérite  que  notie  const^irntY 
nous  force  de  ne(^nnaitie  eu  nous;  uwiis 
roij;u«il  irrité  re|H)Uvse  (t  Ite  aeeiivitioii, 
et  bienlôt  il  nous  |W'i>uade  que  ><-,<.  uou> 
uiéritons  d'être  aimé  ,  que  ^cui  nous 
avons  dn>it  à  l'admiralion,  au  rang,  a  li 
fititune,    aux   di>tinclioiiN  de    toutes    le> 

(I)  h»i*t%tt  hv.  Il,  chap.  V. 

(S)  /'•  /<!  Sagette,  lo.  III.  •  i    ,    \\\o 


rspî'ct'S  ;  que  ([ui(\>iujiio  pciU  ("'Lii'  siuii)- 
yoniu'  de  nous  \'m\c  ohslacK",  (jiic  (|ui- 
conqno  nous  ]>oit('  oinl)r;i[;r  est  uw  vi\- 
ncuii,  ('t  que  nous  sonuiu^s  rn  droit  de  \c 
tiaitrr  sans  ancnui  nu'Miaj;rnuM»t. 

31(3  filles  cluMics,  tic  la  jalousie  à 
Teuvie,  il  n'y  a  qu'un  pas,  ne  Tavez-vous 
point  tU'jà  roin])ris?  Toutes  deux  sont 
SfiHus  ;  toutes  deux  reuq)lissent  de  trou- 
ble et  de  dt'eliireuHMits  Vànir  qu'elles 
possèdent;  toutes  deux  lui  font  unesouf- 
franec  des  joies  du  proeliain.  L'iuie 
«'veille  et  nourrit  la  personnalité  (jui 
donne  la  soif  iiH^xlinjjuible  d'une  affec- 
tion sans  })arta<^»e  ;  l'autre  nous  ron[je 
sans  repos,  sans  trêve,  connue  le  vautoiu' 
ronge  Prouu'tliée  I 

«  Jdlottsic  est  maladie  (C une  âme  fai- 
ble^ sotte  et  ins^rafe,  »  dit  encore  le  plii- 
losopljc  Charron  dans  son  livre  I^c  la 
Sasaeise. 

«  I. a  Jalousie  est  la  mère -du  meurlie  !» 
dit  Tadmiralile  Bossiiet. 

A  cette  parole,  vous  voyez  coider  le 
sauf»  d'Abel ,  versé  par  la  main  d'un 
frère  î 

Ou'il  V  a  loin  d'une  ànic  jalouse  à  une 
ànie  chrétienne  I  aussi  loin  que  de  ce 
misérable  globe  à  la  voûte  éloilée  I  L  ànie 
jalouse  rapporte  tout  à  elle-même;  l'àme 
chrétienne  rapporte  tout  à  Dieu.  L'àme 
jalouse  ignore  ou  méconnaît  la  charité  ; 
Fâme  chrétienne  la  met  en  pratique. 
L'iinic  jalouse  n'aime  au  fond  quVlle- 
mèine  ;  l'àme  chrétienne  aime  son  ]^ro- 
chain  plus  cpi'elle  même.  L'âme  jalouse 
s'abreuve  de  fiel  et  en  abreuve  tout  ce 
qui  rentome  ;  l'àme  chn'tienne  fait  pour 
autrui  tout  ce  qu'i  lie  voudrait  qui  fut 
fait  pour  elle,  et  si  elle  reçoit  le  mal  pour 
le  bien,  elle  s'élève  vers  celui  dont  rA})ô- 
tre  a  dit  :  y^e  rendez  pas  le  mal  pour  le 


nia!^  ai  oatrtin-c  pour  oufro^c  (l)  ;  et  elle 
(\)Mli:uie  de  fiire  le  bi(Mi  sons  l'ceil  do. 
de  Dieu  ;  (  t  lt\s  ]»lenis  cpi'clle  verse  sur 
si  s  déceptions  n'ont  rien  damer,  car  elle 
a  pardonné  ! 

]M(\s  filles  aimées,  ]v/'né(ii"/.-vous  pro- 
fo:5(lémenI  des  lumières  (h'  -lotre  n^ligion 
divine.  Pratique/  enveis  tous  les  êtres 
créés  la  charité  (pie  v(^us  enseigne  l'E- 
vangile, et,  si  parfois  vous  vous  sentez 
troublées  par  les  excitations  d'une  jalou- 
sie naissante,  recourez  à  la  prière,  à  la  mé- 
ditation :  vous  y  puiserez  la  force  de  ca- 
cher ce  qui  se  passe  en  vous,  et  ce  mau- 
vais i^enehant,  encore  en  germe,  sera  à 
moitié  douq)té. 

Sachez  le  bien  ;  u:ie  première  victoire 
qui  a  pour  résultat  de  cacher  des  senti- 
ments coupables,  est  bientôt  suivie  d'au- 
tres victoires  plus  grandes,  plus  conM^)lè- 
tes.  ]ja  répression  d'un  premier  mouve- 
ment obtenue,  vous  sentirez  se  dévelop- 
per en  vous  une  puissance  morale  encore 
inconnue,  et  ime  sorte  de  bien-être  mêlé 
de  cette  noble  soufïVance  de  l'àme  dont 
s'acconq^agne  souvent  raccomplissement 
du  devoir.  «  Ccst  en  mortifiant  ses  pas- 
sions^ et  non  pat  en  les  eontrntunt^  rpie 
se  trouve,    la  vraie  pn'u:  du  cœur {2 J.  » 

Oui,  «  le  prcnner  effet  de  la  ve/tn  est 
fie  causer  une  noble  peine  par  les  sacri- 
fices qu  elle  exige  (3).»  ISLiis  que  de  jouis- 
sances inexjirimables  devieiment  la  ré- 
conqiense  de  l'àme  vertueuse  I  La  voix 
de  Dieu  s'v  fait  entendre;  la  conscience 
satisfaite  se  tait  ;  tout  est  (  ahne,  tout  est 
repos,  tout  est  bonheur  I 

S.  Ulltac  Teémadeure. 


(1)  Saint  Pioire. 

(2)  Imitation,  livre  I,  cliap.  vi. 
Ci)  Kant. 


UN  M\!U\(;i:  DANS  LK  GKANÏ)  MONDE. 


TBADITIO>i  (1). 


Les  pMisioiiiiaiifs  ne  jouaient  pas 
dans  le  préau  du  eouvent  des  dames 
l  rsnlines  de  Punlivv  ;  elles  étaient  ré- 
unies  par  [groupes  et  causaient  entre  elles 
avec  Ix'aueouj)  de  vivacité,  les  {jrandes 
surtout.  (Jn  entendait  ici  et  là  ces  mots  : 
M  G.'  n'est  pas  un  mari,  c  est  une  pou- 
pée (pt'il  lui  faudrait  ! 

—  Klle  sera  nrncpiise  ! 

—  J'ai  vu  le  futur  au  parluii  ,  il  est 
fort  l)ien. 

—  îMais  Heine  n'est  (pi'une  enfant. 

—  Manpiise  à  douze  ans  ! 

—  L<*s  cadeaux  seront   niajinifKpn's  I 

—  Elle  ira  à  la  cour. 

—  Elle  aura  des  perles  et  îles  dia- 
mants ! 

—  Et  un  lùi'u  beau  eli.ileau! 

—  Le  mar<|nis  tl«'  Pi)r/.inis  e>t  de  la 
|)lns  II. Mlle  nolilessc  ! 

—  Heine  de  Kervallan  aussi. 

—  On  dit  «pje  ce  maria[«o  ne  s'est  pas 
arrangé  sans  diHi<-ultés. 

—  Oui,  à  eaus»'  de  rà{;e  de  Keme. 

—  .'Mais  le  Marcpiis  a  si|;inrié  à  .M.  de 
Kervallan  <|U  d   naltindrait   pas. 

—  11  veut  aelider,  avre  la  dnt,  une 
«  liar{;e  à    la  cour. 

(îe  n'est  pas  à  \ers.nlles  «pie  Heine 
l>  mua  finir  son  éducation  ! 

—  Il    ne  Tennuènera   pas,  ma  elièivl 
—  Au  f ail,  ipie  feiait-il  là-bas  ili*  crttc 

petite  lillt 

(I)  Pnr  l'rlTrl  d'un  M-nlirnrnt  de  convrnnnce 
qiir,  >niij»  doiitr,  on  '■ 

HllUié  aux  nnniî»   |».   ,.l  ,,    ^ ^  ; 

in.ilt  \v»  faiU  priiin|i,)iix  qui  forment  In  lMi»e  de 
ro  MHil  ,  !>oiil  ti>us  t  >   li'  '.i\  qui  v» 

fiirrnl  li^inoinit.qin  '  ;  . 1^  prononrrront 

••H!*  nul  doulc  le  véritable  nom  de  ihèro<ne. 


—  Mors  elle  rentrera  au  couvent 
connue  dame  {M-nsiounaire. 

—  Et  elle  nous  donnera  des  fctrs  ! 

—  J  e.Npère  bien  cpi file  nous  invitera 
toutes  à  sou  château  de  Keruao. 

—  J'ai  dans  l'idée  que  le  ]NLtr(|uis 
donnera  une  gouvernante  à  madame  la 
Marfinisc. 

—  (j  est  la  dot  cpi'il  é|K)nse. 

—  IVrsomie  n'en  dt)ute. 

—  Hi'iuc  n'est  pa>  ilu  tout  jolie. 

—  31ais  elle  a  de  beaux  yeux  et  un»- 
pi'lite  bouche;  on  u*e;t  pas  laide  avec 
cela  ! 

—  Elle  est  maij;re  et  brune  à  faire 
p<'ur  ! 

—  Elle  deviendra  im'isibtc  entre  sa 
haute  n)illure  et  s*'S  |>anier>. 

—  Elli"  m'a  invitée  à  s;i  oi»*» . 

—  El  moi  aussi,  moi  .in>si  I  niéient 
prestpie  toutes  les  voix. 

—  Son  invitation  et  rien  c'e>t  tout  un. 

—  .Mon  pèn»  eu  iiTcvra  une  en  forme 
de  iM.  de  K»*rvallin. 

—  iM.  de  Kirvallan  ne  nous  oubliera 
]ias  non  plus  I  dirent  plusuuus  jt*uncs 
|)ersonnes  d'un  air  su|H-rieur. 

—  IMesdemoiselles,  convenons  «pie 
n-lles  (pii  siMoni  «les  fêtes  les  raixinle- 
ront  aux  autre?».' 

—  Oui,  oui.  sans  rien  omettre. 

—  C'est  dit.  —  .'^les4lemois«•lles,  la 
reutn^;  m  classe  va  bientôt  sonner  ! 

Jouons!  -  s'txrièrenl  les  |ï«'iiles,  et 
1 1I«'N  s'elanièrent  en  joy«'nx  louibdlons 
dans  le  nuheu  du  pn-ati,  tandis  tpie  les 
f^rutuifSy  se  divisant  trois  fwir  tix>is,  se 
mii-enl  à  uiaivlier  gravement  sous  \c% 
allt  (*s  lie  beaux  tilleuls,  en  s**  et)ininuni- 


6 


qiMiil    mntii(ll<MutMit   les  ivlloxions   que 
ce  iuaiii{^;o  fais:iit   naîtiv. 

A  celte  «'poquo  (  VOIS  la   iin  du  rc[;ne 
de  Louis  XV),   il  n'était  point  rare  de 
voir  des  pères  tlu  "rand   monde  marier 
leurs  filles  l>ieii  avant  1  àj'/'  où   la   loi  le 
]>erniet  aujourd'hui  ;  les  convenanec^s  de 
familles,  le  désir  de  former  une  allianee 
sur  laquelle  on  ne  pouvait  pas  compter 
pour  ])lns  tard,  l'intérêt,  l'ambition  dé- 
cidaient du  sort  d'une  enfant.  M.  de  Ker- 
vallan  ne  faisait  donc  qu'une  chose  fort 
ordinaire  en  donnant  sa   fdle,  à(^jéc  de 
douze  ans,  au  marquis  de  Porzinis;  quant 
au  ^larquis,  en  la  prenant  pour  feuune, 
il  n'avait  en  vu(^  ipie  de  s'assurer  la  for- 
lune  que   cette   enfant   apportait   en   se 
mariant  et  celle  dont  elle  devait  hériter. 
Pendant  la  récréation.  Reine,  ajipelée 
dans  le  petit  salon  de  madame  la  Supé- 
rieure ,  apprenait    que,   son  sort  étant 
décidé,  elle  serait  dans  quinze  jours  la 
feuune  du  marquis  de  Porzinis.  Elle  ne 
l'avait  vu  (pi'une  fois;  mais  elle  conser- 
vait de  cette  entrevue  un  souvenir  agréa- 
l)le.  Le  marquis  était  jeune,  assez  bien 
de  sa  personne,  et  il  avait  ce  ton  d'ex- 
quise politesse  qui  distinguait  les  grands 
seigneurs  :  Reine   u'éprouvait  donc  au- 
cune  répugnance  à  devenir  la  femme  du 
Alarquis;  elle  le  dit  ingénument  à   ma- 
tlame   la  Supérieure,  dans  laquelle    elle 
avait  trouvé  une  seconde    mère  ;  car  la 
]>auvie   enfint   n'avait  jamais    reçu  les 
caresses  uiateiiielles.  M""' de  Kervallan 
('•tnit  morte  en  lui  donnant  le  jour. 

(lependaiît.  à  mesure  que  uiadame  la 
Snpi'rieure  ]>arlait.  Reine  devenait  plus 
sérieu>:e;  c'est  que,  pour  la  ])remière  fois, 
on  attirait  son  attention  sur  les  devoirs  si 
graves,  si  importants  que  le  mariage  im- 
pose ;  elle  commençait  à  comprendre 
(|u'il  ne  s'agissait  pas  seulement  du  droit 
de  porter  de  riches  parures,  d'être  appe- 
lée nindamc  la  Marquise^  et  que  la  jouis- 
sance d'une  liberté  illimitée  résultant  du 


mariaj;e,  d'après  ee  quVlle  avait  entendu 
dire  à  ses  eonq>agnes,  u'iMait  <jn  nii  rèv(\ 
qu'une  illusion.  En  ellet,  les  mots  de 
souinls'iion  ,  iVolfrisia/fce,  iX nhriôi:;ntion, 
de  (h-eoir^  résonnaient  sans  cesse*  à  son 
oreille.  Aussi  avait-elle  ])lus  CMivie  de 
])leurer  que  de  sourire  lorscju'elle  alla  re- 
joindre dans  son  appartement  de  pen- 
sionnaire en  vhnnihre^  dame  l'iurielle,  la 
vieille  feuune  de  charge  de  sa  mère,  que 
31.  de  Kervallan  avait  placée  auprès 
d'elle. 

Les  quinze  jours  suivants  furent  rem- 
plis par  les  fréquentes  visites  du  31  ar- 
quis  au  parloir,  par  l'arrivée  d'un 
trousseau  magnifique,  et  par  l'envoi 
de  bouquets  et  de  riches  cadeaux,  hom- 
mages du  futur  époux.  Reine  s'accou- 
tumait peu  à  peu  à  le  voir;  elle  le 
trouvait  aiiuable,  et  la  gaieté  naturelle 
à  son  âge  renaissait  dès  qiril  n'('tait 
plus  là;  mais,  en  sa  présence,  la  jcniiie 
fille,  naturellement  très-timide,  était  plus 
timide  encore.  Les  manières  du  ^larquis 
avaient  une  telle  élégance,  il  disait  avec 
tant  de  grâce  les  choses  les  plus  ordinai- 
res, que  Reine,  pénétrée  du  sentiment 
de  son  infériorité,  osait  à  peine  répondre 
par  monosyllabes,  prononcés  bien  bas, 
à  des  discours  si  fleuris. 

Le  grand  jour  arriva.  La  robe  de  la 
mariée,  en  brocard  d'argent  et  garnie  à 
j)rofusion  de  riches  dentelles,  s'étendait 
en  larges  plis  sur  d'énormes  paniers. 
Ses  cheveux,  crêpés  et  poudrés,  étin- 
celaient  du  feu  des  diamants;  une  ri- 
vière de  diamants  entourait  son  cou 
frêle;  des  pendants  d'oreille  magnifiques, 
des  bracelets  de  toute  beauté,  des  ba- 
gues complétaient  l'éblouissante  parure, 
objet  d'envie  pour  im  jjrand  nombre 
de  ses  compagnes. 

Par  l'effet  d'ime  faveur  toute  spéciale, 
la  bénédiction  nuptiale  fut  donnée  dans 
la  chap(>lle  du  couvent,  ]iuis  la  noce 
somptueuse    se    rendit   au    château    de 


M.  de  Kcrvalluii,  ou,  pendant  deux  s.- 
niainrs,  les  fêles  succédèrent  aux  fêtes 
sans  aucune  interruption.  Les  vassaux, 
les  pauvres,  venus  de  dix  lieues  à  la  ron- 
de, en  prenaient  lenrpnrt;  en  Bret.ijjne, 
alors  comme  aujtnuil  liui,  on  tenait  à 
liomieur  de  se  montrer  hospitalier  jus- 
ques  envers  les  plus  InnnhK'S. 

La  nouvelle  mariée,  toutétourdied'une 
existence  si  dillérente  de  la  vie  paisi- 
ble (lu  couvent,  et  sans  cesse  préoecu})ée 
de  la  crainte  de  manquer  aux  lois  de  1'»'- 
tiquelte,  aux  exi»;enc<'S  du  cérémonial, 
soupirait  qneI<piefois  après  le  moment 
où,  dans  son  beau  ebàteau  de  Kernao,  il 
lui  serait  permis  de  se  reposer  de  tint 
d'a(;itatîons,  de  toilettes  à  faire,  et  de 
faliyues. 

Mais,  à  son  (jrand  cba{;rin,  le  .ALir- 
quis,  i>eu  désireux  tle  s  enfermer  tète- 
à  tête  avec  une  pensionnaire  pi'estpie 
muette,  entraîna  sur  leurs  pas  la  l'oule 
des  conviés,  et  Reine  se  vit  appelée  à 
jouer  le  rôle  de  maîtresse  de  maison  sans 
avoir  eu  le  tenq)s  de  s'y  préparer;  aussi 
ragitalion  et  les  fatijjues  j]randirent-clles 
dans  une  projwi  tion  t  iVrayantc. 

lAjrsipie,  (pi«l(piel\>is,  Reine  se  trou- 
vait seule,  elle  S4Mitait  peser  sur  son  cfcur 
uur  amertume  inexprimable  iceslquelle 
avait  bientôt  compris  (pie  son  mari,  in- 
capable de  man(pier  aux  é^jards  dus  à 
nuuluniv  la  Marifuiic  de  l'orzi/it^y  n'é- 
prouvait pour  elle  (pie  la  j)lus  parfaite 
indifférence.  Que  tous  les  deux  fussent  en 
tête-à-tête,  chose  rare,  ou  (juils  fussent 
entourés  de  leurs  hôtes  nombreux,  ses 
manières,  sou  ton  respiraient  I.i  plus  ex- 
(piise  politesse,  et  Reine  >«•  sentait  d«'- 
conoiTlée,  jjlacée. 

\a'  IManpùs  faisait,  eu  général,  fort 
|>eu  de  cas  des  femmes  ;  s'il  l'avait  osé, 
il  leur  aurait  rerus(''  une  âme  :  il  leur  re- 
lns.ii(  du  moins  \c  bon  sens,  la  raison  et 
surtout  l'esprit  <le  conduite.  A  non  avis, 
le  mariage  n'était  (Qu'une  allaite  de  tx>n- 


venancc  :  on  se  mariait  pour  ne  pas  lais- 
ser mourir  son  non.  Le  fils  aîné  était 
tenu  d'eu  soutenir  l'éclat;  les  cadets,  fils 
et  filles,  appartenaient  de  droit  à  1'-  j^lise 
et  au  couvent.  Quant  à  ré[>ouse,  si  elle 
était  jolie,  si  elle  avait  du  savoir-vi- 
vre, elle  servait  d'oruement  à  son  salon, 
unis  elle  ne  devait  s'immiscer  en  rien 
dans  la  direction  de  sa  maison,  confiée 
aux  soins  d'un  intendant  et  de  ses  f;ens. 

Passioim»'  pour  la  chasse  et  pour  le 
jeu,  le  ^larquis  vivait  dans  un  tourbillon 
perpi'tuel  ;  sa  feuunc  s'y  trouvait  entrai- 
ii('e  lorscjuil  invitait  chez  lui  ;  mais  lors- 
(pi'il  répondait  seul  aux  invitatiuiis  de 
ses  amis,  il  la  laissait,  pend mf  lî.  .  nuis 
entiers,  livrée  à  elle-même. 

Ce  n'était  {io'int  là  ce  que  Reine  avait 
rêvé  pendant  le  petit  nombre  de  jours 
qui  avaient  précédé  son  mariajje.  Triste, 
abattue,  elle  se  surprenait  à  regretter  le 
couvent,  les  bonnes  religieuses  si  afft»c- 
tueuses  pour  les  jeunes  filles  confié-es  à 
leurs  soins,  ses  compagnes,  dont  la  gaie- 
té  conunuuicativc  l'avaient  f.iit  sortir 
plus  d'une  fois  de  son  caraclère  naïu- 
n  Uement  ivlli  ehi  et  sérieux.  TiHiies 
(  Dviaient  probableuieut  les  plaisirs  (pi« 
goûtait  Madame  Ut  Marqnrst  dans  sou 
niagnili(pie  manoir...  Et  O'tte  soni|>> 
tueuse  demeure,  les  nombreux   '  :.- 

(pies  dont  Reine  était  entouii,,  .  .  a- 
(pietle  qui  réglait  ses  moindres  actions, 
(haines  bien  lourdes  im]M>M-es  par  U 
laiij;  (  t  la  richessi^  tout  senibl ait  ixïu- 
couiir  pour  lui  fiire  mieux  sentir  son 
complet  isolement!  Il  lallailà  toute  heuiY 
et  toiijoui-s  se  souvenir  (|u'«  lU"  était 
Madame  la  Marquij^f. 

Dame  ICuiielle,  que  le  !Mar<pii<«  lui 
avait  |>ermi$de  plaivr  au  iiondin*  de  srs 
Uninus,    nxvvait  I>  '  '         i- 

nui^i,  -'■--  •■    '•  •'•^-   ' 
(pi'ai' 

p(*et  les  plaintes  naïves  de  sa  maiii 
mais  chaque  fois  elle  n|H' lait  :  •  MaJ.uno 


8 


la  IMarqiiise  s'y  fora.  Toutes  les  daines  de 
liant  parafe  ne  viviMit  pas  autrement  que 
IM'"»-'  la  Marcinise,  et  tous  les  jeunes  sei- 
f^neurs  passent  leiu-  teni]>s  à  la  eliasse  et 
dans  les  plaisirs  eonnne  ÎM.  le  Marquis. 
Lorsque  31.  le  IMarquis  reviendra,  les 
j>rands  dîners  et  les  fêtes  recouunence- 
ront.  » 

Reine  soupirait  et  faisait  si[;ne  de  la 
tète  que  ce  nVHait  point  à  cela  qu'elle 
aspirait. 

Son  unique  joie  était  de  répandre  au- 
tour d'elle  les  bienfaits;  mais  il  fallait 
mettre  des  bornes  à  sa  générosité.  L'in- 
tendant osait  parler  d'économie,  alors 
que  la  profusion  régnait  dans  le  château  ; 
alors  que  trente  domestiques,  hommes 
et  feunnes,  passaicMit  dans  l'oisiveté  les 
jours,  les  semaines  ;  et  cependant  les 
villages  dépendants  du  manoir  offraient 
l'aspect  de  la  misère  ;  les  pauvres  jour- 
naliers gagnaient  à  peine  dans  une  lon- 
gue journée,  commencée  à  deux  heures 
du  matin,  été  comme  hiver,  tant  que  du- 
raient les  travaux,  de  quoi  empêcher 
leurs  femmes,  leurs  enfants  de  mourir 
de  faim  et  de  froid!  Oui,  l'intendant 
parlait  d'économie  à  celle  qui  savait  que 
le  maître  dépensait  en  chiens,  en  che- 
vaux, et  perdait  journellement  au  jeu  des 
souunes  dont  la  centième  partie  aurait 
sufli  pour  nourrir  dix  familles  pendant 
une  année  entière  ! 

Reine  cherchait  un  refuge  contre  ses 
pensées,  une  consolation  à  ses  peines 
dans  la  prière,  dans  le  travail,  et  une 
distraction  dans  les  lectures  que  le  Clia- 
peliin  faisait  à  haute  voix  pour  abréger 
les  veillées  déjà  longues.  Du  petit  nom- 
bre de  livres  répandus  alors  dans  le  pavs, 
où  ne  régnait  pas  (  ncore  la  monic  des 
bibliotlièqu<\s ,  celui  que  Reine  préférait 
c'étiit  V Histoire  de  Bretagne  ]>ar  tlom 
Lobineau.  Cet  ouvrage  ouvrait  à  sa  pen- 
sée, à  ses  réflexions,  des  voies  nouvelles. 
Souvent  Reine   interrompait  la  lectme 


pour  demander  des  explications,  et  ses 
questions  montraient  une   justesse  d'es- 
])rit    fort    remarquable   dans    un  âge  si 
tendre.    Elle     revenait    avec   insistance 
sur     certains    chapitres ,    sur    l'origine 
de    la    noblesse  ,  sur  ses  droits  ,  sur  ses 
devoirs ,  sur  le  rang  qu'avaient  tenus  ja- 
dis les  fennnes  en  Bretagne,  siu'  l'autorité 
qu'elles  y  avaient   exercée  ;  elle  voulait 
aj^prendre  encore  l'origine  des  corvées, 
celle  des  privilèges,  et  le  Chapelain  s'é- 
toimait   des    réflexions    judicieuses   qui 
sortaient  de  cette  bouche  enfantine,  des 
conclusions  que  la  jeune  jMarquise  tirait 
de  certains  f:iits  auxquels  il   n'avait  pas 
songé   à  s'arrêter  jusqu'alois  :  mais  ce 
qui  dominait,  c'était  un  esprit  de  charité 
vraiment  évangélique,  cet  esprit  se  mon- 
trait dans  les  actions  autant  que  dans  les 
paroles.  Ainsi,  au  grand  étonnement  de 
dame  Eurielle,  la  jeune  Marquise  avait 
ordonné  que,  pendant  trois  jours  de  la 
semaine,    ses  femmes    travailleraient   à 
des  layettes  et  à  des  vêtements  pour  les 
pauvres.  «  Jamais  cela  ne  s'est  vu  !  »  di- 
saient les  chambrières  entre  elles.  Mais 
la  3Larquise  prêchait    d'exemple;    elle 
taillait  et  faisait  tailler  dans  les  pièces 
de   toile  dont  regorgeait  la  lingerie,  et 
qui  avaient  été   filées  au    château,    des 
trousseaux   tout  entiers;   pendant   trois 
jours,  les  métiers  à  tapisserie,  les  petits 
ouvrages  à  la  navette,  en  vogue  à  cette 
époque   et    qui   servaient    aux    grandes 
daines  à   amuser    leurs    loisirs,    étaient 
abandonnés;    les   chambrières,   comme 
leur  maîtresse,  cousaient  et  ourlaient  à 
l'envi    de  la   grosse  toile  de  chanvre. 

Le  retour  imprévu  du  Marquis  vint 
suspendre  ces  travaux,  à  la  grande  joie 
d(\s  femmes  de  la  ]Marquise,  et  les  iiètes 
recommencèrent. 

L'hiver  entier  se  passa  ainsi.  Toute  la 
journée,  Reine,  richement  parée  et  le  sou- 
rire sur  les  lèvres,  faisait  les  honneurs 
de    chez    elle    à   ceux    qui     arrivaient, 


aprcs  1rs  avoir  lails  à  c«'U\  qui  paiLiieiit; 
mais  le  soir,  à  genoux  dans  son  oratoire, 
«  lie  priait  et  pleurait,  cleinaiulant  à  Diru 
la  résignation  dont  elle  avait  besoin  pour 
accepter  sans  révolte  la  crurlle  iiulillé-- 
renee  de  l'époux  qu'elle  aimait. 

Au  printenjps,  le  Marquis  radieux 
annonça  que  ses  amis  de  Versailles  Ten- 
gajjeaient  à  venir  les  rejoindre,  assurant 
(pie  1«'  roi,  prévenu  en  sa  faveur,  le  ver- 
rait volontiers  à  la  Cour. 

Sans  retard,  on  s'occupa  des  prépa- 
ratifs de  ce  loujj  voyage,  et  les  hôtes  du 
^I.n<pli^  promirent  avec  empressement 
<!«•  prolonjjer  leur  séjour  à  Krrnao,  afni 
de  distraire  la  ^Iar(juise  de  la  doul'  ur 
(pie  devait  lui  causer  une  séparation 
peut-être  de  lonjjue  durée. 

La  veille  de  son  départ,  le  Maïquis, 
après  être  resté  enfermé  une  partie  de  la 
matinée  avec  son  intendant,  fit  deman- 
der à  sa  fenune  de  vouloir  bien  lui  :\r- 
eorder  la  faveur  de  queKpies  minut«^s 
d'entretien. 

I^s  portes  d(*  l'appartement  de  la  Mar- 
quise s'ouvrirent  dès  qu'il  parut ,  <  t 
un  valet  amionca  :  «<  Monsieur  le  .^lai- 
«piisî  .» 

H  salua  avec  courtoisie,  présent  i  I  i 
main  A  sa  fenune  ynniv  la  ramener  an 
fauteuil  (]u'ell(*  occupait  au  moment  on 
il  ('tait  arrivt',  et  s  assevant  dans  celui 
«pjc  le  valet  avait  avancé,  il  dit,  d'un  air 
poli  mais  froid  :  <«  J\ii  souliaiti'*,  IMadame, 
«1  avoir  1  lionneur  de  vous  voir  un  ins- 
tant pour  vous  faire  cotmaître  mes  in- 
tentions. Mon  séjour  à  la  (lour  nécessi- 
tera sans  doute  (pielcpies  saenliees  ;  <*e- 
pen<lanl,  je  dé-sue  ne  vtnis  en  inqmser 
auenn.  Ma  maiM)n  restera  donc  montée 
snr  le  mèm<'  pied,  et  mon  intendant 
])rcndra  vos  ordr«s  pour  les  réformes 
intérieures  (pii  ])0!irrt>nt  vous  paraître 
nM*essaires.  Je  tiens  posiliviMucnt  à  ce 
(pu*  ces  n'formes  restent  inaperçues.  Il 
ne  tant  pas  «pi'on    pni'i'îe  me   snpposiT 


capable    d'exij^er  de   vous,  Mad  <!ii>      !  i 
moindre  privation. 

—  Pardon,  monsieur  le  Marquis,  niais 
une  si  nondireuse  livrée... 

—  Telle  est  ma  volonté.  Madame,  il 
doit  être  aussi  bien  avéré  |>our  tout  le 
monde  que  la  retraite  où  vous  vive/,  est 
de  votre  choix,  que  je  ne  vous  l'iuqHjse 
pas.  Je  n'ai  pas,  vous  le  savez,  le  ridicule 
d'être  jaloux,  et  j'entends  ne  point  pass-r 
pour  un  tvran.  Vous  aurez  donc  l'iJdi- 
[jeance  d'ail»  r  de  temps  en  temps  visiter 
Mesdames  de  ]M«'nec,  de  Lantt'nac,  d»" 
Rosmadec  et  de  Mirvaen;  je  vous  prie, 
en  outre,  de  donner  des  repas  aux  fêles 
pi*incipal(  s  dt»  l'année;  vous  y  inviterez 
les  dame^  et  les  s«Mgneurs  iln  v.  ixi- 
nap,e. 

—  ^lonsicur  le  ^larquis,  dit  Reine  en 
balbutiant  ,  serons-nous  privés...  ]H)ur 
lonjjtemps...  de    la  joie...  de  votre  pré- 


s<ne( 


.") 


—  Moi-même,  ^ladame,  je  li-nore. 
Jo.se  esp«'rcr  que  vous  uie  ferez  la  j;ràee 
de  ni'{'ei  ire  (piehjuefois. 

—  .\h!  monsieur  le  .'Marquis,  jH>uvez 
Vous  douter  du  bonheur  que  j'éjMouve- 
I  «i  en  recevant  de  vos  nouvel!»  -  '  Vf 
jMiis(pi«'  vous  me  jx^rmettez.... 

—  (Test  une  f  iV(  ur  (juc  je  soUicie, 
"Nladame.  * 

.\yant  dit  iys  mots,  d  st'  lev  i,  saim  et 
disparut. 

Reine  pleura  lon{^;teuips.  J\u  à  peu 
cependant  ses  laruu^  se  tarin'ot 

"  J(^  ne  serai  pas  toujours  uuc  enf.mtl 
se  disait-elle.  Kt  je  me  (^induirai  de  Iflle 
S(^rte  que,  mal^jn»  lui,  il  fmira  |vir  m'ai- 
uier!  •• 

Mlle  sonna  ses  fenuurs  pour  s<*  faire 
habiller,  car  il  y  avait  c«»  jour-là  (;raud 
dîner  et  bal. 

I.e  IManpns  put,  a  nnnuit.  i-t>uj;e  de 
.ses  hôtes,  et  les  jours  suivants  il  fallut 
(pie  Reine,  (\-\(  liant  sa  douleur,  .s'ocxiipit 
des  plaisirs  de  ces  cxcrllents  amis,  qui 


iO 


prolon^^èrml  \c  ])liis  posslhlo  leur  sijoiir 
au  cli.Urau  do  Kcniao. 

Enfin  cWc  ivspiia!...    cWc  rlall   seule. 

Quiu/.e  jours  so  passèiriU  ru  nu'ilita- 
tions  st'iieuses  et  on  couiéienees  avec  le 
Clin]>elaiu;  la  jeune  feuune  avait  compris 
que  le  inoniont  était  venu  de  remplir  les 
devoirs  de  maltresse  de  maison,  ayant 
charge  ddmrs^  qui  lui  étaient  iiuposés. 

La  Marquise  fit  mander  l'intendant; 
elle  voulaileonnaitre  le  cliilïre  des  reve- 
nus ,  celui  auquel  s'élevaient  les  dépen- 
ses de  la  maison^  et  elle  ressentit  une 
vive  terreur  en  apprenant  qu'ime  partie 
de  ces  revenus,  si  considérables  pour- 
tant, était 'cnga(jée. 

Boideversée  par  cette  découverte  ,  elle 
demeurait  nniette,  tandis  que  l'inten- 
dant, tout  en  riant  en  lui-même  des  pré- 
tentions de  cette  enfant  à  se  poser 
comme  maîtresse,  lui  donnait  des  expli- 
cations qu'elle  ne  pouvait  très-clairement 
comprendre. 

A  qui  demander  conseil?  quelles  ré- 
formes opérer  dans  une  maison  où  les 
valets,  bonnnes  et  femmes,  aidaient  sans 
aucun  doute  l'intendant  à  entretenir  un 
désordre  dont  tous  profitaient? 

D'un  geste  elle  congédia  cet  homme 
qu'elle  savait  être  tout  dévoué  à  son 
mari,  et  elle  couiut  s'enfermer  dans  son 
oratoire.  Là,  à  genoux  au  pied  du  cru- 
cifix, elle  demanda,  les  yeux  baignés  de 
larmes  et  les  mains  jointes,  des  lumières 
pour  la  guider,  des  forces  pour  la  sou<- 
tenir  ! 

Devait-elle  faire  connaître  à  son  père 
les  désordres  de  son  époux?...  Non,  elle 
ne  le  devait  pas. 

Après  plusieurs  nuits  d'insonmies , 
après  avoir  senti  que  personne,  pas 
même  le  Cliap.elain,  ne  devait  être  ins- 
truit de  ses  angoisses  et  surtout  du  sujet 
qui  les  causait,  une  idée  soudaine  vint 
illuminer  son  esprit.  Elle  avait  près  d'elle 
le  conseiller  le  plus  utile  à  ses  projets  de 


rélorme,  et  l'instrument  docile  dont  elle 
pouvait  se  servir  poui"  les  (wécuter,  sans 
mettre  qui  (|ue  ce  fùtdanssa  confidence: 
c'était  Hélon,  le  valet  de  chambre  que 
lui  avait  donné  son  père. 

Hélon  a])partenait  à  cette  race,  aujour- 
d'hui perdue^  de  serviteurs  fidèl(\s,  dé- 
voués, de  générations  va\  générations,  à 
la  maison  de  leurs  maîtres,  et  se  faisant 
un  point  d'honneur  d'en  soutenir  le 
lustre  en  ce  qui  dépendait  d'eux.  Reine 
n'hésita  pas  un  instant  à  se  servir  de  Hé- 
lon et  à  demander  son   aide. 

Il  écouta  dans  un  silence  respectueux 
ce  que  sa  jeune  maîtresse  jugea  à  propos 
de  lui  dire  sur  la  nécessité  d'occuper  un 
nombreux  domestique  que  M.  le  Mar- 
quis ne  voulait  pas  congédier,  et  dont 
l'oisiveté,  pendant  l'absence  du  maître, 
pouvait  avoir  des  inconvénients  graves; 
puis  elle  parla  du  désir  qu'elle  éprou- 
vait de  donner  du  travail  aux  hommes, 
aux  femmes  des  villages  environnants, 
surtout  pendant  la  saison  où  les  tra- 
vaux des  champs  se  trouvent  forcément 
suspendus. 

'<  iMadame  la  Marquise  a  bien  raison, 
dit  Hélon,  le  salaire  vaut  mieux  que 
l'aumône.  Les  vassaux  seraient  moins 
pauvres  s'il  y  avait  dans  le  pays  quel- 
ques métiers  pour  tisser  le  fil,  le  coton  et 
la  laine  que  les  femmes  filent  toute 
l'année. 

—  Pourquoi  n'aurait-on  pas  de  ces 
métiers,  Hélon  ? 

—  Madame  la  IMarquise,  il  faudrait 
en  même  tenqis  faire  venir  quelques 
bons  ouvriers  pour  enseigner  à  monter 
et  à  tisser. 

—  Est-ce  que  ce  serait  impossible? 

—  Non,  Madame  la  IMarquise,  mais 
un  emplacement  pour  les  mettre? 

—  H  me  semble  que  les  grandes  salles 
du  rez-de  chaussée  des  communs  pour- 
raient servira  cet  usage? 

—  Oh  1  si  Madame  la  jMarquise  per- 


met  que  des  iiu-tieis  soient   établis  au 
«  liâteau,   cela  lèvera  bien  des  difllcullt's. 

—  Je  le  permettrai,  Héion.  Mais  quelle 
strait  à  peu  près  la  dépeiis<? 

—  Dans  un  jour  ou  deux,  je  pourrai 
le  dire  à  Madame  la  Marquise,  et  aussi 
les  idées  qui  me  seront  venues  d'ici  là. 

—  Prenez  le  tenqis  nécessaire,  Hélon. 
Jt"  s«  rai    bien    aise  moi- même  de   réllé- 

(  Iiir Croyez-vous  que  la  livrée  irait 

travailler  dans  les  ateliers,  si  j'en  établis- 
sais au  cliâteau? 

—  Madame  la  Marquise,  il  y  aurait 
un  moven  de  l'v  décider. 

—  I.,«(juel.' 

—  Ce  serait  de  payer  le  tiavail  en  de- 
hors des  (^ages. 

—  Et  ce  ne  serait  que  justice,  dit  Reine 
\ivement.  Mais,  ajouta-t-«lle  anssilùt,  je 
i»r  dois  pas  m  en^aj^cr  éttturdinienl  dans 
d»  *  dépenses  au-tlessus  de  c<lles  que  je 
\eui  faire. 

—  Obi  Madame  la  Manpnse  n"a  rien 
a  craindre  de  ce  côté.  L  achat,  rétablis- 
sement des  métiers,  renj^j;ip,ement  et  le 
voya^je  de  quelques  bons  ouvriers  coûte- 
ront sans  doute  un  peu  clur;  mais  si 
Aladame  la  Mar(|uise  me  le  jH'rmet,  je 
lui  prouvrrai  par  descbilbes  que  ces  dé- 
pendes une  lois  couvertes,  il  y  aura  une 
(,rand«  économie,  même  en  payant  un 
salaire  aux  (jens  à  jjajjes,  à  faire  tisser  au 
(bateau  les  toiles  de  chanvre  et  di-  lin 
(pion  fait  faire  chez  les  tisserands  du  de- 
hors, ri  les  draps,  les  toiles  ileioton  or- 
(Unaiie. 

—  Vous  croyez?  demanda  Reine  avec 
un  mouvement  de  joie. 

—  J'en  SUIS  sûr,  Madame  la  .Mar(pn>4', 
une  é(*ononiie  notable,  sans  eonqUer 
tout  le  bien  (pie  cela    fera  dans  le  pays. 

—  Oh  I  je  Voudrais  que  les  métiers  fus- 
M  lit  déjà  ici  avtv  les  Ihiii>  oiivrieis  dont 
NOUS  parl«  z!...  Ib'Ion,  il  faut  m  .ip}H)rter 
le  plus  tôt  {M)ssible  un  ■•< 
(lia  coulera.  Je  parle  lu  - 


!e  c«*  que 
iiM  ment. 


au  inoins!  .Alalheureusement  M.  le  Mii- 
quis  est  absent  pour  lonj^tempsl  le  Cha- 
pelain se  plaint  de  voir  les  latpiais,  les  va 
lets  de  pied  passer  des  jounu'es  entières 
à  jouer  aux  cartes  ;  nos  pauvres  vassaux 
sont  bien  malheureux  I...  Tout  cela  me 
tounneiite,  me  chajjrine...  Allez,  alltz 
vite,  commencer  vos  calculs,  et  dès  qu'ils 
s<Tont  prêts,  il  fuidra  me  les  apporter.  • 

Trois  mois  après,  des  métiers  à  tisser 
le  fil  de  chanvre,  de  lin  et  de  coton,  et 
d'autres  métiers  à  tisser  la  laine  filée, 
étaient  établis  dans  les  salles  liasses  des 
communs  sous  la  direction  des  ouvriers 
que  Hélon,  d'après  les  ordres  de  sa  maî- 
tresse, avait  fait  venir  de  Laval  pour 
les  toiles  de  fil,  de  Cholet  |X)ur  les  toiles 
de  ojton,  de  Jouss*  lin  |>our  les  draps, 
de  .Malestrois  j)our  les  grosses  étofl«'S  de 
laine.  Ib'Ion  ,  premier  contre-uiaitre, 
avait  su  (h'eider  la  livrée  à  parlajvr 
des  travaux  bien  rétribuées;  quant  aux 
femmes  des  villa{;es  environnants  »  11(^ 
vovaient  venir  l'hiver  sans  inquiétude, 
car  elles  étaient  certaint^  de  ne  plus 
manquer  de  JiUi^e^  et  leurs  maris,  leurs 
enfants  seraient  assurément  employés 
|>en(lant  toute  la  mauvaise  saison. 

Ot  établiss4Mnent  s'était  fait  ^.ii> 
bruit,  et  sans  que  la  jeune  Marquise 
maïKpiàt  aux  devoirs  de  bon  voisinage 
(jiie  lui  .ivait  impos<'*s  son  mari.  Elle 
.dlail  en  grand  ap|xuat  rendre  des  vi- 
sites ;  elle  en  rt^wait,  elle  donnait  de 
grands  repas  aux  jours  i-onsacre.-»  i>ar 
l'usage,  puis,  avec  un  l>oiiheur  inexpri- 
mable, elle  HMitrait  dans  le  t^rrle  des 
uccu|vitions  journalières  «lu'elle  avail  su 
se  créer  et  qui  remplissaient  si  <         •      t»'- 

ment    sa   Nie   que    l'enuiii    n\q-, i»l 

jaiii  lis  d'(  Ile,  bien  (pi\  lie  vtvûl  le  plus 
SiUiveiK  ilaii«  une  sttlitude  cviinpIiCi*. 

l/inteiidant  av.iil  laisM'  faiir,  |»arfai- 
tement  assun',  si  c»»  (a^rnf  durait  «  son 
nn*  twp  lot  -  <.  qu'un  mol  Af  lui 
à  son  mailK  i  1»«'»«r  que  les  a;e- 


i2 


liois  fonilés  ])ar  la  Marquise  fussont  à 
Tinstaut  frruu's.  Ut  iiie  pouisuivait  donc 
sans  olistat'lr  la  tâclie  qii't'lK*  s't'ta'iL  iiu- 
post'v.  Avec  la  vivacité  criina};inalit)u  (jui 
est  \c  parta{;c  de  la  jriuiossr  ,  clic  fonnait 
une  foule  de  projets;  tous  avai«Mit  pour 
but  d'arriver  à  dc(;aj»cr  les  revenus  de 
son  mari;  et  elle  se  disait  avec  une  joie 
enfantine  :  «  Il  aimera  la  petite  pension- 
nain.,  quand  il  verra  ce  qu'elle  a  été  ca- 
pable lie  faire  !  » 

Les  Ion  Jolies  rêveries,  qui  n'avaient 
servi  qu'à  la  rendre  bien  malheureuse, 
n'étaient  plus  possibles  :  tout  son  temps, 
toutes  SCS  pensées  appartenaient  k  son 
œuvre  naissante.  Elle  se  sentait  joyeuse 
et  fière  d'avoir  deviné  que  Hélon  était 
l'aide  actif  qu'il  lui  fallait  ;  dans  un 
autre  temps  Hélon  se  serait  facilement 
élevé  à  la  fortune  par  l'industrie,  car  il 
en  avait  le  génie,  et  il  le  prouvait.  Un 
mot  de  sa  jeune  maîtresse  suflisait  pour 
développer  dans  sa  tète  les  idées  fécon- 
des qui  s'y  trouvaient  en  germe  ;  la  ré- 
flexion les  mûrissait,  et,  souvent,  de  lui- 
même ,  il  allait  au-delà  de  ce  que  la 
iVIarquise  avait  pu  imaginer. 

ÎNIais  lorsqu'une  lettre  bien  froide  du 
Marquis  arrivait,  l'espèce  d'enivrement 
qui  résulte  d'une  vie  active  et  occupée 
disparaissait  pour  faire  place  à  ce  déeou- 
lagement  amer  qu't'prouve  un  cœur 
aimant,  ramené  soudain  au  sentiment 
de  son  abandon.  Plusieurs  jours  se  pas- 
saient pour  la  jeune  épouse  méconnue 
et  délaisî^ée,  dans  un  abattement  inex- 
primable. Elle  ne  comj)renait  })lus  com- 
ment elle  avait  pu  perdre  le  souvenir  de 
ce  qui  faisait  le  malheur  de  sa  vie  ;  elle 
voyait  s'évanouir  d'un  seul  coup  toutes 
ses  espérances.  L'avenir,  qu'elle  avait 
paré  des  plus  riantes  couleurs ,  s'assom- 
brissait de  nouveau,  et  ses  i)leurs  cou- 
laient. 

Peu  habile,  comme  toutes  les  femnîcs 
de  son  temps,  dans  l'art  d'écrire,  et  bien 


moins  habile  encore  à  cacher  sa  pensée, 
vWc  reeonnneneait  viM;;t  et  vin^jt  fois  la 
n'ponse  (jn'elle  croyait  devoir  au  mar- 
quis .  et  tpie  celui-ci  ne  lisait  jamais. 
A'osant  ])as  lui  parler  de  ce  qu'elle  avait 
eu  la  hardiesse  d'entreprendre  sans  avoir 
demandé  son  autorisation,  et  renliM- 
mant  av(U^  soin  c\\  elle-même  une  t<Mi- 
dn^sse  qui  n'était  point  partagée,  Heine 
se  bornait  à  tracer  cpielques  lignes  insi- 
gnifiantes et  dont  elle  rougissait,  car  elle 
sentait  qu'écrire  ainsi  c'était  se  montrer 
dijjnc  de  la  froideur  du  !\L\rquis  ;  que 
c'était  conserver  les  traits  d'une  pen- 
sionnaire gauche,  timide,  et  ])rivée  des 
facultés  intellectuelles  les  plus  ordinai- 
res. Le  mécontentement  d'elle-même, 
quand  la  lettre  était  partie,  le  regret 
d  avoir  fourni  une  preuve  nouvelle  d'in- 
capacité, venaient  se  joindre  à  une  dou- 
leur profonde,  et  bien  des  jours  pas- 
saient avant  que  la  pauvre  Reine  put 
reprendre  son  activité  et  surtout  quel- 
que gaîté. 

La  droiture  de  son  caractère,  les  sages 
conseils  du  Chapelain  lui  avaient  fi\it 
éviter  toute  apparence  de  mystère  dans 
l'entreprise  qu'elle  poursuivait  avec  per- 
sévérance; Reine  n'avait  caché  soigneu- 
sement que  le  motif  qui  l'avait  inspirée 
et  qui  la  dirigeait;  aussi,  elle  rougissait 
d'une  sorte  de  honte  loisque  les  dames 
du  voisinage  louaient  son  active  charité, 
en  mêlant,  comme  de  coutume,  quel- 
ques sarcasmes  à  leurs  louanges.  On 
plaisantait,  mais  tout  I)as,  de  rétal)lisse- 
mentde  métiers  de  tisserands  au  châ- 
teau ;  on  y  voyait  la  preuve  que  la  petite 
Marquise  n'avait  pas  le  sentiment  de  son 
rang,  de  sa  dignité;  et  l'intendant  ayant 
fait  malicieusement  circuler  le  bruit  que 
la  31arquisc,  économe  par  nature,  c'est- 
à-dire  avare,  faisait  vendre  au  loin  les 
toiles,  les  draps  fabriqués  par  ses  gens,  on 
répandait  complaisauunent  cette  calom- 
nie.  Devant  la  jeune  fcnune,  il  y  avait 


13 


a(]uiii.'iti(iii.  f];itl>  ri<>s  ])!us  nu  moins  (>ii- 
tr«'<'.s,  (  t  (  ll(;  s'accusait  au  IriLunal  di-  1 1 
j  (nitciicc  (lavoir  ii eu,  sans  osir  It s  ic- 
|:GUssri",  tlt  s  I()uaii(;{  s  <|u'cllc  ne  uiciiLiit 

««  IMn  filîi',  rcpor.dait  le  v('iicral)lc  prê- 
lir,  qui  avait  aivi  nu  iit  ])('nrlr(' dans  cctl»' 
àuic  in^('iiuc,  (  t  (jui  iri^jiiorait  pas  les 
cujhanas  cites  par  les  dettes  «lu  ^lai- 
<piis ,  si  un  motif  ])ur( ment  liinn.iin 
vous  a  lait  cf)mm(  tire  e(  lie  faute,  l»u- 
mili<'7.-vous  devant  les  lioinmcs  ])ar  un 
av<  u  l'ublic,  après  V(jns  ëlie  linn.ilue 
devant  I)i<  n.  Si.  nii  contraire,  le  silence 
<pje  vons  j;aiil(  /.  <  st,  pour  vous,  lac- 
conipiiss(  in(Mit  d'un  devoir,  ollre/  à 
Dieu  h'S  souHrances  cpie  vous  font  subir 
les  rrjiroclics  de  votre  conscience;  de- 
mande/ à  sa  bonté  de  les  faire  irnclilier 
cl  d'cIoi(jncr  de  vons  le  di'nion  de  Tor- 

nueii: .. 

Keine  se  taisait  <  t  jiri ait  mentah'inrnt 
avec  ferveur,  lindis  (pie  K'  (Chapelain 
appelait  les  Ix'iH^dictions  ilu  (]i«  l  snr 
cette  jt  une  âme  si  tlt'vouci' ,  si  (on- 
raj;cuse. 

.M.  «le  Kervall an,  qui  l'iail  venu  aux 
ietes  de  la  Toussaint,  de  Noël  (t  des 
pieniii  rs  jours  de  i  aimée.  prèt«rà  sa  iillc 
I  appui  de  sa  présence  pendant  les  i^nhn 
doniMS  au  cliàtcau  de  Kernao  à  ci  s  dif- 
férentes jpnques,  d  .iprès  l'ordre  du  Alar- 
(piis  (  t  .suivant  l'usaj;»'  du  pays,  avait  vu 
avec  (  tnnncinenl  les  ateliers  naissants. 
I*i(  ine  s'était  bornc'e  ù  e\pos«'r  à  son 
père  (péayant  trouvé  qu'il  v  avait  éeo- 
nomie  à  faire  fabritpiiM-  au  (  li.iteaii  la 
tt)ilr,  le  drap  ordin  nn\  cl  (pie,  di'sirnnt 
oeeuptM'  les  loisirs  d  nn  nombreux  do- 
uiesti(pie  dont  roisivelé  donnait  nais- 
sance .1  bi«n  des  abus,  elle  nvnl  tin 
pouvoir  tenter  uu  essai,  non  sans  avoir 
plis  le»;  avis  du  (lliapclnin. 

iMais  .M.  tie  Keiv.dlan  ('lait  mieux  in- 
struit des  (b'soidies  de  sou  ceudlT  quc 
Ui  ine  ne  le  p(  ns.nl  .  d   avait  doue  ei»ni- 


pris  le  mobile  qui  fusait  a{jir  sa  fille,  et 
respectant  le  secret  qu'elle  voulait  g.ir- 
der,  il  s'était  borné  à  donner  son  assen- 
timent aux  g('néreux  efforts  et  au  dé- 
vouement de  cett«^  jeune  femme  encore 
enfant. 

Ainsi  eneourafjtv,  Reine,  secondée  par 
Ilélon,  étendit  ranuée  suivante  la  fabri- 
eation  de  ses  ateliers;  on  y  tissait  jus- 
qu'à la  mousseline  pour  les  tentures,  que 
ses  femmes  brodaient  ensuite.  La  jeiuic 
iilar([uise  avait  fait  venir  d'Alençon  et 
de  (]arentan  des  ouvrières  en  dentelles, 
de  Rennes  des  passenienlières  et  des 
fianjjenses;  l'aniu'e  suivante,  ouvriers 
maîtres  et  ouvrièirs  maîtresses  ])urent 
être  remereit'S;  car  les  gens  du  eliâleau, 
les  femmes,  les  enfants  des  villages  envi- 
ronnants donnaient  a.ssez  de  travailleurs 
(  t  de  travailleus<*s  bahiles  pour  suilire 
an   be.soin  il'une  grande  maison. 

Portant  son  attention  >ur  tout.  Reine 
fai.sait  entretenir  à  moins  île  fraie  et  d'uno 
in.inièr.'  plus  intelligente  riniuiense  po- 
lag(U",  le  parterre,  le  \k\yc  ;  les  aumé»nes 
en  vêtements,  en  fruits,  en  lé{;uines,  en 
bois,  poiivnitMit  miinienanl  être  di<îiri- 
buées  aveeplus  «le  larjjf^sse.  \a^  l>ênétlic- 
lions  du  (liel  étaient  elinqur  jour  ap|HléH»s 
par  des  i^fviii^  n*ronnaissanls  sur  la  tète 
de  cet  an{je  envoyé  par  le  (ael  |>*>ur  sou- 
lager tant  de  uialbeureiix,  jus(pi'alor« 
en  butte  aux  inju^tiees  et  A  la  rapaeité 
d'un  intendant  i\\\\  fiisoit  mieux  !ïe« 
alfîiiivs  que  eellt^  de  sou  mnllie,  i  t  fpii 
fondait  s;i  fortune  aux  tlépens  de  cellr 
d'un  dissip.ileiu'. 

Les  demandes  darjent  devenaient 
fi('(pnM»t<»5  de  la  part  du  Alarqui*;  Tin- 
tendant  di-vait  y  satisfaire  îuins  auettn 
délai  (  t  à  tout  prit;  parftii*.  «>'  t   .\ 

sa  uu'ebanetMé  naturelle,  1>I(msi:i«  <i(»n- 
nail  à  enlendrr  t'k  nradame  la  Manpii** 
(pie  bientôt  re  ne  .vrrtienl  plus  setdeuieni 
les  revenus,  que  ce  srr.iienl  les  Icitts 
(pi'il  faudrait  engager;  (jue   le  luouuMit 


li 


vieiulrait  où  31.  \c  -NTartinis  se  verrait 
dans  la  néeessit»'  de  lui  demander  sa 
si};natuie. 

««  M.  le  IMartjuis  est  le  maître!»  ré- 
]:t)ndait  la  ]Martjnise  d  un  air  st-rieux,  et 
elle  eon|;édiait  [Moisant  ;  il  se  retirait 
jo\eu\,   ear    il    ne    doutait    |)as   d'avoir 


éveillé  dans  Tànie  de  sa  jeune  maîtresse 
lie  {jraves  in<|uiétudes,  seule  manière 
(juil  eut  de  se  venjjer  de  la  faveur  dont 
jouissait  Hélon,objetdcsa  jalouse  haine. 

S.  L  LLIVC  Trémadeume. 

[La  fin  au  prochuui  \iiinéro.) 


INSTIU  CTION. 


PCSSIE. 


MES     PENATES. 


Petits  Dieux  avec  qui  j'iiabite, 

Compaj^nons  de  ma  pauvreté, 

A  ous  dont  l'œil  voit  avee  bonté 

Mon  lauteuil,  mes  clienèts  d'ermite, 

iNIon  lit  eouleur  de  carmélite, 

Et  mon  armoire  de  noyer  : 

O  mes  Pénates,  mes  dieux  Lares, 

Cliers  protecteurs  de  mon  loyer  ! 

Si  mes  mains,  pour  vous  festoyer, 

De  gâteaux  ne  sont  point  avares  ; 

Si  j'ai  t:ouveQt  versé  pour  vous 

Le  vin,  le  miel,  un  lait  si  doux, 

Oh  !  veillez  bien  sur  notre  porte, 

Siu-  nos  gonds  et  sur  nos  verroux  î 

Non  j)oint  par  la  peur  des  fdous, 

Car,  que  voulez-vous  qu'on  m'emporte? 

Je  n'ai  ni  trésors  ni  bijoux; 

Je  peux  voyager  sans  escorte. 

Mes  vfeux  sont  courts,  les  voici  tous  : 

Ou'un  peu  d  aisance  entre  chez  nous; 

Que  jamais  la  vertu  n'en  sorte. 

Alais  n'en  laissez  point  apj)ro{  lur 

Tout  front  qui  devrait  se  cacher  : 

Ces  échappés  de  1  indigence. 

Ces  fils  de  leurs  heureux  forfaits, 


Si  durs  avec  tant  d'opulence, 
Si  bas  avec  tant  d'arrogance. 
Si  petits  dans  leurs  grands  palais. 
Oh  !  que  j'honore  en  sa  misère 
Cet  aveugle  errant  sur  la  terre. 
Sous  le  fardeau  des  ans  pressé, 
Jadis  si  grand  par  la  victoire, 
Maintenant  puni  de  sa  gloire, 
Qu'un  pauvre  enfant  déjà  lassé. 
Quand  le  jour  est  presque  effacé. 
Conduit,  pieds  nus,  pendant  l'orage, 
Quêtant  pour  lui,  sur  son  passage. 
Dans  son  casque  ou  sa  faible  main  , 
Avec  les  grâces  de  son  âge, 
De  quoi  ne  pas  mourir  de  faim  ! 
O  mes  doux  pénates  d'argile. 
Attirez-les  sous  mon  asile  I 
S'il  est  des  cœurs  faux,  dangereux. 
Soyez  de  fer,  d'acier  pour  eux. 
iNLais  qu'un  sot  vienne  à  m'apparaître. 
Exaucez  ma  prière,  ô  Dieux  ! 
Fermez  vite  et  porte  et  fenêtre  I 
Après  m'avoir  sauvé  du  traîtie. 
Défendez-moi  de  l'ennuyeux  ! 
Dlcis. 


15 


LiTTi:i;ATriu 


L\    I.OTKIUK    I)K    III  \  Ni  :F0  HT 


ou 


Lorj^AsioN   I  Air  lî:  lauuon 


K>G:ii%o\\iC:8:st 


m;,  ir.lTP:  IlOll-l  N,  nubrr'jlstr  au  villagcdc 

Mtilbron^  près  de  Ungueudu. 

Viiif'l-clBq  .m*,  air  rapaiJe,  pxil.tnt  avec  une  cerlaiiiu 
mii|>(mm:;  pertoniic  q'.ii  a  l.i  pint  liauU-  opiuitin  d'i-llc- 
in''mc.  —  rostuun"  «Je  ilcinni^ollr  de  villa^*. 

ROsKTTE ,  cousine  de  FéfxcUv. 

Sri/ean»;  jniii»"  fille  taio  el  n  uvp.  — r.ojfunu- plin 
lanip'tgiiaiiJ  (|ue  rilui  di*  l>liLit<*. 

rf.HlTîl],  r»e»//f  scrx:anii\  aulrefing  nourrice 
de  Félicité. 


Pailant  peu  et  d'un  ton  nmptr;  .^ 
r«X|>éric'ncc.  —  L^>tlume  de  pjTèii.  i-* 

el  iiu  futtau. 

M;Ml;inie  GODAlll)  DuBKiiS i  MïT. 

(Tiaranli- an^  ;  d'une  elrginrc  >  ilriTaj^antc  ;  Voulant 
prendre  le  ton  du  grand  luooUaf.  —  Carivalurr. 

AM.\M>.\.    f^mm^    dr    r*nmbre  de  madûmr 
Godard. 

^  inplquilrc  ans;  tréi-rlcç Jnfe  ri  l'air  tfè»-»«ip«*- 

I  iix'iil. 


in  si'entr  se  pitsue  an   vilhinf  de  VfUirun  .■  If  ihriilrf  repreiente  iinr  salle  tVniihrrfè,  t*t 

/l'rttt,  nue  porir  et  ntie  fvnêivr  ;  i\  H-  oile,  une  poilt  comlnisitnl  dans  une  ifut/nbrt ,  ri  unt  t  A-  . ^  ,      .  r  i« 

ditsie  une  g/ute;  à  fauche  nm  ttulfet,  el  ti,rce  buffet  un  petit  mitruir  sut/KitJu  rtu  mutn  (kttiti  et  ^tnâom. 


sckm:  pm:Mii:iuù  :i  . 

KKI.ICITF:  lis:n)l,  noSITTK  musant,  ;is««k<ïe  lur 
une  clini.»c  liaiise,  PKlilM-'.  Illani  nu  fond.  |>i<^i 
do  la  foiii'lif. 

Félicité  lisant  hmtt^  (fun  ton  sentent 
deux:   *   L  lunniiu'    |»liilt>su|)ln'    iw    tli- 

(1)  Los  nom»  tir*  pfrîionn.iars  font  Inscrits, 
fn  l^tr  do  rhnqno  yrAiir,  tl»n«  l'ordre m'i  Un  pn  - 
^nnniicru  ciiX'iiiômro  ilni\«  ni  cMu'  pi:  •  >  •  '- 
\rnMiit  au  spi'i  tniciir.  I.c  pu'inii'.  i  :^ 

In  gniuhc  Un  )>pcotati'iir,  le  tcconil  vient  ensuite, 


*  ]>rtnl  «pir»  tic  srs  ]Mi:î(  i|>rs  :  il  iir  se 
■•   l.iissf  |».»s  plus  luniui.M  r  |».ir  l.i  iMïnnP 

•  (Ml  par  l.i  nniivaiv  forlmu*  qui*  le 
"  rtirlicr  p.ir  I.i  Taj^uc  ntciilissAiile  ilr 
-  rOrt'.tn.  ••  Oiit^cel.!  est  vrai  rthirii  Hit  î 

UosF.TTK.  Ail  I  un  ani-iiac,  êlcs-rotw 
îiriircusr  cl'nvoir  vU'-  iii^^truitr  pnr  le  virtix 
pi  tifis«;(Mii  (|ul  II»   imIi  (  !i(  ?  V('t!i*ftiit<     rt 

^t  Iw  chnngomcnl^do  p  — r 

!  ■  -   ■     'r    •--  V  „ 

.1 
k»  s|t€cinlcun>. 


1() 


d'avoir  appris  à  vous  amuser  en  lisant 
ces  gros  livres  (jui  luc  l'ont  bâiller,  moi, 
rien  qu'à  les  re^;artlei  I 

Félicité.  Ce  n'(  st  pas  seulement  du 
])laisir  cpie  j'y  trouve,  ma  clière,  c'est 
le  moyen  de  me  mettre  au-dessus  des 
faiblesses  luunaines,  d'être  toujours  juste, 
sn<;e,  raisonnable,  motlén'e  ,  ilans  mon 
lunnble  ])osition. 

KosETTE.  Ali!  ma  cousine,  il  me  sem- 
ble ipie  vous  n'avez  pas  à  vous  plaindre 
de  votre  ]iosition  î  être  propriétaire  de  la 
meilleure  auberge  de  Molbron... 

Peiune.  Je  crois  bien  que  c'est  la 
meilleure  I  il  n'y  en  a  pas  d'autre,  et, 
connue  on  dit,  cifins  le  royaume  des 
aveuslt's . . . 

Félicité  t interrompant.  Ah  î  ma  chère 
Périne,  vous  voilà  encore  avec  vos  pro- 
verbes. 

Peuine.  Damel  mam'zelle ,  ce  sont 
mes  gros  livres  à  moi. 

Rosette.  Si  INI.  Toffer  était  ici,  il  vous 
appellerait  encore  la  filleule  de  Sancho- 
Pança. 

Périne.  Je  m'en  embarrasse  bien  de 
votre  M.  Toffer  !  un  commis- voyageur 
en  loterie...  qui  veut  toujours  vous  faire 
acheter  des  billets...  et  qui  a  forcé  Ma- 
demoiselle à  en  prendre  un. 

Rosette.  Ah  I  à  propos,  ma  cousine, 
je  lai  retrouvé;  le  voici.  [Elle  prend 
dans  sa  corbeille  à  ouvrage  un  billet 
fjicelle  apporte  à  Félicité.) 

Félicité,  prenant  le  billet.  Merci , 
Rosette. 

Rosette  souriant.  Si  vous  alliez  pour- 
tant avec  ça  gagner  le  gros  lot,  la  ba- 
ronnie  de  Cracofmann  I  devenir  une 
grande  dame  I 

Félicité.  Cela  ne  changerait  rien  à  ce 
que  je  suis,  ma  chère  ;  riclies  ou  pauvres, 
les  honnnes  sont  égaux  ;  et  quand  on  a 
des  principes... 

Périne.  Oui,  oui  ;  mais  il  y  a  un  pro- 
verbe (pii  (lit  que  fjuniul    le   veau  a   fait 


fortune,  il  veut  qu'on  l'appelle  M.  le 
bœuf. 

Félicité.  Et  vous  en  concluez  que 
mon  <'araetère  changerait  avec  ma  posi- 
tion ? 

Périne.  Damel  manrzelle,  c'est  dans 

la    nature moi-même,    voyez-vous, 

(piand  je  vas  à  la  ville  sur  le  vieil  am^ 
(irison,  je  veux  qu'on  me  fasse  place,  et 
je  regarde  les  pi<'tons  comme  rien  du 
tout,  tandis  que  quand  je  suis  à  pied  je 
bougonne  tout  bas  contre  ceux  qui  se 
font  porter.  C'est  dans  notre  pauvre  na- 
ture d'être  fier  avec  ceux  qui  sont  plus 
bas,  et  de  jalouser  ceux  qui  se  trouvent 
plus  haut  :  Faut  pas,  comme  ou  dit , 
(jue  le  toit  du  voisin  dépasse  noire  grenier. 

Félicité.  Parlez  pour  vous,  Périne,  et 
non  pour  ceux  qui  ont  des  principes  î 
Quant  à  moi,  je  déclare  que  je  n'ai  ni  ja- 
lousie, ni  fierté.  J'estime  les  gens  à  leur 
valeur  et  non  d'après  leur  fortune  ou 
leurs  titres  ! 

Rosette,  qui  est  allée  à  la  porte  du 
fond.  Ah  I  ma  cousine,  voilà  un  équi- 
page qui  s'arrête  devant  la  cour. 

Félicité  se  levant  vivement.  Un 
équipage  I  II  nous  arriverait  des  voya- 
geurs en  équipage? 

Rosette.  Il  en  descend  une  belle  dame 
en  (hntelles  et   en  falbalas  ! 

Félicité.  Vite,  vite,  rangez  tout  ici... 
[Elle  range  la  chaise  sur  laquelle  elle 
cl  ait  assise.J 

Rosette  toujours  à  la  porte  du  fond. 
On  vient  de  l'appeler  Madame  la  Mar- 
quise. 

Félicité.  Une  marquise  I  je  vais  à  sa 
rencontre. 

Périne  à  part  ^  ironiquement.  Pour 
prouver  qu'elle  ne  fait  attention  ni  aux 
titres,  ni  à  la  fortune.  Oh  !  pauvre  espèce 
humaine  ;  c'est  toujours  la  même  chose  I 
Comme  dit  le  proverbe:  D'un  sac  à  cJiar. 
bon  on  ne  peut  pas  tirer  de  farine.  [Elle 
sort  prtr  In  droite). 


17 


SCENE   H. 
FÉLICITÉ,  LA  MARQUISE,  ROSETTE. 

Ea  iM^RQUisE.  Al»!  quolle  liorirur  ! 
(le  In  l>ouc,  (les  orniùiTs  !...  mais  on  ne 
balaie  donc  jamais  vos  jurandes  routes, 
il  n'v  a  donc  point  de  police  dans  ce 
pays  ? 

FÊLICITK.  Pardon  ,  IMadamo  ,  nous 
sommes  ici  à  la  campajjnc, 

L4  Marquise.  iMais  cela  n'empcclie 
pas  d'avoir  des  trottoirs;  à  Paris,  il  y  en 
a  dans  les  lieux  les  plus  cliampètres. 

Félicité.  Ah!  Madame  arrive  de  Pa- 
ris?... Donnez  donc  une  chaise,  Rosette. 
(Rosette  va  cherclier  une  chaise).  Et  Ma- 
dame 9^  rend... 

La  Marqiise.  Au  château  d'Obers- 
tadt  ,  un  ancien  marquisat  (pie  je  viens 
d'acheter. 

Félicité.  Quoi!  Madame  serait  la 
nouvelle  propri<''taire?  [A  Rosrtti- qm  r.jj- 
portr  une  chaise^  :  Un  fauteuil,  llosett»', 
donne/,  un  fauteuil.  [Ihtsitte  donne  un 
faut(iùl\  F  V  lui  te  remonte  rcr^  In  porte 
(lit  fnnil^. 

UosETTK.  Voilà,  madame  la  Mar(piise. 

La  1M\HQL'Ise.  Fort  l)ien.  {^S\nscyant.] 
Ah  !  Dieu,  que  c\-st  dm  î 

RosKTTi:.  Dur,  notn*  j;ran(l  i.uiic ml  .' 
il  a  été  lait  pour  les  malades. 

Ia  M  vng\  im;.  Pour  les  maluh-s  d«' 
voire  classe,  ma  chère;  mais  moi  \c  ^uis 
d'une  .sensibilité*.  -  l'Aie  se  retintrne  sur  le 
jnuteuil).  Oh  !...  on  u'tMnploie  donc  point 
les  élasticpies  dans  votre  département? 

KosKTii;.  Panlonnci-moi,  madame  la 
]Mar(piise,  p4.)ur  faire  cl«'s  jarretièn»s  I 

L4  MARyrisK  rVr>///ie>.  Des  jarretièiTS 
en  nvssorls  de  fauteuil!  mais  c'est  alors 
un  ]>ays  ih*  siuva{;es.  ' htle  se  lt\'e  ;  trli- 
rite,  à  (/ui  Prrine  est  venue  /mr/er  du  tir  - 
hors^  retleseentl  vh'enient  vers  ta  Mar- 
ffuise. 


Félicité.  Ah  !  mon  Dieu  !  Quel  con- 
tie- temps  (i;. 

La  Marquise.  Qu'y  a-t-il? 

Félicité.  On  vient  de  s'a|H»rc^voir  que 
lavant-train  de  la  voilure  de  madame 
la  ^Marquise  est  brisé. 

Ea  >E\RgiisK.  Ihisé? 

Félicite.  ]NEidame  la  >farquise  sera 
forcée  d'allendre  qu'on  Tait  réparé. 

Ea  -'Mvrqlise.  ]Mais  c'est  .impossible  ; 
il  faut  (pie  j'arrive  ce  s<jir  à  mon  château 
d  Obersladt.  E  intendant  est  parti  en 
avant  pour  préparer  la  réception  qu'on 
doit  me  faire:  feu  d'artifice,  arc  de  triom- 
phe, illuminations.  J'ai  réjjlé  moi-même 
toutes  les  surprises  ;  si  je  reste  ici,  tout 
est  mancpié.  'A  Fèlictlè  :J  Déclarez,  au 
postillon  cjue  je  veu.v  partir,  M.idemoi- 
selle,  que  je  le  lui  ordonne. 
{^Rosette  f/ui  est  allée  à  la  porte  du  fond  et 

fjiii    a  parle  n   son    tour  à    Penne,   re- 
vent verr  la   Marquise.] 

Rosette.    Pardon,   madame  la    M:u 
quis<%   il   dit  que  la  voiture  est  en  liop 
mauvais  él.it. 

Ev  AKiiQi  isK.  E*inq>crtincnt!  uneU^r- 
line  (pii  m'a  coéité  cin(|  mille  francs;  et» 
sont  vos  routes  ipii  l'ont  anéantie. 

Félicite.  Je  ferai  observer  à  madame 
la  ]NEu(piis<* 

I.v  Marquise /*/>i/^/rr»m^/////   ri  s'ani- 
ma nt  à  mesurt.  Je  vous  ré|H*le,  ^fade 
m(^is(  Ile.  (pi'elles  sont  alTreus»s  . 

]\'»si  riK.  Mais,  madame  la  .'NIarquis(\.. 

I  V  MvHQUISE  tinterrompant.  Que  a" 
sont  des  routes  f.iiles  |K)ur  d«  s  |viysaus. 

Félicite,  (-eprntlant,  madame  la  Mar- 
quise... 

La  .Marquise  i'inferntmf>anr.  Et  que 
des  ;;ens  (X)uune  il  faut  m*  sauraient  s'v 
ha.snrder. 

RosKrTE.  \lt»r>  .  mailauK*  l.i  ^Eir- 
quise... 

E  V    ^î  ^RQUISK  rfnlrtronj'ttni.  El  (pie  J«' 

\    \a  M-inviUo,  FflifHé.  Rr^llf. 


I   1 


18 


vous  trouve  l)i(Mi   ii.udio,  lua  olicrr,  do 
les  (It'lViulre  coutiv  moi. 

RoSF.TTE  reculant  (Ircoriccrtrr.  AlȔ  si 
les  graiul(\s  routfs  ont  ru  dos  toits  onvors 
madame  la  3Iar([uiso,  c'est  J)i(Mi  dl lie- 
ront! 

Felicitk  ironiquement.  îMaliitenant 
que  le  pays  aura  le  l)onlituu*  de  posséder 
une  personne  eoninie  il  laut,  le  Gouver- 
nement s'empressera,  sans  doute,  d'amé- 
liorer les  voies  de  comnumieation. 

LAiNlARQLisE.Jerespère  bien;  mais,  eu 
attendant,  comment  me  rendre  à  Ober- 
stadt,  car  il  faut  que  j  y  sois  avant  deux 
heures. 

Rosette.  Oh  !  c'est  bien  facile;  par  la 
petite  route  de  traverse,  il  n'y  a  pas  plus 
d'une  lieue.  Madame  la  iMarquise  pour- 
rait la  faire  en  se  promenant. 

La  3Iarquise  scdndalisér.  Comment, 
à  pied  I  Tous  voulez  que  j'aille  à  mon 
château  à  pied  ? 

Rosette.  Damel  ça  m  est  arrivé 
bien  des  fois. 

Félicité  ironiquement,  kxow'?,^  Rosette, 
parce  que  vous  êtes  une  petite  paysanne  ; 
mais  apprenez  que  les  gens  bien  nés  ne 
marchent  pas. 

Rosette.  Alors  Madame  la  Marquise 
pourrait  monter  notre  vieil  âne. 

La  Marquise  avec  indignation.  Hein! 
poiu"  qui  me  prenez-vous  ?  Faire  une 
entiée  à  âne  dans  l'antique  marquisat 
d'Obcrstadt  I 

Félicité  ironiquement.  Fi  donc  I  c  é- 
tait  bon  pour  le  Fils  de  Dieu,  entrant  à 
Jérusalem;  mais  3Iadame  la  ^larquise 
est  de  trop  bonne  maison... 

La  3ïvr.Qi  ise.  J'aime  encore  mieux 
prendre  patienc(^;  seulement  qu'on  se 
hâte  de  tout  remettre  en  état. 

FÉLICITÉ.  Le  charron  s'en  occupe, 
]NLidanie. 

L\  Marquise.  P\)rt  bien  ;  en  atten- 
dant, veuillez  me  donner  une  chambre 
où  l'on  puisse  se  reposer. 


JxosF.TTE  allant  vers  la  droite.  Il  y  a  là 
la  eliambro  jaune... 

La  IMarquise.  Oli  I  le  jaune,  je  l'ai 
en  horreur,  il  me  prend  sur  les  nerfs... 
C'est  peuple  !  Chez  moi  tout  est  blanc, 
rose  ou  bl(  u  céleste  !  Les  couleurs  tendres 
reposent  l'àme  et  avantagent  le  teint.... 
Mais  à  ])iopos,  que  devient  donc  ma  oa- 
mériste? 

Rosette,  qui  ne  comprend  pas,  La 
ca...  nié...  riste...  c'est  quelque  bagage? 

Félicité  souriant.  Et  non  ;  Madame 
la  î\Larquise  veut  parler  de  sa  femme  de 
chambre. 

La  jALarquise.  Oui,  Amanda  ;  ouest 
donc    restée  Amanda. 

FÉLICITÉ.  La  voici.  [Félicité  retourne 
à  la  gauche  et  reprend  sa  lecture.) 

SCÈNE  IIL 

I.rs  MÉME.s  AMANDA  kt  PÉRINK  portant  des 
cartons  (1). 

La  MatiquisE,  aii^rement  h  Amanda. 
Et  arrivez  donc,  ÎMadomoiselle  ;  où  res- 
tez-vous? pourquoi  ne  venez -vous  point 
recevoir  mes  ordres? 

Amanda.  Parce  qu'il  fallait  d'abord 
exécuter  ceux  que  Madame  m'avait 
donnés  et  retirer  ces  cartons... 

La  Marquise  s  apercevant  qu  un  des 
cartons  porte  par  Pcrine  est  écrasé.  Ah  ! 
grand  Dieu!  Voyez,  voyez  ,  Mademoi- 
selle. 

Amanda.  Quoi  donc? 

La   IMarquise.  Le  carton... 

Périne.  y  avait  trois  malles  par- 
dessus. 

La  IMarquise,  qui  a  ouvert  le  carton  en 
retire   un  chapeau    complètement    aplati 
Ciel  !   mon  dernier  chapeau  d' Alexan- 
drin o. 

PÉRiriE.  Il  a  l'air  d'une  crêpe  ! 

(I)  Félicité,  Amanda,   la  Manjuise,  Pérlne, 
Rosette. 


19 


Rosette,  7///  s' nt  approrhée  it  (jtti  re- 
garde le  chafjeaii.  Oli  I  et  ce  |)t'tit  coq 
<|U  rLail  là  en  {'iiisr  de  j)Iuinet  ! 

L\  MAiiQLTSK.  LU  oisf.iii  du  Paradis 
de  trois  louis;  voyez,  iMademois<.lle,  dans 
quel  état... 

PÉHl.NE.  Jl  M  a  |)lus  que  la  n>oiti«'  de 
sa  {|ueue. 

Ama.nda.  .Alun  J)ieu,  .Madame,  ce  sont 
les  cahots. 

La  -"NLAiiQi  ise.  Du  tout,  c'est  votre 
lu'^lijjence,  Mademoiselle,  c'est  votre 
maladresse. 

Ama.nda  bit ssrc.  Je  n'ai  jamais  pass(" 
l'our  maladroite  jusqu'ici.  Madame. 

La  INL\RQi  ise.  Probablement  parce- 
<|ue  vous  n'aviez,  rien  à  {jàter. 

Ama.nda  uiurcmeni.  ]NLidame  oubli»* 
(jui  j'ai  servi. 

La  Mai  ytisE.  Mon  Dicul  nous  devez- 
avoir  servi  (|uel(|ue  boutiijuière  de  la 
rue  Saint-Di-nis. 

Ama.\u\  j/lus  aigrtmcnl.  Pas  avant 
d'être  entrée  chez  ^Madame. 

Lv  MiiîQLTSK.  Qiu*  voulez-vous  dire, 
Madrnjoisrile!* 

Amenda  Je  veux  due,  (|ur  quand  on 
a  pu  satisiaire  madame  la  Mcomtesse 
d'Arvilli<'rs,  mademoiselle  de  IW'aïuuont, 
(  (  madame  la  duchesse  de  Mortain,  on 
ne  doit  pas  e(re  trop  mal.idroile  pour 
sjMvir  des   bourj;eois4'S. 

Lv  M  vin^lTSE.  Savez  vous  cjne  vous 
è((*s  d  une  remanpiable  inq)ei  unence? 

Ama>ii)A.  Alors,  c'est  que  c  eï.t  un  d»'- 
fant  <pii  se  j;a<;ne,  !NLi<lame. 

\.K  !M\iiyiisK.  Lneore  I  Ah!  c'en  est 
Imp,  prenez  {;arde  de  |>ousser  ma  pa- 
(:enee  .1  boni. .. 

Am\M)V.  M.idnne  n'a  qu'a  supj>os<T 
qu  elle  n   «  ^l. 

Li  ."M  ii;yl.l.sE.  A  ous  voul<  /  'I'"!.  ipii- 
je  vous  «lonne  votn*  et)nj;é'.' 

VMvxhA.  V  nionis  qne  ALidame  n  ai- 
me nm  u\  que  je  le  prenne. 


La  m  a  rq  lise  trn  en  eolt-rr.  Eh  Lieu  ! 
.ALidemois«'lle,  je  vous  chasse  I 

Amanoa.  Depuis  un  mois  que  je  subis 
les  caj)riees  de  .Mailame,  vt)da  la  pre- 
mière l>onne  parole  quelle  m'adresse. 
Lv  AÏAnytiSE  de  pliLS  en  /jlm  irritée. 
C'est  bien  I  vous  me  paierez  cette  iiiso- 
lenee.  Allez,  alhz  ;  niais  surtout  {;ardez- 
vous  de  jamais  envoy«T  vers  moi  aux 
inlorinatioiis,  ou  j Cn  donnerai  de  déles- 
tables. 

Amvnoa.  Madame  est  li-op  Ixjune;  je 
me  jjanlerai  bien  de  dire  que  j'ai  eu 
l  honneur  de  la  servir,  cela  me  ferujerait 
toutes  les  bonn«"s  ntaisons. 

La  Mauqitse.  Et  |>ourquoi  cvla,  Ma- 
deu»ois<'lle? 

Ama.M)a.  Parce  que  les  j^^randes  dames 
ne  voudraient  pas  prendre  la  fenuue  de 
chambre  de  madame  Goilanl,  l'ancienne 
marchande  à  la  toilette  du  marche  S. tmt- 
(fcrmain, 

Felirtir,  R<t\eite  et  Pèrme  poussent 
une  rxi  tiirnatinn  de  Mirprise  en  regartlunt 
la  Alft/'/mW. 

La  !M  vUQLTSï/iOAi  d'elle.  ALdli  uri  u>e! 
^ortez,  stirtezl 

Aii\NDv.  ALidame  oublie  que  j«'  ne 
suis  plus  à  sou  s<'rvicv. 

La  .Mahqi  ise.  -\lors,  c  est  un>i  «pn 
sors,  pour  u  avoir  pas  à  &up|>orter  votre 
piési'nce.    El'e  entre  à  dnnft\) 

SCÈNE  n. 

KosBTTE  rrA#/f//i/r/e  M/e.  Ah!  .ih  !  ah! 
la  .^larquiM*  cpii  a  l'ti*  uiart'hande  à  la 
toilette: 

AMAX:tA.  Fort  beureust'uient  |x>ur 
elle,  ear  ce  sont  les  viedles  j;uipuivs, 
les  Siùcs  irteiutes  el  l«*s  uiauchons  tléiiio* 
des,  (|ui  l  ont  rendue  miltionuaiie. 

vD  Amantlt,  Krlicilc,  Roïniu*,  IVrinc  au  fund. 


20 


Fkucitk.  Va  qui  lui  ont  i-nMinis  d'a- 
clictcr  \c  (lomainc  (V()l)tMst;ul(. 

Amvndv.  (]c  (jiii  lui  a  doiiiu'iMi  iiîènic 
lemps  un  tidv,  un  nom... 

Fki.ICUK.  Va   des  lidicMilcs. 

Rosr.TTK.  Oh  I  m  fait  de  iidi(udos, 
par  r\(Mn]d(\  on  p»Mit  dire  cjn'dK*  est 
plus  (pif  uiillionnairi*  1  Tavez-vous  rn- 
triidur  parler  de  son  Iioiicur  jiour  \c 
jaune? 

A.MÀNDA.  Ce  qui  ne  l'enq^ochc  pas 
d'aimer  son   teint. 

llostTTK.  Et  quand  je  lui  ai  parlé 
tout-à-riieure  de  se  rendre  au  château, 
sans  attendre  sa  voiture,  avez-vous  en- 
tendu? {/"'//('  iniilr  le  ton  de  In  Mnrfjuisc.) 
«  Pour  qui  nie  prenez-vous,  uia  chère! 
uue  femuic  connue  moi,  aller  à  pied!  » 
On  aurait  dit  qu'elle  était  venue  au  mon- 
de en  équipa[>e. 

Félicité.  Et  avec  cela,  d'un  dédain 
pour  les  autres...  d'une  dureté.  Comme 
elle  a  con^^édié  îNIademoiselle  ! 

Amanda.  Oh  !  pour  cela,  je  ne  mVn 
inquiète  pas;  elle  a  trop  besoin  de  uioi 
pour  uie  renvoyer  séritnisement.  Je  suis 
la  seule  qui  sache  lui  faire  des  sourcils 
et  teindre  ses  cheveux. 

Rosette.  N'importe,  je  ne  comprends 
pas,  ([uaud  ou  a  été  soi-même  parmi  les 
petits,  que  de  grandir  ça  vous  tourne  la 
tète. 

PÉRI.ne,  qui  est  allée  s^ asseoir  au  fond 
rt  s'est  remise  à  filer.  Oui,  Oui,  connue 
dit  le  ])roverbe  :  Ceux  qui  re'j^ardeat  du 
haut  d'une  toiir^  jjreiiucut  Ions  les  honuues 
jioiir  des  fi air  mis. 

FÉLîe.iTÉ,  (Tun  ton  sentencieux.  Parce 
qu'ils  lîOnt  ])as  de  principes!  Mère  Pé- 
line,  avi  c  un  ]kui  de  philosophie,  on 
reste  au-dessus  d(\s  chances  heureuses 
ou  funestes  de  la  lorLunc. 

A  l'iit  éTOncmciU  le  sage  est  préparé. 

Rosette.  Ainsi,  ma  cousine,  vous 
pourriez,  devenir  riche  connue   le    roi, 


ou  pauvre  connue  notre   hedeau,   sans 
ehanj>er  (h*  caractère? 

Fr.LiciTÉ,  d'Ella  ton  sentenilenr.  Pom*- 
qnoi  en  eiianj-rrais  je,  ma  chère?  La  ri- 
("hesse  est  quelque  ehosi;  de  ])assager  (  t 
de  S(U*ondaire  connue  la  pauvreté:  l'honi- 
me  a  sa  véritable  destinée  en  lui-mèni(\ 

Amanda.  Ah  bien  oui!  mais,  pour 
mon  conq')te,  je  ne  serais  pas  fâchée  de  la 
eha;ipc  r  ((  t:e  dcstiiu'e  ijue  fai  en  moi- 
nieme^  VU  qu'elle  m'a  toujours  fait  servir 
les  autres  et  que  je  m'arrangerais  bi(Mi 
d'être  servie  à  mon  tour. 

Félicité  souriant.  IMalheureusement 
on  ne  pcnit  plus  Compter  sur  les  hérita- 
ges des  oncles  d'Amérique. 

A.MANDA.  Non;  mais  il  n'y  eu  a  pas 
moins  des  coups  de  fortune  pour  c(m- 
taines  gens.  jMademoiselle  de  Reaumoiit 
avait  u!i  cousin  qui  a  gagné,  dans  une 
soirée,  deux  mille  louis  au  lansquenet. 

Rosette.  Deux  mille  louis!  oh!  moi 
j'en  serais  devenue  folle  ! 

FÉLICITÉ.  Toujours  faute  de  principes, 
ma  bonne. 

Amaxda.  Et  ceux  qui  ont  g<Tgné  des 
domaines  à  la  loterie  de  Francfort  !  c'est 
bien  autre  chose  ma  foi!  Pendant  la 
route,  31'"  Godard  m'a  fait  lui  lire  le 
Journal,  et  j'ai  vu  la  liste  des  lots.  Il 
y  a  une  baronnie,  avec  des  moutons  et 
des  paysans! 

Rosette.  La  Raroimie  de  Cracofman? 

Aman D A.  Précisément. 

Rosette.  La  loterie  a  donc  été  tirée  ? 

Amam)A.  Les  numéros  sortants  étaient 
dans  le  Journal. 

FÉLICITÉ,  t/rs-vireme/it.  Yous  les  avez 
lus? 

Amanda.  Certainement.  Je  les  ai  là. 

FÉLICITÉ  très- vivement.  Ah  voyons! 
{^Amarula  va  chercher  le  Journal  dans  un 
des  cartons.  ) 

Rosette.  Dites-done,  ma  cousine,  si 
vous  aviez  g«^gné  qu(^l({ue  chose  par 
hasard  ? 


21 


Félicitk.  INFoi?  qurllr  folie!  je  n'y 
pense  même  pas.  {Â  Amnmla^  tivcc  int- 
/jntirnrc.)\ous  iic  trouvez  pas  le  Jour- 
nal? 

Ail  A  M)  A  lei'cntiftt  livre  le  J  un  ruai. 
Voici  (I). 

Rosette.  Ahl  Dieti  !  ma  cousine,  le 
cœur  doit  vous  l)altre  I 

FÉLICITÉ.  Fi  donc,  ma  cliè're,  rpiand 
ou  a  des  principes...  [f'n'nnmt  n  .Ininn- 
r/^i.)  Voyons,  de  (jrace,  IMadeuioiselle. 

AmAM)A  fjiii  (i  cficrclic  (larfi  /e  Jottmnl. 
J'v  suis,  tenez!  [Elle  lit.)  La  luaisou  de 
Francfort  .';n};n«'e  ]iar  le  n*  1073. 

Rosette.  C'est  ]>as  ca. 

Amanda  liront.  Le  moulin  de  KoMjij; 
{5a{;nc  par  le  n"  2  I;>1 . 

KosETTE  nvce  impntirnce.  C'est  pas 
Chcore  ça. 

AMA>nA.  Les  l)ois  de  RosIimî  ^^a^jut-s 
par  le  n"  ir)02. 

Rosette.  IMais  après,  après...  dites 
seuleuient  les  cliiflres. 

A.MANDA.  Fil!  l)ien  voici  :  les  numéros 
j;aj;nanls  sont  012,  —  G034,  —  51, — 
y  71). 

FÉLICITÉ  trcs-vivcmcnl.  C'est  tout? 

Amandv.  (Ini. 

Rosette  en  joignant  les  mains.  W\  !  ma 
cousine,  vous  n'avez  rien. 

Ff.licitÉ  avec  effort.  W\  bien  !  ma 
clière,  \\\v\\  vovez-vons  troultl»»'?  Je 
vous  r«'pèlc(jne,  (piaml  on  a  de  la  pliilo- 
sopliie,  1  »  houne  ou  1»  mauvaise  chance 
ne  peut  vous  f.iirr  sortir  de  votre  tran- 
<|niHit(';  et  si  j'avais  {;aj",né  la  liaronnie. .. 

.\iiVM)\.  La  liaronni<-...  ali  !  mais  je 
1  .u   oulilit'e,    uu»i,    elle     appai  tient    au 

Fklic.itk  avec  tin  rri.  Soixante-six  ! 
RosKTTK.  C'est  le  numéiodc  luacou- 


smt 


.  f 


A  M 


VM)V     (l     Pli.IM.     Fst-i-i'    lutssilili-"* 


^r  Ui)ScUi',  IcliciU",  Aiunr.Jj.  l*irlne. 


FÉLICITÉ  tirant  le  billet  de  son  fit  Un. 
Oui,  le  voilà,  rejjardez. 

TolTES  rp^^anhint  lehillrt.So\\:ii\tvs\x  î 
Félicité  hors  (Cel'.e.  Je  suis  baroiuic !.. 
{Elle chancelle.)  Rosette,  souteuez-inoi! 

Rosette.  Dieu!  ma  cousine  se  trouve 
mal.  [Elle  la  soutient  et  C aide  à  *' asseoir.) 
Péri>e.    J'en  rtais  sûre!  '^Elle  s'em^ 
fjrcsse  auprès  dr  Féliiitê.)  (l) 
Amam)A.  Alil  par  exemple! 
Pkbi.nk  à  flosette.  Vite  ^de  l'eau!  {ïlo- 
stttc   va   rl.crchrr  un    verre  ttean   sur   le 
biiifit  h  gauche.) 

A.MANDA  ironirjurrnrnt.  !\Lii5  rap]H'lel- 
lui  donc  ses  principes. 

Péhine.  \  aut  mieux  apporter  du  vi- 
uai(;re. 

A  ".u  M)  V .  Voici .  '  Elle  fnrsrnte  nn  flnenn 
de  sels,  et  le  fait  respirer  h  F  •  .' ■  qui 
rouvre  les  y r ut.) 

Rosette.  Ca  la  lauiuic. 
Félicité  revenant  a  cite.  K\\\  uierci, 
je  suis  mieux...  c'était  seulement  la  sur- 
prise... ."Mais,  ditrs- moi,   vous   êtes  cer- 
taine (pie  c'est  bii*n  le  miuiéro  HG? 

Aliv.NDA  donnant  le  Journal.  \  oyci 
vous-même. 

Fk LICITE  lisant.  Oui,  l'isl  écrit  Cil 
toutes  lettres. 

PÉI'.INE.  Le  l)m.ili>le  iK  \\  jm.^Ii  iloit 
le  savoir,  lui  «pii  éi  lit  rli.n  :  .'  de  la  sou- 
scription. 

Félicité  se  fevnnK  Vous  avez  raison  ! 
Court  z  clicz  lui,  Périuc,  iHUir  vous  assu- 
rer... 

PKniM:.  Faudrait  p»  >"  -"t"    'mî    11....1. 

trer  li-  l»illel.^ 

Fklicitr.  Soit;  mais  soii^jet  li'u-n  que 
vous  m'en  rc|>oiulcz  ! 

Peiunk.  Craii;n»z  lieu  ! 

FriiriTF.  Au  reste  il  t  >î  im.^^i>u»... 
Vile,  Périue,  je  vous  attends.  {Prrine  set 
far  te  fond  en  rntf»oftn/tt  te  Idttrl.)  11 
faut  <pie  je  SAolie  tpicllcs  sont  K^  fonu.i- 

;l,  lloti  uo,  t-iic  u-,  l'crinc,  Âir.anii.i. 


i 


99 


Il  les  à  remplir  pour  taiic  valuir  mes 
ilrolts. 

Ama.M)\.  Il  me  S(>mMt'  (jiril  va  (piel- 
(jue  chose  à  ce  sujet  clans  le  journal. 

Fklicite.  Voyons.  {/î/lr  lit.)  «  Les  j;a- 
i;nants  sont  invités  à  se  l'aire  connaître 
sans  ritartl  an\  bureaux  de  direction 
dont  ils  i-elèv(Mil.  »  —  Pour  moi,  c'est 
celui  d'IIa^uenau  ;  je  partirai  aujour- 
d  Inii  même. 

Rosette.  Aujourd'hui  !  alors  faut  que 
j'aille  retenir  la  carriole  de  Baptiste. 

Félicité  se  récriant.  Lue  carriole!  à 
quoi  pensez-vous,  ma  chère?  lue  prenez- 
vous  pour  une  marchande  de  volailles. 

llosETTL.   Cependant,    ma    cousine... 

Félicité.  Cependant  il  y  a  des  conve- 
nances qu'il  faut  resjH^cter  !  Vous  devriez 
comprendre  que  quand  on  va  s'appeler 
madame    la    baronne   de   Cracofman... 

Amam)A  ironif/ueiJurit.  Et  quand  ou  a 
des  principes... 

Félicité.  On  ne  peut  voyager  qu'en 
chaise  de  poste. 

Rosette  stiijx'fditc.  Vous,  en  cliaise  de 
j^oste  I 

Félicité  sccUetiu-nt.  Et  pourquoi  pas, 
ma  chère? 

Rosette.  Ah  I  j^rand  Dieu  !  et  quand 
je  pense  qu'avant-hier  encore  vous  avez 
lait  la  route  sur  Grisou. 

Félicité  iinpaticntéc.  Il  ne  s'agit  pas 
d'avant-hier  !  veuillez  passer  chez  maître 
Landofpour  l'avertir. 

Rosette.  Tout  de  suite,  tout  de  suite  ! 
'Ri le  va  yrendic  so/i  chdlc.)  Ah  !  Jésus  I 
quel  changement  I  me  voilà  la  cousine 
d  une  baronne. 

Félicite.  Mon  Dieu  I  vous  l'avez  déjà 
dit  vingt  fois. 

Rosette.  Ah  !  ce  nVst  pas  assez,  je  le 
dirai  mille,  je  le  rt'péterai  à  tout  le  mon- 
de... ici  et  là-bas;  car  vous  m'emmène- 
riz  avec  vous,  n'est-ce  pas,  ma   cousine? 

Félicité.  Nous  verrons,  nous  verrons. 

Rosette.  C'est  donc  pas  sûr? 


Félicité.  Mon  Ditui  !  ma  chère,  la  vie 
que  je  vais  ètie  lorcée  de  mener  est 
telKnient  en  dehors  de  vos  habitudes, 
si  étrangère  à  votre  éducation  et  à  vos 
goûts... 

Rosette.  INÏais,  ma  cousine 

Félicité.  Songez  que  je  vais  être  for- 
cée de  recevoir  à  mon  château  de  Cra- 
cofman toute  la  noblesse  du  pays  !  ^  ous 
concevez  qu^au  milieu  de  cette  société 
distinguée... 

Am.vnda  itnniqucmcnt.  La  famille  de 
madame  la  Baronne  serait  déplacée. 

Rosette.  Couunent? 

Félicité.  Et  puis  c'est  toujours  un 
malheur  de  sortir  de  sa  classe,  ma  chère; 
croyez-moi,  gardez  votre  humble  posi- 
tion, vos  goûts  modestes...  et  allez  me 
chercher  la  chaise  de  poste. 

A.MA>DA.  D'autant  })lus  (|ue  voici  l'ex- 
revendeuse  qui  arrive. 

Félicité  (H'cr  emprcsscriK  nt.  Madame 
la  marquise  d'Oberstadt,  ah  I  fort  bien  ! 
(  Avec  un  geste  supcrbr.yQii'on  nous  laisse. 

Rosette  varnit  stupéfaite^  A/nanda  s^ ap- 
proche d'elle  en  souriant^  lui  prend  le  bras 
et  C emmène  par  le  fond  en  lui  parlant 
bas, 

SCÈNE  Y. 

FÉLICITÉ,  LA  M.\RQU1SE. 

La  Malquisk.  Ce  que  je  viens  d'ap- 
prendre serait-il  possible.  Mademoiselle? 
la  baronnie  de  Cracofman  vous  serait 
échue  en  partage? 

Félicité  avec  une  dignité  cojiiiipie. 
C'est  la  vérité,  iMadamc. 

L4  31akqi:isk  saluant  aecc  exagéra- 
tion. Ahî  macUunoisclle  la  Baronne  ! 

Félicite  .saluant  dr  la  même  tna/iière. 
Madame  la  Mar([uise. 

La  I\Lvi]QUlSE  saluant.  Le  lias  u'd  de 
cette  reiieontrc  est  j)our  moi  un  hon- 
neur! 


23 


Féltcitr  uiJudnt.  Et  puiu  mol  nti 
bonlif'iirl 

La  ^lABQnSE  saluant.  Je  |iiiis  enfin 
parler  à  une  personne  n<'e. 

Félicitk  saluant.  Moins  ikV  (jne  vous! 

La  iMahqiisk.  Lt  Mademoiselie  la 
Baroinie  part  pour  son  tloiiiaine? 

FÉLICITÉ.  J\'ittends  la  eliaise  de  posU% 
Madame  la  Marquise. 

Lv  ^rAiiQMSE.  Vwv  ehaise  de  poste! 
vous  vova^je/,  en  eliaise  deposti*'  mais 
vous  allez  être  brist'e  de  fati[;ne! 

Félicité.  Il  est  certain  (|u'il  faut  du 
coura[!;e  ! 

La  INLarqlisf.  Surtout  quand  on  a  des 
nerfs  connue  nous!  ear  vous  drvez  avoir 
des  nerfs,  Matlemoisellc  la  Baronne. * 

Félicité.  Enormément ,  Madame  la 
IVL'n(|nise. 

La  Marquise.  J\idmire  toujours  nos 
paysans,  (jni  p»'uv(Mit  rester  exposés  au 
froid  et  au  eliaud,  au  soleil  et  à  la  pous- 


••i«/i  ' 


siert 


Félicité.  ÎMon  Dieu!  ces  gens-là  ne 
sentent  ]>as  ! 

La  Marqiiisk.  JVspère  que,  quand 
Mademoisell<"  la  l»aronne  rej)assera  le 
Rliin,  elle  nf  irliiscri  pis  i\c  vrnii  viNidr 
Oherstndt. 

Félicité.  A  la  condition  (pie  mailame 
la  !Mar([nise  voudra  bien  tinhellir  Cra- 
colman  de  sa  pn'senee. 

La  lAfAnQl  isk  saluant  avec  rxa^rra- 
tion.  Ali  !  iNLiilemoistlIe  ! 

FiiMCiTK  saluant  de  mvine.  Mada- 
me! 

La  ]MAnyrisE.  ALùs  j Cmpidii*  Ma- 
demoiselle la  flironne  de  faire  ses  pn'- 
pa  rat  ils. 

Félicité.  Nulh'im'ut. 

Lv  AlAnyiisK.  (lepeiulant  \>^^\\\'  sa 
loilritr  de  voyage.' 

FlliciiÉ  rinbariasstc.  .Mon  l)ieu  î 
INLidame  la  ■Marquise  m»'  voir  ]>iise  au 
tlépourvu.... 

lv  Mauquisk.  Est-ce  possible.^ 


Félicite.  Et  je  compte  partir  cx)mme 
je  suis  là. 

La  .AIarqiise.  .\li!  fi!  je  ne  le  souffri- 
rai pas!  J'apporte  de  Paris  les  uioiles  les 
pins  nouvelles  ;  je  reux  que  ^Lidemoiselle 
la  Ijaionne  choisisse.. 

Félicité.  Moi!  oh!  Madame  la  >Iai- 
qniM-,  je  ne  me  permettrai  pas 

La  ^MaRQITSE  qui  est  allée  à  un  carton^ 
d'où  elle  tire  un  chapeau  ridicule.  Allons, 
allons,  pas  de  résistance  :  que  pensez- 
vous  lie  ce  chapeau    l)I 

Félicité.  Je  le  trouve...  foudrovanll 

Lv  AIarqiise.  C'est  moi  qui  l'ai  in- 
vent»! il  est  le  seul  de  sou  espèce!  Une 
femme  d'un  certain  rang  doit  se  distin- 
guer de  loin,  rien  qu'à  la  aùlfnic.  ( !'l!c 
a  /ni s  le  chapeau  à  Félicité.) 

Félicité.  Il  est  certain  que  celle-ci 
donne  un  très-grand  air. 

La  iMarqUISE  prenant  mini  tin  auifc 
carton  un  par-dessus  ridicule.  Et  qUC 
dites-vous  de  ce  camailî  il  a  toutes  les 
eonleuis  du  prisme.  {Elle  ie  pose  sur  les 
é/  au  les  de  Félicité.) 

FiLlciTÉ  ravie.  J'ai  l'air  d  elie  vctue 
d'un  are-en-eiel. 

Lv  AUnguiSE.  Maintenant,  .>Lidi moi- 
selle  la  Baronne  de  Cracofinau  peut  faire 
sou  entrée  ilans  tes  domaines. 

Félicite  se  mirant  ii  droite.  Je  vous 
srmhle  donc  présenlihle,  Madame  la 
IManpiise.' 

La  .MARQruR,  tjui  se  mire  it  ganehe, 
sans  regarder  Félicité.  Adorable,  Made- 
moiselle la  Baronne.  {Se retournant.)  Mais 
moi-même,  eomunnt  m**  irouvez-vouii 
Ciwec  ee  bonnet  !* 

Félicité.  Effroyablement  distiu^uév. 
(  FUr  se  promène  en  prenant  des  attttu  - 
des  e-rtraifigantes.)  Que  dites- vous  de 
ma  tounuiir.  Marquise    : 

La   .Mahqi  isb,  7'4/  se  /  en  sens 

imeise  en  ié\'cntant  d'tuu  •  7    •« - 


r  LaM.i 


'il*. 


24 


Etoiuilissnnto  I  Ouc  vous  s(mu1)1o  de  ers 
nianièrcs.' 

Félicité.  Pyraiiiidalos  (  l)  I 

La      IMaRQIÎISE     Cfnl'rdssdm      Fclicilé. 

Clièro  lu'llt^  I  qu'elle  a  de  (>oiîtI 

Fklicitk  l'<  nibrdssnnt.  Exeellente  INIar- 
quise!  Que  de  ju[',eiiient  ! 

La  IMapqiîisk  ////  prcfuint  la  main.  Il 
n'y  a  que  les  [jens  de  notre  classe  pour 
savoir  ainsi  se  eouqirendre. 

Felicitk  avec  sentiment.  Nous  voilà 
auiies  ! 

La  Marqiise    de  manie.  Pour  la  vie! 

Félicité.  Ah  I  voiei  T impertinente 
eanu'riste  que  vous  avez  cliassée. 

L\  INL^r.QrisE.  Oh  !  mon  Dieu!  je  n'y 
pense  déjà  plus;  les  sottises  de  ees  espè- 
ces ne  vous  touchent  pas  ;  c'est  même 
du  meilleur  ton  ;  une  camériste  polie 
sent  sa  bourjjeoise  d'une  lieue. 

FÉLICITÉ.  Alors  vous  garderez  Made- 
moiselle Amanda? 

La  INL\rqt  ise.  Dans  l'intérêt  des  bon- 
nes traditions. . .  et  puis  elle  coiffe  comme 
\\\\  ange  !  Vous  concevez  que  ce  sont  dés 
considérations  morales. . . . 

SCÈNE  YL 

Les  mêmes,  AMANDA,  puis  ROSETTE 
et  PÉULNE(2). 

Amanda  à  la  Marquise^  d'un  ton  de 
grande  déférence.  Madame ,  la  berline 
est  réparée,   je  viens  de  la  voir  atteler. 

La  Marquise.  Fort  bien;  nous  au- 
rons à  revenir,  î\Lademoiselle ,  sur  vos 
insolences  de   tout-à-l'heure. 

Amanda.  Que  Madame  la  Marquise 
m'excuse  ;  ce  sont  des  habitudes  prises 
dans  les  grandes  maisons. 

La  Marquise.  Il  suffit;  vous  me  sui- 
vrez au  château. 


(1)  Félicité,  la  Marquise. 

(2)  Félicité,  la  Marquise,  Amanda. 


PÉaI^K  an  dehors.  iMademoiselle  l'éli- 
cité  !  où  est  iVIademoiscll(^  J'élicité? 

Rosette  au  dehors.  Par  ici,  mère 
Péri  ne.  (  Elle  parait  à  la  porte  du  fond 
avec  Vérinc  ci  lui  montre  l'V'licilé.)  Par 
ici. 

FÉLICITÉ  allant  vivement  vers  Rosette 
et  Périne.  Eh  bien!  amenez-vous  la 
chaise  de  poste  (l)  ? 

Rosette.  Ah  !  bien  oui,  des  chaises 
de  poste!  il  n'y  en  a  plus  besoin. 

Félicité.  Que  voulez-vous  dire?  Le 
numéro  GO  n'aurait-il  pas  gagné  la  ba- 
ronnie? 

Périine.  Faites  excuse. 

Félicité.  Alors  elle  est  à  moi.  (  Elle 
prend  le  billet  (jue  Périne  tient  a  la 
ma/n.  )Yoyez  mon  billet...  il  y  a  bien 
deux  6. 

Périne.   Voilà  l'erreur. 

Félicité.  Comment? 

Périne.  Ce  sont  deux  9. 

Toutes.  Ah  ! 

Félicité  saisie.  Deux  9  !  Qui  vous  a 
dit?... 

Périne.   Le  buraliste. 

Félicité.  Mais  comment  sait-il  lui- 
même?... 

PÉRINE.  Parce  qu'il  y  a  un  point,  et 
qu'il  assure  que  ces  choses-là  ne  se  met- 
tent jamais  avant  les  chiffres,  que  ça  se 
met  toujours  après! 

Félicité  regardant  le  billet.  Ciel  !  il  a 
raison!  J'ai  lu  le  billet  à  l'envers.  (  Elle 
se  laisse  tomber  sur  une  chaise.  ) 

La  îMarquise.  A  l'envers! 

Rosette,  (pii  a  pris  le  billet  et  (pii 
le  montre.  Certainement;  en  regardant 
comme  ça,  il  y  a  GG —  et  un  château; 
mais  en  regardant  comme  ceci,  il  y  a  99... 
et  rien  du  tout. 

La  Marquise.  IMais  alors,  IMademoi - 
selle  n'est  point  baronne?... 


(1)  Rosclte,  rélicilé,   Périne,  la  Marquise, 
Amanda. 


25 


KosETTE  iwcc  intention.  Pour  le  mo- 
inoiit,  ma  cousine  reste  aubergiste. 

L\  IMabquise.  Aubergiste!  Ali!  grand 
Dieu  !  et  moi  qui  lui  ai  parlé  comme  â 
UMC  rgal»!  I 

FklicftÉ  se  Icifint  avec  firrlè.  Je  ferai 
observer  â  iM'"'^  Godard... 

Là  31abql'ISB  l'interrompant.  Asseï, 
IMademoi selle  !...  Ainauda,  remettez  en 
place  mon  chapeau  et  mon  camail  (l). 

Félicité  se  (Uponillnnt  de  l'un  et  de 
l'autre.  Ah  !  en  elVet,  j'allais  oublier  que 

Madame  doit  en  avoir  besoin nous 

approelions  du  carnaval! 

La  iM\RQLlSE.  Adieu,  ma  chère.  Tâ- 
che/ de  vous  consoler  de  ne  pas  être 
baroime. 

Félicité.  Pour  cela,  Madame,  je  n'au- 
r.ii  (jn'à  me  rappeler  ce  que  sont  cer- 
taines marquises.  [La  Marquise  mrt  avec 
Aniandd.  ) 

RosF.TTB  lo  regardant  sortir  en  riant. 


Est-elle  en  colère,  est-elle  en  colère! 
Ah  !  bien,  ma  eousine,  vous  l'avr?  joU- 
ment  remise  à  sa  place. 

Félicité.  J'ai  en  horreur  la  vanité! 

"RosEiTE^nemenf.  Oh  !  je  le  vois  bien... 
maintenant!  Aussi  faut  dire  que  vous 
av(  z  reçu  un  lier  eoup  1  Perdre  comme 
ça  une  baronnie...  faute  d'un  point! 

Félicite  reprenant  son  ton  senten- 
cieux.  Qu'importe,  Rosette,  quand  on  a 
des  principes?  Avec  de  la  philosophie  on 
trouve  toujours  sa  force  en  soi  même  î 

PÉium,  (]ui  s'eit  remise  ii  fiUr.  Oui. 
oui,  mais  faut  pas  trop  s'y  fier  !  La  phi- 
losophie, c'est  comme  toutes  les  choses 
de  ce  monde,  ça  se  dtx:hire  à  l'user  ;  faut 
toujours  que  Dieu  nous  aide,  en  nous 
épargnant  les  tentations,  vu  que  connue 
dit  le  \iYO\'cxht  '.  L'occasion  fatt  le  lar- 
ron. 

Emilb  Souvestre. 


l2'I>2>:Si3 


TUAVAL'X   A   L'AKillLLE. 

Toilettes  de  bal.  —  Toilctlcs  de  ville  pour  les  jeunes  personneii,  les  femmes  et  les  enfants.  —  (x>ï, 
façon  du  point  dr  Bruxelles.  —  Col,  étoiles  en  uioussi'line.  —  Cou?sin  orirntal.  -   ^  - 

pe.". —  Miig-iï-in  dri  Trois  SaMif!*.  —  VerritVe.—  Houls   rimes.  —  Musique  nuUN . 
njnndesou  mlol.—  Recette  pour  lu  conservation  de  In  tapisserie  et  velours  de  laine.  —   Gàlcau  Uc 
|)omnii»  (W-  terre.—  G«*noisc.  —  Marrons  glaces.  —  Broderies  diverses.—  Patrons  grandtur  natmrt 
—  T.i[ii>>«i'i  i»'  ntl.iri"'»*. 


Ont-  dis  lu,  (hère  aune,  de  ces  deux 
toileilrs  de  b.d  si  fraîches,  si  jolies?  La 
•  jeune  lille  tout  en  rose  jwrte  la  coillurr 
en  (lems  un  \w\\  rrhnelre^  qu'on  ap|H^lIe 
guirlande  i\'rrillta.  Cette  guirlande  se 
compose  d<*Iis<'iT)n  ros<'avec  branches  de 

(0  Ro.<ïette,  Félicité ,  Amnnda,  la  Marquise, 
Périnc  nu  fond. 


lemlles  et  lH)Uli>ns.  iilond»ant  île  p-ir- 
tcut  ;  les  lirelK)Uchons  sont  relevés  de 
(  h  u|ue  cûlé  à  la  ftotka,  L«  coifTurrs, 
dans  le  genn»  île  o  lie  de  la  jeune  |>rr- 
.sonne  tout  en  blanc,  sont  en  général  pn*- 
fériVs,  et  aviv  rai.von,  par  qnit^.nqu»'  n'a 
plu*  trize  ans.  C<\s  roM-s  du  llen-.de  U  - 
(jères  et  fraiclit^  siérnl  à  tous  les  vi>.i(;rs. 


; 


2G 


et  les  l)aiu(t\iux  plats  so  conservent  mieux 
au  hal  {juo  les  bandeaux  lioullants,  quoi- 
qu'on ait  iuiaj;iué  de  l'aire  des  peij^nes  ap- 
propriés pour  les  soutenir.  A  propos  de 
pei^;nes,  eelui  qui  ritient  les  cheveux 
par  derrière  doit  èlrt*  en  écaille  avec  ga- 
lerie à  jour. 

A  eux-tu  varier  ces  eliarniantes  toilet- 
t  \s?  Ilahill(^  de  tulK'  rose,  avec  dessous  en 
satin  rose,  la  jeune  lille  eu  blanc,  et  re- 
lève avec  des  nœuds  de  ruban  la  jupe  de 
dessus,  garnie  alternativeuient  de  ruches 
de  tulle  rose  et  de  rubans  de  satin  de 
uièuie  couleur,  posés  à  plat. 

Habille  de  blanc  la  jeune  fille  en  rose, 
et  borde  chacune  des  jupes  avec  l'un  de 
ces  charmants  rubans  découpés  et  fa- 
çonnés qui  jouent  la  broderie  ;  ce  même 
ruban  formera  les  échelles  du  devant  de 
la  jupe  et  du  corsage  ;  la  coilTure  sera 
composée  de  petites  Heurs  d'aloès,  en 
chenille,  entremêlées  de  feuilles  d'eau. 

I.a  grosse  chenille  est  beaucoup  cm  - 
])!Ovée  pour  coilfure,  pour  effilés  bordant 
les  robes  ;  il  en  est  ainsi  du  velours  dé- 
coupé en  feuillage  ;  on  en  fait  des  appli- 
cations charmantes  s\u'  le  tulle,  sur  la 
dentelle  même.  Je  t'indique  ces  divers 
genres  d'ornements  parce  qu'ils  sont  plus 
vit'^  laits  que  la  broderie  en  soie  ou  en 
chenille  brodeuse  de  couleurs  vives,  éga- 
lement à  la  mode.  Aimes-tu  mieux  quel- 
(|ue  chose  de  plus  simple  encore  et  de 
très-élégant?  Fais  ta  robe  en  crêpe  lisse, 
i\c\\\  jupes,  et  garnis  le  bas  de  chacune 
d  un  ou  de  trois  bouillonnes  de  satin  de 
même  couleur. 

Quelques  jeunes  personnes  se  coilTent 
à  la  f'alois ;  les  cheveux,  dans  cette  coif- 
lïne,  montrent  toutes  leurs  racines,  com- 
me dans  la  coiffure  Mccltcis  adoptée  par 
beaucoup  de  fenmies  ;  ds  doivent  bouffer 
de  chaque  coté  ;  à  la  torsade  de  derrière 
semêlciitdes  Ikursetdes  rubans,  letom- 
bant  en  j';rappes  autour  du  cou.  A  te  dire 
vrai,  il  faut  être  bien  jolies  pour  r!.'<(jncr    ^ 


cette  (  oillure,  et  il  faut  encore  avoir  un 
excellent  coiffeur.  Je  ne  la  conseille  donc 
pas,  je  l'indique  seulement  connue  étant 
à  la  mode.  Que  je  n'oublie  j>as  du  t  a- 
vertir  que  les  bas  de  soie  doivent  être 
brodés  au  ])lumet's  en  soie. 

Ce  n'est  j)as  tout  qu'une  toilette  de  bal, 
il  faut  encore  une  frileuse^  ou  pclennc 
F(  uldii^e  ou  Ponipdilour  pour  iorlie  de 
bal.  Ces  pèlerines  longues  et  amples  se 
font  en  satin  de  nuances  claires  et  se  ra- 
dient en  ruban  pareil.  Aimes -tu  mieux 
quelque  chose  de  plus  chaud  que  cela? 
Coupe  une  sortie  de  bal  sur  le  patron  de 
caraco  que  je  t'ai  envoyé  au  mois  de  no- 
vembre ;  tu  choisiras,  pour  le  dessus,  du 
cachemire  blanc  ou  rose;  tu  oueteras  et 
doubleras  de  même  couleur.  La  sortie  de 
bal,  comme  la  jacquettc,  descend  seule- 
ment un  peu  au-dessous  des  hanches  ;  le 
dos  se  coupe  tout  droit,  d'une  seule  pièce, 
sans  coutiue  cambrée  dans  le  milieu  ;  les 
manches  doivent  être  larges.  Tu  l'orne- 
ras de  galons  posés  à  plat  ou  de  passe- 
menteries, et  tu  y  attacheras  un  petit 
capuchon  pointu,  avec  un  long  gland, 
comme  ceux  des  burnous,  ou  bien  fron- 
cé à  la  façon  des  Tliéresicnnes  de  nos 
grand'mères. 

Yeux -tu,  et  tu  le  voudras  sans  aucun 
doute,  pouvoir  ganter  sans  danger  les 
gants  les  plus  justes?  Aie  soin,  avant  de 
terminer  ta  toilette  de  bal,  de  te  frotter 
les  mains  et  les  bras  avec  de  la  pâte  d'a- 
mandes au  miel,  et  remercie-moi  de  t'en- 
vover,  à  la  fin  de  ma  lettre ,  la  recette  de 
ce  précieux  cosmétique. 

Les  confections  pour  fennnes ,  pour 
jeunes  filles,  pour  enfants  ,  ne  s'ajustent 
pas  rigoureusement  à  la  taille,  elles  la 
dessinent  légèrement.  Le  noir  doublé  de 
noir  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  distingué.  Le 
manteau  Talnia  ^  cno\\\\Q  rotonde  sans 
ouverture  pour  les  bras,  dont  le  devant 
est  orné  de  brandebourgs  terminés  par 
des  olives  ou  par  des  grchts  ségoviens,  est 


27 


la  (onli  ciio;)  Il  I  lus  (listiii^u»V  ;  mais  il 
laiit  iiii  (Cl  tain  savoir  pour  la  l)icii  por- 
ter ;  aussi  ci»  voit  on  très-peu,  uicnie  dans 
le  monde  j'h'/jant.  Tu  diras  à  ma  cousine, 
(jni  veut  altsoInuK  lit  ttie  une  vi<'ille 
ienune,  (jiie  l«'s  ])ardessus  en  soie  ouati'e, 
à  {;iaijde  pj'lerine,  sont  ee  qui  convient  le 
mit  n\  aii\  Icmincs  d  iiii  certain  à{;e.  Les 
couleurs  v\\  vojjue,  sont  le  noir,  le  grenat- 
marron,  le  vert-lonci'. 

i^a  passementciie  a  des  irn'cn'i'ins 
sansnondire;  ce  (|nc  j  ai  r»'inarqu(''  de 
plus  iionv<an  ,  c<-  ^<)nt  (l«'S  {jalons  veinu- 
les pour  orner  les  étoiles  de  soie.  Mais  les 
ianlaisies  ])our  pardessus,  paletot,  eara- 
«•os  de  petites  filles  et  de  j>ctits  jjarçons, 
m  ont  paru  ('(le  pins  nomlncuses  encore. 
Jaunies,  ornements,  tout  est  varié  à  lin- 
lini.  l.e  lenire  j>oni  cliajx'an  est  lus  em- 
plov»'  pour  les  enlaii(s,  les  jeunes  per- 
sonnes et  les  lemnics.  On  doulile  la  pass(* 
des  eliapeaux  (pii  nous  sont  d(*stiné-s,  en 
satin  l)lane  ou  <mi  vert  Islv  plisse-  »'omme 
pour  l(  s  c.ijjolcs  ;  (pielcjnes  co(|ii(  s  en  i  n- 
lian  de  eonleni  p  ik  ille  j;arnissent  cliatpu' 
coté*,  et  k\v\\\  lon|;ues  hiides  hianclies  o!i 
vc!  f  Islv  forment  le  lueud  sous  le  menlon. 

Les  |)aletots  |)()nr  p«  lites  lill»'s  (pii  m  Ont 
paru  elle  les  plus  jolis,  sont  très-caïubri's; 
le  salin  à  la  reine,  le  j;i«>s  «ll^cosse  ol»- 
tiennent  la  pu'Iereuce.  On  les  {jarnit  de 
dentelle  d«*  laine  qui  a  ravanta{;e  de  ne 
point  se  <  liillonner  ;  capotes  de  salin  très- 
évasées,  ornées  de  |>elites  touiVes  déplu- 
mes avec  «  lii>n\  sous  la  passe. 

nionses  de  loiMes  les  sortes  pour  len 
])elils  j;aieons,  paUtot  coin  t  à  {;rande  pè- 
lerine, «  liapeau  en  leulre  orné-  d'un  seul 
j;alon,  p  intdon  Ion|j  en  étoile  pareille  à 
la  bionse.  I.t  s  liloust-s  tlite.H  l'uitnms  /" , 
sont  II  c^-eniii  le>  ((  sr  honlonneiil  à  la 
taille,  avec  nue  lii;;e  ccininie  en  enn 
verni. 

i.cs  yniis' nninclirs  «pie  nous  itoilons 
soni  laiiit.i  lioullant.H,  la nté>t  a v«v  dtm  vo- 
lants  rrtnmlumi    en  eiilomion  ,    1  i  .Hous- 


manelie  est  alors  plus  laqje  d  en  bas  qm 
d'eu  haut;  tantôt  ce  sont  des  volants  n- 
rn ont/if/ 1. s  coiuiuv  ceux  dont  je  t'ai  ouvové- 
le  dessin,  et  un  tleruier  volant  se  rabat- 
tant sur  la  main.  I^  jaconas  et  la  !»ro- 
derie  anjjlaise  conviennent  pour  tous  lt% 
jours \  eu  demi-toilette,  les  snus-niancht-s 
se  ftjiil  en  mousseline  brodée,  volants  pa- 
reils et  brod»-s  ;  mais  pour  les  toilettes 
Imbillre^  ^  \c  inllf  dcnlellr  uni,  terminé 
par  tr(»is  bouillons  dans  les(pn*ls  on  passe 
des  rubans,  est  ce  (pi'il  v  a  «le  plus  cou- 
venabl»-. 

Les  iHMtlies  sont  toujours  de  mode 
pour  l«s  robes  dt'colletées  ;  on  porte  aussi, 
d«'S  eorsa(;es  en  \  .  et  des  «'orsajjes  en 
rteur^  Incrs^  comme  celui  que  représente 
notre  p,ravure  ;  cette  dernière  forme  est 
souvent  accoinpajjnée  tlun  ou  «le  «leux 
nvers  };arnis  d«'  même  que  la  ri»l)e.  Par 
«leriière,  le  dos  ajush-  est,  dans  le  bas, 
l«''j;èi«'nMMit  busijut-.  J«*  ne  le  parlerai  pas 
i\o  louiiuu*;  ce  i fixe  n'est  pas  de  notre 
àj;e  ;  je  tivei  tirai  seulement  «pie  lt*s 
m  iiM  lions  se  poihnt  petits.  Ouant  aux 
bracelets,  ceux  en  vel«)urs  «iroits  à  lonj',s 
bouts  flottants  ,  fernu'-s  par  des  ImmicIi-u 
plus  ou  moins  ri<lies,  ont  toujoms  la 
voj;n«' ;  mais  il  nous  est />rriiii»  d'eu  jxir- 
ter  «ranires  plus  éléj;auts. 

.le  terminerai  en  te  citant  une  très- 
joli»'  fantaisie,  (le  sont  des  inlrusn  ou 
fiirii  hnns  «n  tulle  noir  brode  en  |>«'lile 
«luMiill»*,  au  passé,  de  tx^uleurs  vives. 
(i«*la  sie«l  lort  bien  sur  1«  s  «bevi-nx.  .b 
l  ai  eiiNoM-  nii  «liarmant  patron;  clien'be 
«lans  t«s  noinbreuv  tiessms  un  ^rinr  |><mu 
11*  r«)nd  et  une  f^uirlumlc  \M^\\x  \e  lH»r«l. 

\  oyons  maintenant  de  quelle  la^-ttn  d 
tant  nous  >  pi«-ndiv  |>our  exéxniter  notre 
beau  col  ii"   1 . 

I,a  bio«l(-iie  en  lan't  et  |HMnts  «le  ileu- 
I)  ll<-  lia  plus  la  vo|;ue  ,  mais  olle  «pu  l'a 
lempl.icet-,  et  qui  imite  à  s'y  méprentliv 
|«'  |Miint  «!«•  iiru.x»  lies,  tKVU|H'  bien  des 
mains  babilcs. 


CoiniiHiui'  |)ai'  iloiilthr  Um  ilcssin 
avrc  un  niorci  au  de  soie. 

Tu  as  adu  tr  vUc/.  (iuyot,  vue  de  JUis- 
sv.  (Il  n\  ji()ij;iu'<  s  de  fil  trirlaiulr,  l'uiio 
(lu  II"  ()0(),  l'autri>  (lu  n'  1  200. 

l'it mis  (/lu-  1)1  lus  de  (il  n"  000,  tords- 
Ics  un  ycuentic  les  doij;ts  et  attaclie-K^s, 
conuur  tu  attarluMais  \e  lacrt,  sur  le  con- 
tour ilu  dcssui,  ]iar  «les  j)oints  i^lacH'S  ilc 
rrnliuiètro  ou  ctMitiiuètre,  ])our  les  lijju(^s 
(iKMtt  s  ;  daus  les  lignes  eourbes,  tu  rap- 
procheras davantage  ces  points.  Aie  bien 
soin  de  ne  pas  cesser  de  tordre  cnseud)le 
tes  dix  fils  n"  GOO  pendant  ce  travail  pré- 
paratoire, (|ui  doit  être  lait  avec  atten- 
tion. 

Ton  dessin  étant  ainsi  tout  tracé , 
prends  une  ai[;uill(''e  du  fd  u"  !200  et 
recouvre  tous  tes  fils  cousus  d'un  point 
de  feston  un  peu  lâche  ;  ne  serre  pas,  si 
tu  ven\  conserver  la  souplesse  à  ton  tra- 
vail, ('/est  dans  ce  point  de  feston  que 
viendront  se  rattacher  les  points  de  den- 
telle ;  tu  les  varieras  suivant  le  besoin  :  le 
fond,  point  de  tulle'  les  fleurs  et  feuilles, 
point  mat.  Tu  peux  abréger  le  travail  et  le 
rendre  plus  rt^gulier  en  })iquant  ton  ai- 
[;uille,  la  tète  vers  toi,  comme  pour  com- 
mencer une  reprise;  tu  entoures  une  ou 
deux  fois  de  fd  la  pointe  de  ton  ai^juille, 
te  guidant  en  cela  sur  le  genre  de  point 
que  tu  veux  faire,  ]>uis  tu  la  tires  douce- 
uient  par  la  pointe.  Faits  ainsi,  les  points 
de  dentelle  sont  plus  n^guliers. 

Le  col  teiininé,  il  faut  le  border  dun 
picot.  Fais  quatre  points  de  feston  sur  le 
fil  du  bord,  en  ])arlant  de  Tencolure.  Tu 
t'esumnied  im  crin  blanc;  fais  un  point 
de  feston  eu  y  prenant  ce  crin  ;  ])lace 
ensuite  ton  aiguille  connue  je  te  Tai  in- 
difjué  tout-à-riieure ,  entoiue-la  une 
fois  tle  fil  et  tire-la  ;  fais  (Misuite  quatre 
])oints  de  feston  sans  y  prendre  le  crin; 
prends  celui-ci  au  cinquième  point,  ar- 
rête le  j)icot  comme  je  viens  de  te  ren- 
seigner, et  toujours  ainsi  jusqu'à  la  fin. 


28 


Tu  jclircs  le  crin  à  mesure;  il  ne  sert  qu'à 
donner  un(^  dimension  égale  à  tous  les 
picots. 

Tu  auras  soin,  pour  détacher  le  col 
du  dessin,  de  coiqier,  du  c(jté  de  la  soie 
qui  le  doul)le,  tous  les  points  c|ue  tu  as 
laits  pour  maintenir  ton  trace.  Tu  cou- 
peras le  plus  près  possible  de  ton  travail, 
ceux  de  ces  fils  que  tu  ne  pourrais  pas 
n^tirer  sans  compromettre  cet  élé'gant 
ouvrage. 

A  eux-tu  exécuter  quelque  chose  de 
]>lus  facile?  Arrète-toi  au  n"  2;  prends  de 
la  mousseline  claire  et  coupe  (ne  déchire 
pas)  des  bandes  larges  de  22  millimètres. 
Tu  les  plies  de  chaque  côté  de  cinq  mil- 
limètres environ,  puis  en  deux,  les  bords 
en  dedans.  Prends  une  aiguillée  de  fd 
d'Irlande  n"  140  et  fais,  en  traversant  les 
quatre  doul)les  de  mousseline,  des  points 
devant  en  zigzag  ;  A  te  uionti'c  le  tracé 
que  doit  former  ton  fil  ;  B  est  la  bande 
de  mousseline  pliée.  Il  te  faut  /ui^t  dou- 
bles zfi^zfit^s.  Tire  ton  fil  doucement.  Tu 
as  huit  dents.  Coupe  la  bande  de  mous- 
seline, et  réunis  ces  huit  dents,  à  Fen- 
vers,  par  un  surjet  fin;  voilà  une  étoile 
terminée.  Fais-en  d'autres ,  et  (juand  tu 
en  auras  assez  pour  former  un  col,  atta- 
che-les les  unes  aux  autres  et  remplis-les 
par  des  inouliiicts  ou  par  des  points  à 
jour. 

C'est  pour  toi  que  j'ai  copié,  sur  l'o- 
riginal même,  le  coussin  vérit(d)leiiient 
oriental  dont  je  te  donne  le  quart,  n"  3. 

Achète  40  centimètres  de  toile  verte, 
18  mètres  de  soutaehe  de  soie  jaune  ou 
de  soutaehe  d'or,  et  des  rognures  de 
drap  fm  de  toutes  les  couleurs  indiquées 
sur  le  dessin. 

Tu  tailles  la  toile  verte  de  forme  car- 
rée ou  ronde,  suivant  cjue  tu  veux  faire 
le  coussin  rond  on  carré  ;  tu  ponces  sur 
cette  toile,  avec  du  blanc  d'argent  en 
])oudre  mêlé  de  sandaraque,  par  j)arties 
('gales,   ton  dessin  que    tu  as  picpié  ;   tu 


29 


fixrs  Ir  poncis  av<(:  nu   U  v  tli.iihl,    puis 
lu  te  jiM'ts  à  rouvra/jc. 

JJUissurla  toile  les  fraj^mcnls  dr  tlrap 
(l((!Oiip<*s,  m  l«  s  faisant  cioisrr  l  un  siu* 
1  aiilrc  (riin  niilliinrdc  cnviion.  Tn  l<  s 
.tssciiiMcs  par  iiM  point  an  ièrc  peu  lap- 
juocljr,  et  lu  fouvns  les  routiufs  avec 
la  sonlaelie. 

Oiiantlce  travail  est  Icrnîine',  In  Tas- 
senihirs  avee  un  dessous  en  perealine,  (  t 
tu  reuiplis  lie  crin  l)ien  (liié.  (>.'u>Im'  le 
surjet  (1m  tour  avec  un<'  {;a!)se  en  laine 
(le  couleurs  vives ,  et  si  le  eoussiu  est 
carré,  onie-le  de  (jii.Uii-  j;laiids  assortis, 
t'jjalenu'nl  en  laine. 

Si  tu  prt'lères  le  velours,  tues  l>ien  li 
uinitresse  de  r(  nipl  iit  i"  ai;isi  le  drap.  Ai- 
iiies-lu  mieux  île  la  lapisserii-.'  traMSjH)rle 
ce  dessin  siudu  canevis  u"  I  1,  efrxéent»- 
le  au  point  (^nl^•  ;  ni;i:s,  menu'  alors,  il 
l;iut  (/'  yu.'/cr  av(  (•  de  la  s<;ut:ielie  de  soie 
ou  il  Or,  le  eonlour  d^-  tous  les  arabes- 
(pies. 

Je  l'.ii  envo\(''  une  servu  Ite  eani'e 
pour  niairons  ;  en  voici  une  ronde  n"  1, 
(]U<'  neus  devons  à  l  un«' de  nos  ainetldes 
amies.  i]i\\r  ci  assure  ipiil  vaut  mit  u\ 
r.iire  ces  servirtlcs  en  eoton  li'.anc  <p»  »mi 
l.iinc  lie  couleur  ,  parce  i\uc.  c'est  />'/.» 
f/ji/)ë(t%snnt.  \.v  M"  ô  est  la  ileutelle  desli- 
n«'e  à  1.1  {;ainir. 

(ie  dessin  peut  «'neore  te  servir  ]»our 
1  lire  en  l.iine,  au  eroeln  t  earn*,  un  des- 
sous de  l.Tinpe  ;  iVuill  «;;e  vert  vil  sur 
lontl  Imiui  :  le  n"  C»  peut  aussi  être  em - 
pIoNt-  iu\  mêmes  usaj;«'S,  ou  liieu  eneoir  .'i 
an;;mentrr  1«"  nond)ie  d<*s  tldiimrt  de  ton 
eoii\  re  pi<  d, 

A  pi«)pos  tle  dr>'>oUS  de  litnnc,  ji  ^  us 
l'indupier  la  uruiière  d  en  faire  un.  peu 
eoùleux,  et  «pii  e.\ij;i"  peu  de  travail  . 

Prends  une  pelote  di  rr#//e  fieelle,  fuir 
il  liK  n  unie  ;  forme  un  uoiid  et  enlouic 
ce  uieuil  «l'un  p«»iut  de  feston  eu  lame. 
'I\nu  iH'  autour  du  noud  avec  la  licelle 
que  tu  HiouNri's  .\  uiesurc  tic  ci'  luèiur 


point  de  feston  in  lU'ui  .m  il  us  le  pre- 
mier tour  il»'-jà  fait.  Tu  continues  aiusi 
jus(ju'à  ce  fjuc  ton  dessous  de  liuipc  ait 
atteint  la  {;ranileur  ipie  tu  ilésiivs.  Il 
faut  avoir  {;ranil  soin  de  iic  pas  ser- 
\x\  la  licelle ,  autreuirut  tu  donnerais 
uai'ssanee  à  un  cliape.ui  |>i)intu,  et  de  ue 
pas  la  laisser  lâche,  ou  hieu  Tensi'udilc 
iormcrait  des  plis  connue  uii  éventail  ; 
là  {;it  toute  1 1  diflieulté.  Tu  couipreuds 
(pi'on  peut  clianjjer  de  liiuc  de  deux  eu 
diux  ran{;ées,  umbrir^  nuancer^  eu  un 
umiùnl/anter  c2  |;i*ntil  travail  ;  tu  le  ter- 
mines par  dtux  rangées  de  fdet  siuipl^, 
ou  j>ar  11  «lenit  lit-  que  je  l'ai  deruière- 
n.<  nt  indiquée  |)our  orner  iixfiiicii^e» 

Le  n'»  7  t'ollre  un  hnuipittde  pensé»  s 
destiné  à  un  dessus  de  pt  lotte.  Tu  le  biT>- 
deras  en  soies  de  couleur,  sur  c.icheuùix^ 
(;iis,  ou  sur  Casimir,  à  ton  choix.  L'ue 
j;n  use  violette  it  verte,  foruiattl  boucle  à 
eli  lemi  des  (prilre  coins  île  la  |H'lotl(*, 
eomjtlèleia  cet  éléj^anl  travail.  Tu  p<ux 
te  servir  aussi  de  ce  joli  tlessin  jH>ur  le 
milieu  d  un  |H)rte-montre  ;  lu  nionlei'as 
celui-ci  de  la  minière  que  je  l'ai  expli- 
<pi(-e  le  mois  dernier. 

^  ois  poiu'  le  leste  à  la  im  ui  ni  i  \  lui  . 
Je  suis  pressée  d'arriver  à  te  parli  r  du 
m.ij;asin  iKs />•*/»  Stmis^  i  ue  de  I^ifayelle, 
près  réalise  Sainl-^  ineenl  de  Paul,  que 
ji'  l'ai  di'j.i  rccouiuiaudé  et  qui  devient 
chaipie  jour  plus  reiinnuiandalile,  car 
mesdemoiselles  Lechilre  .sont  d  une 
adresse  uierveilKuse  |K)urlous  les  ouvra- 
bles de  fanliisie.  Klles  douueuldes  leyous 
cl  M/.  «Iles  (1(11  \ille,  à  des  piix  hiea  mo- 
dérés, cl  avec  elles  on  appnnd  à  faire 
admirahleuient  1rs  Ih  urs  eu  laine,  en 
papier,  tous  les  |Hjiuts  de  cixh^Ik  ts,  de 
tricots,  de  lilels,  ele.,  rie.  Ell«*$  oui  d« 
eehautillons  eharuiants  à  uionlJ-er.  On 
p(  ut  s'adresser  à  elles  |HMir  l<*s  envois 
dans  les  d»'|KUtemenls  de  l(»ule  m»i  le  dé"^ 
ehantillons  avec  les  explications  n»xi*s- 
saires.  Uetxnnnuiudelesde  ton  cùlé  â  l(*s 


ainirs,  rt  sois  assnrt'r  qiir  de  tonte  part 
tu  ne  recevras  que  des  kmiu  reieuients. 

Que  je  iroul)lie  pas  de  le  parler  de  deux 
.si)éci(ilius\w\\v  la  dtMUelle  :  Tune,  dans 
lelieau  qiiartieiMuadenioiselle  Hette,  12, 
rue  A  i\  ieiuie  ;  Tanhe,  dans  le  i>n)^  des 
«'•(udes,  Miadame  Planche,  3  1,  rue  des 
Postes.  Madame  Planclu^a  un  talent  l)ieu 
piécieux  :  elle  transporte  iwvc  tant  d  a- 
dresse  sur  des  réseaux  neufs  les  anciennes 
dentelles,  que  celles-ci  reprennent  tout 
leur  éclat,  toute  \v\\v  valeur;  rien  de  plus 
inqiortant  dans  un  t(  inps  où  la  dentelle 
a  plus  que  jamais  la  voj^ue. 

Eu^;ène  nous  a  pari»'  Tautre  jour  avec 
une  {grande  admiration  dune  verrière 
exécutée  par  IM.  Louis  de  IMo7,an,  d'après 
les  cartons  ori[jinaux  de  INI.  Aujjuste  Ca- 
linard  ;  c'est  la  repiésentation  de  la  lé- 
gende de  saint  Landry,  l/autre  jour  mon 
oncle  et  u>oi,  en  passant  place  Saint-An- 
dré-des-Arts,  30,  nous  sonnnes  entrés  à 
la  librairie  archéologique  de  A  ictor  Di- 
deron  et  nous  avons  admiré  la  copie  de 
cette  verrière  qui  ornerait  admirable- 
ment la  chapelle  dim  château  ou  l'hum- 
ble église  gothique  d'un  village,  si  quelque 
âme  pieuse  et  amie  des  arts  voulait  faire 
ce  cadeau  à  sa  paroisse,  l^es  belles  étren- 
ues  à  offrir!...  One  ne  suis-je  i  iehe  ?  La 
vcriicrr  de  saint  Landry  iiait  étaler  ses 
tons  si  brillants,  son  dessin  si  ]iur,  aux 
longues  et  étroites  fenêtres  en  ogives  de 
la  jolie  église  on  j'ai  été  baptisée  ! 

Puisque  j'ai  nommé  Eugène,  il  faut 
bien  te  dire  quil  est  mécontent  de  voir 
INL  «le  Lastoure  le  r(Mn])laeer  dans  le  rôle 
de  Sphinx  qu'il  s'était  attiibné  pendant 
quekpie  temps.  Nous  n'avons  fait  qu(; 
rire  de  ses  dolentes  plaintes,  et  nous  lui 
avons  promis  qu'il  aura  le  ninn(>j)(>(e  des 
bouts  rinu's,  s  il  en  donne  d'acceptables. 
A  oici  ceux  (|n  il  a  pr('s(Mit«'s  à  mon  oncle. 

; (;lu;\^(;r.. 

Bal. 

An>F.>(  K. 


30 


Anmbai,. 

SovRinr . 

TOL JOLI  s. 

Maldill. 

JOLUS. 

Au  ])remier  de  Tan,  Eugène,  recon- 
naissant du  porte-cigarres  en  t'pingles  .\ 
tètes  et  chenille  que  je  lui  ai  doimé,  m'a 
apporté  de  la  nnisique  nouvelle  char- 
mante; ])aroles  et  mélodies  sont  conqu)- 
sées  par  ÎM'"*  Clémentine  de  Poli.  — 
Fleurs  (les  innntngnes^  morceau  très-facilt? 
et  très-moral. —  L'Ange  ou  hereeau^  très- 
joli.  —  Lx  Pater^  beau  chant  religieux. 
—  J'aime  le  soir!  douce  rêverie  pleine  de 
poésie.  —  Cantique  à  Marie,  pour  deux 
voix.  —  Le  Fou  de  la  vallée.  —  Qne  de- 
viendrait tua  mère  ?  morceau  touchant  et 
plein  de  sensibilité.  —  La  Chanté,  dédié 
à  îM'"e  Lefébure  Wely ,  qui  le  chante 
admirablement ,  comuie  elle  chante  tou- 
jours, et  qui  trouve  cette  mélodie  d'un 
genre  tout-à-fait  en  dehors  de  ce  qu'on  a 
publié  jusqu'ici  ;  enfin  le  Retour,  grande 
walse  facile  et  brillante.  Nos  jeunes  amies 
pourront  se  procurer  cette  jolie  musique, 
chez  Boieldieu,  34,  passage  Choiseul,  et 
chez  notre  éditeur  Mayaud,  7,  boulevard 
des  Italiens. 

Il  paraît  aussi  chez  Brandus,  97,  rue 
de  Riclu^lieu,  un  Jlbnm  de  M^^^  Viard"t, 
que  je  n'ai  pas  encore  vu.  Je  t'en  parlerai 
plus  tard.  Ainsi,  tu  es  charmée  d'avoir 
connue  moi  la  (Gazette  musieate!  je  le 
savais  d'avance. 

Léonie  suit  en  ce  moment  deux  cours  : 
celui  que  fait  AL  Lourmand  à  rilôtcl- 
de-Yille,  pour  les  jeunes  personnes  et  les 
fenunes  qui  se  destinent  à  renseignement, 
cours  f^ra'urt  professé  depuis  dix -sept  ans 
avec  un  zèle  admirable,  et  qui  a  lieu 
tous  les  dimanches,  <le  une  heure  à  trois, 
à  la  ÎMairie  du  neuvième  arrondissement, 
rue  (icoilrov-Lasnicr;  et  le  cours  /u/)c 
de  soliège  et  de  chant  de  iVI"^'  Jîlanche 
jMaricot  ,  3*2  ,  rue  N(^uve-Saint-A«i(;us- 
tin.  IM"*'  Blanche  Alaricot  est   élève   de 


3i 


M.  ]Montaiiiuo,  de  Turin  :  c'est  cluz  lui 
que  \c  «.ours  st*  professe,  lu  autre  cours 
pour  le  piano  a  lifU  clic/  >1"«-"  ^laricot, 
4('),  rue  de  A  erucuil.  Ces  cours,  peu 
nninhreiix  chacun,  sont  fréquentés  par 
la  l)onne  conipajjnic. 

Notre  (îlain-  Hcrlou  a  nii  ^iwws  <  lom  - 
(lissant.  Emile  Piuiieiit  lui-niènie  admire 
son  (;énie  nmsical  ;  yi"^^  Pauline  >  iar- 
dot  lui  a  demandé  une  mé-lodie ,  et 
M"""  Lefébure  Welv  a  promis  de  clian- 
trr  une  de  ses  jolies  romances. 

(>aroline  ma  envoyé  pour  toi  (  t  pour 
nos  amies  les  receltes  (pie  je  mets  en 
fjost-scriiittini. 

Au  n'voir,  chère  Adèle. 

Aji.lli  A    lîUlCOG.NE. 


Cosi/irtif/n". 

Pâte  li' amande  t  au  miel. 

I  i  kl  o  rrainaiiilrs  aincres  pt'léfs. 

Iji)  ^^.l^l^^p^  df  p/ynous  (amamles  du  piiW- 

II  (aul  piltr  le  luut  dans  uu  murlicr,  et  reduiru 
CM  iiiif  I  &U'  Ires  linc. 

Tu  HJoiitrs  alors  : 

Sucrf  blanc  rApi*  lin 32  grammes. 

MirI  blanc 'M        - 

Bttiiiie  eau-df-vie 64        — 

Mi''l<-  liifii  pendant  une  bonne  diMni-ht-urc .  Tu 
parfnnit's  nihuile  n>fC  uni-  ou  deux  KouUen  il'cs- 
wnci'  de  ro>e,  «1  lu  «n'aies  l'in  ore    .Mils  rn  puis. 

/k'ceifc  jxiuv  la  conservalion  de  la  tapis- 
iivie  rt  du  rciours  de  laine. 

Fais  bouillir  prndHnl  un*'  *i<mi-l  fiiri-  dNn» 
troii»  (|tiiirl9  tif  lilrr  d'e.iu  une  coloquinlf  dr 
nuiyrntje  um-^rur.  Me>ure  un  di'inl  Mri*  ili-  c»Mle 
eau,  v\  jr!lr«-y  .%  ;;riinmr«  de  iinnim»*  .Mlr/içniilr. 

(ju.md  II'  meliiDCf  n^X  froid,  lu  >  trrnipi^  un  Rro« 
pinreou,  et  tu  rn  enduis  l't-itvrrt  de  la  tnpIsArrle  ou 
du  vrlour»  avant  «b*  Irn  faite  in  >nler  t  n  menbles. 
Les  niitiK  ne  s'y  nltnijiuTDnt  jam.ii». 

(iiUenu  de  ponnu'K  ,f,'  terre. 

Entrimcli 

F«is  cuire  «i>u%  la  ce mlr  •  «lun/r  |  umine*  de  b-rre 
Jnuno  ,  et'luebr-l«'i»,  il  nul»  .i»  «;.ui*  un»'  (-.«v»«*- 
rôle  «ver  un  pnj  d  •  »»•!,  Ia  moitié  d  une  rront-  ili* 
Citron   rAp«,  et    tout  en   rrnmaiil  »ur  le  fourneau. 


.elle  daji>  ccl'P  pale  un  morcj  au  d»  Inurre  Ira  s, 
puis  un  p»  U  dr  crimi*.  sans  ^e^*e^  de  n.tler,  du 
sucre  en  poudre  suivant  ton  poùt.  Relire  du 
lai>.'e  un  peu  refroidir.  Parfume  a*PC  une  1 
cuirerée  d'eau  de  fleur»  d'oranger-  Cai*e  huil  œ«f». 
quatre  avec  li-un.  biancj.  ;  d.'>  quatre  autres,  tur.e 
prfuds  que  lis  jaune*.  Buls-Ies  bien  eoArmMe,  tt 
m^b-  à  la  pAte. 

Beurre  un  moule.  FndiiU  !«•  é^\*m*-T\\  parl«Ql 
de  mie  de  pain  réduite  en  poudre  finr.  Vnv  t."» 
pâte  dans  le  moue;  pose  celui-ci  lur  de»  o-uilrr» 
roupes,  le  four  <!e  campa.:ne  par-d<  ssus  ;  en  Irois- 
quarts  d'Iieiirt*  le  galf?.u  e>l  cuit  a  poiul.  Serrer 
chaud. 

G&iwise. 

Entremets. 

t  ne  de  nos  amirs  ma  drmaiide  de  donner  de 
nouveau  une  rerrltp  dija  publiée  par  le  Journal 
pour  faire  un  SandlKuifi,  ou  ;:àteau  de  !>al)'.c.  Je 
vais  lui  offrir  niieu.\  qur  ct-la.  ♦•n  re  m-o*  que  Ir 
gâteau  de  salle  exijre  une  ;  ' 

fjiies  Aewrea,  tandis  qiu*  !i  ,  i- 

iie.  a  mérité  le  surnom  dr  tôt  fait. 

Prends  «les  Iw'aiice».  P  ace  dans  Tun  d«s  ptalrani 
trois  u-nfs  fraÎN.  dans  l'autre  leur  yoid»  eu  surre 
blanc    raj.e.    Ot<  ■    mit»  a  la    |  Ii 

larme,  et  fai.«.  le  i;  •  :>qutle>ucrr 

ci.  1 1  pesr  de  même  le  même  poids»  de  Icinr  lin 
et  fra  ». 

Râpe  le  zeste  d'une  t/ewii-ecorce  de  cllrun;  ajoute 
uu  ioiipç'in  de  noix  muscade  râpce,  quelquis  gr^ios 
de  srI  Manr. 

Tu  as  fail  fondrr  le  l»eurre  dans  un  n*  it 
sans  U'  laisM-r  bouillir.  Jrllrb-y  le  sucrr,  le  « 
la  muM-ade.  le  5el,  et  mé  r  b:en.  Ajoute  la  farine. 
Melf,   mélr.  Ajoulr  les  j.iuues  des  trois  rrufs  dont 
lu  as  rrtirè  1rs  blAnc>.  Mêle  pend.ml  un  ton  qii  it 
il'beure. 

On  a  l)eiirré  soigoru^enirnl  un**  to«irtiere;  on  a 
fait  cbatiffrr  le  four  de  campagne  ;  on  a  battu  !r» 
bl  ini's  d'u'nf>  en  nelg»*. 

T.'Ul  étant  priH.  nuMe  les  blanc»  d'œ  ifs  en  n«  Is»- 
a  la  làle.  Bats  le  loul  vueen»»  '   ;  -» 

minntr».  Ver*e  alors  dans  la  t  f- 

ri  sur  de»  cendres  n»U8e».  le  l«»ur  ii<  «•  par- 

dev-us;  •  n  Irttis  quarl^  d  lieure  U  s- •  ruilr. 

Comme  Ir  uAlrau  dr  Mbie.  elle  est  meilleure  enror» 
If  1,  le  BHHeHdrmném^  que  le  jtHir  OM^a)* 

ou  .^-  latte. 

Marrons  glarrs. 

I)e**crl. 

J»'  fengaue  a  tenter  un  rwal  en  pelil«  avant  d*©- 
pérrr  m  urand 

l'^tromrnce  par  faire  du  »»rop  cUnIk.  fais-la 
cuire  au  jx'lil  'ifttle.  Irrn  •  •     '  îe 

to«iriiaiit    aut    l'aroi'     'f  »"- 

cbrtle,  tu  vtM»  le  >i 

rs>i4  .'.-I    iii>   k   OM     rt    «1 


32 


Tu  .is  coininfiioé  p.ir  tcni'rM'r  ceux-ci  jiisquà 
f/fwi/  cuisson,  cl  pnr  les  dcpouilIiT  dp  toutes  leurs 
pellicules;  peu  iriuslaiits  suMiseiit  pour  achever  de 
les  cuire  dans  le  sirop. 

S'ils  doivent  ctre  servis  le  soir,  retire-les,  et 
fais-les  ej^outter  ^ur  une  claie  dans  un  lieu  bien 
cil  ui'l,  puis  nifts-los  dans  une  aiinoire  bien  sèche. 
Si  lu  les  prépares  ;plusieurs  jour.s  d'avance,  >crse- 
les  dans  un  pot  de  ^rès  avec  le  sirop;  lorsque  tu 
^()U(lras  li-s  servir,  fais-les  époutler  comme  je  viens 
de  le  le  dire,  et  dresse  sur  une  assiette. 

Expliciition  de  la  plcju.hc  de  Broderies. 

(PKTITK    ÉDITION.) 

N"  <•  —  Dessin  de  col,  façon  point  de  Brn.rrllrs. 

N"2.  —  Etoiles  en  mousseline  pour  faire  un  col. 

K"  3.  —  Coussin  oriental. 

K"  4.  —  Serviette  à  marrons  ou  dessous  de  lampe. 

N"  5.  —  Dentelle  à  exécuter  au  point  de  crochet. 

N"  6.  —  D'ssdus  de  lampe. 

IS"  7.  —  Broderie  au  passé  pour  di'ssus  de  pelolle. 

(grande  Édition.) 

N"  8.  —  Coin  de  mouchoir.  Tu  peux,  à  (on  choix, 
exécuter  ce  dessin  au  plumetis  avec  du  coton 
blanc,  on  bien  au  point  de  chainelte  avec  des  soies 
de  di\ erses  couleurs,  p'ure  fort  joli  et  à  la  mode. 

Ko  9.  —  Dessin,  pour  un  porle-raonuaie.  Tu  le 
broderas  au  petit  point  sur  canevas  de  soie,  avec  au 
moins  trois  nuances  de  soies  jaunes.  Ton  goût  te 
guidera  pour  placer  ces  nuances. 


K"10.  — jRiche  dessin  de  cane/.ou.  Ceci  est  l'un 
des  devants  du  canezou.  Cal(iue-le  à  l'envers,  et 
lu  auras  l'autre  devant.  Le  mois  prochain,  je  l'en- 
verrai le  dos  de  ce  joli  cane/.ou.  Si  tu  trouves  ce 
modèle  trop  prand  pour  le  garnir  autour  d'une  den- 
telle haute  de  12  à  15  millimètres,  supprime  la  bor- 
dure de  (leurs,  vl  remplaeela  par  la  double  dent 
de  lésion  n"  11.  —  Tu  peux  ii  ton  }îre  employer  le 
plumetis  sur  mousseline,  ou  la  broderie  en  applica- 
tion sur  tulle. 

N'"  12  et  13.  —  Eniredeux  et  volant  en  broderie 
anj^laise. 

Patrons  grandeur  îiature. 

Tu  trouveras  au  revers  de  notre  belle  planche  le 
patron  de  la  robe  ouverte  en  tal fêtas  bleu  glacé  de 
blanc  que  l'a  portée  la  {•ra\urede  modes  du  mois 
dernier-  Ce  patron  sort  des  ateliers  de  Mme  Besson. 
—  Sur  la  même  planche  est  un  maiinilique  dessin 
pour  nappe  d'autel  que  lu  exécuteras  en  applica- 
tion sur  tulle.  Le  milieu  est  indiqué.  Tu  reproduiras 
de  Taulre  côté  la  {grande  dent  de  gauche,  et  de 
même  ainsi  dans  toute  la  longueur  de  la  nappe 
d'autel. 

Tapisserie  coloriée. 

Voici  le  pendant  du  beau  bouquet  de  pavots  que 
je  t'ai  envoyé  en  1847.  Ce  dessin  n'esl-il  pas  char- 
mant et  brillant  de  fraîcheur?  Tu  peux  en  faire  une 
miniature  en  l'exécutant  au  petit  point  pour  un 
buvard  sur  canevas  de  soie,  ou  le  grandir  en  l'exé- 
cutant sur  de  gros  canevas  pour  tapis. 


LES  JEUX  DU  SPHINX. 


CHAR/^DR. 


En  vous  mettant  en  mon  premier, 
Bien  dispos,  bien  joyeux,  et  rempli  d'espcranee, 

Vous  êtes  assuré  tFavance 
Qu'au  bout  d'un  certain  temps  vous  serez  mon  dernier 
IMais  quoi  !  ce  résultat  ne  vous  importe  guère, 
Tant  le  plaisir  pour  vous  a  des  attraits  puissants! 
En  cherchant  le  repos  sur  un  lit  de  fougère, 
Le  jus  de  mon  entier  rafraîchira  vos  sens. 

GUERMF. 


33 


ÉDl C\TIO> 


ajî!LJ©Li<SST    ^JS    SiI^iiAîï^, 


SUKTS  DK   MJDHAIIO.XS. 


LA     VRB1T\BLE    PIBTl. 


La  pu'ié.  vrrilable  est  l'ordre  «le  la  so- 
ciété, laisse  cliacun  à  sa  place,  fait  de 
r<'tat  où  I)i<ii  nous  a  placés  ruiiique 
voie  de  notre  salut,  ne  met  j)as  une  p«  r- 
fection  cliini«'rique  dans  les  œuvres  que 
Dieu  ne  demande  pas  de  nous,  ne  sort 
pas  de  l'ordre  de  ses  devoirs  pour  s'en 
faire  d'étranjjers,  et  regarde  connue  des 
vices  les  vertus  qui  ne  sont  pas  «le  noire 
état. 

Tout  ce  qui  trouble  l'iiarmonie  publi- 
que e^t  un  excès  de  riiommr,  et  non  un 
/.èle  et  une  perfection  de  la  vertu.  La  re- 
ligion d«''savou<'  1«'S  œuvres  les  plus  sain- 
tes qu'on  substitue  aux  devoirs,  et  l'on 
n'est  rien  devant  Dieu  quand  on  n'est  pas 
ee  (pie  l'on  doit  être. 

C\"stse  faire  une  fausse  idée  de  la  pié- 
té de  se  la  lijjurer  toujours  timide,  faible, 
indéeist^  scrupideuse,  bt)rnée,  ^e  fai&ant 
«les  crimes  de  ses  devoirs  et  une  vertu 
«le  ses  faiblesses  ;  oblij^ée  irajjir  et  n'«) 
saut  eutrepren«lre  ;   toujours  sus|H-ndue 

.Vticiin  dcA  articles  coiitoiiiiH  linns  ce  rrrueil 
ne  peut  «Hic  reproduit,  umm  le  eonsfnlenH'Ml 
foriiH'l  dc.H  iuitcins,  MHit  prine  d(*  pomutiitri  ni 
•«»ntief.iron. 


entre  les  intérêts  publics  et  ses  pieu«<e5 
frayeurs,  et  ne  faisant  usage  de  la  reli- 
fjion  que  pnir  mettre  le  trouble  et  la 
confusion  là  où  elle  aurait  dû  mettre 
l'onlre  et  la  règle.  Ce  sont  là  des  défauts 
que  les  bonunes  ujélent  souvent  à  la  pi«  - 
té  ;  mais  ce  ne  sont  pas  ceux  de  la  piété 
même.  C'est  le  caractère  d'un  esprit  fai- 
ble et  borné,  mais  ce  n't^st  pas  une  suitf 
de  l'élévation  et  de  la  sagesse  «le  la  nli- 
gion.  En  un  mot,  c'est  l'excès  de  la  vertu, 
mais  la  vertu  finit  toujours  où  l'excès 
c«>nunenre. 

La  piéti-  véritable  eleve  l'esprit,  en- 
noblit le  eceur,  allennit  le  courage.  On 
est  né  poui  de  grandes  clioses  quand  ou 
a  la  force  de  se  vaincre  soi-mcnu-. 
L'bomme  de  bien  est  ca|Kible  de  tout  dès 
qu'il  a  pu  se  mettre  par  la  foi  au-d(^NU> 
«le  tout.  C'est  le  liasard  «pii  fait  les  ln'-- 
ros  ;  c'est  une  valeur  île  tous  les  jours 
(pii  lait  le  juste.  L*-s  |>assions  peuvent 
nous  placvr  bien  liant,  mais  il  n'y  a  qur 
la  vertu  (]ui  n«)us  «'lève  au-dessus  dr 
n«jus-mèm«*s. 

>Us»iu.u.>i. 


Il"   SKMIt       loine    IV. 


N*  i     -    1  »  vr.ni;   |H'0 


34 


UN  MARIAGE  DANS  LE   GHAND   MONDE. 


TRADITION. 


(5Mi7e  tt  fin,) 


Deux  années  avalent  passe  ainsi,  lors- 
que, vers  la  lin  de  Tété,  Reine  reçut 
de  son  mari  une  lettre  plus  aimable  que 
de  coutume.  Il  lui  annonçait  que,  vou- 
lant se  trouver  au  cliàteau  de  Kernao 
pour  la  saison  de  la  chasse,  il  espérait 
avoir  le  bonheur  de  l<i  re^'oir  dans  les  pre- 
miers jours  de  rautoinne. 

Reine  relut  et  relut  encore  cette  lettre; 
elle  croyait  y  voir  la  preuve  de  l'afFec- 
tion  à  laquelle  elle  aspirait,  et  elle  remer- 
cia Dieu  du  fond  du  cœur.  Son  premier 
mouveuK^nt  avait  été  de   répondre  avec 

effusion la  timidité  la  retint  cette  fois 

encore  ;  elle  se  contenta  décrire  avec 
froideur,  que  31.  le  IMarquis  serait  tou- 
jours le  bienveim  dans  son  cliâteau, 
où  l'attendait  une  épouse  soumise  et  dé- 
vouée. 

Il  y  avait  peu  de  préparatifs  à  faire 
pour  le  recevoir,  car  l'ordre  régnait  plus 
que  jamais  partout. 

Le  coureur  du  Marquis  précéda  son 
maître  d'un  jour  seulement,  et  lorsque  le 
lendemain  M.  de  Porzinis  descendit  de 
cheval,  il  fut  reçu  par  sa  femme  qui 
l'attendait  sur  le  perron  et  qui  le  con- 
duisit au  salon,  en  passant  entre  deux 
rangs  de  domestiques  revêtus  d'une 
fraîche  et  brillante  livrée. 

La  figure  du  Marquis  était  soucieuse, 
tandis  qu'autour  de  lui  on  ne  voyait  que 
des  visages  radieux. 

«  Combien  vous  êtes  embellie,  îMa- 
damel»  dit-il  en  pressant  légèrement  sur 
ses  lèvres  la    main  de  la  Marquise,  qu'il 


venait  de  conduire  à  un  fauteuil,  et  en 
prenant  place  auprès  d'elle. 

Reine  rougit;  cette  rougeur  amena  un 
sourire  sur  les  lèvres  du^Iarquis. 

«  Le  château  lui-même  me  semble 
embelli,  ajouta-t-il.  Tout  ici  est  d'une 
fraîcheur  I...  Avez-vous  donc  fait  renou- 
veler rameublement? 

—  Je  ne  me  le  serais  pas  permis.  Mon- 
sieur, sans  avoir  demandé  vos  ordres, 
répondit  Reine  timidement. 

—  Il  faudra  y  songer  pour  Tannée  pro- 
chaine. Le  parterre  est  brillant  de  fleurs 
comme  en  plein  été....  J'y  remarque 
quelques  changements,  il  me  semble.... 
Mais  nous  verrons  cela  plus  tard.  Som- 
mes-nous seuls.  Madame,  ou  bien  avez- 
vous  fait  quelques  invitations  ? 

—  J'ai  pensé.  Monsieur,  qu'après  une 
si  longue  absence  vous  seriez  bien  aise 
de  revoir  vos  amis  les  plus  chers  ;  ils  se- 
ront ici  pour  riieure  du  dîner. 

—  ÎNLais,  INIadame,  voius  ignoriez  le 
jour  de  mon  arrivée  ! 

—  Depuis  une  semaine  entière.  Mon- 
sieur, vous  êtes  attendu  chaque  jour. 

—  Yrai,  INIarquise,  on  n'est  pas  plus 
aimable  ni  plus  charmante,  ajouta-t-il, 
les  yeux  fixés  sur  le  joli  visage  de  la  Mar- 
quise, dont  l'embarras,  la  rougeur  ajou- 
taient de  nouvelles  grâces  à  ses  grâces 
naturelles.  Aurez  -  vous  ,  Madame  ,  la 
bonté  de  me  mettre  au  fait  des  nouvelles 
du  pays?  Vos  lettres  étaient  d'une  briè- 
veté désolante,  et  j'en  ai  gémi  souvent!  » 

Reine,  très-intimidée,  mais  heureuse, 


35 


s'inclina  en  silence.  Le  ton  du  Marquis 
devenait  de  plus  en  plus  aft'ectueux,  ten- 
dre même.  C'est  que  Reine  était  n'clle- 
nient  fort  jolie.  Le  di'veloppenuiit  de 
ses  facull('s  intellectuelles,  la  beauté  de 
son  âme  donnaient  à  ses  traits  n''{;uliers 
un<'  expression  enchanteresse  ;  l'enfant 
était  f«Mnme  mainUiiant,  et  Icmnie  de 
lutrite;  fenune  dans  la  noble  et  sainte 
acception  du  mot. 

L'enti-elien  se  prolongea,  jjràce  au 
iMarquis,  car  une  insurmontable  timi- 
dité- paialysait  et  les  pcnst'es,  et  les  lè- 
vres de  Reine.  Kniin  ^L  de  Porzinis  de- 
manda la  p(*rmission  de  se  retirer  dans 
sou  appai tement  pour  prendre  quibpie 
repos. 

A  peine  avait-il  ilisparu,  que  la  jeune 
fennne  s'adressait  à  tlle-nième  les  plus 
vils  reproches.  •«  (^)u  d  a  dû  me  trouver 
{jauclie  et  sotte!  •  se  disait-elle,  et  les  lar- 
mes du  rej^ret  pliuôt  cpie  celles  du  dépit 
mouillaient  SCS  paupières.  «  Lui  (pti  vient 
de  la  cour,  lui  (|ui,  depuis  deux  ans,  n'a 
fréquenté  que  tles  lénnnes  aimables  et 
sj)irituellcs!  hélas I  mon  Dieu!...  non, 
je  ne  pourrai  jamais  lui  plaire!  » 

Le  iMarquis  de  sou  coté  disait  :  «  La 
petite  pensionnaire  est  devenue  bien  at- 
trayante!... c'est  à  n'y  pas  croire  !...  Dès 
en  arrivant  j'ai  ressenti  quehpie  cho.sc 
de  doux,  d'inaccoutunK- !...  l'eut  ici  me 
parait  réelltMnent  end)elli...  (]ourrais-je 
dtine  le  dan{;er  de  «levenir  amoureux  de 
ma  femme  .'  (!e  serait  plaisant  !  " 

Mais  y\,  de  Por/inis,  ne  s'arrèt.inl  ji.i> 
à  celle  idée,  attribua  au  calme  de  l'an- 
litpic  el  solitaire  manoir,  au  silence  de 
ces  vastes  forêts  (pi'il  découvrait  de  s«-^ 
fenêtres,  le  stMiliment  élran(;e  qii'd  \(  - 
nait  d'éprouver  ;  ce  calme,  ce  sdenee  nl- 
fraient  un  conliaste  frappant  avec  le 
bruit  «lu  p  dais  el  du  pan- de  Versailles: 
là  était  \v  secret  d'une  sensation  toute 
nouvelle. 

Oepeuilaiil,   Inrxpie  pentlant   le  repa-i 


il  ])ut  vuir  avec  quel  ordre  parfait  se  fai- 
sait le  service,  et  lorsque  le  lendemain, 
en  se  promenant  dans  le  parc  avec  ses 
convives,  il  put  remarquer  qu  une  en- 
tente unique  et  habile  devait  ici  diriger 
tout,  il  dut  se  dire  que  l'influenee  exer- 
cée par  une  fenune  jeune  et  diarniante 
.s'étendait  assurément  des  êtres  animés 
jus()U*au\  objets  matériels  soumis  à  sa 
douce  puissance,  ^ulle  part  ne  se  retrou- 
vaient c«  t  oubli  ,  cette  néj^ligence  qui 
tiahissent  souvent,  dans  les  maisons  les 
plus  opulentes,  l'absence  du  cxjup  d'œil 
du  maître  et  les  inspirations  mescpiines 
d'im  inlenilant  charjjé  de  couunander 
seul  aux  valets;  ici,  au  contraire,  jus- 
(pie  dans  les  moindres  détails,  se  faisait 
sentir  imc  volonté  éclairée  el  ferme. 

Le  ]\Iarquis  avait  trouve  ses  équipa  ;e5 
de  chas  e  en  meilleur  état  que  jamais. 
Les  chevaux,  les  meutes,  la  fautt^nnerie 
avaient  été  évidenunent  l'objet  de  soins 
recherches,  »  t  il  en  éprouva  une  iTcon- 
niissance  dont  Texpression  lit  naître 
dans  le  caur  de  Reine  la  plus  tendre  iv- 
connaissance.  Cepciulant  elle  n'osait 
point  parler  à  son  mari  des  aleliei'S  éta- 
blis dans  les  salles  basses  des  connnuns. 
l  uil  «lie  craignait  l'expression  d'un  blâ- 
me (pii  aurait  {;àt«*  la  joi«*  dont  son  cœur 
était  inonilé.  1>'  .Martpiis  demanda  à  les 
visit«M-.  iMoisant  s'élait  permis  dVn  |xar- 
1er  av«c  un  certain  ricanement  qui 
avait  déplu;  car  la  jeune  .'Nfarquist^  excr- 
eait  en  ce  moment  un  empiiv  absolu. 
«pioiqu'ignoré  d'elle,  sur  son  mari  ;  1 1 
elle  re«yUl  ilc  nouv«aux  éloges  au  sujet 
des  n'fornu^s  sages  qu'elle  avait  su  éta- 
blir sans  nuire  à  l'éclat  de  sa  maison. 

Kniviiv  d'une  apprubati«)n  bien  ines- 
per«'«*,  pour  la  prcnnère  fois  Heine  prit 
pari  aux  fêtes  «pii  se  donnaient  elie/  •  "■■ 
et  à  celles  auMpielles  elle  était  in^ 
avec  la  gaîté  de  son  âge.  Klle  se  croyait 
aimée,  a inié'C  connue  elle  aimait  ' 

Ce  Imnheur  fut  de  <x>urtc  durée.    I.r 


•M) 


mois  suiv.iiu,  IcMaïquis  était  ivdovenii 
soucieux  rt  iiulilVéïvnt.  Mmacé  de  voir 
mctlifen  v(Mite  quelques-uns  de  ses  do- 
maines, à  la  demande  de  créanciers  las 
d'attendre  le  paiement  des  engagements 
échus,  il  vint  un  matin  prier  sa  icnnne 
de  signer  un  acte  dont  il  ne  lui  donna 
même  pas  lecture.  Elle  obéit  sans  hési- 
ter, espérant  dissiper,  par  sa  condescen- 
dance, les  nuages  qui  couvraient  le  front 
de  son  mari. 

Le  ^Marquis  prit  Tacte ,  le  relut  et 
le  rejeta  sur  la  table  en  frappant  du 
pied. 

—  CVst  de  l'argent  qu'il  me  faut,  dit- 
il.  Où  en  trouver? 

—  N'est-ce  que  cela?  s'écria  Reine 
avec  un  doux  sourire. 

Elle  passa  dans  la  pièce  voisine,  et  re- 
vint apportant  son  riche  écrin. 

—  C'est  de  l'argent,  vous  dis-jel  répé- 
ta le  IMarquis  avec  impatience. 

—  \ous  en  aurez  demain,  Monsieur, 
répondit  la  jeune  femme  que  sa  violence 
trop  connue  effrayait.  Est-ce  assez  tôt? 

—  Demain  î...  Demain  soit  I  » 

Et  il  sortit  brusquement...  Biais  tout 
à  coup  il  rentra  en  disant  :  «  Je  ne  veux 
pas  que  vous  vendiez  vos  diamants,  Ma- 
dame. Avez-vous  donc  l'intention  de 
faire  croire  que  je   suis  ruiné  ? 

—  iMoi,  jMonsieur  I 

—  ^  ous  aurez  besoin  de  vos  diamants 
pour  la  fête  que  donne  le  mois  prochain 
la  comtesse  de  IMénec.  Point  de  folies  ro- 
manesques. 3Ioisant  me  trouvera  cette 
somme  à  tout  prix. 

—  Ah  I    Monsieur,    s'écria  vivement 
Reine,  3Ioisant  vous  entraîne  à  votre  rui 
ne  !  Souffrez  que  je  vous  conjure  de  faire 
examiner  ses  conqites  par  l'intendant  de 
mon  père... 

—  A  lin  que  votre  père,  nVst-cepas, 
viennct  uie  prêcher  l'économie  ! 

—  Ah!  Monsieiu-,  pouvez -vous  sup- 
poser.. ï 


—  Cond)icn  valent  vos  diamants  , 
Madame? 

—  Plus  de  cent  mille  livres....  Deux 
cent  mille  livres,  je  crois.  Je  les  porte  ra- 
rement... 

—  Il  vous  les  faut  ])our  la  fête  de 
Madame  dcMénec. 

—  On  aurait  le  temps  de  les  enlever 
des  montures  et  de  les  remplacer  par  des 
pierres  fausses. 

—  Vous  croyez? 

—  D'ailleurs,  Monsieur,  j'ai  ceux  de 
ma  mère. 

—  Il  est  vrai...  j(*  l'avais  oublié. 

—  Vous  consentez,  Monsieur,  n'est-ce 
pas?  Oui,  oui,  vous  consentez,  et  vous 
me  permettez  de  charger  Ilélon  de  faire 
faire  cette  substitution  ?  En  partant  à 
l'instant  pour  Lorient,  il  peut  être  de  re- 
tour demain  du  matin,  aussitôt  qu'il  au- 
ra touché  les  fonds.  » 

Le  INLirquis  allait  et  venait  avec  agita- 
tion dans  le  salon.  Enfin  s'arrêtant  de- 
vant sa  femme  il  dit  :  •  Ceci  doit  se  faiie 
à  mon  ins'/,  vous  comprenez,  IMadame? 

—  Oui,  Monsieur,  à  votre  insu. 

—  Vous  êtes  un  ange  I  »»  Et  portant 
froidement  la  main  de  sa  femme  à  ses 
lèvres,  il  salua. et  disparut. 

Reine,  sans  se  permettre  une  seule 
réflexion  sur  cette  scène  qui  laissait  dans 
son  âme  une  profonde  amertume,  sonna 
son  valet  de  chand)re. 

Un  instant  après,  Hélon  recevait  en  si- 
lence les  ordres  de  sa  jeune  maitresse, 
mais  il  ne  se  montrait  pas  empressé 
d'obéir. 

«  Il  faut  partir  à  l'heure  même,  dit 
la  Marquise  en  lui  remettant  l'écrin. 

—  3Ion  devoir,  répondit  Hélon,  est 
sans  doute  d'obéir  aveuglément  à  Ma- 
dame la  Marquise  ;  mais  serais-je  un  ser- 
viteur fidèle  si  je  lui  laissais  ignorer  que 
]M.  le  Marquis... 

—  Il  sullit,  Hélon.  Paitez,  et  soyez 
de  retour  demain  matin  avec  tout  l'ar- 


37 


fjnit  (|iir   vDus   pourrez  vous  procurer. 

—  ^c  deniande  pardon  à  madame  la 
Marquise,  mais  d  s'a(]it  deveiidnrt  non 
d'enjjnjjer  1rs  diamants,  si  jai  hien  com- 
pris?.. 

—  Vous  ajjire/,  eu  ce  point  de  la  uia- 
nière  la  plus  convenable.  Une  vente 
définitive  vaudiait  mieux. 

—  Et  à    l'insi'  de  ."M.  le  Alarquis?... 
— Quand  je  parle,  je  veux  être  ol)éie  !  » 

n''pli(jua  la  jiune  lennnr  d'un  ton  qui  iir 
soulVrait  pas  de  n'plique. 

Le  ]Mar(|uis  fut  eliarmant  le  reste  de 
la  semaine,  il  peu  de  temps  après,  Heine, 
toute  Itonteuse,  se  montrait  chez  la  com- 
tesse* de  !>lénec,  parée  de  j)ierres  fausst's. 
Elle  avait  voulu  mettre  les  diauiants  de 
sa  mère,  uiais  le  Marquis  s  yétiitopposé, 
disant  (pit  lie  devait  paraître  avec  les 
siens,  dont  tout  le  uionde  admirait  la 
beauté,  et  personne  ne  se  douta  de  la 
suprrcluiie. 

L'hiver  était  venu  cependant  ;  le  ^lar- 
fpiis  connnenrait  à  rejjretlei"  A  •  rsaiUes. 
11  préicndit  vouloir  renouer  îles  né'jjocia- 
tions  pour  un  réjjiment  (ju'il  avait  envie 
d'acheter,  et  il  dit  adieu  à  sa  jeuni'leunne 
et  à  son  vi(  ii\   manoir. 

Cette  nouvelle  séparation  lut  plus 
cruelle  encore  que  la  première  pour  la 
pauvre  Reine.  J'oui  espoir  d  etie  jamais 
aimée  était  perdu  ;  elle  ne  pouvait  plus 
se  faire  illusion  :  uiais  Dieu  lui  accor- 
dait du  moins  une  consolation  bien  dé- 
sirée ;  elh"  avait  la  certitude  d'être  bien- 
tôt mèn\ 

Moins  timide  (pi'autrefois  ,  (  ar  die 
conqtienait  enlin  (pi'cUe  pouvait  vUr 
utile  et  elle  Ir  voulait,  elle  parlait  sans 
cesse  dans  s<'s  leltn*s  au  ^^lrquis  de  cri 
enfant  à  naîtn\  dt'jà  si  chéri,  et  tpiVlle 
était  (Il  cillée  À  ni)urrir  elle  -  même  , 
afin  jpir  son  premier  iv[;anl,  <pie  sou 
pn*mier  sourire  lussent  à  elle  si'ule.  Le 
Marquis  ne  n'pondait  pas.  Enfui,  un 
jonr   il   éniNitivs   li(',nes  :    ••  Si  vous  nie 


rlonncz  un  fils,  je  vous  livre  Moisant, 
parce  ^pie  je  ue  veux  pas  qu'il  ruine  de 
fond  en  comble  mon  héritier  de  nom  et 
d'armes.  Si  vous  ne  me  donnez  qu'une 
fille,  il  sera  inutile  de  nie  le  faire  écrire  ; 
je  le  saurai  assez  tôt  à  mou  prochain 
ivtour  près  de  vous.   • 

En  lisant  crtte  lettre.  If  co  ur  de  Reine 
se  serra,  ses  yeux  s<*  remplirrnt  de  lar- 
mes. Etait-elle  destinée  à  mettre  nu 
monde  une  créature  assez  infortunée 
pour  se  voir  repoussce,  dt*s  avant  sa  nais- 
sance, par  son  père  ? 

Un  matin,  la  cloche  ilc  la  chap«lle  cl 
celles  des  éj^lises  des  vilbjjcs  voisins,  lan- 
çaient au  ciel  «le  joyeuses  volées  ;  un  hé- 
ritier était  né  au  marquis  de  Poi-ziuis  : 
c'étaient  madame  la  comtesse  de  3^ 
et  ^L  de  Kervallan  qui  le  présent  ii::i 
au  baptême,  tandis  que  tlans  le  château 
tout  se  pn'parait  pour  un  somptueux 
banquet  et  que  la  jeune  mèit*,  les  mains 
jointes  et  les  yeux  humides,  offrait  à 
Dieu  de  fervent»^  actions  de  grâces.  Elle 
avait  un  fils  !  elle  avait  à  aimer  de  toulf 
son  âme,  à  élever,  à  prottjjerun  être  au- 
quel son  amour  et  h'  plus  saint  des  de- 
voirs lui  ordonnaient  de  sr  dévouer  sans 
rt'serve  î 

A  dater  de  c»-  jom  ,  la  jcnnr  nui  . 
nourrice  et  berceuse,  osa  feruuT  sa  |>ou. 
aux  parasites  qu'elle  avait  dû  accueillir 
jusqu'alors,  afm  de  ménager  l'orgueil  d»* 
son  mari.  Reine  avait  couipris  qu'un  (l< 
ses  nouveaux  devoirs  était  de  mettre  un 
terme,  i.\%ï  moins  en  et*  qui  dé|>eud)it 
il'elle,  à  lies  ilt'-(H"nses  ruineus<'S. 

iVIoisant  fui  congédié  et  n'uiplaiv  par 
nn  autre  intendant,  du  choix  de  M.  de 
Kervallan,  et  aloi^  s<Mdemenl  la^Lirc|uis<* 
connut  avec  crrtitiule  les  enjjigenuMits 
pris  par  .son  mari,  et  qutlle-meme  avait 
sanctionn«'*s,  pui«;qu'elle  avait  donné  sa 
signature. 

Elh'  lut  eiVraytv  eu  sond.mt  la  profon- 
tleur  «lu  goulïiv  que  les  prodigalitt'>  «lu 


38 


Marquis  avaient  civiisc.  La  plus  {;raiulo 
partie  des  tloinaines  et  des  métairies  se 
trouvait  enpap,('e  ]>our  ])lusieurs  aniu'es  ; 
et  il  fallait  se  eréer  des  ressources  nou- 
velles, afin  de  satisfaire  à  des  exigences 
incessantes  de  la  part  d'iui  lionnuc  dont 
la  passion  principale  était  maintenant 
le  jeu. 

L'intendant  parla  de  mettre  en  coupes 
ré[>l(vs  les  forets  {'.iboyeuses  dans  les- 
(jnelles  la  hache  n'avait  pas  retenti  de- 
puis plus  de  vinpjt  ans,  ou  hien  d'établir 
des  coupes  partielles  qu'on  domierait  en 
exploitation  à  des  sabotiers. 

La  jemie  JMarquisc  répondit  (pi\île 
réfléchirait. 

Jusqu'à  ce   jour,  iMoisant  hii-nième, 
qui  avait  taiit  dVmpire  siu-   Fcsprit  de 
son   maître  ,   n'avait  pas  pu  décider  le 
3Larquis  à  tirer  parti  des  bois  qui  péri- 
clitaient sur  pied.    Ardent  chasseur,  et 
faisant  peu  de  cas  des  plaintes  des  lal^oii- 
reurs,  dont  les  champs  étaient  voisins  de 
ces  forêts  si  abondantes  en  gibier,  M.  de 
Porzinis    avait    expressément     défendu 
qu'on  y  pratiquât  des  coupes.   IMais  la 
nécessité   était    là ,    impérieuse  connue 
toujours ,   et  d'autant   plus    impérieuse 
qu'une  nouvelle  demande  d'argent  ve- 
nait d'être  faite  par  le  iMarquis,   et  il 
annonçait  en  même  temps  la  prolonga- 
tion indéfinie  de  son  séjour  près  du  roi. 
Hélon,  consulté  par  sa  maîtresse,  ré- 
pondit qu'avant  peu  il  serait  en  état  de 
dire  si  l'exploitation  d'une  partie  des  bois 
par  les  sabotiers  offrirait  des  avantages 
réels  et  ne  mettrait  pas  en  fuite  le  gibier 
auquel  le  IMarquis  tenait  par-dessus  tout. 
Quelques  jours  après,  il  apportait,  avec 
les  renseignements  pris  à   ce   sujet ,  le 
résultat  de  ses  calculs ,  et  la  î\Lirquisc 
comprit  que  mieux  valait  augmenter  les 
revenus  que  de  réaliser  tout-à-coup  une 
forte  somme  qui  serait  bientôt  dissipée. 
Elle  ordonna  donc  que  chaque  année  on 
ferait  une  coupe  partielle  ;   c'était  d'ail  • 


leurs  se   réserver  !es  ressources  otlerle 
par  ime  c(-u]>e  générale,  si  de  nouvelles 
dettes  obli{;eaient  à  de  nouveaux  sacri- 
fici^s.  Ih'lon  fut  chargé  d'appeler  dans  la 
foret  des  l)andes  de  sabotiers. 

A  tous  les  marchés,  les  femmes  de  la 
Ilaute-lhetagne,  dite  pars  Gw/M,  viennent 
apporter  les  sabots  fabriqués  dans  les 
bois  ])ar  leurs  maris,  leurs  enfants  et 
elles-mêmes.  Ce  sont  elles  qui  mettent 
en  relations  les  ]>ropriétaires  des  forêts  et 
les  chefs  de  chaque  bande  ;  ceux-ci  se 
présentent  ;dors  poiu'  traiter  d'une 
coupe  de  bcis.  Gullais  et  Gnlhiiscs  for- 
juent  \\w  peuple  à  part  dans  la  Bretagne. 
Presque  toutes  les  femmes  sont  jolies, 
bien  faites,  et  la  fréquentation  des  mar- 
chés leur  donne  un  certain  nurge  du 
ihoikIc  civilisa^ ,  tandis  que  les  hommes 
sont  et  demeurent  éternellement  de  véri- 
tables sauvages  ;  ils  ne  soldent  de  leurs 
bois  que  fort  rarement  et,  ])lus  rarement 
encore  ,  on  les  rencontre  le  dimanche, 
après  vêpres,  sur  les  places  des  villages  où 
l'on  danse  des  branles,  et  où  l'on  joue  à 
la  crosse  et  à  la  soûle. 

Bientôt  le  silence  de  l'antique  forêt 
fut  troublé  i)ar  les  coiqis  retentissants 
de  la  cognée.  Il  fallait  commencer  par 
abattre  le  bois  nécessaire  à  la  construc- 
tion des  cahutes  de  sabotiers,  dont  cha- 
cune a  l'aspect  d'une  grande  ruche.  Un 
cercle  est  tracé  sur  la  terre  nue  ;  des 
perches,  assez  hautes  pour  qu'un  homme 
puisse  tenir  debout  dans  le  milieu  de  la 
cabane,  sont  plantées  tout  autour;  on 
les  lie  ensemble  par  le  haut  eu  laissant 
une  issue  pour  le  passage  de  la  fumée, 
car  le  foyer,  consistant  en  une  pierre 
plate,  est  placé  immédiatement  au-des- 
sous de  cette  ouverture.  Les  ])erches  sont 
ensuite  entrelacées  de  branches  d'aihres, 
et,  avec  de  la  terre  et  de  la  mousse  pé- 
tries ensemble,  on  remplit  les  intervalles 
de  ce  treillage  grossier.  La  porte,  com- 
posée des  mêmes  matériaux  ,  se  ferme 


39 


par  une  simple  cheville  de  ])ois.  Dans 
rinU-iifur ,  sur  des  planches  à  peine 
cqiianies,  sont  placVs  les  outils,  le  cliau- 
dioii  de  cuivn*  jaune  dans  Iccjucl  se  fait 
la  bouillie  de  blé  noir,  de  mil  ou  d'avoi- 
ne,  puis  les  assiettes  et  les  cuillers  de 
bois.  L<'S  escabeaux,  de  même  que  la 
vaisselle^  se  renouvellent  à  chaque  em- 
rnénnrrfint  nt  ;  loiS(|ue  les  sabotiers  de  mé- 
nagent^ ils  n'emportent  avec  eux  que 
leurs  outils,  le  chaudron  de  cuivre  et  le 
tn'pied  de  fer;  tout  le  reste  est  aban- 
donné ;  enfin  des  lits  de  feuilles  sèches 
reçoivent  la  fanjille  entière. 

La   jeune    Alarfjuise   prenait   plaisir  à 
suivre  le\s  difT'ienles  phases  de  r»'lablis- 
scinent  des  saboti<'rs.  Llle  parlait  à  che- 
val, accompa{j;née  de  Ilélon,  auquel  seul 
elle  confiait  son  fds,  pour  les  visiter,  et 
peu   à  peu  ces   pauvres  {;ens  s'accoutu- 
niai«Mit  à   ne   plus   prendre   la   fuite  à  la 
seule   vue  de    la   dame  du    dtaican;   ils 
osaient  niènie,  devant  elle,    danser   au 
son   du  biniou,  et  lancer  la  soûle,  gros 
billon  rempli  de  son,  plus  dur   qu'ime 
pierre  et  tlont  chacun,  au  j^rand  danger 
de    tous  ,    cherche     à    s'emparer    lors- 
qu'il retondre  à  terre,  afin  d'avoir  l'hon- 
neur de  lancer  la  snu/e  à  son  tour  le  di- 
manche  suivant.  Jamais   non   plus  elle 
n  avait  déd. iij;ni''  d  assister  aux  divertis- 
sements que  ses  donies(i(|ues  et  ses  vas- 
taux  prenaient  le  dimanche  sur  la  place 
du   village   de   Kernao,   et   citait    ainsi 
qu'elle   se    faisait  a<lorer.    r«-rnie,    mais 
l)ouue,  just<\  mais  charit  ible,  <li{;ne,  et 
pourtant    in<lul(;ente  ,    <-lle  inspirait    un 
amour  mêle  de  vénération.  Lors<pie  les 
paysans     la     rencontraient     desceiulant 
vers    le    villaj^;e    avec  son    fils   dans  ses 
bras,  ils  s'arrêtaient,  ôtaient  leur  grand 
chapeau,  et,  disant  un   ./••<•,  ils  priaient 
la  bonne  sainte  Vieij;e  et  son  divin  l'ils 
de  bénir  dans  le  ciel  la  mère  et  l'enfant, 
comme  chacun  les  bénissait  sur  la  terre. 
Depuis  trois  ans  Arthur  était  au  mon* 


de,  et  il  n'avait  pas  encore  reçu  les  ca- 
resses de  son  père.  Le  iMarquis  trouvait 
inutile  de  revenir  dans  ses  terres,  puis- 
que les  somnu  s  ({u'il  demandait  lui 
étaient  ponctuellement  envoyées,  au  jour 
dit,  par  son  nouvel  intendant,  et  puisque 
celui-ci  ne  lui  parlait  pas  sans  cesse, 
comme  Moisant,  de  transactions  à  con- 
sentir ,  d'engagements  à  remplir  ou  à 
prendre  en  personne.  Aussi  écrivait- il 
à  sa  femme  :  ..  Remerciez  pour  moi 
>L  de  Kervallan  de  m'avoir  donné  cet 
habile  homme.  Vous  pouvez  lui  accor- 
der votre  confiance  comme  je  lui  ac- 
corde la  mienne,  et  voir  sans  inquit  tude 
la  prolongation  de  mon  absence.  L'ad- 
ministration de  ma  fortune  est  en  bon- 
nes mains.  • 

■  Le  dirait-il  encore ,  se  demandait 
Reine,  s  il  savait  ce  que  j'ai  ose!*.... 
Dieu  m'aidera,  sa  bonté  me  soutiendra 
dans  la  tâche  difficile  que  sa  sagesse  a 
jugé-  à  propos  de  m'imposerl  » 

L'exploitation  de  la  foret,  entreprise 
par  la  marquise,  avait  pris  des  pro|>or- 
tioiis  de  plus  en  plus  étendues,  et  les  pro- 
duits allaient  en  augmentant.  Scieurs  de 
long,  charbonniers,  venaient  s'i'tablir 
dans  les  bois  de  Rernao,  avec  l'autori- 
sation de  l'intendant  ;  car  la  marquise 
s'ellaçait  toujours  le  plus  |H)s>ible.  Ou'a- 
vait-elle  besoin  de  p'outer  à  son  mari 
qu'elle  était  caf»nbtc  ?  ne  lui  sutVisait-il 
pas  lie  la  joie  de  l'ètie  en  ellel  ' 

Après  cinq  aniuVs  d'absence,  le  mar- 
(}uis  revint  vwUu  dans  son  manoir.  .^lais 
usé-,  vieilh  avant  1  âge  par  Ic^  veilles  pro- 
ItMïgées  et  l'abus  il«s  plaisirs,  il  ne  re$-  | 
MMiiblait  qu  à  yn'\nv  à  lui-même,  la  niar- 
quis<\  au  (xintraiie,  heureuse  du  bon- 
heur qu  (lie  diHinait  à  son  fils  et  à  tous 
ceux  (pu  rentouraienf,  était  plus  ivlle 
et  plus  fiaiche  «pie  jamais,  tx'lte  vie  ac- 
tive et  si  bien  nnuplie,  l'emploi  utile  des 
facultés  de  rintelligencx\  l'exercice  d'une 
(haiitc  trlairee  et  le  calme  qui  nS»ult<. 


^ 


10 


dt;  raccoiiiplissoineiit  ilf  so-»  (Uvoirs,  iv- 
jiaiulainit  sur  ttJiitr  sa  |i(MSOime  f[U('l(iue 
chose  il(^  |»ur,  de  a'h'slo. 

Le  cliàtf.ui,  ])our  irrevoir  le  maître, 
avait  pris  iiii  air  de  fête  ;  toute  la  maison 
était  là,  et  Ai  tliiir,  bel  enfant  aux  che- 
veux et  aux  veux  noirs  comme  ceux  de  sa 
mère,  se  montrait  tout  ensendjle  fier  et 
embarrassé  de  son  h.ibit  de  velours  et 
de  sa  culotte  de  soie  aux  broderies  d'or 
et  d'arp,ent,  du  jabot  de  dentelle,  de  la 
petite  épée  qu'il  avait  au  côté  et  de  son 
chapeau  j^alonné  el  à  plumes.  Il  se  mi- 
rait dans  toutes  les  glaces,  ne  se  sentant 
pas  de  joie  d'être  habillé  comnic  nu  .\ei- 
g/irnr,  lui  qui  avait  toujours  été  jusques 
alors  si  simplement  vêtu. 

Le  marquis  accorda  seulement  (juel- 
ques  caresses  à  son  fils,  et  Reine  comprit 
quel'amour  paternel  ne  régnerait  pas  plus 
sur  ce  cœur  froid  que  n'y  avait  régné 
l'amour  conjugal.  Dissinmlant  sa  dou- 
leiu",  elle  fit  avec  tant  de  grâce  les  hon- 
neurs de  chez  elle  aux  hôtes  revenus  en 
foide,  à  la  première  nouvelle  du  retour 
de  M.  de  Porzinis,  que  celui-ci,  étonné, 
dit  à  sa  femme,  d'un  air  de  galanterie  : 
«  Quelqurs  mois  de  séjour  à  Versailles 
suflhaient,  Madame,  pour  faire  de  vous 
une  femme  accomplie, 

—  Si  c'est  votre  bon  plaisir,  ]\Jon- 
sieur ,  répondit  Reine ,  je  resterai  de 
préférence  ici. 

—  Je  n'exige  rien,  Madame,  »  répon- 
dit le  Marquis  ;  il  ne  se  souciait  nulle- 
ment de  conduire  sa  femme  à  la  cour, 
car  sa  fortune  actuelle  ne  lui  aurait  pas 
permis  de  tenir  sa  maison  avec  le  faste 
qu'il  croyait  nécessaire  à  son  rang. 

Ce  ne  fut  pas  sans  de  grandes  précau- 
tions que  l'intendant  lui  fit  connaître 
qu'il  y  avait  eu  nécessité  de  mettre  en 
exploitation  une  partie  de  la  foret  de 
Kernao.  D'abord  le  Marquis  s'emporta, 
uienayant  de  chasser  raudaei<'ux  qui 
avait    osé    porter    la    cognée    sur   ses 


arbres  et  déloger  le  gibier.  Mais  lors- 
qu'il eut  jeté  les  yeux  sur  le  pruditit  cjui 
n'\snltait  de  l'enln^prise,  il  donna  l'ordre 
(pie  de  semblables  exploitations  fussent 
établies  dans  tous  ses  bois  sans  excep- 
tion. 

«  Nous  sonunes  plus  riches  que 
jamais,  dit-il  à  la  iMarquise.  Loin  de 
chasser  mon  intendant,  je  veux  le  récom- 
penser de  son  habileti*  ;  ({u'en  dites-vous, 
Madame? 

—  Je  suis  de  votre  avis  ,  Monsieur,  >» 
répondit  Reine,  qui  trouvait  dans  ces 
paroles  la  récompense  la  plus  douce  de 
son  courage  et  de  sa  persévérance. 

M.  de  Porzinis  voulut  aller  avec  tous 
ses  hôtes  visiter  les  sabotitTS.  Il  ])arut 
étonn('   en  ne  voyant  autour  de  lui  que 
des  figmcs  qui  expriniaient  le  bonheur. 
La  Marquise  avait  permis  que  ces  pau- 
vres  gens  eussent  des  poules,  des  chè- 
vres, quelques    bestiaux;  elle  en   avait 
fait  donner   à  ceux   qui  n'en  pouvaient 
pas  acheter.    On  apportait  cliaque  jour 
au  château,  de  la  forêt,  comme  des  vil- 
lages environnants,  des  œufs,  du  laitage, 
du  beurre  ;    on  recevait  en  échange,   et 
suivant  le  besoin,  du   grain,  de  la  toile, 
de  bons  vêtements,  et  l'on  avait  la  joie 
de  voir  madame  la  IMarquise  qui  prési- 
dait toujours    à   ces  distributions  ;  elle 
connaissait  chacun  par  son  nom  et  elle 
n'oubliait  jamais  de  s'informer  des  vieil- 
lards, des  enfants  et  des  malades.  Cette 
espèce    de    conunerce    d'échange   était 
avantageuse  des  deux  côtés  ;  les  ateliers 
du  château  avaient  pris  aussi  de  l'exten- 
sion ;  depuis  la  toile  de  chanvre  jusqu'à 
la  baptisle,  depuis  le  gros  drap  brun  jus- 
qu'à celui  pour  la  livrée  ;  depuis  les  ga- 
lons de  laine  jusqu'aux   passementeries 
nécessaires  pour  l'entretien  des  meubles  ; 
depuis  la  toile  de  coton  jusqu'aux  mous- 
selines   ])our   ameublement  ;  depuis    les 
dentelles  qui  ornaient  les  tables-toilettes 
et  les  lits  jusqu'aux  fines  dentelles  dont  se 


41 


parait  la  Marquise,  tout  se  fabriquait  au 
rliâteau.  La  main-d'œuvre  étant  coiuptte 
presque  pour  rien ,  et  une  charité  bien 
entendue  étant  la  rè^le  établie,  les  pay- 
sans, les  sabotiers  {^afjnaient  à  recevoir 
en  nature  le  prix  de  leurs  denrées,  tandis 
que  le  cliàteau  puisait,  dans  récoulenient 
de  ses  pioduits,  des  ressources  incessan- 
tes. C'était  ainsi  que  la  niarquise  était 
.inivé-e  à  faire  face  aux  dépenses  de  sa 
maison,  et  à  pouvoir  prélever,  de  tenq)S 
••n  tiinps,  sur  la  totaljlJ- des  reveims  non 
en^afjés,  de  quoi  fournir  aux  prodigalités 
de  son  mari.  Elle  espérait  parvenir,  avec 
lie  la  constance  dans  son  œuvre,  à  étein- 
dre enfin  toutes  les  dettes  contractées, 
et  à  laisser  à  -i»ii  fils  uik*  ]»«  II«"  for- 
tune. 

iM.  de  Poi^inis,  touché  du  résultat, 
ne  soiij;ea  point  à  ri  monter  à  la  source, 
liais  il  vit  avec  une  vive  sa  ti-^  faction  qu'il 
)>ouvait  contimier  de  consacrer  sa  vir 
•  lU  plaisir. 

La  mort  de  Louis  XV,  l'avènement 
«le  Louis  XVI  viment  lui  fournir  un  pré- 
l.'xle  honorable  de  retournera  la  eom  ; 
il  le  saisit  avec  rmpr«.ssrnu-nt,  disant  qui* 
son  titre  de  père  lui  ordonnait  «l'onvrii 
la  eaiiière  à  son  fds. 

Keine  sentit  (pie  son  sort  était  déridé  à 
toujours,  et  elle  demanda  à  la  ]Mère  de 
toutes  les  douleurs  de  la  rendri'  heureuse 
dti  moins  par  S4'S  enfants;  car  un«-  s<vonde 
lois  tllo  allait  être  n»èr»'. 

Le  Marquis  ne  répondit  pas  à  la  lettre 

jar    laquelle  le  eliap<"lain   lui  annonçait 

qu'il    lui   était    né   une  fille,  et  11  mar- 

'    i:  •'    c()nq)iit    que    celte    enfant    était 

.   \  '  "ri'  au  elolirr. 

iJi'    voulut  nourrir  sa  fille  connue  elle 
vali    ni^urri  son  fils  ;  celte  pauvre   en- 
liiil  npoiiWr  par  son  jièn»  lui  était  bien 
chère,  et.  souvent,  uqncs  du  b<T- 

cr.ui  i)\\  Marie  emicmiic  lui  piés4'ntail 
rini.ij;^  li'ui»  anjje,  K<ine  se  dem  uulait 
>i  la  paix  du  couvent  ne  valait  pas  mieui 


«juc  toutes  les  amertumes  qui  avaient 
rempli  sofi  existence  depuis  l'âge  où,  par 
1  »  volonté  de  son  père,  elle  était  devenue 
marquise  de  Porzinis....  Mais  ses  incer- 
titudes cessaient,  lorsqu'cntourée  de  ses 
enfants.  Reine  recomiaissait  que  le  bon- 
heur d'être  mère  est  si  ^r.md,  qu'il  peut 
consoler  de  tout  !... 

Le  .^Lirquis  avait  ordonné  délever 
son  fds  ct)nnnc  il  convenait  à  un  {jentil- 
honnne.  Arthur  devait  appnndre  à  mon- 
ter à  cheval,  à  faire  des  armes,  à  chas- 
ser, à  danser  ;  plus  tard  il  recevrait  l'in- 
stniciion  n^x^essaire  à  son  ranjj. 

C  était  avec  l'inquiétude  d'être  bientôt 
séparée  de  lui,  cpie  R<  ine  s'alLichait  a 
développer  dans  son  Arthur  h's  princÏTu  , 
i\c  la  religion  et  ceux  de  riiomieur.  1.  i 
lui  apprenait  aussi  à  voir  d«^  honunes, 
et  non  des  êtres  d'une  nature  inférieure 
à  la  sienne,  dans  ceiLX  qui  un  jour  lui 
s«Maienl  soumis;  et,  par  son  exemple,  rllc 
lui  faisait  conque. idre  le  prix  du  i.-  \ir 
bien  remplie. 

La  gaiié  de  ses  deux  iN'aux  enfants 
réveillait  la  sienne;  elle  partageait  leur 
jeux,  elle  les  utiissait  à  clh*  par  luus  les 
liens  de  ralïevlioii  la  plus  tendiv  ;  «  11» 
leur  ensei';nait  l'art  «le  s«'  fain*  aimer  de 
leur  entouraj;»',  et  les  jours,  les  mois,  les 
aimées  pass^nent  maintenant  pour  elle 
91  doucement,  que  sans  t-ess**  elle  niuer* 
ciait  l)(cu  de  lavoir  f  lite  si  heun*iise. 

Soudain,  le  bniit  de  la  mort  du  ALir- 
qiiis  «en  pamlil.  Les  nus  |virlaient  d'une 
maladie  nui  lui  avait  à  peine  donné  le 
temps  «le  se  rec»»nnr»iire,  les  «utn^  d'un 
coup  d'éjvV  reçu  dans  tme  nMicunlrr.^  |.i 
suite  «l'une  querelle  au  jeu. 

\^  cause  de  elle  mort  si  pnnnpte  ne 
fut  jamais  bien  (ttnnue.  mais  à  |H*ine 
i;;.  e  de  vingt  huit  ans,  la  marquise  de 
Poriinis  m»  trouvait  veuve. 

Le  o)iiseil  de  funille  la  noinu.  >  tuii  lo 
de  M*s  enlinls.  lemoij;na{;e  ti>ueh  i:'  -î.- 
I.(  huile  isiime  qu'elle  avait  in^, 


42 


ircoiupciise  nu'iiU'OiVuiio  vie  de  dévoiu'- 
iiieiit. 

S<.\s  larinrs  roulèrent  lon(',teiii|)S,  car 
elle  n'avait  pa$  cessé  dainier  celui  tlont 
rinditV»  rence  et  Tinconduite  avaient  lait 
le  tonnuent  de  ses  plus  belles  années,  et 
ce  fui  dans  rexercice  de  la  ])iété,  dans  les 
soins  à  donner  à  ses  enfants  et  à  Tadini- 
nistiation  lie  leurs  Liens,  qu'elle  pui^a 
des  consolations  et  du  courage. 

Libre  de  (liri(;er  à  son  {;ré  son  iils,  sa 
fdle,  si  tendrement  aimés,  la  marquise 
jouit  enfin  de  quelques  années  de  vrai 
bonheur.  Arthur  adorait  et  révérait  sa 
mère;  3Iarie  ne  vivait  que  pour  l'ai- 
mer; leur  confiance,  leurs  joies,  leurs 
plaisirs,  tout  était  des  sources  de  jouis- 
sances vives   pour  le  eœur  maternel 

INIais,  sur  cette  terre,  rien  n'est  durable, 
et  de  nouvelles  épreuves  Lieu  crnelles  de- 
vaient rappeler  à  Reine,  si  parfois  elle 
avait  pu  l'oublier,  que  ce  n'est  point  ici- 
bas  qne  la  vertu  trouve  une  récompense 
dijrne  d'elle  I 

ÎMarie  avait  à  peine  quatorze  ans; 
bt  lie  tt  jolie  connue  sa  mère,  elle  était 
recherchée  en  mariaj^e  par  un  j^rand  sei- 
gneur doué  de  ces  dehors  qui  attirent  : 
beauté,  esprit,  langajje  séduisant,  rien 
ne  manquait  au  comte  de  ....  prince 
de.  .  .  .  1  ien,  qu'une  réputation  pure. 
Justement eiliayée,  la  .Marquise  voulut 
éloi^jner  de  sa  fille  cet  homme  que  des 
liens  de  parenté  unissaient  à  sa  famille... 
IMais  le  prince  était  ruiné;  il  avait  be- 
soin de  la  dot  de  3Iarie....  il  sut  com- 
pronieitre  celle  qu'il  prétendait  aimer,  et 
il  fallut  accepter,  en  [M-missant,  la  répa- 

raticMi  qu'il  ofliait 

L'année  suivante,  la  nouvelle  épouse 
se  réfn^^iait   au  couvent  des  Dames  L'r- 
I        sulines  de  Pontivy  1 1  ])l.iidait  en   sépa- 
ration ! 

( hu  l  coup  alheux  ])onr  elK'  qui  avait 
fait  le  sacrifice  conq)let  d'elle-même  à 
l'honnc m  (lu  nom   <|u'elle    portait! 


^'était-ce  pas  elle  que  sa  fille  aurait  dû 
consulttr  avant  que  d'ajjir?....  Elle  lui 
aurait  dit  (jne  la  perte  de  toute  sa  for- 
tune était  mille  fois  préférable  au  scan- 
dale d'un  tel  procès  î jNLais  la  jeune 

lemme  révoltée  de  la  contluite  de  son 
mari,  avait  cédé  à  un  premier  mouve- 
ment... Le  repentir  était  venu  aussitôt, 
puis  eiliayée  de  la  juste  sévérité  de  sa 
mère,  elle  n'avait  pas  osé  lui  demander 
un  asile. 

Pendant  que  la  Marquise  pleurait  amè- 
rement sur  le  malheur  de  »a  fdle,  mal- 
heur irréparal)le,  sans  fin,  sans  remède, 
la  tourmente  qui  devait  bouleverser  la 
France  et  bientôt  l'Europe  entière,  com- 
mençait à  répandre  paitouttle  sourdes 
agitations.  ]\Liis,  au  manoir  de  Kernao, 
à  peine  si  retentissaient  parfois  les  bruits 
sinistres,  précurseurs  de  l'orage,  et  l'on 
n'y  croyait  pas.  Dans  cette  contrée,  éloi- 
gnée des  villes,  re.xistence  continuait 
d'être  d'une  monotonie  paisible.  Le  jeune 
Marquis,  cédant  à  la  douce  influence  de 
sa  mère,  vivait  éloigné  des  hommes  de 
son  âge.  Il  aimait  l'étude  ;  la  Marquise 
entretenait  avec  soin  en  lui  cette  source 
féconde   des  plus  doux  plaisirs... 

Soudain  de  terribles  nouvelles  arrivent 
coup  sur  coup...  Le  Roi,  la  Reine,  la 
Famille  royale  ont  été  enlevés  de  Ver- 
sailles et  amenés  à  Paris...  Ils  ont  pris  la 
fuite...  mais  on  vient  de  les  arrêter  ù 
A  arennes  ! 

«  Partez,  mon  fils,  dit  la  Marquise  ; 
faites  votre  devoir  !  i< 

Et  elle  resta  seule,  seule  avec  ses  an- 
goisses, seule  avec  sa  douleur  ! 

La  noblesse,  les  paysans,  tous  prenaient 
les  arnu^s  ;  la  guerre  civile  secouait  par- 
tout ses  torches  en.sanglantées... 

Bientôt  les  portes  des  couvents  tom- 
bèrent devant  les  troupes  républicaines. 
!Marie,  déguisée,  arriva,  après  avoir  couru 
bien  des  dangers,  au  château  de  Keruao. 
Sa  mère  mourante  lui  tendit  leg   bras, 


43 


pronoDca  ie  uoiii  d  Arthur  et  s  (.'vaiiouit. 
Tant  de  iiialluuis,  des  douleurs  si  poi- 
fjiiantes  l'avaient  emporté  sur  la  rési{;na- 
tioii,  sur  le  couraye. 

Le  jeune  .^larquis,  eiiuaiin.-,  apies  ia 
mort  du  roi  et  de  la  reine,  par  le  Ilot  de 
rénii{;iatlon,  avait  quitté  la  France,  et 
personne  ne  pouvait  dire  quel  était  son 
sort.  Le  eliàteau  de  Kernao  et  les  domai- 
nes olïraiint  les  traees  dune  dévastation 
réeente...  Pailout  la  désolation,  la  ruine 
le  silence  de  la  mort  !... 

«  La  main  de  Dieu  s'est  appesantie 
sur  la  France  et  sur  nous  !  dit  la  Marquise 
qui  sentait  approcher  sa  dernière  heure. 
En  ce  qui  me  touche,  je  reconnais  sa 
justice  !  Je  m'étais  enorgueillie  dans  mes 
enfants!...  je  suis  punie  dans  mes  en- 
fants... Je  m'étais  enorgueillie  dans  mes 
0,'uvres...  mes  œuvres  ont  été  détruites!.. 
«•  Et  qu'est-ce  que  notre  vie?  sinon  une 
»  vapeur  qui  parait  pour  un  peu  de  tenqis 
»  et  <pii  di>j)arait  ensuite  (l)  I  » 

Après  un  moment  de  silence,  elle  attira 
sa  lille  sur  son  eo'ur  ilont  les  battements 
étaient  presqu'insensihles,  pria  avec  fer- 
veur, et  murmura  d'une  voix  éteinte  : 
i<  Mon  Dit  u,    notre   sort  à  tous  est  dans 


vos  mains  et  non  pas  dans  les  nôtres I... 
je  l'ai  trop  oublie!...  pardonnez-moi, 
mon  Dieu!...  Daignez  prendre  pitié  de 
la  France  et  de  tout  ce  qui  m'est  cher  !  • 

Ses  yeux  se  fermèi-eut...  Elle  avait 
cesse' de  souiliir! 

A  peine  se  souvieut-ou  aujourd'hui 
<lu  dernier  marquis  de  Porzinis;  il  mou- 
rut ignoré  sur  la  terre  étiangèrc  ;  à  peine 
5e  souvient-on  de  sa  sœur,  la  princesse 
de...  ;  pour  échappera  l'échafaud,  elle 
épousa,  après  la  mort  de  son  premier 
mari,  un  ohscur  chirurgien  d'année 
«pi'elle  suivit  loin  de  sa  terre  natale  ; 
niais  il  nVst  pas  un  vieillard  qui  u'ait 
conservé  avec  un  respect  religieux  la  mé- 
moire de  Madame  la  Miinjuue.  Pendant 
les  longues  veillées  de  l'hiver,  jusque 
dans  les  plus  humbles  chaumières,  on 
raconte  les  soulTranccs,  la  piété,  les  bien- 
faits de  celle  qui  sut  comprendre,  dès 
rà|;e  le  plus  tendre,  que,  de  la  femme, 
dt'|)endent  l'honiu  ur  et  la  fortune  des  fa- 
milles; et  chacun  )x*nit  son  nom;  et  cha- 
cun glorifie  les  hautes  vertus  qui  ont  en- 
t<nué  ce  nom  d'une  auréole  si  brillante 
«  l  si  pure  ! 

S     l    I  LlAC-THEMAntlRE. 


lîN'STKl  (;ilON. 


^    W    JLl  N>   —  JJ 


I.FS    DEI  V     iLMARACnA. 


rAki.K. 


l  n  almanaeh  de  l'an  passt'*. 
Etant  sur  un  bureau  cote  à  tvle  pl.nc^ 
Pivs  d'un  almanach  de  l'annér. 
Lui  (lis  lit  :  «  (Hier  voisin,  quel  crime  ai -je  tlonc  fait. 


(I)  Saint  Jacqiicf. 


1 


44 

(hi\)n  ail  si  l)iiisi|iUMU(nil  clianj^r  ma  (.li'stinée? 

INIoii  maître  à  cliaqiie  instant  m'ouvrait,  mr  consultait, 

Kt  maiiit«'nani  ma  basane  lanée 
A  la  poussière,  aux  vers,  (ItMueure  abandonnée, 

Tandis  ([ue  le  caprieii  u\ 
Seujble  avoir  j>our  toi  seul  et  des  mains  et  des  yeuxl... 
L'autre  ahnanacli,  louL  irais  tloré  sur  trancbe, 

l.ni  répondit  :  «  ÎMon  pauvre  ami, 
Tu  n'es  plus  de  ce  temps,  et  le  tien  est  fini. 

Quand  nous,  nous  sonunes  au  dim;nieli(^, 

Tu  n'es  encor  qu'au  samedi. 

Ne  t'en  prends  qu'à  ton  millésime; 
Si,  grâce  au  mien,  je  suis  ce  que  tu  lus, 

J'aurai  mon  tour,  et  mon  seul  crime 
Sera  d'avoir  compté  douze  lunes  de  plus.  » 

Ainsi  tout  passe  et  change  en  ce  monde  fragile. 
N'être  plus  de  son  temps,  c'est  connue  n'être  pas  ; 
Les  hommes  sont  charmants  tant  qu'on  leur  est  utile  ; 
Qui  ne  l'est  plus,  ne  voit  que  des  ingrats. 
Résignez- vous  à  ces  tristes  pensées, 
Gens  d'autrefois,  puissaîices  renversées, 
Yieux  serviteurs,  anciens  soldats, 
An^ants  trahis,  beautés  passées  : 
^  ous  êtes  de  vieux  almanachs. 

VlENiNET, 

De  l'Académie  i'nin(.'ai!ii\ 


HISTOIRE. 


l'iia  ioftf  të»   li£«îorê(ssBO!^« 


MGNLMKr^iT    ÉRIGE    A    L  lG^OMlINIE. 


En  1843,  existait  encore  à  Copenha- 
gue im  monument  ])lus  extraordinaire 
peut-être  par  la  pensée  qui  Tavail  inspiré 
que  par  son  aspect  étrange;  nous  ne  sa- 
ciiions  pas  (pie  l'histoire  en  présente  un 
second  exen)j)le. 

Vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle, 
In  cour  suprême  déclara  le  comte  Cortiz 
d  Chleléld,   grand   maréchal  du  royau- 


me, coupable  du  crime  de  haute  trahi- 
son ;  l'arrêt  portait  que  le  criminel  serait 
conduit  lentement  par  les  rues  principa- 
les de  la  ville  ;  que,  pentlant  le  trajet,  il 
serait  tenaillé  toutes  les  cinq  minutes; 
q« l'arrivé  au  lieu  du  supplice  il  serait  écar- 
telé,  que  son  corps  serait  briilé  ensuite, 
et  ([lie  ses  cendres  seraient  jetées  au  vent. 
INIais  là  ne  se  bornait  pas  la  sentence  :  les 


45 


biens  du  coupable  devaient  être  confis- 
qués au  profit  de  l'Etat,  et,  sur  l'euipla- 
cenient  ocx;upé  par  son  palais  qui  serait 
rasé  ,  un  monument  serait  éri^é  pour 
rappeler  A  ToLJoi  BS  le  crime  de  Corliz 
dLlilefeld. 

La  sentence  terrible  ne  put  recevoir 
son  exécution  pleine  et  entière,  le  crimi- 
nel avait  fui  ;  mais,  à  la  place  du  palais 
rasé ,  trois  énormes  pierres  bmtes  se 
ilressènnt  plac<  es  Tune  sur  1  autre  ,  et 
«elle  inscription  lut  {jravée  en  creux  et 
d'une  manière  bien  lisible  sur  celle  qui 
formait  le  couronnement  de  cet  étiauge 
monument  : 

A    l'ig.no.mlme 

ET 
A    L\     HONTl    PEHPETIELLE 

DE 

CoUTIZ    1)  l   HLFFELD, 

TRAITUE      A      LA      PATKIE  I 

Les  annérs  passèrent,  la  ville  de  Co- 
|H*nlia(jue  s'embellit ,  des  habitations 
élép,antes  s'élevèrent  autour  de  la  grande 
place  dont  ce  iiionument  occupait  le  cen- 
tre. Bientôt  on  se  plaijjnit  île  lelK  t  triste 
et  if'|>oussant  que  présent  lit  rasstMnbla[;e 
Ijrosbier  de  ces  pierres  noircies  par  le 
temps,  et  qui,  se  dress<int  là,  sombres, 
menaçantes,    réveillaient  à   tout  insLint 


l«'  souvenir  du  plus  lionteux  de  tous  les 
crimes.  On  sollicita  avec  ardeur,  avec 
persévéï-ance  la  dt^truction  du  monu> 
ment;  mais  la  sentence  portait  :  a  tol- 
JOi'BS  !  comme  s'il  di-peudait  de  riiomnie 
de  pi-rpéluer  it  ii»uj,uri  par  un  amas  de 
pierres  plus  ou  moins  iv^lier ,  ou  La 
gloire  ou  l'infamie  I  cx>mme  si  à  l'Eu^niel 
seul  n'appartiennent  pas  ces  mots  : 
A  toujours  ! 

Dernièrement,  celte  dcstniction  a  «  i« 
enfin  accordée. 

Des  doutes  s'étaient  ëlev»^  dès  long- 
temps sur  la  réaiité  du  crime  dont  G>i  U/ 
d'Llilefeld  avait  été  accusi*;  quelque> 
historiens  aflirment  qu'il  fut  calomnié-, 
mais  non  pas  coupable. 

Viwc  supplique  ayant  étt*  présent»*e  au 
roi  jMJur  démander  grâce  en  faveur  d'un 
accusé  qui  n'avait  même  pas  été  entendu, 
et  contie  lequel  oo  u'avait  jamais  pu 
trouver  de  preuves  écrites,  la  ménioii  -  1 
Cortii  d  LiileiVld  a  été  réhabiUtee  ap:^> 
doux  sic*cles,  et  l'ordre  a  été  donné  d- 
détiuire  leinoaiimenlénjjéà  l'I^nonii  .j   . 

Ainsi  ce  nom,  voué  |iendant  deux  >.«-- 
clés  à  l'exécrallon  publi<]ue,  était  |  • 
être  celui  d'un  honmie  innocent!  On  . 
leçon  jxjur  ceux  qui  sont  ap|H.*les  .i  j  i>)- 
noncer  sur  la  vie  et  sur  l'honneur  de  leui^s 
seinblibles  ! 


(i:rviu:s  dl  iiii:M'AL<\>cK. 


UJi  LUTERIU. 


La  ni  lin  sur  ta  (H)nsoience,  mes  ainui- 
bles  lectrice!» ,  (pi'avez-vous  pensé ,  je 
vous  |)ri»*,  en  voyant  tous  l<*a  trafics  (par- 
\Um\  de  l'expression,  mais  elle  t*st  juste), 
auxquels  ont  donné  lieu  deux  grandes 
U)t<  ries,  dont  l'idi'»'  première  était  noblt* 
et  ht  lie,  car  il  s'aj'Jssait  de  lendn'  une 
main  nmic   aux    arts,   aux  div«*r!irs  iu- 


duNtries  qui  s'y  rattachent ,  Cl  de  leur 
oA'rir,  non  |>as  raumùur,  uui$  le  saLiitr 
aetpiis  par  le  travail .'' Qu'a vci-vous  |>*!;^é- 
I  enet>i"e,  je  voua  prie,  en  voyant  la  fouie. 
altinv  |vir  l'appât  '  i  »  tôt,  ix»urir  a.:\ 
journaux  nr%  ou  «;  Delà  pUipai  t 

des    journaux  *i  /.  d  ne  n^^f'-n   à 

l'.ibonnc,  pour  iouvcnir  y 


i6 


qiiittaïKT  irabonncmoiit;  mais  les  jour- 
neaiix  ncs  !  do  tlcux  choses  \\\uv  ;  raiiiu'o 
drniiî'iv  on  lt\s  a  payés  trop  clirr,  car 
ralioiincmciit  no  domiait  pas  droit  à  des 
billets  di^  loterie  ni  à  des  primes ,  ou 
bien  les  billets  de  loterie  et  les  piimes 
qu'ils  piodi^jueut  aujourd'hui  sont  sans 
valeur. 

Je  méditais  proi'ondt'meiit  sur  ce  di- 
lenune  Tautre  jour,  en  traversant  les  bou- 
levarls,  et  en  roulant,  sans  y  son<>er,  entre 
mes  doij^jts  un  prospectus  que  venait  de 
me  remettre  un  de  mes  amis  ;  je  me  de- 
mandais comment  il  se  faisaitqii'en  Fran- 
ce, où  Y  esprit  court  les  rues,  expression 
consacrée ,  il  soit  si  facile  de  trouver  des 
milliers  de  dupes;  qu'en  France  où  tant  de 
personnes  se  vantent  de  ne  croire  à  rien, 
on  rencontre  à  clmcpie  pas  une  foule  de 
gens  dont  la  crédulité  est  en  vérité  celle 
de  Tàgr  dor?...  Entendous-nous  !  je 
vous  parle  du  tejups  où  For  monnayé 
était  inconnu  ;  ue  confondons  pas  ,  s'il 
vous  plaît,  la  métaphore  avec  la  réalité.. 

—  Allons ,  encore  une  loterie  I  m'é  - 
criai-je  en  m'arrètant  brusquement. 

J'avais  uiachinalement  déroulé  mon 
prospectus,  et  je  lisais  :  OEuvue  de 
Saipit-Ilin,  colonies  ogriroles  de  la  Bre- 
tagne. —  Loterie  autorisée  par  le  gouver- 
nement. 

Puis ,  me  rappelant  que  c'était  Emile 
Souvestre  qui  m'avait  rcuùs  ce  papier, 
qu'il  m'avait  dit  être  l'un  des  conunis- 
saires,  ce  qui  m'assurait  que  je  n'avais  à 
craindre  ici  ni  spéculation^  m  jongleries ^ 
mais  que  je  pouvais  compter  au  con- 
traire sur  de  la  droiture,  et  sur  des  vues 
véritablement  bienfaisaîUes ,  je  lus,  et 
j'apjiris  que,  dans  le  département  des 
Cot(  s-du-Nord ,  au  bour^  obscur  de 
Saint-Ilan,  un  jeune honnne,  M.  Alexan- 
die  Duclézieux ,  retiré  dans  sa  pro- 
priété sur  les  bords  de  l'Océan ,  avait 
mis  pendant  lonjjtenqxs  toute  sa  joie, 
tout  son  boidieur,  à  domier  du  travail 


et  du  pain  à  une  foule  de  malheureux  : 
mais  le  nondjr.?  de  ceux  qu'il  secourait, 
au{;mentait  de  jour  en  jour;  M.  Duclé- 
zieux comprit  que  pour  occuper  tant  de 
bras  inoccupés,  que  pour  éclairer  tant 
d'intellijjenees  plonjjées  dans  l'ignorance 
d(^  la  reli<>,if7n  et  des  devoirs,  il  f^illait 
consacrei-  à  cette  œuvre  de  bienlaisanee 
sa  vie  et  sa  fortune.. 

C'^pendant,  il  lui  était  impossible  de 
se  charger  indistinctement  de  toutes  ces 
misères;  il  se  dévoua  donc  à  lanudtitude 
des  enfants  déshérités  des  soins  de  la 
fanùlle  et  des  bienfaits  de  l'éducation. 
Secondé  par  un  soldat  de  la  vieille  garde 
(permettez -moi,  mes  aimables  lectrices, 
d'ouvrir  \mv  parenthèse,  et  de  vous  dire, 
à  "propos  de  ce  vieux  soldat,  qu'un 
jour  je  vous  raconterai  des  merveilles  de 
charité  faites  par  un  vieux  bombardier 
qui  date  de  la  même  époque;  je  vous 
promets  un  récit  plein  d'intérêt ,  vous 
verrez)  ;  secondé  donc  par  un  soldat  de 
la  vieille  garde ,  IM.  Duclézieux  essaya 
sur  de  malheureux  enfants,  pris  dans  les 
prisons  ,  la  régénération  qu'il  projetait; 
ayant  réussi  à  les  ramener  au  bien ,  à 
faire  naître  en  eux  l'amour  du  travail,  il 
étendit  son  œuvre,  et  il  résolut  de  diri- 
ger vers  l'agriculture,  qui  manque  de 
bras  en  Bretagne,  où  se  trouvent  encoïc 
tant  de  terres  incultes,  cette  population 
si  abandonnée  d'enfants  pauvres,  flot 
menaçant  qui  s'élève  contre  une  société 
troj)  oublieuse  des  misères  sans  nondjre 
tl'où  soitent  les  crimes  !  M.  Duclézieux 
groupa  ses  enfants  adoptifs  par  famille 
de  vingt  sujets  chacune,  sous  la  direc- 
tioii  de  quatre  contre-maîtres. 

Dès  l'armée  18  40,  une  maison-école 
fut  fondée  à  cette  fin.  Deux  années  après, 
la  maison-école  pouvait  fournir  les  con- 
tre-maîtres auprès  de  ces  enfants  adop- 
tifs, et  deux  essaims,  sortis  de  la  ruche  de 
Saint-llan,  allaient  s'établir  l'un  à  ÎMes- 
lin,  l'autre  à  Bellejoie.  Tout  le  pays  fut 


47 


ému  de  voir  ces  familles  s'entr'aider 
pour  ensemencer,  faire  la  n'colte,  battre 
les  grains.  Le  sentiment  de  Xhimneur^  lié 
anx  principes  relij^ieux  ,  a  été  tellement 
réveillé  chez  ces  malheureux  abandon- 
nés, que.  jusqu'ici,  les  ])lus  petits  moyens 
ont  suffi  pour  stimuler  leur  zèle.  La 
seule  chose  qu'ils  redoutent,  c'est  d'être 
privés  de  Moniteur  de  travailler  avec 
leurs  camarades. 

L'Œuvre  de  Saint-llan  n'est  donc  pas 
à  l'état  de  projet ,  elle  a  pour  elle  la 
const'cration  de  rexp<'rience;  il  ne  .s'agit 
plus  aujourd'hui  que  de  lui  donner  tout 
le  développement  possible ,  en  consti- 
tuant la  maison-mère  ,  en  créant  une 
colonie  centrale  par  département ,  et 
enfin,  en  propageant  la  cn'ation  de  co- 
lonies partielles. 

Déjà,  la  maison-mère  a  sous  la  main 
une  colonie  agricole ,  une  maison  de 
moniteui*s,  une  école  de  contre -maîties, 
une  maison  d'aumôniers,  et  deux  colonies 
partielles  avec  ateliers  propret  à  l'agri- 
culture et  aux  dilfirents  besoins  de  l'OEu- 
vre  :  u»ai:>  d'autres  efforts  que  des  efforts 
individuels  sont  nécessaires  pour  com- 
pléter ce  qni  reste  à  faire.  Le  Conseil 
général  des  Côtes- du-Nortl  a  vot»\  pour 
trois  ans  ,  une  subvention  annuelle  de 
8,700  fr.  ,  et  le  gouvernement  vient, 
après  avoir  accordé  un  secours  consi<lé- 
rable,  d'autoriMM"  uiir  L<)l«iie  dont  le 
prodnit  |M'rmettra  île  iondtr  à  |MM|Hluit»'* 
la  maison -mèie  d'où  sortira  ,  tous  les 
huit  ans  ,  un«*  popul  ilion  vigoureuse  de 
deux  milh'  j«'unes  gens,  élevés  <lans  des 
habitudes  de  moralité  ,  d'onlre  et  île 
Uavail. 

Vous  ne  trouverez  pas,  mes  ann.diles 
hx'lriees  ,  tlans  lelt»'  loterie  île  bienfai- 
sance des  lots  de  l'Jû  nnlle  ou  de  70 
mille  francs  seulement,  des  païun^  de 
diamants  depuis  dix  nnlle  jusqu'à  qua- 
rante francs  ,  avtx^  un  journal  né  uu  à 
naître  par-ita^ut  le  marche  ;  vou»  v  trou- 


verrez  en  revanche  les  travaux  à  l'ai- 
guille ,  les  jolies  aquarelles  que  vous  y 
aurez  envoyés ,  probablement  encore 
quelqu'œavre  de  grand  artiste ,  car  les 
arts  s'inscrivent  des  premiers  lorsqu'il 
s'agit  de  bienfaisance,  et  si  vous  prenez 
un  billet  de  un  franc,  vous  aurez  gagné 
à  coup  sûr,  alors  même  que  vous  ne 
gagneriez  rien  dans  les  lots  offerts,  puis- 
que vous  aurez  contribué  [>our  un  cent 
cintjnantc  miUicme^  à  la  fondation  d'une 
œuvre  qui  doit  faire  de  l'orphelin  mou- 
rant de  misère  et  de  froid  au  cx)in  de 
quelque  buisson,  un  citoyen  utile  au 
pays,  et  puisque  vous  auriez  arraché  une 
âme  iuunortelle  aux  suggestions  du  vice. 

\a^  siège  de  la  commission,  compc»st*€ 
des  hommes  les  plus  rixx)mmandables, 
vsi  chez  3/.  Lvnormandy  l4,  rue  .Yfwre- 
des  -  Pctili  -  Champs  :  là ,  doivent  étiTe 
adressés  les  lots,  et  là,  se  prennent  les 
billets. 

Tout  en  lisant ,  je  m'étiis  achemine 
vers  les  quais  ,  et  tout  en  réfléchissant, 
j'avais  traversé  les  ponts ,  marchant  de 
plus  en  plus  rapidement  ver*  l'ermitage 
de  notre  chère  directria',  à  qui  je  vou- 
lais faire  part  de  ma  ruot  vaille  ,  une 
vcrititblr  Lotentt  de  btrnf,rsani  r  .  îian< 
appdt  d'ancune  esj>cce ,  sinon  la  certi- 
tude de  faire  beaucoup  de  bien,  et  un 
bien  durable. 

On  m'élouta  attentivement,  puis  une 
lettre  ouverte  me  fut  pn'*sent«v,  |>ermeC- 
tez-n»oi,  utes  aimables  Uxtriees.  de  vous 
en  offrir  la  copie  : 

«  Je  tiens ,  ma  bonne  Pauline,  à  le 
donner  moi-même  la  description  d'une 
nouvelle  espèce  de  I»teiie  que  nous 
venons  d'inaugurer  à  Wininm»^  :  nous 
sonmies  en  droit,  tu  vas  le  voir,  de  de- 
mander un  ùre*'rt  d'iri*^ntinn. 

•  Nous  étions  bien  endnirrasscvs  pour 
hattre  nionnute,  au  conuneiuTment  d'un 
hiver  inip  précixx»  et  déjà  fort  rude, 
lt»rîiqu'une  de  nous  éuut  l'avis  de  conijw- 


1-^ 


48 


ser  iinr  Lotorie,  non  do  res  jollrs  siipcr- 
fluiti's  (jiii  siiraboiulont  dans  los  villos, 
telles  que  l)oiirs(\s,  coiboillrs,  pantoufles, 
etc.,  mais  de  coupons  de  toile,  de  drap, 
de  calicot  ;  d'accepter  un  aunajje  d'in- 
dienne ,  un  hectolitre  de  pommes  de 
terre,  une  mesure  de  charbon  de  bois  ou 
tle  terre  ,  (pieUpies  kilos  de  farine  ,  du 
beurre,  îles  bons  de  viande,  de  vin,  de 
chandelle,  de  savon,  de  grosses  assiettes, 
des  sabots,  des  chaussons,  des  bas  de 
laine,  des  brassières,  des  lanjjes,  des 
bonnets  de  futaine,  enfin  tous  les  objets 
d'utiUté  domestique,  dont  riienreux  j;a- 
j'uant  pourrait  ensuite  (gratifier  l'une  de 
ces  familles  malheureuses,  chez  lesquel- 
les manque  jusqu'au  nécessaire  le  plus 
nécessaire. 

»  Aussitôt  dit,  aussitôt  fait,  et  les  lots, 
et  les  bons  ,  ou  engagement  de  donner 
jusqu'à  des  meubles  de  bois,  jusqu'à  des 
paniers  de  ponunes,  de  légumes,  des 
fagots,  des  litn  s  de  haricots,  etc.,  nous 
sont  arrivés  ;  fermiers,  bouchers,  meu- 
niers, épiciers,  paysans,  tout  le  monde  a 
voulu  olTrir  un  lot  ;  les  gens  Icffics  ont 
envoyé  du  papier,  des  plumes,  de  l'en- 
cre, des  livres  élémentaires  destinés  aux 
enfants  qui  fréquentent  l'école.  L'argent 
que  devaient  produire  les  billets,  était 
destiné  à  payer  les  loyers,  charge  si  lour- 
de pour  les  pauvres  gens. 

»  Nous   avons  placé  tous  nos  billets 
jusqu'au  dernier. 

»  Je  Jî?  saurais  te  dire  la  joie  des  ga- 
gnant»,  le  jour  du  tirage!  Chacun  cou- 
rait p  ■»r':n*  ou  annoncer  à  ses  protégés,  les 
bons  vêtements ,  les  provisions  qui  lui 
étaient  échus  en   partage  ,    et    jouir  du 
bonheur  qu'il  répandait;   je  doute  que 
!e  gros  lot  de  la  Loterie  nationale  aitap- 
}oit(''  à  celui  (jui   l'a  {',i;în<' ,    un  plaisir 
^   aussi   vif  (pie   i  rlui  là  ,    car  le  bonheur 
d'autini   e>t  la  source  la  ])lns  ]>nre  et  la 
plus  douce  de  noire  projnc  bonheur.  Ga 
gner  le  <;j()S  lot,  c'est  seulement  ilevenir 


plus  riche,  et  c  est  souvent  voir  augmen- 
ter le  nombre  de  ses  désirs,  de  ses  be- 
soins; mais  gagner  ce  qu'on  n'a  pas  pu 
donner  en  quantité  suflisante  ,  des  j>ro- 
visions  pour  ceux  qui  manquent  de  tout, 
des  vêtements  et  des  moyens  de  chauf- 
fage pour  ceux  qui  meurent  de  fi  oid  ; 
dis,  Pauline,  n"(\st-ce  pas  obtenii-  de  la 
bonté  de  Dieu  des  joies  divines?  ■> 

La  lettre  est  signée  du  simple  nom  de 
Mathilde. 

Mes  aimables  lectrices,  lexeinple  de 
cette  charmante  Mathilde  et  de  S(\s  eom- 
])agnes ,  n'est-il  pas  bon  et  facile  à  imi- 
ter? Dans  le  plus  hund)le  village  peut 
être  ouverte  une  Loterie  de  ce  genre,  et 
ce  ne  sont  pas  seulement  les  pauvres  qui 
y  gagneront ,  ce  seront  tous  les  billets 
pris  ;  jouissances  pures  ici-bas,  éternité 
de  bonheur  dans  l'autre  vie.  Qui  donne 
aux  pauvres  y   donne  à  D  eu  ! 

Mais  donnent-ils  aux  pauvres  ,  ceux 
qu'on  voit  souscrire  dans  l'espoir  de  ga- 
gner le  gros  lot  dont  leur  esprit  est  uni- 
quement préoccupé,  quand  ils  prennent 
part  à  une  loterie  de  bienfaisance.  /...  Lote- 
rie de  bienfaisante  !  quelle  dérision,  alors 
que  cette  Loterie  fait  naître  la  cupidité  , 
alois  qu'elle  n'éveille  que  les  passions  les 
plushonteuses,  les  plus  basses,  lafièvrede 
l'or,  l'envie  !  alors  que  cette  Loterie 
amène  l'oubli  complet  de  ceux  en  faveur 
desquels  la  charité  publique  a  été  invo- 
quée ! 

Il  n'en  est  pas  ainsi  de  la  Loterie  pour 
l'œuvre  de  Saint  Ilan,  et  si  certains  lots 
en  nature  ne  peuvent  être  admis  dans 
une  OEuvre  à  laquelle  on  souscrira  de 
tous  les  points  delà  France,  des  layettes 
complètes ,  de  bons  vêtements  en  gros 
drap  ou  en  tricot  de  laine,  seront  assuré- 
ment reçus  avec  reconnaissance  ,  ri 
donneront  aux  gajjnants  lis  douces 
jouissances  goûtées  tout  ri'e.  nnnent  par 
les  heureuses  jeunes  filU-s  île  A\  a/emmes- 
lès- Lille.  Feunvnm  nr  LvsroitiŒ, 


49 


MKLANGHIS. 


UN    VOYAGE    E.\    DILIGENCE. 


Le  si{j;nal  est  donné  ;  Ip  postillon  fait 
cl.Kjiirr  son  fojiet,  les  clicvaiix  s  «'lancent, 
la  lour<le  voilure  se  met  en  mouvement; 
on  J>'u  t,  on  est  parti,  répt'lant  les  signes 
de  ladieu  aux  amis  qui  ont  accompa{;né 
les  voyajjeuis  jusque  dans  la  euur  des 
Messajjeries. 

Penilant  qu  ou  h  imim  i'.iiis,  eliacun 
ii'j;arde  aux  ])oitières;  mie  lois  liors  i\c> 
barrièiTS,  on  s<'  regarde  les  uns  les  autres 
avec  plus  on  moins  de  l)i(  nvrillanee. 

Les  places  de  Tint»  rieur  <'tai<Mil  o<'eii- 
pées  par  trois  jeunes  filles  :  im<"  dame 
d'un  certain  â{;e,  et  un  liomme  au  main- 
tien imposant.  A  tout  sr/f^z/rur  honneur  ! 
I/honnne,  étant  le  roi  de  la  nature,  doit 
rij;urer  le  jireniirr  dans  cette  };alerie  de 
portraits. 

M.  Firinin  n  a  point  un  physique 
précisément  ajjKable  :  air  afl  tiré-,  ton 
doi  toral,  r«{',ard  in(piisil«'tu,  lèvres  pin- 
cé(*s,  maintien  roide,  jx  rrutpie  nt  n\t\  et 
un  peu  trop  rirlie  en  «lirveux  d  un  hlond 
hasardé  :  c'est  ass<z  vous  dire  (pie  ce 
voyaj;enr  sent  l'importanci'  de  ce  (|u'il 
lait.  iM.  i'irniin,  s<-  (i;;urant  qu  il  dirige 
tout  ,  compte  p(>nr  jteu  de  chosi'  c^n- 
iluetcuret  postillon,  |iitm  i  icn  s'ins  doute 
essieux  «  t  «  lievuix  ;  il  n.t  t  hi  «pu  ni- 
mcnt  la  tite  h  la  p«itierc»  doime  des 
oidres,  reli\i'  les  dé-lits,  corri  ;•  '■  -  dius; 
en  uti  mot,   il  pn'biile. 

/il  util  ,  sa  nièce,  jeune  hlondr  élé- 
j{ante,  parait  vivement  ccjnlnuiée  ;  elle 
ne  parle  pas  cl  se  donne  un  petit  air  in- 
di(',nc  (pii  lui  sied  assi  /  hicn. 

<^)u  a-t  (  11«  .'  liiiis!  un|;i  nul  clia;;rin  ! 
M.  l'uniin  a  lait  relenir  .ses  pluYs  par 
un  domestiqtie  maladroit  ;    il  y  a  eu  un 


malentendu,  et,  au  lieu  du  coup*'*  il  a 
fallu  ,  hon  {;n'"  mal  j;ré',  monter  dans 
Tint»  rieur  î  Elle,  Ztn  u<le  I  une  i-léjjant»- 
lie  la  ('hanssée-d'Anlin  tlans  rinltiieur! 
exposée  à  faire  tles  rencontres  fort  j>ru 
a|;réables,  quelle  infortune!  Elle  ne  |HUt 
même  pas  avoir  une  eu(X)ij;nui*e  ;  d  au- 
tres vovaj^euses  sont  monte'es  en  voilure 
avant  elle  :  son  oni-le,  qui  est  soutirant,  a 
droit  à  la  place  la  plus  counnode  ,  et  sa 
sdur  Adèle,  qui  M'  porte  bien,  aeu  {;raud 
soin  de  s'in:>taller  le  mieux  |>ossible  ; 
/«'•n.iKle,  entrée  la  dernière  ,  n  a  trouvé 
de  vacant  que  le  numéro  G  où  elle  a  |H)ur 
p<'rspective  \i\\  b.illotl«j;e  per|K  luel.  |M»iiii 
d<*  souuneil  ,  nu  mal  «le  eo'ur  insup|H»r- 
table —  Klle  s  «'St  lamenté*e  tl'uiic  voix  si 
plaintive  (pie  la  conq>alissante  (charlotte, 
h'j;ilime  propri«lairi*  de  renc<éi{',nure  nu- 
m«'ro  1>,  la  lui  a  otlerle.  Elle  n  aivepl»- 
en  i^ran  fr  J/tmr,  à  ce  (|u*clle  croit,  v'vsi- 
à- «lire  «  .1  r«Mn«  rcianl  à  peiu«*. 

llharlott(\  en  possession  du  numéro  r. 
oeeeupe  (*ctt«'  plaiv  (jue  vous  sav*  z,  où 
devant  votre  visa|;e  |M*ud  un  Iouj;  ujor- 
ceau  d«*  cuir  que  vous  s.ùsissi  /.  qu.md 
vient  te  soir  .  «  t  «pn  vous  lient  lieu 
<l(*  percluùr  «  t  de  balaiicrtirc  l(Mile  la 
nuit. 

En  luMOIiii'    «pu    >  ni  \  i\  I  «•,     ^i .   i  II  imti 

avait  bien  ollert  s.i  placeù  (Jli  ulolle,  uiai> 
(H)unue  il  sVl.ùl  plaint  eu  uiéuie  tcuip^ 
d  im  eeii.nn  ihumalisuic  à  ré|KiuIe  p,aii- 
rhe,  dont  il  donn.ùt  le  bulletin  foutes  le> 
dix  minutes,  («lurlolle  n'avait  point 
I     aeeiplé*. 

.\«lele,   lYtte  jeune  lille  qui  sir   f- 
plaisir  des  plii  au  front  et  un  rrp,uil  f.i- 
louche,  nVsl  point,  couinie  vous  le  |K>ur- 


50 


riez  croire,  une  tra{^;t''cliei)iie  répétant 
intérifurcuuMit  son  rôU"  ;  non  ,  c'est  tout 
siniplenuMU  la  ycrur  de  /énaide,  Adèle 
la  brillante,  la  CDcjuette,  qu'un  nialluuu"  i 
vient  (le  frapper  î  Elle  a  consacre  plu- 
sieurs semaines  à  Tachât  de  mille  baj^-t- 
telles  rtiiissanifs;  manchettes,  mouchoirs 
de  ])Oclie,  Heurs  artifieiilles,   rien  n'a  été 

ne{;li{;é une  insuj>portable  femme  de 

chand)re  a  lait  les  malles  de  sa  j(une 
maîtresse,  et  toutes  ces  merveilles  sont 
restées  à  Paris  dans  la  connnode  de  ma- 
dcinoiselle,  dont  mademoiselle  a  em])orté 
la  clef!  Il  y  aurait  de  quoi  pleurer,  mais 
Adèle  est  forte  dans  l'adversité  ;  elle  se 
contentera,  à  chaque  secousse  de  la  dili- 
gence ,  de  faire  une  rude  admonition  à 
radministration  des  messageries ,  elle 
trouvera  le  trajet  d'une  longueur  déme- 
surée ,  les  repas  abominables,  les  nuits 
fatigantes,  les  jours  ennuyeux,  le  voyage 
assomiuant  ! 

Elle  commence  à  se  plaindre  à  M.  Fir- 
min,  cpii  lui  ré])ond  qu'aujourd'hui  le 
service  public  se  fait  indignement;  que 
les  euq^loyés  ont  perdu  tout  sentitnent 
des  convenances;  et  que,  s'il  n'avait  pas 
soin  de  parler  ferme  ,  ce  serait  encore 
bien  autre  chose  1 

Sur  ce,  au  premier  relai,  il  appelle  le 
conducteur  pour  lui  faire  observer ,  en 
termes  énergiques,  que  la  route  est  cou- 
verte de  poussière  ;  que  lui,  M.  Firmin, 
devrait  être  dans  le  coupé  sans  im  in- 
concevable malentendu,  et  (jue  lui,  con- 
ducteur, est  un  homme  insupportable 
par  suite  des  mésaventures  précitées.  Le 
conduclenr  répond  d'un  air  jovial  qu'il 
est  (/é.solé,  puis  il  reprend  sa  l)ipe,  assu- 
jettit sa  casquette,  regagne  sa  place  et 
s'écrie  :  ••  En  route  !  » 

Permettez-moi  de  vous  présenter  M»"» 
Robert,  la  meilleme  femme  que  je  con- 
naisse parmi  les  plus  honnêtes  boiu'geoi- 
ses  du  Marais;  la  plus  palicnite,  la  j)lus 
compatissante,  la  plus  polie,  la  plus  sei'^ 


viable,  mais  aussi,  coumie  pour  avoir  les 
monopole  tle  tous  les  adjectifs  ,  la  plu 
ennuyeuse. 

Cette  bonne  M'"''  Robert,  qui  depuis 
seize  ans  et  quelques  mois  n'a  pas  quitté 
son  troisième  étage  de  la  rue  Saint-Louis, 
va  passer  un  mois  à  Rochefort  où  l'ap- 
pelle une  all'aire  sérieuse  :  elle  sert  de 
mentor  à  Charlotte  ,  trop  jeune  pour 
voyager  seule  :  habitant  le  même  quar- 
tier ,  ces  dames  se  rencontraient  sans 
cesse  à  l'église  ou  dans  la  rue  ;  la  famille 
de  Charlotte  a  demandé  à  la  conqilai- 
sante  voisine  de  prendre  la  jeune  fille 
sous  sa  protection,  et  elle  y  a  consenti 
avec  empressement  :  mais  quelle  protec- 
tion !  Depuis  le  commencement  du 
voyage  31"'^  Robert  m(;urt  de  peur;  tout 
est  pour  elle  un  juste  sujet  d'efïroi  :  le 
hennissement  d'un  cheval,  les  jurement* 
d'un  postillon,  tout  l'épouvante;  elle  ne 
supporte  absolument  que  la  position 
horizontale  ;  dans  les  descentes,  elle  ne 
doute  point  que  la  voiture,  en  passant 
par-dessus  la  tête  des  chevaux,  n'arrive 
avant  eux  au  bas  de  la  montagne.  S'agit- 
il  de  gravir  une  côte?  elle  voit  le  moment 
où  l'équipage  entier  doit  rouler  à  recu- 
lons, et  se  briser  en  mille  pièces  ainsi 
que  son  contenu ,  y  compris  les  bras  et 
les  jambes  de  I\I"^^  Robert.  Traverse-t- 
on un  bois?  elle  annonce  que  cette  nuit 
sera  très-probablement  la  dernière  pour 
elle  et  poiu'  ses  voisins  ;  elle  a  oui  parler 
de  bandes  de  voleurs  cachés  dans  ces 
repaires.  Pendant  qu'elle  prépare  sou 
oraison  funèbre  ,  la  diligence  s'arrête 
tout-à-coup,  le  conducteur  connnenee  à 
jurer,  les  chevaux  pialfent,  des  honnnes 
entourent  spontanément  la  voiture; 
d'une  main,  l'un  porte  une  lanterne  sour- 
de, de  l'autre,  il  tient...  on  ne  voit  pas 
bien...  probablement  un  grand  coutelas! 
on  parle,  on  s'anime,  on  crie...  IM'û*^  Ro- 
bert éperdue  appelle  ses  voisins  et  voi- 
sines, ils  dorment  I...  la  frayeur  l'exalte 


51 


elle  se  dévoue,  met  l.i  tête  à  la  portière... 
C'est  un  K'iai. 

Cis  passafjos  continuels  de  Tellroi  à 
res|><''iance,  du  calme  à  la  terrt  ur,  ont 
jeté  iM'"*^  Robert  dans  un  état  j)itoyal)le, 
et  sans  les  j)aroles  eiicouraj^eantes  de  sa 
compaj^ne,  elle  se  trouverait  mal  à  tout 
instant.  C'est  (|u'elle  est  si  bonne,  cette 
petite  créatiu'e  que  vous  apercevez  à  pc  inc 
tant  elle  est  mi^nomie  I  Cliarlolle  n'est  ni 
riche,  ui  bt^lle,  ni  savante  :  persoime  ne 
la  remarque,  elle  passt^  inaperçue  ;  mais 
(?eux  qui  la  connaissent  l'aiment  et  l'ap- 
précie jit  :  sa  famille,  ses  <^onq)a{;nes,  ses 
amies  lui  ont  (ionné  d'un  conunun  ac- 
cord un  nom  (pii  la  caractérise  :  c'est 
tout  simplement  une  bonne  en/tint. 

Cbai  lotte  est  sensible  sans  être  exaltée, 
dij|nesans  fierté,  modeste  sans  tiiHidité; 
a\ant  passé-  «le  l()nj;ues  aimirs  dans  l'é- 
dmation  |)ubli(pie,  rlle  a  vu  tant  de  dii- 
fiTcnls  caractères  ,  tant  <le  bizarreries 
dans  tous  les  jjemcs,  qu'elle  s'est  prom- 
plement  décidée  à  prendre  son  parti  au 
sujet  des  petits  riens  contre  h'squels 
lienrleiit  nos  pas. 

Cliarlolle  considère  la  vie  comme  du 
liant  (I  un  baleon,  d On  1  on  vo't  passer 
l'interminable  corté'{;e  des  douleurs,  des 
uiisèies  et  des  dé-eeptions  bumaiiies.  Klle 
rej;ai<le,  non  en  stonpit*,  mais  avec  cette 
Ka|;e  mestu'e  tpii  donne  à  eliaipie  mal- 
bru  reux  ce  (pTil  lui  taul  dt*  eomp.lssiou. 

Ouant  aux  petits  ennuis,  aux  manies, 
aux  ridicules  qui  se  traînent  en  ina&se  à 
la  suit!"  du  <'orjéj;e,  Cliarlottr  se  réserve 
\v  dn  il  i.Vc\\  rire,  s.uis  doute  p<  ur  n'en 
pas  pleurer.  Klle  se  plie  aux  circonstan- 
crs,  aux  «'xic^encrs  d»*  chacun,  s;ms  per- 
dre ta  droiture  de  son  jugement,  mai.-; 
aussi  sans  puiendre  n'Iormer  le  monde, 
tilche  qui,  tout  d'abord,  lui  a  paru  être 
au  d«'ssus  i\c  ses  forces. 

Cependant  il  est  dix  lu-un  s  <lu  s<iir  : 
uu  p,rand  silence  rèjjue,  la  dili{;eucr  s'ar- 
rête, vi  le  eondueleur,  avec  son  impassi- 


bilité ordinaire,  annonce  qu'il  faut  pas- 
ser ime  rivière  à  bac,  et  cela  par  une 
raison  bien  simple,  labscuce  d  un  pont. 
Il  oihe  aux  voyageurs  de  descendre  si 
bon  leur  semble,  ou  de  r<^ter  à  Icui* 
place,  selon  qu'ils  pivfèreiU  être  novi^  à 
pied  ou  en  voilure  s'il  y  a  lii  u.  Quant  à 
lui,  rien  ne  l'émeut,  ni  la  pluie  qui 
tombe  à  toirents,  ni  la  vase  dans  la- 
quelle il  compte  faire  marcher  tous  ses 
administrés  ]>our  arriver  au  bac,  ni  la 
mauvaise  humeur  de  chacun. 

•«Allons!  allons!  Messieurs,  Mesda- 
mes, dépêchons  I 

—  Alais,  conducteur,  il  pleut  à  versel 

—  15. di!  ce  n'est  jamais  que  de  l'eau. 

—  Ah  !  eonduettur,  qu«-lle  boue! 

—  Que  voidez-vous  que  j'y  fasse  ' 

—  (>onduelcur,  il  fait  si  noir  I  oji  ne 
voit  seulement  pas  on  l'on  uifl  ses  picilsî 

—  Oh  !  ea  vaut  bicti  autant,  eiov»/.- 
moi  ! 

—  Mais,  conducteur,  c'est  insuppor- 
table! • 

Ainsi  s  ti  rtaicnl  luui  a  luur  le  comjh-, 
la  rutonde  it  l'inquriale  ;  mais  rien  de 
cHMuparable  aux  cx>nvulsious  de  l'uitt*- 
rieur. 

jM.  Firmin,  cpii,  détestant  les  déplaiv- 
mcnts,  lU*  voyajjeail  jH>ur  ainsi  dire  ja- 
mais, ne  concevait  pas  comment  ou  |kmi- 
vait  exjHiser  «les  «jens  cnninic  it  faut  à  de 
pareilles  aventures.  /«Miaïile  déTlarail 
qu'elle  amiait  mieux  rt^ster  dans  la  voi- 
tme  (jue  de  ct)udoycr  des  p,eus  mal  m**. 
Ailèle  criait  contiv  le  t't'jnducteur,  ixinlre 
la  dilij;ence,  iH>ntie  la  rivière  qui  s«*  Inui- 
vait  là,  et  contre  le  pont  qui  ne  s'y  Iixhi- 
vait  pas. 

Qunit  à  .M'"*"  KoU^rt,  elle  auuonva 
solemiellt'ment  que  s;i  ré*soluti<>u  fenue 
et  invariabh'  itait  de  ne  p<>inl  p.issi'r 
de  I  .uUre  iV>té  ju.Mpi'J  t^  que  le  (iou- 
veruement  H'tt  fait  construiir  un  {xnit. 
Eu  vain  Cliarlotle  lui  fit  ellr  observer 
cpie  la   tlili(;rn(V  |vi!^iit  |Kir  là  tous  les 


52 


suiis  à  la  Uicuw  \\cuic  depuis  h'icn  ilcs 
aiiiuVs  :  lout  lut  inulil^^  iM'"^'  Koboil, 
si  douce,  si  l)i)mie  au  Marais,  avait  pris 
une  allitude  imposante  et  ne  l)OU^;eail 
pas.  Tout  eeei  se  passait  à  la  (jraiide 
satislaclion  de  plusieurs  conimis-voya- 
j-jeurs  qui  riaient  aux  éclats  un  peu  plus 
loin. 

Soudain  le  conducteur,  sans  dire  mol, 
siiisit  JM'"'"  Robert  par  le  bras ,  l'en- 
traîne sans  couuuisération  aucune,  et,  la 
soulevant,  la  place  dans  le  bac  ,  tout 
près  de  la  voiture  et  des  quatre  chevaux. 

—  Ehl  Tiuni,  y  es-lu?erie  l'un  des 
Ijaleliers. 

—  J'y  sous  I  » 

Aussitôt  le  bac  s'ébranle  :  Charlotte, 
assise  près  de  lM""=  Kol)ert  à  moitié  morte 
de  peur,  lui  fnit  respirer  du  vinaigre  an- 
glais ;  31""  Robert  snlXoque,  ses  nerfs 
se  contractent,  elle  s'attache  à  sa  bien- 
veillante compagne  qui,  pour  la  rassu- 
rer, dit  aux  bateliers  : 

—  N'est-ce  pas  qu'il  n'y  a  aucun  dan- 


ger/ 


—  Et  quel  danger  que  vous  y  voulez, 
ma  petite  dame?  Ylà  bientôt  cinq  ans 
qu'y  n'est  rien  arrivé.  » 

L'autre  batelier,  vieux  barbu  ,  à  la 
mine  joviale,  dit  à  son  tour  d'un  air 
tranquille  : 

«  Oui ,  v'ià  cinq  ans  I  mais  dam,  c'te 
nuit-là,  jons  bu  un  fameux  coup  I  N'y 
a  que  moi  qu'est  revenu,  y  z'ont  tous 
coulé  à  fond  !  » 

Sur  ce,  le  vieux  matelot  fit  entendre 
un  bruyant  éclat  de  rire  :  ]>!"'"  Robert 
était  froide  et  roide  dans  les  bras  de 
Charlotte ,  véritablement  désolée  des 
souffrances  de  sa  protectrice.! 

Par  bonheur,  les  situations  extrêmes 
ne  durent  pas. 

Terre  !  terre  I  on  aborde,  on  j  cmonte 
en  diligence,  et  alors  seulement  M""'  Ro- 
bert se  eroit  snuv('e. 

En  ce  moment   lout    le   monde  était 


plus  ou  moins  de  mauvaise  humeiu"  : 
M.  Firmin  écoutait  gravement  les  plain- 
tes de  sa  nièce. 

Tout-à-coup  s'adressant  à  (charlotte, 
il  lui  dit  :  <•  C'est  ])Ourtant  un  voyage 
d'agrément  (|ue  nous  faisons  mes  nièces 
et  moi,  mademoiselle  I  qui  s'en  doute- 
rait? 

—  11  est  vrai,  Monsieur,  que  les  con- 
trariétés lie  nous  manquent  pas. 

—  Des  contrariétés  ,  mademoiselle  ? 
ce  sont  des  épreuves  à  nulle  autre  pa- 
reilles ! 

—  La  plus  pénible  pour  moi.  Mou- 
sieur,  c'est  de  voir  souffrir  la  personne 
avec  laquelle  je  voyage.  <> 

En  ce  moment,  on  passait  près  d'une 
petite  auberge  qu'éclairait  un  ])âle  ré- 
verbère ;  M.  Firmin  remarqua  que 
Mm*  Robert  dormait. 

«  Il  y  a  réaction,  dit-il  d'un  ton  sen- 
tencieux, à  l'effroi  a  succédé  une  com- 
plète prostration  de  forces  ;  »  et  il  sourit 
finenient. 

D'autre,  part,  M.  Firmin  sentait  un 
poids  assez  lourd  sur  son  éjiaule  droite, 
c'était  la  tète  de  la  pauvre  Adèle  qui 
cherchait  en  songe  les  manchettes  et  au- 
tres merveilles  enfermées  dans  sa  com- 
mode à  Paris  :  le  bon  monsieur  sourit 
encore  et  ayant  adressé  la  parole  à  Zé- 
naide  sans  en  avoir  reçu  de  réponse,  il 
en  conclut  qu'elle  dormait  aussi,  et  qu'il 
n'y  avait  d'éveillé  que  le  petit  numéro 
(3,  connue  disait  le  conducteur.  Il  se  mit 
donc  en  devoir  de  continuer  la  conver- 
sation. 

—  A  oud  riez -vous  avoir  la  bonté  de 
me  dire,  Mademoiselle,  demanda-t-il , 
comment  vous  faites  pour  conserver  un 
air  enjoué,  un  ton  gracieux  au  milieu 
des  enimis  de  tous  les  genres  qui  nous 
obsèdent  depuis  Paris? 

—  Monsieur,  franchement,  ces  ennuis 
m'amusent. 

—  Ah!  c'est  différent!  Vous  amusent! 


53 


iV'jH'ta-t-il,   des  ennuis  ne  peuvent    pas 
ajMUser,  il  nie  semble  .' 

—  Le  mot,  Monsieur,  n'est  peut-être 
j)as  juste;  je  veux  dire  seulement  que  la 
\\c  se  compose  de  tant  de  petits  événe- 
ments malencontreux,  cpic  je  tomberais 
inévitablement  en  lanj^ueur  si  je  voulais 
preiidreau  sérieux  tous  ces  riens. 

—  \  ous  appelez  cila  des  riens .'  et 
cette  averse  de  tout-à-l'lieure;* 

—  Monsieur,  j'avais  ouvert  mon  pa- 
rapluie. 

—  Je  n'ai  jamais  oui  dire  qu'un  ])ara- 
pluie,  si  {jrand  qu'il  pût  être,  empécbât 
de  se  mouiller  les  pieds,  surtout  en  pas- 
sant |xir  cette  aflreuse  boue  dans  laquelle 
ee  maudit  eonduet«'ur  a  ]ii{'/'  à  proj)OS  de 
nous  r.iire  marelier  pour  entier  dans  son 
bac,  et  puis  eucore  pour  eu  sortir. 

—  Monsieur,  j'ai  des  souliers  à  l'an- 
{jlaise. 

—  A  l'anglaise...  à  l'anglaise...  On  se 
mouille  les  pieds  à  Londres  tout  aussi 
bien  que  chez  nous  ! 

—  Monsit  ur ,  j'ai  des  semelles  île 
liège. 


Mais     vraiment 


.>i.uii  nujiseiie , 


v«)us  aviez  tout  prévu ,  liormis,  ]h*ui- 
ètre,  ce  bt>uillon  salé  et  brûlant  tpie  cet 
•  nipoisoniieur  d'auber{;i.ste  nous  lit  ava- 
ler eu  toute  bâte  bier  au  soir/ 

—  Monsieur,  je  ne  l'ai  trouve  m  trop 
eliaiid,  ni  trop*  sal*'. 

—  .Vb  !   l)ab  I    ee   n  est    pas    po^-ibli*  ' 

—  J'y  avais  uiis  de  l'eau. 

—  A  merveille  I  vous  avrz  toujours  un 
ex|M'dient  tout  prêt  ;  niais,  dites-moi,  il 
ne  |M'iit  vous  être  imliiVérent  de  vovager 
avec  des  j;ens  île  toute  classe,  avec  de 
lianes  plébéiens,  couiiiic  dirait  ma  nièce 
/énaide  ? 

—  .Montiieur,  je  m'inquiète  |h"U  dis 
ancêtres  de  mes  compagnons  de  voyage; 
pourvu  ipi'ds  soiinl  |H)lis,  je  ^ui>«  eon- 
lenle. 

—  Excelli  ut  caracléiv  !     que    lerici- 


vous.  Mademoiselle,  si  quelque  voisin, 
confondant  votre  épaide  avec  un  cous- 
sin reiiiboum*,  s'y  appuyait  jHJur  dormir 
paisiblement? 

—  J'attendrais  qu-'il  s'éveillât. 

—  Allons!  vous  êtes  pbiiosopbe,  je  le 
vois  I 

—  .Monsieur,  je  ne  sais  de  la  philoso- 
pbie  que  le  nom ,  et  encore  je  ne  le 
comprends  pas  bien  ;  mais  j'ai  déjà  vu 
bien  des  clioses.... 

—  A  votre  âge  ,  Madenioiselle  ,  on 
en  ignore  plus  encore.  - 

Ceci  fut  dit  avec  un  sourire  et  un  te- 
gard  tous  deux  charmants  ,  puis  eurent 
lieu  trois  Q\i  jpiativ  ixtits  mouvements 
en  mesure ,  tendant  à  rebausser  le  faux- 
col  et  à  améliorer  la  situation  de  la  per- 
ruque; mais  M.  Fimiin  se  rappi^lantqiie, 
à  caiLsi'  de  l'obscurité  ,  il  en  éuil  pour 
ses  frais,  se  borna  à  accentuer  davantage 
ses  phrases. 

«   Mademoiselle,     voulez -vou-     in. 
permettre  de  vous  demander  cnniinieul 
vous    avez    acquis   en  si  jh  u  de  temps 
nii   sang-froid,  une  raison  admirables? 

—  Monsieur,  je  ne  me  ci  ois  jvis  plus 
sensi'v  qu'une  autie.  S*  ulement  il  me 
semble  qu'on  doit  garder  si^s  larme?,  ses 
inipiietudes  et  sa  tristesse  pour  des  cho 
ses  qui  en  valiuit  la  p«*iiM',  |H>ur  des  clia- 
grins  réels  Or,  je  no  compte  |H>int  au 
nombre  des  cbagrins  ii-els  un  |h*u  de 
boue  sur  ma  chaussure,  qiielqui^  crains 
de  si^l  de  trop  dans  un  bouillon.... 

—  Et  le  |»a-ssage  du  bac  ne  vous  a-l- 
il  |>oint  effrayer.^ 

—  Monsieur,  je  ne  suis  |>oml  lirave, 
je  n'aime  pas  celte  mamèrt*  «le  |Kisser 
l'eau,  surtout  la  nuit  ;  mais  pnistpi'd 
n'y  en  avait  |>as  d'aulivs,  céuit  cvlU*- 
U  qu'il  fallait  acivpter. 

—  Fort  bien  II).»  t  ,  >L»de- 
moisi'lle. 


irav»  I  > 

des  t  spriu  forts 


*    vous  p.  II. i>    plu*;    VOU"» 

lit  IV   mt>:id('  à  !  I  f.uiMi 


54 


—  Olil  lion,  'Monsieur,  je  vous  l'as- 
smv,  je  suis  bien  loin  du  calme  scepti- 
que des  esprits  forts!  Si  j'ai  <|ucl(nie 
coura[;e  moral,  j(^  le  puise  uniquenuMit 
dans  la  confiauce  que  j'ai  en  Dieu,  qui 
veille  sur  moi. 

—  Ah  !  ah  I  IMademoisrlle  est  dévote? 

—  Oui,  Monsieur,  si  vous  entendez 
par  ce  mot  accepter  de  Dieu  la  vie  telle 
qu'il  nous  l'envoie,  se  résigner  jour  par 
jour  aux  petites  peines  qui  s\'  reiicon- 
trent,  et  demander  force  et  frrmeté  pour 
lt\s  véritables  souiVrances. 

—  Dévote  I  dévote  I  et  avec  cela  (;aie, 
[gentille,  simple,  enjouée  I  Tenez,  IMade- 
moiselle,  si  le  voyage  durait  vingt-quatre 
heiues  de  plus,  vous  me  raccommode- 
riez avec  le  conducteur,  le  bouillon  d'au- 
berge, la  pluie,  le  bac,  et  je  crois  même 
avec  la  dévotion  I  Mais,  voyons,  conve- 
nez que,  d'après  la  supériorité  dont  vous 
faites  preuve,  vous  nous  trouvez,  tous 
tant  que  nous  sommes  ,  parfaitement 
maussades  ? 

—  3ionsicur comment  donc?.... 

—  Allons,  allons,  pas  de  façons  :  en 
voyage  il  faut  se  mettre  à  l'aise. 

—  Monsieur,  je  vous  trouve  à  plain- 
dre. 

—  Bien  I  bien  !  vous  n'osez  pas  con- 
venir que  vous  vous  moquez  de  nous 
d'un  bout  à  l'autre,  in  petto, 

—  Je  ne  me  moque  point,  INÎonsieur  ; 
je  me  borne  à  souhaiter  du  plus  profond 
de  mon  cœur  que  nul  choc  imprévu  ne 
fasse  descendre  M''*^  Zénaide  du  rang 
élevé  qu'elle  occupe  dans  le  monde,  et 
je  désire  qu'aucune  douleur  profonde 
n'efl'ace  les  peines  fugitives  de  IM"*^  Adèle. 

—  Et  pour  la  dame  avec  laquelle 
vous  voyagez,  quels  sont  vos  souhaits  ? 

—  Ahl  la  pauvre  M"'*^  Robert!  ré- 
pondit Charlotte,  ce  n'est  pas  à  elle  que 
j'en  veux,  c'est  à  la  nourrice  qui  l'a  pro- 
bablement bercée  avec  des  contes  de  vo- 
leurs ,    et    aussi  à  son   médecin  qui  a 


laissé  développer  en  elle,  outre  mesure, 
une  si  grande  impressionnabilité  ner- 
veuse. 

—  Mais,   de   moi,    que   pensez  vous, 
IMademoiselle  ?  » 

Charlotte  commençait  à  s'embarras- 
ser ;  elle  n'osait  pas  dire  :  «  Vous  êtes 
bon  honnne  au  fond,  mais  votre  ton 
est  trop  tranchant,  trop  haut,  ainsi  que 
votre  faux  col  ;  et  vos  manières  sont  trop 
roides,  trop  apprêtées,  ainsi  que  votre 
perruque.  »  Heureusement  la  diligence, 
qui,  depuis  un  instant,  roulait  sur  le 
pavé,  s'arrêta:  le  terrible  voyage  était  fini! 
L'innnobilité  de  la  voiture  éveilla 
soudain  les  trois  dames  que  ses  oscilla- 
tions avaient  bercées,  et  cliacune,  repre- 
nant son  chapeau,  ses  gants  et  son  ca- 
ractère, descendit,  l'une  en  s'indignant, 
l'autre  en  grondant,  et  la  troisième  en 
tremblant. 

M.  Firmin  s'étonnait  de  ne  point  voir 
descendre  Charlotte  ;  mais  l'aimable 
voyageuse  s'occupait  à  réunir  une  quan- 
tité de  petits  paquets  de  pastilles  de  cho- 
colat et  de  pâte  de  jujube  que  M"^^  Ro- 
bert avait  apportés  de  Paris  pour  se 
réconforter  tout  le  long  du  chemin. 
Dans  son  trouble,  la  pauvre  femme  les 
avait  laissé  tomber  l'un  après  l'autre, 
Charlotte  en  fit  un  bloc  qu'elle  entoura 
d'un  mouchoir  blanc,  et  s'élança  dans 
les  bras  de  deux  de  ses  parents  qui  l'at- 
tendaient à  son  arrivée. 

Quand  tous  les  voyageurs  eurent  mi^ 
pied  à  terre,  on  procéda,  à  la.lueur  des 
lanternes,  aux  opérations  de  rigueur  en 
pareil  cas  :  paieiiient  des  places,  récla- 
mation d'une  petite  malle  en  cuir  ou 
d'im  sac  de  nuit,  recherche  d'un  para- 
pluie oublié  ;  enfin  eut  lieu  cette  scène 
d'arrivée  qui  termine  agréablement 
toute  excursion  lointaine,  et  qui  pré- 
sente à  l'heureux  observateur,  dont  le 
bagage  consiste  en  une  canne,  bon  nom- 
bre de  tableaux  amusants. 


55 


Au  nioinent  où  (îiiailollr,  doiiiiaiil  le 
bras  à  ruii  de  ses  parents,  allait  quitter 
le  bureau  de  la  voiture,  M.  Finniii  sap- 
proelia,  la  salua  fort  eoiirloisemeiit,  et 
dit  avee  crtlt*  (ainiliaritt'  (juauloiise  un 
Voya{^e  en  (lili;;<nee  :  «  ^Mademoiselle, 
penuellez-nioi  tl<,*  V(jus  rcmer<ier  des 
bons  avis  que  vous  m'avez  donnés  .' 

—  ,M()i,  ^lonsieur  !  s*<'eria  fMiarlotte, 
ronj;i'  d  embarras  au  milieu  de  tout  ec 
monde  «pii  l'entourait  et  la  re^jardait. 

—  Oui  ,  AI.Mlemoiselie  ,  eneore  une 
fois  merei  !  ear  votn*  afVabililé,  vcjlre 
eliarmanl  caraetère  <'t  votre  {;racieuse 
eompa{{nie  m'ont  fait  comprendre  com- 
bien il  est  sa^e  tle  savoir  se  mettre  au- 
dessus  dfs  puériles  contrariéli's  (pli  se 
rencontrent  à  clhupie  ])as,  non-seule- 
ment sur  la  route  de  Paris  à  Koebefort, 
mais  encore  snr  le  {;rand  clicmin  de  li 
vie  I  Mademoiselle,  permcltt /.-nun,  en 
vous  disant  adieu,  de  sonbaiter  (pie  l'a- 
venir ne  soit  pour  vous  (]n  nu  voy«i{;p 
(fa^rciiicnty  plus  Ui^rcdhlf  surtout  (pie 
celui  (pie  vous  venez  de  faiie.  •» 

(>bai lotte  s'inclina  en  baissant  la  tète; 
son  oncle  sourit,  et  le  brave  conductenr, 
tout  en  remuant  et  retournant  les  malles, 
s\'eria   :  «    I]li   bien  I   y   le    Ini  soubaite 
aussi,  à  ce  petit  numéro  8  1  je   n'ai  ja- 
mais  eu    de    vovajjeuse    plus    eonnuode 
ni    pins   j;enlille   :   c Cst   \\\\  vrai   bijou  , 
(pioi!  "  On  rit  beaucoup  de  cette  bruscpie 
déclaralion  ,     et    clia«im    rej;a(;ii;i    (jaî- 
ment  sa  dcmcnre.  exce|)t('*  M'"»*  lUjbert, 
eneore  toute  malade.  Tliarlotte  pria  sou 
oncle  de  vouloir  bien  permettre  que  la 
bonne  danii*   passât    le  re>l(*   de  la    nuit 
clic/,  lui.  «  Il    re\e«*llente    femme   avait 
peni  «les  lititels  aiil  ni(  <pie  des  auberges, 
on,  cli.K  nii  le  sut,  il   v  a  des  trap|>rs  au 
moyen   dcsipiellcs  on  lait   des<*einlre  les 
lits    dans     un    souterrain  ,    unitpirmiMit 
pour  le  plaisir  d  ass,issincr  tous  les  voya- 
jjrurs. 

lin  euli.uil  ilauH  t.i  maison  de  sou  ou-     J 


cle  ,  Cbarlotte  trouva   la  famille  réunie 
et  l'attendant,  quoiqu'il  fnt  tard- 

■  Eb  bien  !  ma  cbère  nièce,  lui  dit  en 
rembrassant  JM'"*^  Verdier,  comment  af- 
tu  supporté  ce  lonjj  trajet  ?  avais-tu  une 
bonne  place,  de  bon*  cbevaiix? 

—  Hien  de  bon,  mi  tante  :  j'ai  ru  le 
fatal  numéro  0,  de  la  pluie,  de  la  boue, 
du  vent,  de  mauvais  ebevaux,  de  mau- 
vaise cuisine,  et  ]K)urtant,  je  vous  l'as- 
sure, j'ai  fait  un  bon  voya^^e  ! 

—  Kt  une  conquête  I  ajouta  l'oncle, 
(jni  ne  pouvait  oublier  la  Inr anj^ue  dr 
M.  l'irmin. 

—  Ln  bon  vova{;e  I  répi'ta  M'  Ro- 
bert en  frissonnant  encore ,  un  bon 
voyajje  î...  En  vérit('',  je  serais  tentée  de 
me  fixer  à  Kocbefort,  UMi(piement  pour 
ne  pas  courir  niit^  sect)nde  fois  d'aussi 
épouvantables  d.m{;ers  !  • 

E:i  ce  moment  on  apjwrla  deux  l)oU 
de  bonillon  pas  trop  ebaud,  pas  trop 
salé,  et.  par  compassion  pour  les  vova- 
{;euses,  on  les  (^)nduisit  à  l'instant  awx 
cbambres  ])répaié'es  |>our  elles. 

l  ne  demi-biMire  après,  le  sommeil  ré- 
f;nait  sur  toute  la  maison  ,  .M'"*  llobeil 
elle-même  dormait  profondément;  uiais 
le  pi  lit  (»eor[j(^s,  cousin  dt*  (]li  ulotli*  et 
voisin  de  cbambie  de  l'inforluiuv  |->èle- 
rine,  assura  le  len  lemain  mitin  qu'il 
avait,  lui,  fort  md  dormi,  pariv  «pi'il 
avait  entendu  crier  sans  tvsse  :  -  Con- 
ductem  !  conducteur  I  sauve/-iuoi!  au 
voleni  !  je  nu*  noie  î  coutluctrui  !. ..  • 

I^'  lendemain  s<^  passa  fort  {^aiment  ; 
Madime  Robert  se  rendit  au  p.raïul  jour 
À  s.1  (lestin.ili(»n,  et  reprit,  avee  la  lu- 
mière et  la  terre  f«-rme,  tonti^  S4^st>onu(^ 
(pialités  de  II  me  Sainl-Ix)uis,  au  Ma- 
rais. 

Comme  (iliarloite  ne  devait  p.KJirr 
qu'un  mois  à  R«H'lirf»ut.  ses  parents  lui 
procurèrent  tous  le^î  plaisirs  possibles  ; 
pi-omrnades ,  nWuu(^u4,  »oin't*«,  il  n'y 
maixpii  rien;  et,  ainsi  qu'il  arrive  près- 


:;(^ 


Mut'  t()uji)iu>  clans  une  villi*  de  |)ru\iiuT, 
ou  irucoiida  trnl  lois  \c  ir};ard  hautain 
i\c  Z(MiaicIt%  Tair  runuyr  d'AdMc,  ci  la 
])(>nii(|iic  jaune  de  M.  Finnin. 

Cet  r\rrlK'nt  honunr  saisissait  a\('r 
(  luiMTSstMutMit  toutes  Ics  occMsicuis  dc 
saluer  (lliarlolte,  soit  au  jaicliu  ])ul)lic, 
soit  dans  les  salons  où  se  réunissait  le 
soir  l'élite  de  la  société  :  il  se  inontiait 
observateur  (idèle  et  };alant  clicvali(M-. 
Hélas!  tout  ce  licniiieur  ne  (hira  pour  lui 
cjue  (juiir/.e  jours  :  ;ui  bout  de  ce  t(Mnps, 
il  reprit  avec  ses  nièces  la  route  de  Paris. 

Un  beau  matin,  arrive  cbez  I\ï,  \'er- 
dier  un  jeune  liouuue  porteur  d'une  let- 
tre ;  l'ouele  de  Charlotte  rompt  le  ca- 
chet, et  lit  : 

«  iMoNblliUR, 

»  Permettez-moi  de  m'adresser  direc- 
^  tement  à  vous  au  sujet  d'une  a  liai  re 
»  qui  ui'intéresse  auplus  hautde^ré. 

»  Sans  qu'il  soit  besoin  de  préandjule 
»  et  d'explications  préliminaires,  je  pose 
•  la  question  en  deux  uiots  :  Je  suis  cé- 
n  libataire,  et  IMademoisclie  votre  idèee 
u  est  charmante  ! 

..  J'ai  horreur  des  voyaj^es  et  n'en  fais 
»  ])Our  aiiisi  ihre  jamais;  il  en  est  un 
n  ])ourtant,  commencé  depuis  lon^teujps, 
-  et  (pi'il  ui'eût  été  doux  de  finir  près 
>.  d'uup  jevme  et  auuable  compaj^ne  ; 
»  uiais  àuion  à^e,  c'cbt  folie  !..  Je  chasse 
«  donc  une  pensée  téméraire,  et  je  viens, 
»  Monsieui-,  vous  demander  votre  bien- 
»  veillance  i)Our  le  messa/^erqui  a  l'hon- 
»  neur  de  vous  porter  cette  lettre. 

1»  Ce  jeune  homme  est  mon  neveu,  je 
.)  l'aime  coumie  un  iils,  etj'ai  l'intention 
»  tlelinii-  mes  jours  entre  lui  el  la  jeune 
^  lille  (pli  l'accc  pt(ua  pour  époux.  Ose- 
»  rai-je  espéier  que  iAIademoisell(>  (^har- 
'<  lotte  consentira  à  réaliser  mon  rcve  de 
»  bonheur  en  devenant  uia  nièce,  et  ea 
..  se  fixant  à  Paris  dans  mon  liotei? 
v  "N'cuillez,    iMonsieur,    lui  soiunettre 


w  ma  demande  et  me  transmettre  sa  dé- 
»  cision.  Qu'on  n'allè.j;ue  point  l'iné^ja  • 
»  lité  des  fortunes;  ]>îa(lenK)lselle  votre' 
.  nièce  a  de  IVsprit,  des  talents  ,  un 
n  excellent  caractère*,  un  ])hysi(iue  aima- 
X  l)le  et  {«racieux  ;  mon  neveu  a  devant 
)»  lui  une  carrière  brillante,  et  d'ailleurs 
y»  son  vieil  oncle  lui  assure  j>ar  contrat 
»  de  uiaria^e  une  ];art  éj>ale  à  celle  de 
■♦  ses  cousines  Zénaule  et  Adèle  qui , 
M  elles  aussi,  sont  au  uioment  de  s'éta- 
1)  blir. 

M  II  ue  ui'appartient  pas  de  faire  l'élo- 
"  [;e  de  uion  neveu  ;  j'oserai  dire  néan- 
»  moins  que  Ferdinand  est  un  garçon 
>»  plein  d'hoimeur  et  de  luoj  alité,  ce  qui, 
•>  hélasl  se  rencontre  rarement;  car  vous 
»  savez  aussi  bien  que  moi,  Monsieur, 
«  ce  que  sont  les  jeunes  {^eus  d'aujour- 
»  d'hui  !...  Hélas!  dans  quel  temps 
»  vivons-nous?  la  société  est  viciée,  les 
>»  convenances  sont  méconnues  ,  les  aii- 
»  ciens  usages  uiéprisés,  tout  est  boule- 
»  versé,  et  nul  ne  peut  prévoir  l'issue  de 
).  cet  effroyable  cataclysme  ! 

»  Je  ue  veux  rien  précipiter  :  je  ]^rie 
»  votre  aimable  nièce  de  réfléchir  libre- 
»  uient  pendant  un  mois;  elle  se  décidera 
»  ensuite,  et  j'ose  espérer  que  sa  réponse 
»  nous  sera  favorable. 

»  Veuillez,  Moiisieur,  etc.,  etc. 

»'   A.  FlUMI-N.  »» 

Grande  fut  la  surprise  de  M.  Verdier, 
}>rande  aussi  fut  sa  joie. 

Il  préseiUa  à  Charlotte  I\[.  Ferdinand, 
non  comme  un  prétendant,  maiscojmne 
le  neveu  d'un  ami  de  Paris. 

Quelques  jouis  a]>rès ,  M.  A'^erdier 
ayant  dciuandé  à  Charlotte  ce  qu'elle 
pensait  de  ce  j(Mme  homme,  elle,  répondit 
avec  sim]>licité  qu  il  lui  plaisait  beau  • 
coup;  alors  M.  \  (M'dier  lui  fit  lire  la  h  ttre 
de  IM.  Firmin.  (jharlotte  commença  par 
sourin;  en  pensant  à  sa  perruque,  et  finit 


57 


par  verser  dfs  larmes  eu  souj^eaiit  à  son 
bon  cfiîLii-. 

Puis  vinrent  les  liésitalions.  Comment 
reconnaître  tant  tle  jjénérosité?  com- 
ment n'pondreà  la  eonlianee  aveujjle  de 
M.  Fi rm i n  .'  Toute  la  famille  en^^a^'ea 
Charlotte  à  accepter  le  facile  devoir  de 
rendre  heureux  le  bon  vieillard  et  son 
lils  adoptif ,  Ferdinand  l'en  supplia  ,  et 
la  jeune  fdle,  après  avoir  mûrement  ré- 
fléchi, et  surtout  beaucoup  piié,  se  ren- 
dit aux  vo.'ux  de  tous. 

Le  mariaye  fut  céh'bré  joyeusement, 
puis  l»s  jeunes  jjens  reprirent  la  dili>jence 
de  Paris,  avec  M""^  Robert  qui  avait 
prolonjjé  son  séjour  à  Kochefoi  t  pour 
assister  à  la  noce  ;  mais  Cli.irlolle  eut 
celte  fois  une  mroignurc  dans  le  coupe  ; 
et  le  conducteur,  cpii  reconnut  dans  la 
nouvelle  mariée  son  ftttit  nnnu'-ro  G.  l.i 
situa  d^m  air  triomphant. 

En  arrivant  à  Paris,  on  tnniva  M.  l'ir- 
min  dans  la  cour  des  ]NIessa|^erirs;  il  avait 
voulu  venir  au-devant  tle  ses  enfants 
chéris,  quoique  le  temps  fût  sond)re  et 
les  nuapjCs  menaçanti  :  c'était  de  sa  part 
une  jjrande  niarqn<*  d'affection. 

]M"'«*  Ferdinand  fut  présenté-eà  Zéiiaidr 
rt  à  sa  srrur.  Ces  dames  la  reçurent  avec 
une  incomparable  ])olitesse  :  on  la  fit 
asseoir  dans  un  riche  fauteuil,  on  l'in- 
vita à  flîner,  c'était  indispensable  ;  mais 


Oij  ne  lui  serra  pas  la  main...  Ferdinanda 
avait  fait  là  un  si  sot  maria^^e!... 

(Charlotte  se  consola  de  la  froid  eur  de 
s«'S  cousines  par  le  ralme  de  son  intérieur; 
elle  sut  créer  du  bonheur  \to\\x  son  mari 
et  |)our  son  oncle;  elle  se  plia  aux  petites 
habitudes  de  M.  Firmin  ,  qui  en  avait, 
dit- on,  beaucoup,  et  réalisa  le  rêve  du 
vieillard.  Il  l'aimait  comme  sa  fdle,  et  la 
fjrondait  connue  telle  quand  par  malheur 
le  diner  n'i  t  lit  pas  de  son  fjoùt,  ou  lors- 
qu'il plruvait  th'ux  jours  de  suiu*. 

Souvent  dans  ses  moments  tlhumeur, 
il  parlait  haut  et  sVmporlait  cxjiitre  Fer- 
dinand, contre  Charlotte,  contre  le  siècle, 
(  t  contre  le  (»ourernement;  puis,  voyi!it 
le  visn(;e  de  sa  nièce  toujours  calme  cl 
serein,  il  se  reprochait  srs  impatiences, 
faisait  encore  une  fois  la  piix  aviv^  le  |;en- 
re  humain,  et  disait  en  souriant  à  Char- 
lotte :  "  Mon  enfant,  vous  emlxMlisscz  ma 
vie,  vous  charmf  7.  ma  vieillesse  :  c'est 
fini,  je  ne  veux  plus  m'impalienter,  je 
ne  f;arderancuiie  à  personne;  je  pardonne 
aux  Messaj;eries,  à  rauber{;isie  ,  au  con- 
ducteur lui-même;  car,  sans  ce  terri- 
ble vovap,e  de  Paris  à  Rochefort,  vous  ne 
seriez,  pas  devenue  l'honneur  et  la  joie 
de  mes  vieux  jours,  et  je  ne  saurais  |vis 
combien  la  vraie  piété  est  di;;ne  d'ad- 
miration î  • 

.Mme.  tle  Stoi^. 


58 


£2^U>2&i3« 


TRAVAUX  A   L'AIGUILLE. 

Toilette  i1e  mariée.  —  Toilette  de  bal.  —  Bijoux.  —  Bonnet  d'enfant  en  tricot  dentelle.  —  Coquelicot 
en  laine.  —  Col  mousquetaire.  —  Jeu  du  typographe.  —  Économie  domestique,  Crème  à  la  rose.  — 
Cicmc  velouiée.  —  Biscuits  aux  marrons.  —  Meringues.  —  Macarons.  —  Filtre  au  charbon.  — 
Broderies  diverses. 


Par  une  charmante  nnomalic  ^  dont 
aucune  de  nous  ne  se  plaindra,  je  crois, 
notre  aimable  peintre  a  réuni  dans  un 
même  cadre  une  jeune  personne  en  toi- 
lette de  mariée,  et  une  jeune  personne 
en  toilette  de  bal,  quoique,  tu  le  sais, 
ma  clière  Adèle,  il  n'y  ait  plus  mainte- 
nant, le  jour  du  mariage,  ni  dîner,  ni 
soirée ,  ni  bal.  Après  un  déjeuner  dina- 
toire  servi  à  la  russe  et  plus  ou  moins 
prolongé,  la  mariée  se  retire  pour  quitter 
sa  blanche  parure  ;  elle  revêt  une  robe 
de  Casimir  noir  avec  surtout  pareil ,  elle 
pose  sur  ses  cheveux  un  chapeau  en  feu- 
tre orné  de  plumes ,  elle  chausse  ses 
bottines  à  l'anglaise,  et  elle  part  avec  son 
nouvel  époux  qui  a  fait,  comme  elle,  ses 
apprêts  pour  le  voyage.  Mais  puisque 
nous  sommes  admises  en  tiers  dans  le 
cabinet  de  toilette ,  examinons  les  deux 
parures. 

La  robe  de  la  mariée,  en  velours  d'A- 
frique blanc,  est  fermée  du  haut  en  bas 
par  des  boutons  en  perles.  Le  corsage 
montant,  est  juste,  à  petites  basquines 
en  pointes ,  par-devant  seulement.  La 
collerette  est  en  tulle  ou  en  blonde  de 
soie  nichée  ;  les  sous-manches,  qui  dé- 
passent les  manches  ouvertes  et  bor- 
dées de  chaque  côté  de  boutons  en 
perles,  sont  également  en  tulle  de  soie, 
et  se  terminent  par  une  ruche  en  tulle 
de  soie.  Quant  à  la  coiffure,  elle  se  com- 


pose, de  même  que  le  bouquet,  de  bou- 
tons de  fleurs  d'oranger  et  de  camélias 
blancs.  Le  voile,  en  tulle  de  soie,  aux 
pointes  arrondies,  est  entouré  d'un  large 
ourlet;  une  guirlande  de  boutons  de 
fleurs  d'oranger  le  retient  sur  le  front  où 
le  bord  coquille  légèrement,  et  les  touffes 
de  camélias  le  fixent  sur  chaque  tempe. 
Une  seconde  guirlande ,  dite  petit  cha- 
peau ,  l'attache  par-derrière  à  la  grosse 
natte  de  cheveux.  Gants  blancs,  souliers 
de  satin  blanc,  bas  de  soie  à  jour  et  bro- 
dés, mouchoir  garni  de  dentelle. 

Je  crois  que  la  toilette  de  bal  te  plaira 
comme  à  moi  ;  elle  est  élégante ,  simple 
et  charmante,  de  même  que  celle  qui  la 
porte. 

Il  faut  trois  numéros  de  ruban  de  satin 
rose  pour  faire  les  coques  qui  garnissent 
cette  robe  de  tulle  blanc  avec  dessous  de 
taffetas  d'Italie  blanc.  Ruban ,  n"  II, 
pour  les  coques  du  bas  de  la  jupe  et  le 
large  nœud  à  longs  bouts  qui  relève  co- 
quettement la  robe  du  côté  gauche;  ru- 
ban, n*  9,  pour  le  second  rang  de  coques  ; 
ruban,  n*  7,  pour  le  troisième  rang,  le 
tour  de  la  berthe  et  des  manches  ;  quant 
aux  coques  qui  descendent  à  partir  de 
la  ceinture  et  qui  viennent  rejoindre  le 
nœud  du  bas  de  la  jupe,  elles  sont  en 
ruban  n"  II.  C'est  avec  le  ruban  n"  9, 
qu'on  forme  l'espèce  de  guirlande  en 
coques  qui  entoure  la  natte  par-derrière; 


59 


le  nœud  qui  la  tei mine,  et  dont  les  longs 
lx)uts  floUoiit  sur  h'S  épaules,  se  fait, 
ainsi  que  le  nœud  placé  par-devant  sur 
la  Ijertlie,  avec  ce  niêuie  numéro  9.  Tu 
peux  ,  à  ton  j;ré,  orner  ainsi  une  robe 
de  crêpe  lisse  ou  de  tarlatane.  Celle  pa- 
rure IVaiclie  et  simple  laisse  voir  dans 
toute  leur  beauté  les  cheveux  <pie  relient 
un  sinq)le  peigne  en  éeailk*.  Les  ban- 
tleaux  sont  dmii-hoiiffanti. 

(^)uanl  à  la  table  de  toilelte  elle  est 
{garnie  entièrement  dune  dentelle  large 
au  cro<-liet;  les  rideaux  de  même,  mais 
ceux-ci  sont  en  tri<ot  à  jour. 

Décidément  les  c«jHiers  n  prennrnt  la 
vojjue.  La  princesse  ^Madiilde  a  été  la 
])remièrc  à  se  montrer  au  bal  de  la  Pré- 
sidence avec  ce  genre  de  parin'c  qui  sied 
si  bien,  et  à  remplacer  le  peigne  d'écaillé 
]inr  un  |>eigne  à  galerie  orné  de  perles. 
Kien  ne  complète  mieux  une  toilette  que 
des  bijoux  rielies  et  de  bon  goût.  \as 
jeunes  personnes  n'eu  peuvent  j)orter 
que  de  simpUs  ;  mais  toutes,  j'en  suis 
e«'rtaiiie,  adopteront  le  collier  et  le  pei{;ne 
à  galerie  en  or;  on  en  fait  de  tout-à-fail 
convenables  poiu'  elK's. 

Les  corsages  justes  avec  bertlie  ;  les 
ct)rsages  à  la  Sévigné  avec  dra|H"ries  à  la 
Ninon  ;  les  corsages  Ponq)ailour  avec 
éebelles  de  ruches  ou  de  ncruds  de  ru- 
ban ;  les  corsaj^'es  à  la  Ra|>hael  ;  h's  cor- 
saj;es  en  gerlx*,  plisst's  à  partir  des  épau- 
les jusqu'au  bas  de  la  taille  par-devant, 
les  corsages  en  co'ur,  loul  cela  est  de 
uicxle  ;  on  est  librt*  de  choisir  dans  ers 
différentes  fornies  eell«Mpii  sied  le  mieux. 

Kn  fait  de  toili  lie  tit*  ville,  rien  de 
nouv(Mu  pour  lis  jrunes  {xMsonnes.  Nous 
ne  changeons  pas  tir  mode  ti>us  les  mois. 
Dieu  nierei,  rt  nous  sonunes  ass«'z  tages 
pour  nous  contenter  d  une  ou  de  deux 
robes  parées  pour  les  soints,  d'un  |vir- 
dessus  ou  paletot  pour  li  ville,  et  tl'nii 
ou  deux  eha|HMUX. 

Voyous  maintenant  nos  tiavaux. 


Si  lu  veux  l'armer  d'attention  et  de 
patience,  cherche,  à  la  fin  de  'ma  let- 
tre ,  l'explication  qui  te  mettra  en  état 
dexéruler  le  boiniet  d'enfant  en  tjieot 
dentelle,  n"  1 .  Rien  de  plus  joli  ne  sera 
jamais  sorti  de  tes  mains  habiles.  ]Mais 
attention  et  patience,  je  le  le  n'pète  ! 

Pour  te  délasser,  lu  peux  quitter  de 
temps  en  temps  ce  fin  tricot  et  faire 
quehpies  coqueheots  en  laine.  Le  u*  2 
est  le  patron  du  moule  qui  t'est  nt^?es- 
saire  et  que  tu  (X)uperas  en  carton- carte 
bien  lisse. 

Il  le  fuit  de  la  laine  anglaise  éxMrlate, 
du  til  de  fer  noir  très-fin,  du  colon  en 
carde,  de  la  laine  verte,  du  papier  vert 
et  du  fil  noir  moyen. 

C'est  sur  la  partie  arrondie  du  moule 
que  tu  dois  croiser,  pour  retenir  chaque 
boucle  en  laine,  les  deux  Im)ii|s  de  fil  de 
fer;  cette  partie  arrondie  foruic  le  haut 
du  pétale.  Tu  l:iiss4Mas  à  chaque  extré- 
mité du  moule  lô  millimètres  sans  les 
recouvrir. 

Lorsque'  toute  la  partie  arrondie  est  re- 
couverte tle  laine,  f  lis  descendre  enst^m- 
blc,  vers  le  bas  du  moule,  de  chaque  côté, 
tes  deux  fils  tle  fer,  et  entoure-les  soij;neu- 
sement  de  laine  rouge.  Prends  du  fil  de 
laiton  plus  fort,  pasM'-le  dans  toutes  \cs 
boucles  que  forme  la  laine  au  bas  du 
péiale ,  relire  le  moule  ,  puis  croise  et 
serre  forlement  les  deux  bouts  de  ce 
laiton,  le  jx^tal  esi  fini  .  fais  en  trois  au- 
tres tout  pareils. 

PrtMids  un  autre  l>oul  de  iil  de  laàton  ; 
replie  en  <*roelu  l  une  «le  s«s  extn'miti^ 
et  entoure- la,  en  roulant  le  laiton  entre 
tt^  iloigts,  de  ix>ton  en  carde,  dr  iiianicre 
à  former  une  lH)ule  «le  la  taille  d'un  gros 
pois.  Hectmvre  cille  l»oule  avec  du  pa- 
pier vert  ;  aplatis- la  un  |»«u  en  devsus. 
et  croise  n'j;nluienjenl  sur  iv  ctrur  \ert. 
tmis  fiis  noii^  que  lu  arivlrs  au  t)as. 
Pour  l'entourer  d'ét.imiiirs  itoires,  il  suf- 
fit de  quehpies  hoMis  de  fil  noir  coiipt's 


00 


<réf[alo  longiionr  que  lu   ntticlies   tout 
autour. 

riare  à  j>i  l'srut  deux  prtalcs  biou  en 
f.Tce  Tun  i\o  TaiUrr,  et  attarlif^-les  au 
(Minii-  iwcr  lie  l.i  laine  verte;  plaee  de 
même  les  i\cu\  autres,  et  entoure  la  tige 
de  laiiir  verte. 

Quant  au  bouton,  rien  de  plus  faeile  à 
faire.  Prends  un  bout  de  laiton,  eourbe 
une  des  extrémités  eu  erocliet,  entoure- 
la  de  coton  cardé  de  manière  à  produire 
la  forme  d'une  petite  olive  ;  recouvre 
cette  olive  de  boucles  de  laiiic  ronge  que 
tu  retiens  par  le  liaut  avec  ton  laiton  fin 
que  tu  caches  ensuite  sous  la  laine  en  le 
faisant  redescendre  vers  la  tige. 

Prends  de  la  laine  vert  clair,  ton 
moule,  et  fais  deux  pétales  connue  les 
preujiers.  Tu  les  attacheras  à  l'olive 
rouge  en  ^ce  l'un  de  l'autre  et  tu  hau'  fe- 
ras prendre  la  courbure  nécessaire  pour 
envelopper  à  demi  cette  olive  qui  figurera 
alors  parfaUemcnt  un  bouton  près  d"é- 
clore. 

J'ai  voulu  attendre  que  la  mode  se 
prononçât  positivement  avant  que  de 
t  envoyer  un  grand  col.  l^e  n-'  ?  te 
présente  la  forme  toute  nouvelle  dite 
Moii'^qiietaiir.  Après  avoir  brodé  au 
plunietis  ce  joli  dessin,  tu  le  garniras 
d'une  petite  dentelle  haute  d'un  centimè- 
tre seulement.  Si  le  modèle  te  plaît,  tu 
peux  encore  le  reproduire  avec  un  entre- 
deux ;  mais  il  faut  toujours  le  garnir 
d'ime  petite  dentelle. 

A  ois,  pour  les  autres  dessins,  à  la  lin 
de  ma  lettre. 

Une  de  nos  aimables  amies  nous  a 
envové  le  moven  de  varier  les  jeux  du 
Sphinx  et  d^y  faire  participer  les  petites 
soeurs,  les  petits  frères,  ainsi  que  les  per- 
sonnes qui  veulent  bien  se  prêter  à  leur 
jeu,  sans  prendre  trop  de  peine,  on 
poiUTait   appeler   cette  variété  :  jeu   du 

TVPOOUAIMIE. 

Dans   tous  les  pays  du  inonde  pénè- 


trent les  journaux  ;  ces  journaux  portent 
partout  des  annonces  en  grand  nombre, 
ce  qui  permet  de  se  procurer  sansbeau- 
cou])  de  j)eine  des  lettres  d'imprimerie. 
Il  sulTit  pour  cela  de  prendre  ces  annon- 
ces, iX'vw  décoiqier  les  lettres  et  de  coller 
celles-ci  sur  de  petits  carrés  de  carton  ; 
avec   ces   petits  carrés    de    carton  ,    Ou 
]>lutot  avec  les  lettres  qu'ils  portent,  un 
Sphinx  va  à  l'écart  composer  un  mot,  puis 
il  en  rapporte  les  lettres  toutes  brouil- 
lées aux  Olidipcs  qui  sont  obligés  de  le 
reconstruire.  Si  ce   Sphinx   ne   sait  ])as 
parfaitement  l'orthographe,  il  en  résulte 
un  imbroglio  qui   fait  rire,  mais  qui  le 
force  à  payer  l'amende,  et  à  a})prendre 
ce  qu'il   ignore.     L'habileté    consiste   à 
choisir  des  mots  im  peu  longs  et  peu  usi- 
tés, et  à  composer  en  présence  de  tout  le 
monde,  en  prenant  rapidement  les  let- 
tres dont  ont  a  besoin  dans  le  monceau 
de  petits  cartons  réunis  sur  la  table;  r<7- 
partc ^  pour  composer,   est  permis   seu- 
lement aux  novices  efaux  enfants. 

Nous  nous  sommes  amusés  l'autre 
jour  à  ce  jeu  pour  lequel  Eugène  s'était 
luUé  de  dé'couper  une  multitude  de  let- 
tres et  de  les  coller  sur  des  moiceaux  de 
carton  carte.  Tu  ne  te  figures  pas  toutes 
les  combinaisons  que  chacune  de  nous  a 
faites  avec  les  vingt  lettres  que  renferme 
le  mot  cnnsubstantiellcment^  et  les  qua- 
torze lettres  que  contient  celui  de  cir- 
convolution^ avant  que  d'arriver  à  les  re- 
construire. iMon  oncle  3.  perfectionné ;ï\  a. 
trouvé  I  0;i  mots  complets^  ayant  tous  une 
valeur  pmpie,  et  offrant  des  nnnts  de 
drpartemmis,  de  villes^  A  hommes^  àe  cho- 
ses^ dans  celui  de  circonstance;  tu  com- 
prends bien,  chère  amie,  qu'il  n'a  pas 
toujours  emplové  toutes  les  lettres.  Nous 
avons  suivi  ses  opérations  avec  un  vif 
plaisir,  et,  depuis,  jusqu'à  ma  tante  qui 
consulte  le  Dictionnaire  pour  chercher 
des  mots  que  mon  oncle  et  Eugène  se 
chargent  de  décomposer,  et  de  recom- 


(i 


poser  (le  cent  et  cent  façons  ,  ceci  nous 
aiiiiisc  Ijcaucouj);  nous  trouvons  quel- 
quefois (les  clioses  fort  ilrcjles  et  qui  nous 
font  bien  rire.  Notre  aimable  amie  a  rai- 
son ,  ce  jeu  convient  l'jjalement  aux 
(grands,  aux  petits  enfants  et  il  fait  sentir 
li]us/u).sitivf/fir/fti\\ii'  toutes  les  f^raniinai- 
res,  la  m'cessit('*  de  savoir  et  J  apprendre 
rortliojjraplie. 

Caroline,  toujours  en  hais,  en  soin  es, 
en  fêtes,  a  trouvé  cependant  le  temps 
de  menvover  plusif  urs  recettes  e/c/tr/tu- 
.vrv,  surtout  eu  ce  temps  de  réunions  et 
de  plaisirs.  Tu  remarqueras  d'abord  une 
crvnte  a  Ui  rose  ci  uue  vrcmr  }u/ou(ert\oni 
mon  oncle  est  telleme»it  amateur,  qu'il 
eu  parle  à  tout  le  monde,  et  même,  à  ce 
qu'il  assure,   (ju'il  en  rêve. 

Ah  I  que  j»^  n'oublie  pas  de  te  dire  que 
les  mairons  j^laci'-s  sont  meill(Mus  lors- 
qu'on les  met  jusqu'à  trois  lois  dans  la 
bassine  sur  le  leu,  après  les  avoir  laisst's 
(•|;outter,  et  lorsjju'on  jette  dans  le  sirop 
nu  p<  u  (le  vaiiill»-  <mj  cosse,  ou  d'essence 
de  vanille,  ee  qui  vaut  mieux. 

Notre  aimable  (îlaire  nous  dontjc  un 
iMf'fjant  quadrille  fiit  ]>onr  notre  .lonrnal, 
et  nous  piouK  t  d  autre  musi(pie  aussi 
jolie  pour  la  procliaine  fois.  Sa  walse  à 
six  mains,  iV/V//r/,  a  la  vofjiie  couune  tout 
ce  qui  sort  de  sa  pinme  nnisieale.  Je  ne 
t'indi(pierai  anjonrd'iiui  (pu*  delà  nnisi- 
qiie  dansante  :  /j'  hal  d  limma ,  walse 
brillante  à  deux  ou  à  quatre  mains,  par 
(îamille  Schubert.  —  la  Créole,  |X)lka, 
et  la  Unioii'u  favoritr ,  par  I^.  ^Alesst  r 
IMarker.  —  A/athi/t/r  ^  polka  originale  ri 
chroujatitpie,  par  J.  Oiiidant.  —  /.r  P/u:- 
m  fin,  (piadi  ill«',  par  il.  (iodrhoy.  .Mnzud 
a  publié  aussi  de  cliarmants  quadri  li '^ 
(pi*  In  pourris  te  procurer,  suit  cbe/. 
Rrandus,  ('•»lil«ur  d»-  la  (ifizrtfr  niu^iea'e 
<{<  Pttriy^  07,  rue  de  Ui(  helieu,  soit  cliCK 
Mavand,  7,  bouh-vard  des  ll.diens. 

J'ai  vu  (pielque  chose  de  charmant 
élu/  lloliii,  papetitr,   110,  rue  du  fftu- 


bourij  Saint-Honoré;  c'est  une  batte  tir 
Ijfuniure  illustrée^  pour  la  miniature  , 
1  a(piarelle  et  le  d(>ssin.  Déjà  je  lavais  re- 
marquée à  l'Exposition;  elle renferuielout 
un  oittilliigr  de  crayons,  porte-ci-avons , 
estampts,  pincvaux,  couleurs,  el(.,  etc., 
et,  en  outre ,  \\vs  sujets  d'ait  d»'ixju|x'-s  à 
j(Mn  et  destinés  à  servir  de  modèles.  Jr 
donnerais  volontiers  le  nom  de  magquc 
à  cette  boîte  en  forme  de  livre,  aussi  élé- 
jjante  à  l'extérienr  (pie  riche  à  l'intérieur. 

Si,  dtfs  arts,  tu  me  permets  de  pass<M- 
à  V utile ,  je  te  parlerai  i\\ï  merveilleux 
t/iarbnn  de  Paris^  qui  se  fabrique,  137, 
boulevard  de  l'Hôpital,  chez  M.  Popelin- 
Ducarre.  Ce  eharbt>n,  (pii  coûte  7  fr.  ôo 
les  fjO  kilos,  dure  iWxix  fois  autant  que  le 
charbon  ordinaire.  Il  est  ex(elleiil  |K)ur 
la  cuisine ,  quand  on  veut  \\\\  feu  doux 
et  se  couvrant  tout  seul  de  cvndres;  dans 
une  chauflérette,  il  pnHure  une  chaleur 
égale  et  douce.  On  rallume  aisi'ment , 
soit  avec  un  peu  de  biaise  de  boulanger, 
soit  avec  du  charbon  ordinaire.  Matante 
est  cliariiH'e  de  la  di'cou verte  de  M.  Po- 
pelin-Ducarre,  et  déclan»,  en  sa  qualité 
de  ménagère,  (pi'aui  un  combustible  n'est 
prélérable,  pour  la  cuisine,  aiic/i  '•'  "  /  • 
Paris. 

Je  te  rappellerais  bien  \cs  Cfacirrrs 
parisiennes  |>our  obtenir  de  la  glace  j<//i» 
f^laee  eu  t(»Ute  saison  ,  si  dans  ce  luoiiienl 
la  glace  n'abondait  malheuieusi^ment 
|H)int  partout.  Mais  prends  note»  |Hiur 
l'été ,  de  l'ailress*"  de  la  fabriijue  qui  est 
m.iintenant,  \),  i  ne  rui-stenb<*rg  ,  prî-s  l.i 
rue  Jacob. 

Là-dessus  au  irvoir;  \\\o\\  po%tcrtpiunt 
est  prev(praussi  Iodj;  qu«'  ma  leltrt*. 

\  nuit    I  T^Kf'Oi.M 


62 


Crème  à  lu  rosé. 

Prenils  cinq  decililres  de  bonne  crt^rae  (unecho- 
pineu't  f.iis  la  Itoiiillir.  Quand  vUc  a  nioiiU",  rclir»'- 
la  sur  le  honi  du  fiiurncau  et  sucrt'-Ia  coinme  pour 
une  crnne.  Ajoulf  (jui-lqurs  j^outtes  ircssence  di» 
roses,  et  un  peu  de  carmin  en  poudre,  en  assez 
prande  ipiantilé  pour  la  colorer.  —  Pendant  (|uece 
nu'lan'je  inluse.  prends  les  jaunes  de  dix-huit  (vufs; 
tourne-les  avec  une  cuiller  de  l)ois  neuve,  mais 
lavée  soi.::neusenienl,  ju>(iu'a  ce  (ju'ds  soient  bien 
liés.  —  Tu  y  verses  alors  la  crème  peu  à  peu  en 
tournant  s;ins  farréler.  —  Passe  au  tamis  clair,  re- 
mets d.ms  une  casserole,  et  fais  lier'sur  le  feu,  mais 
en  prenant  bien  soin  de  ne  p.Ts  laisser  bouillir,  ou 
bien  tout  serait  perdu.  Passe  une  seconde  fois  au 
tamis,  et  verse  dans  de  petits  pots,  ou  bien  dans  un 
plat  de  porcelaine  creux.  Ce  mets  est  délicieux. 

Crêiue  veloutée. 

Tu  prends  375  grammes  ftrois  quarterons),  d'a- 
mandes douces;  après  les  avoir peléesel  l)ipnpilées, 
tu  les  places  sur  la  serviette  dont  tu  as  rrcouvert 
un  vase  creux.  Tu  as  fait  bouillir  cin(|  décilitres  de 
crème  épaisse.  Tu  la  verses  très-chaude,  mais  non 
pas  bouillante,  sur  les  amandes.  Recommence  trois 
fois. 

Pendant  le  temps  qu'exii^ent  ces  opérations,  tu  as 
mis  a  tremper  dans  de  l'eau  tiède  trois  gésiers  de 
volaille.  Tu  les  retires,  tu  les  dessèches,  lu  les  cou- 
pes en  plusieurs  morceaux  et  tu  les  places  sur  une 
autre  serviette  qui  recouvre  de  même  un  autre  vase 
creux  11  faut  alors  passer  la  crème  trois  fois  sur  ces 
gésiers;  a  chaque  fois  tu  les  étends  bien  sur  la  ser- 
viette avec  les  doigts,  afin  d'en  faire  sortir  toute  la 
gélatine  qu'ils  contiennent.—  La  crème  étant  ainsi 
passée  trois  fois  sur  les  amandes  pelées,  et  trois  fois 
sur  les  gésiers,  tu  y  mêles  du  sucre  en  poudre.  Laisse- 
le  dissoudre  ;  mets  dans  de  petits  pots,  ou  dans  un 
plat  creux  et  fais  prendre  au  bain  marie.—  hacréme 
à  la  rose  et  la  crème  veloutée  se  servent  froides, 
comme  toutes  les  crèmes,  du  reste. 

Biscuits  de  marrons. 

Casse  dans  une  terrine  douze  œufs  entiers.  —  Jet- 
tes-y  469  c''^mmes(15  onces),  de  sucre  en  poudre. 
—  187  t;rammes  (6  onces)  de  marrons  cuits  et  épelu- 
chés.  —  125  grammes  (  4  onces  )  de  farine.  —  La 
rripure  d'une  é'^orce  de  citron.  Bats  bien  le  tout  en- 
semble. Quand  la  pâte  e>,t  parfaitement  liée,  dresse- 
la  de  forme  ronde  ou  de  forme  ovale  et  de  la  gros- 
seur d'un  marron,  sur  des  feuilles  de  papier  :  fais 
cuire  a  un  four  doux.  (Si  tu  n'as  pas  de  four  et  que 
tu  n'aies  pas  une  grande  habitude  de  te  servir  du 
four  de  campagne,  envoie  chez  le  boulanger  et  fais 
enfourner  après  que  le  pain  vient  d'être  retiré.)  Une 
demi- heure  luflit  pour  la  cuisson. 

Meringues. 

Bals  en  neige  des  blancs  d'oeufs.  —  Ajoute  une 
bonne  cuillerée  de  sucre  en  poudre  par  chaque 
blanc.  Quand  les  oeufs  et  le  sucre  sont  bien  mêlés, 


dresse  sur  des  feuilles  de  papier,  de  la  grosseur  d'un 
u'uf  environ.  Poudre  avec  du  sucre  passé  au  tamis 
de  soie;  mets  la  fournée  sur  une  planche  et  cuis  à 
four  très-doux.  —  Dès  que  la  fournée  a  pris  une 
belle  couleur,  relire.  —  Knlève  de  dessus  le  papier, 
et,  avec  une  petite  cuiller,  détache  doucement  de 
l'intérieur  la  pâte  qui  n'est  pas  cuite.  —  Tu  rem- 
]di>uiie  de  ces  calottes  avecdes  conlilures  ou  avec 
(le  la  crème  fouettée,  et  tu  places  une  autre  calotte 
par-dessus.  —  Il  faut  fouetter  dans  une  terrine  avec 
une  verge  d'osier  de  la  crème  très-épaisse.  Tu  y 
mêles,  pour  cinq  décilitres,  gros  comme  un  pois  de 
gomme  adragante,  ce  qui  lui  donne  du  soutien. 
Aie  soin  de  tenir  la  crème  fouettée  au  Irais  jusqu'au 
moment  de  servir. 

3Iaca7'ons. 

Pèle  des  amandes,  500  grammes.  —  Pile-les  avec 
quatre  blancs  d'œufs.  —  Ajoute,  en  te  servant  d'une 
spatule,  500  grammes  de  sucre  pi  é.  —  Amandes  et 
sucre,  tout  doit  être  bini  sec;  !a  rdpure  de  l'écorce 
d'un  citron.  Dresse  cette  pâle  de  la  grosseur  d'une 
noix,  sur  des  feuilles  de  papier.  Si  la  pâte  était  trop 
molle  tu  y  ajouterais  du  sucre.  —  Fais  euirc  au  four 
doux. 

Filtre  au  charbon. 

Veux-tu  faire  cadeau  à  une  pauvre  famille  d'un 
filtre  a  .charbon  bien  simple  et  qui  lui  procurera 
une  chose  très-précieuse,  de  l'eau  pure  et  saine'? 
Achète  un  pot  à  beurre  en  grès  rouge;  place  dessus 
un  pot  a  fleur  neuf  que  tu  garniras  en  dedans  d'une 
flanelle  légère  ;  mets-y  ensuite  une  couche  de  char- 
bon de  bois  concassé.  Un  second  pot  à  fleur  doit  en- 
trer dans  le  premier;  pour  celui-c:,tii  bouches  l'ou- 
verture du  fond  avec  un  morceau  d'épongé  neuve. 
On  verse  l'eau  dans  ce  premier  pot;  elle  passe  goût  te 
à  goutte  à  travers  l'épon^ie,  se  liltre  lenlement  à 
travf  rs  le  charbon  et  la  flanelle,  et  le  pot  de  grès  se 
remp'it  d'eau  parfaitement  épurée.  On  renouvelle  le 
charbon  de  temps  en  temps. 

Bonnet  d'enfant  en  tricot  dentelle. 

N"  1 .  —  Monte  7  mailles  sur  quatre  aiguilles. 

i'e.  rangée.  1  maille  unie,  —  I  augmentée,  —  fais 
ceci  7  fois. 

2t  rançiée  .  Unie. 

3e  ramjée.  2  mailles  unies,  —  1  augmentée,  —  7 
fois. 

4e  rangée.  Unie. 

5e  rangée,  3  mailles  unies,  —  1  augmentée,  —  7 
fo's. 

6e  rangée.  Uni?. 

Continue  toujours  de  même;  tu  auras  une  maille 
uni"  (le  plus  à  chaque  rangée  impaire,  tricote  unies 
toutes  les  rangées  ;)r//ros,  jusqu'à  la  H3e  rangée. 

33c  rangée.  16  m.ii Iles  unies,  -|-  i  augmentée,  —  i 
unie  prise  dans  le  milieu  de  l'augmentée  delà  Ste, 
—  1  augmentée,  —  16  unies.  —  retourne  au  -f . 

34e  rangée.  Unie  et  ainsi  de  toutes  les  rangées 
paires. 

S.He  rangée.  14  mailles  unies,  —  1  rétrécie,  —  i 
augmentée,  —  o  unies,  —  1  augmentée,  —  7  Iots. 


«3 


37»  rangée.  18  onles.  ~i  réfr«^clf,  —  1  augmen- 
tep,  —  1  rélrêcie,  —  4  au^menlf^*,  —  1  unii*.  —  1 
aijgnieiité»*,  —  l  rulrecie.  —  1  auKirn-ntée.  —  7  foi». 

39«-  raugée.  12  unies,  —  i  rélrécie,  —  1  aujinien- 
téf .  —  1  r»-lrécie,  —  1  auumentee,  —  3  unies,  —  1 
auKmffiféf,  —  1  rélrécie,  —  \  auemenlée,  —  7  fois. 

41t  rnuijte.  11  unirs, —  1  rétrérie,  — 1  .iu;:mi"ntee, 

—  1  rt'trecie,  —   *  auRmenler,  —  1  retr«*cip,  —  1 
auRmentée,  —  1  unie,  —  1  au^^meiiler,  —  1  rélrécie, 

—  I  au;yiientér.  —  1  rétrécir,  —  l  aiigmrntee,  —  7 
fois. 

43«  rangée.  10  maille!*  uni»,  continue  de  même 
jijvqu'a  ce  que  l'étoile  mate  n'ait  plus  qu'une  maille. 
L'étoile  lerminée  c«)ininenre  l'intre-deux  «lil  tour. 

\'t  rangée  k  mailles  unies,  —  1  augmentée,  —  1 
retrtiie  tournée,  — Reroniinence. 

?e  raiif/ér.  ^  unie.*,  -  1  augmentée  fobserve  de 
ne  faire  la  maille  augmentée  que  lors(jue  tu  an  tri- 
coté simplemi-nt  la  maille  augmentée  de  la  rangée 
précédente),  —  1  retrécie.  —  Recommence. 

3'  et  4«  raïKjévs.  Comme  la  ï». 

5»  ratigee.  3  mailles  unie.-»,  +  1  lélrérie  f.jite 
a^ant  la  maille  au;:menteede  la  ransée  précédente, 

—  1  au;imente,  —  4  unies   (Retourne  nu»inne). 

C«,  7'',  8r  rangées.  Comme  la  V.  Le  fond  terminé, 
il  faut  faire  le  corps  du  honnet. 

<'»  rangée.  1  madie  unie,  —  1  an;impntée,  —  8 
uides,  —  1  rélrecie  double,  —  S  unies,  —  1  au;;- 
menlee.  Recommence. 

2e  ranjée.  Unie,  et  ainsi  pour  toutes  les  ran';ée8 
paires. 

3»  rangée.  î  mailles  unies,  +  1  au<;menl<  e,  —  î 
unies,  —  I  réiréne  double,  —  i  unie».,  —  \  augmen- 
tée, —  5  unies.  —  Retourne  au  +. 

5e  rangée.  3  mailles  unies,  -f  l  augmentée,  —  1 
unie,  —  1  relrecie  double,  —  1  unie,  —  1  anj^mentée, 

—  5  unies  —  Retourne  au  +. 

7«-  rangée  4  unies,  +  1  nnt:n)enlée,  —  l  retrécie 
double,  —  1  augmer)tee,  —  7  niaide»  unies  —  Re- 
tourne au  -f . 

9'  rangée.  1  rétrérie.  -f-  3  unies,  —  1  augmentée, 

—  I  maille  unie,  —  1   augmentée,  —  3  unies,  —  1 
rétretie  «louble.  —  Retourne  au  4- 

llr  rangé'-.  I  retrécie,  4-  î  unies,—  1  augmentée, 

—  3  unies,  —  I  autimenlee,  —  î unies,  —  J    Mrécie 
double.  —  Relotirne  au  -f . 

13'  rangée  \  rélrecie.  +  I   unie,  —   I  A«*ginentée, 

—  7  unies,  —  1  augnieoti-e,  —  I  unie,  — '    rétréci* 


double.  -  Retoame  au  ilgoe.  -  Recommence  à  U 
première  ranger.  * 

Lorsque  k  bonnet  nt  foflUâinnent  profond 
continue  a  tricoter  seulement  sur  le  devant  afin  de 
lui  donner  la  forme  ,îu  patron  n-  to  que  je  f»,  rn- 
voyéau  moisdoctobre  dernier  Entrr  chaque  ran- 
gée impaire,  tu  feras  nécessairement  une  rangée 
uniea  IVu^ers,  puisqu' alors  tu  ne  tr.c0t.4plu*  tn 
tournant,  mais  eo  allant  et  revrrutnt. 

Explication  de  lu  planche  de  Broderies. 

?I  '    ~  B^mnet  dVnf-nt  *  ex,  cufer  au  tricot 
n    I.  -Patron  du  moule  nere-sjaire  pour  faire  un 
coquelicot  en  laine. 

^•3.  —  Col  niousquetaire;  broderie  au  pîametU. 
œillets  a  jour  et  a  p..int  dVcbrlle, 

N"  h.  —  Entre-d.  ux  a  brud-r  en  feston  et  au  plu- 
meti.  .surourlet,  pour  le  devant  d'un  peignoir. 

^"5.  —  Dessin  redoit  pour  le  corsage. 

R"6.  —  Coin  de  moucboir  a  broder  au  plumelli 
et  au  point  de  fe»ton 

CRAior  r.DtTiQn. 

N..  7  et  S.  _  Desalos  a  broder  en  reprise  sur  filet 
carre. 

^*  "  —  Moitié  du  dos  da  caneiou  dont  Je  fai 
enîovM  l'un  de-i  devants  le  mol*  d«roier. 

«•  10.  —  (>>|  a  briMler  au  plumet.»  et  aa  point  de 
cordonnet.  Si  tu  trouves  ce  dessin  trop  b.og  «  r»e- 
cuterain.si,  rien  de  plus  facile  qoe  de  suppnraer 
les  cordonnet». 

N"»  1  Ml  et  13.  —  I>e>Mns  p<iur  b.>u-se  au  rnvhet 
plein  Tu  peux  remphc  r  p-irlune  de  ces  g.nrl.n- 
des.  Celle  de  la  In.urse  encr.v  het  plein  dont  je  fai 
envoyé  le  dessin  au  moi»  de  novembre  dernier.  Ta 
varieras  les  couleurs  pour  le  fond  de  même  que 
pour  la  guirlande. 

?<«.  \k.  15  et  Ifi  ~  P-Irons  d'un  pmle»»u»  prNir 
enfant,  reihiclton  au  quart.  —  .%.  14.  if  .„ 

—  N»  15.  Devant.   —  .>«•  16.  M.ncbe   |  ,  |, 

partie  de  Vi  manche  qui  T-rme  le  .|r*v,u«  ^i  Uil- 
lee  un  peu  plus  longue  p^r  en  haut  et  piren  luu 
que  l.i  p.irlie  qui  form--  le  dessus  albi  de  pouvoir 
faire  un  pli  dans  la  coulure  a  la  saif  iie<>.. 


LRS  jf:r\  T)f-  siMfiw 


I  o«;ne.Rtriir. 


Jr  %\\\%  \\\\  vire  «Ir  raison 
Oiir    .5»ir  s\\  piftls   tout  Ir  momi»*  .ipprc  hriirlr  ; 
Je  raiisi'  à  r.iiiinnr-prnpii'  uiu*  «hnilrur  %\  p.randr, 
Oirt-llr  a  sm   lui  l Vllrl  du  jilus  m\v  {>uiSOll  : 


64 

S'il  nvn  luciut  pas  toujours,  il  en  rosto  iucuial)lf . 

J'ai  mai  11  U'  iois  aussi,  clans  la  socirtô, 

Vnc  liruirusr  influence,  un  excellent  côté, 

.II'  punis  un  faux  brave^  un  traitie,  un  niisérablr, 

J'accal)le  le  uiensonjje  et  la  duplicité. 

Le  vice  à  nrécliapper  vainement  séveitue, 

.Fe  le  poursuis  partout  :  c'est  moi  qui  ])erpétue 

Son  op])robre,  sa  honte  et  son  indi^jnité. 

Oii  me  distingue  encore  à  ma  philosophie  : 

Elle  est  [ïiande  en  effet,  et  maigre  les  railleurs 

Elle  s'étend  parfois  aux  dangers,  aux  honneurs, 

A  la  lortune,  et  même  elle  embrasse  la  vie  ; 

Mais  pour  que  je  parvienne  à  ce  point  élevé, 

Combien  il  faut  de  teuqis,  de  pénibles  études  ! 

Tel  que  le  sort  frappa  de  ses  coups  les  plus  rudes, 

.lusque  là  cependant  n'est  jamais  arrivé  : 

En  proie  à  mille  maux,  âme  pusillanime, 

Il  a  rongé  son  frein,  il  a  toujours  souffert; 

Ses  malheurs  imprévus  lui  méritaient  l'estime, 

Et  c'est  de  moi  pourtant  qu'il  s'est  trouvé  couvert  I 

Mais  tu  peux,  cher  lecteur,  en  me  coupant  la  tète, 

De  mon  être  changer  la  nature  et  l'emploi. 

Et  grâce  au  sentiment  que  soudain  je  te  prête, 

Aiq^rès  de  deux  beaux  yeux  être  heureux  comme  un  roi. 

Retranche  encor  ma  tête,  et  tu  vas,  pour  toi-même, 

Redouter  les  soucis,  les  chagrins,  les  ennuis  : 

Malheureux  en  amour,  ce  n'est  pas  toi  qu'on  aime, 

Et  te  voilà,  lecteur,  ce  qu'à  présent  je  suis. 

Coupe  ma  tête  encor,  quelle  métamorphose  ! 

Plus  d'ennuis,  de  chagrins,  plus  de  jours  orageux  : 

Tout  à  tes  doux  regards  devient  couleur  de  rose, 

Tu  retrouves  en  moi  les  compagnons  des  jeux. 

GUEBIN'U, 

Le  mot  de  la  c hitrade  du  mois  dernier  est  Chasselas. 


63 


ÉDUCATION. 


suKTs  I)j:  mj:i)itatio>s. 


riŒUVES  DE  LA  RELIGION  CHRETIENNE. 


ISous  voudrions  que  Diou  nous  fit  voir 
(les  niiraclrs  ])our  nous  conlirinrr  dans 
la  foi  ;  mais  quel  plus  «jraud  miracle  que 
la  conversion  du  monde  et  la  propa{;a- 
tion  de  l'Evangile? 

Jésus-Cluist  entreprend  de  clianger  la 
face  de  l'univers  et  de  purjjer  le  monde 
de  l'idolâtrie,  de  la  superstition,  de  IVr- 
rcur,  pour  y  faire  n'gner  souverainement 
1.1  j)uret(5  de  Dieu.  l*our  cela,  qui  clioi- 
sit-il?  Douze   discij)les  grossiers,  igno- 
rants, faibles,  imparfaits,  mais  qu'il  rem- 
plit tcllrnn  lit  de  son  esprit,  que  dans  un 
jour,  dans  un  moment,  il  les  rend  pro- 
pres à  rexéeution  de  ce  grand  ouvra{;r. 
Eu  eft'et,  de  grossiers,  et,  pour  user  d«- 
son  expression,  de  lents  à  croire  qu'ils 
étaient,  par  la  vertu  de  cet  esprit  cpi'il 
leiu"  envoie  du  ciel,  il  en  fait  îles  houuuis 
pleins  de  zèle  et  de  foi.  Après  les  avoir 
persuatlés,  il  s'en  sert  poiu  persuader  les 
autres.  Ces  pèelieurs,  ces  hommes  faibles, 
(pie  l'on  regardait,  dit  saint  Paul,  eonum* 
le  rebut  du  n:onde,  furtifn-s  parla  {;r.ir«> 
lie    lapostolat,    partaj;rnl    entre   eux   la 
conquête  et  la  n'Inrniation  du  monde.  Il 
n'ont  point  d  autre  ai  nu-  que  la  patience, 
jMiint    <1  autre    tn'sor    (|ue    la    pauvreté, 
point  d'autres  conseils  tpie  la  simplicité, 

A  uni  M  «les  nrllcir»  ronlcnii**  dnn»  ccf  irriioll 
ne  peut  rliT  rcprmliiit ,  fi\ns,  lo  coiiiuiitriiinil 
f<»rinrl  (les  niilrms,  poiis  pniir  do  ptnirfttiilca  cii 
oonlrcfariMi. 

Il*  S^.uiK.  T(»ino  IV.  N"  3    - 


et  cependant  ils  triomphent  de  tout.  Ils 
prêchent  des  mystères  incroyables  à  la 
raison  humaine,  et  ou  les  croit.  Ils  an- 
noncent un  Evangile  opposé  contradie- 
toirement  à  toutes  les  iucliuitions  de  la 
nature,  et  on   le   reçoit.  Ils  l'annoncent 
aux  grands  de  la  terre,  aiix  doctes,  aux 
prudents  du  siècle,  à  des  mondains  sen- 
su. Is,  voluptueux,  et  l'on  s'y  soumet  G»s 
grands  reçoivent  la  foi  île  ces  pauvres  ; 
ces  doctes  se  laissent  convaincre  par  ces 
ignorants;   ces  voluptueux,  ces  siMisurls 
se  font  instruire  par  et^s  nouveaux  pré- 
dicateurs de  la  eroLx,  et  se  cliar[;ent  du 
joug  de  la  modération  et  de  la  |HMiiteiKx»: 
de   tout  cela  se  forme  une  chivtienU*  si 
sainte,  si  j)ure,  si   distinguée  jvir  toutes 
s<'s  vertus,  ipie  le  pagauisuic  nicuie  se 
trouve  forcé  de  l'admirer. 

(]*•  n'est  pas  tout,  et  ix*  que  j'ajoute  vous 
doit  paraître  enixnv  plus  surprenant; 
car  à  peine  la  foi  publiiv  par  ces  douze 
Apôtres  a-t-elle  commenct^  «^  se  n''|Kintlre, 
qu'elle  se  voit  attacpn'v  par  niilh"  enne- 
mis. Toutes  les  puissantvs  de  la  lenv 
s'élèvent  et>ntre  elle.  In  Diixlt'tien,  le 
maitri"  du  monde,  veut  l'anéantir,  et 
s'en  lait  un  |>oint  de  |H)litique;  unis, 
malgré"  lui.  mal|;tv  les  plus  violents cllort<i 
de  tant  d'autns  |xM>i4vulrui><  du  nom 
chré-tieii,elle.s*étabht  si  solidement,  ivltc 
foi,  que  rien  ne  |>«Mit  plus  l'i  branler. 
D'innombrables  niartvi^  la  défendent 
M\RH  lîCiO.  3 


OG 


jusqu'à  reffusion  de  leur  san^;  ;  des  ^jeiis 
de  toutes  les  conditions  font  [jloire  d'en 
être  vietinies  et  dj  s'innnoler  pour  elle; 
des  vieqjes  sans  nond)re,  dans  un  eo.rps 
tendre  et  délicat,  lui  lentltMit  le  même 
témoi[;na^;e ,  et  soullVent  avec  joie  les 
tourments  les  plus  cruels.  Elle  sV'tend, 
se  nndliplie,  non- seulement  dans  la 
Judée  où  elle  a  pris  naissance ,  mais 
jusqu'aux  extn'mités  de  la  terre,  chez 
les  peu})les  les  plus  barbares  et  chez  les 
nations  les  plus  polies  ;  dans  Rome,  où 
la  relij^jion  d'un  Dieu  crucifié  se  trouve 
bientùl  la  reli<)ion  dominante;  dans  le 
palais  des  Césars,  où  Dieu,  pour  Tader- 
inissemcnt  de  son  Ê;;lise  au  milieu  de  l'i- 
niquité, suscite  les  plus  fervents  chré- 
tiens ;  eniin,  oliservez  ceci,  dans  le  ]ilus 
éclairé  de  tous  les  siècles,  dans  le  siècle 
d'Auguste,  que  Dieu  choisit  pour  mar- 
quer encore  davantage  le  caractère  de 
cette  foi,  qui  seule  devait  surmonter  tou- 
te la  prétendue  sagesse  de  l'homme  et 
tout  l'orgueil  de  la  raison  ! 

Avouons-le  avec  saint  Chrysostome, 
quand  la  reHgion  chrétienne,  dès  son 
berceau,  aurait  trouvé  dans  le  monde 
toute  la  faveur  et  tout  l'appui  nécessaires, 
quand  elle  serait  née  dans  le  calme,  par 
mille  autres  endroits  elle  ne  laisserait  pas 
d'être  toujours  l'œuvre  de  Dieu.  Mais 
qu'elle  se  soit  établie  dans  les  persécu- 
tions, ou  plutôt  par  les  persécutions,  et 
qu'il  soit  vrai  qu'elle  n'ait  jamais  été  plus 
florissante  que  lorsqu'elle  a  été  plus  vio- 
lenmient  condjattue;  que  le  sang  de  ses 
disciples,  inhumainement  répandu,  ait 
été,  connue  parle  un  Père,  le  germe  de  la 
fécondité;  que  plus  il  en  périssait  par  le 
fer  et  par  le  feu,  plus  elle  en  aitTormé  par 
l'Evangile  ;  que  la  cruauté  exercée  sur  les 
uns  ait  servi  d'attrait  aux  autres  pour  les 
appeler,  selon  rexpressiondeTertuHien  ; 
que,  sans  rien  faire  autre  chose  que  de 
voir  ses  meud)res  souflrir  et  mourir,  ce 
grand  corps  du  christianisme  ait  eu  de 


si  prompts  et  de  si  merveilleux  aceiois- 
sements  ;  c'est  un  de  ces  prodiges  où  il 
faut  (jue  la  prudence  humaine  s'humi- 
lie, et  qu'elle  fasse  honnnage  à  la  puis- 
sance de  Dieu. 

A  oilà  néanmoins  ce  que  nous  voyons, 
et  c'est  la  merveille  subsistante  dont 
nous  sonmies  témoins  nous-mêmes,  et 
que  nous  avons  devant  les  yeux  :  voilà 
ce  que  le  SiMgnenr  a  fail.J 

«  Puisque  vous  vous  opiniàtrcz,  disait 
aux  païens  saint  Augustin,  à  ne  vouloir 
pas  croire  aux  autres  miracles,  qui  sont 
pour  nous  des  preuves  incontestables  de 
notre  foi,  au  moins  confessez  donc  que 
dans  votre  système  il  y  en  a  un  dont 
vous  êtes  obligé  de  convenir  :  c'est  le 
monde  converti  à  Jésus -Christ  sans  au- 
cun miracle  ;  car  cela  même,  qui  n'est 
pas  et  qui  n'a  pu  être,  ce  serait  le  mi- 
racle des  nnraeles,  » 

«  Et  à  quoi  donc,  poursuivait-il,  at- 
tribuerons-nous ce  grand  ouvrage  de  la 
sanctification  du  monde  par  la  loi  chré- 
tienne, si  nous  n'avons  recours  à  la  vertu 
infinie  de  Dieu?  Ce  n'est  point  aux  ta- 
lents de  l'esprit,  ni  à  l'éloquence  du  gé- 
nie que  la  gloire  en  est  due  ;  car,  quand 
les  Apôtres  auraient  été  aussi  éloquents, 
aussi  savants  qu'ils  l'étaient  peu,  on  sait 
assez  ce  que  peuvent  l'éloquence  et  la 
science  humaines,  ou  plutôt  on  sait  trop 
cond)ien  Tune  et  l'autre  sont  faibles 
quand  il  est  question  de  réformer  les 
mœurs  ;  et  l'exemple  d'un  Platon,  qui 
n'a  pu  engager  une  seule  bourgade  à 
vivre  selon  ses  maximes  et  à  se  gouver- 
ner selon  ses  lois,  montre  bien  que  saint 
Pierre  agissait  par  de  plus  hauts  prin- 
cipes quand  il  réduisait  les  provinces  et 
les  royauuics  sous  l'obéissance  de  l'E- 
vanjjile.  Ce  n'est  point  par  la  force  ni 
par  la  violence  que  la  Croix  a  été  plan  - 
tée  ;  car  le  premier  avis  que  reçurent  les 
disciples  de  Jésus- Christ ,  ce  fut  qu'on 
les  envoyait  comme  des  agneaux  au  mi- 


tii 


licii  des  tou/js  ;  <t  ils  le  comprin'ut  si 
bien  qiir,  sans  faire  nulle  iv^isLaiice,  ils 
se  laissèrent  é,'^orger  coininc  (riiiiioeeii- 
tes  vietinies.  Le  nialionu'lisinc  s'est  éta- 
bli par  les  eonquètes  et  par  les  armes  ; 
l  In'résie  ,  par  la  rébellion  contre  les 
puissances  lé-^^itinies  ;  la  loi  de  Jésus - 
Christ  seule,  par  la  patience  et  l'Iunni- 
lité.  Ce  n'est  point  la  douceur  de-  cette 
loi,  ni  le  relâclienient  de  sa  morale  qui 
fut  le  principe  dim  tri  pr()|;rès  :  car 
cette  loi,  toute  raisonnable  qu'elle  est, 
n'a  rien  que  d'iiumiliant  pour  l'esprit 
et  de  mortifiant  pour  le  corps.  On 
conçoit  comment,  sans  miracle,  le  ])a- 
{;anisme  a  eu  cours  dans  le  monde  , 
parce  qu'il  favorisait  ouvertement  tou- 
tes les  passions,  qu'il  autorisait  tous  les 


vices,  ri  qu  il  n'est  rien  de  plus  naturel 
à  riiomme  que  de  suivre  ce  parti  ;  mais 
ce  qu'on  ne  conçoit  pas  ,  c'est  qu'une 
loi  (pii  nous  ordonne  d'aimer  nos  enne- 
mis et  de  nous  haïr  nous-mêmes,  ait 
trouvé  tant  de  partisans.  Ce  n'est  j>0!nt 
1  efiet  du  caprice,  car  jamais  le  capric-e, 
quelque  aveugle  qu'il  puisse  être,  n'a 
porté  les  hommes  à  s'intenlire  la  veu- 
geanee,  à  renoncer  aux  plaisirs  des  s«»ns, 
à  crucifier  leur  chair.  Que  s'ensuit-il  de 
là?  Je  le  n'pete  :  Ou'il  n'y  a  que  Dieu 
(jui  ait  pu  conduire  si  heureusement  une 
pareille  entreprise  et  la  faire  réussir  ; 
(  'est  l'ceuvre  du  Seigneur,  et  le  doigt  de 
Dieu  est  là  !  » 

Boi  nOALOl  K. 


LA  MKILLK  COISINK, 


ESQLISSK. 


«  iMa  Cousiiu',  pourtpioi  donc  ne 
vous  êtes-vous  pas  mariée.'  »» 

Cette  question  «'lait  faite  par  une  jolie 
petite  (ille  de  ilou/e  ans  environ,  et  s'a- 
dressait à  une  bonne  vieille  piMSonne  , 
(pli,  par  son  ;l[je,  auraii  pu  |)rétendie  à 
ces  titres  de  dame  et  «le  malione,  qu'elK' 
paraissait  avoir  obstinément  refus«'s. 

—  i\)mquoi  je  ne  me  suis  pas  marit  i.'  >» 
réjMHa  la  vieilli'  cousine,  l'ii  K'vant  les 
veux  «t  en  les  arrêtant  avec  douceur  >nr 
1«- joli  groU|)e  d(  bout  «.levant  elji-,  «l  qui 
aurait  pu  tenter  le  pinceau  il  un  pi'intie. 

Antoinette  était  comme  suspendue  nu 
bras  «le  sa.s<eur  ainee,  ii«*  Sn/.aniu',  j;ran- 
de,  Inlle,  blonde,  sérieuse  l'iamande  de 
vingt  ans  ;  «l  toul(*s  deux  e\  iminai(«Q| 
les  pièces  d'un  riche  trousseau  de  mariév, 
était'  sur  une  {;i'and«'  table.  Su/  unie,  la 
(iane«'e,  re[;ar«lait  ces  rielu*ss«*s  «lonu'sli- 
«pies  avec  une  arlaine  nuancv  de  gravi» 


lé",  comme  si  elles  lui  euss*Mit  révélé  l'a- 
venir «le  son  ménage,  de  sa  vie  de  tra- 
vail, «It-eonomie,  «le  retraite,  .\ntoinetle, 
au  contraire,  se  haussant  ^ur  la  pointe 
«les  piiuls,  pour  se  trouver  au  niveau  «le 
Il  table,  fouillait  tout  «l'une  main  eu- 
liiuse,  rejetait  avec  dédain  !«»«  gixjsses 
toiles,  K'S  jujM'stle  drap,  les  étoffes  cotu- 
inunes  et  soli«l«*s ,  et  s'arivliil  av«x*  nu 
|>laisir  évident  à  ailmirer  li*s  fuies  balts- 
l«'s,  K'S  ilentelles,  la  ixiIk*  île  soie,  h'â  |h^- 
lits  bijoux  de  famille  et  le  voile  blanc, 
parure  d'un  j«)ur,  <pù  devait  étiv  conser- 
vi  t«>nte  la  vie. 

Autour  de  ces  jeunes  JilKs,  tout  iv^pi- 
rail  la  liborieusk*  austérité  des  iiMrtit<< 
Il  iirlandes.  1^  cliandnv,  à  la  f«tis 
manger  et  cui&inr,  n'avait  d'autre  orne- 
ment (piune  pii>pn*té  parfaite  ;  pas  une 
tache  ne  «U  paiait  le  carreau  de  l>riqu(*s 
i\)Ug«*«  ;   les  meubles  de  clicne ,   bulVel , 


08 


Iiuclic,  laMo  massive,  cscabclles  à  trois 
jiii'ils,  étaient  si  soi{]nciiseinent  frottés 
qu'ils  rcMivovaicut  la  limiière  ;  et  la 
ilamme  du  loyer,  se  rellélant  dans  les 
ustensiles  de  euivrc  suspendus  aux  mu- 
railles, en  faisait  eonune  autant  de  mi- 
roirs artlents  et  polis.  Cette  batterie  de 
enisine,  qui  ferait  anjourd'lmi  Torne- 
ment  ilu  eabinet  d'un  antiquaire,  méri- 
terait ])ien  une  description  :  les  moules  à 
]).itisserie  dont  usaient  nos  aïeules  alïëc- 
laient  les  formes  les  plus  bizarres  ;  ils 
représentaient  des  crapauds,  des  gre- 
nouilles, des  éerevisses,  des  tritons,  des 
sirènes,  formes  que  devaient  prendre  les 
préparations  cidinaires  de  toutes  les  es- 
pèces enfermées  dans  leurs  flancs.  Au- 
dessus  de  ces  moules  sin(»uliers,  réj^nait 
un  dressoir  eliarf^.é  de  faïences  à  la  ma- 
nière de  Paiissy,  d'énormes  verres  à  pied, 
de  poteries  en  fjrès  antique,  mêlées  à 
quelques  porcelaines  de  la  Chine,  émail- 
lées  des  plus  vives  couleurs.  La  cheminée 
énorme,  béante,  en  pierre  grise,  garnie 
d  un  lambrequin  de  serge,  laissait  voir 
dans  le  fond  une  plaque  de  fonte  ornée 
de  fleurs  de  lys  ;  les  grils  ouvragés,  les 
pelles,  les  pincettes  de  cuivre,  tous  les 
accessoires  ordinaires  étineelaient  de 
propreté.  Au  chand^ranle  était  suspen- 
due l'image  gothique  de  Notre-Dame  de 
la  Treille,  patronne  de  Lille,  gardienne 
de  tous  les  foyers,  protectrice  de  toutes 
les  maisons  de  la  cité  de  la  Vierge  ;  le 
buis  bénit  de  l'année  la  couronnait  de 
ses  feuilles  luisantes,  et  un  bouquet  de 
marguerites,  placé  à  ses  pieds,  un  cierge 
brûlant  devant  l'image  annonçaient  le 
culte  assidu  de  la  famille.  JMalgré  ces  or- 
nemeiats  ,  malgré  rexlrcme  et  ravissante 
propreté,  charme  de  cette  demeure,  la 
clfaiîd)re  paraissait  soudure  ;  le  soleil 
d  autoume  y  glissait  à  peine  un  pâle 
rayon  à  travers  la  vigne  qui  encadrait 
les  fenêtres  antiques,  car  la  maison,  si- 
tuée p.on  loin  du  cloître  de  Saint-Pierre, 


voyait  se  projeter  sur  elle  l'ombre  gigan- 
tesque de  la  vieille  collégiale  de  Lille,  et 
elle  empruntait  à  ce  pieux  voisinage  ime 
physionomie  encore  plus  austère  et  plus 
recueillie. 

Ilal)ituées  dès  leur  enfance  à  l'aspect 
un  peu  triste  de  la  maison  paternelle,  les 
jeunes  filles  ne  s'en  mettaient  pas  en 
peine,  et  Antoinette  laissait  éclater  la 
vive  curiosité  et  les  rires  joyeux  de  la 
jeunesse. 

«  Ainsi,  tu  veux  savoir  comment  il 
se  fait  que  je  sois  restée  fdle  ?  reprit, 
après  un  assez  long  silence,  mademoi- 
selle Isabelle.  En  vérité,  mon  enfant,  je 
n'ai  pas  eu    de  motif  particulier  pour 

cela Je  n'y  ai   jamais   songé  ;  je  ne 

songeais  qu'à  une  seule  chose,  à  un  de- 
voir que  je  m'étais  inqiosé.... 

—  Et  quel  était  ce  devoir,  dites,  cou- 
sine Isabelle  !  s'écria  Antoinette,  pendant 
que  Suzanne,  plus  dist^rète,  se  bornait 
au  langage  des  yeux. 

—  C'est  l'histoire  de  toute  ma  vie  que 
vous  voulez  savoir  ?  eh  bien  !  pourquoi 
pas?  Il  nous  reste  un  peu  de  temps  avant 
le  salut ;y)VQnez  votre  ouvrage  et  asseyez- 
vous  près  de  moi.« 

Suzanne  alla  chercher  son  coussin  à 
dentelle,  Antoinette  des  serviettes  à  our- 
ler, et  Isabelle  se  remit  à  fder. 

«  Je  suis  liée,  dit-elle,  à  Audenarde, 
et  à  l'âge  où  je  suis  arrivée,  il  me  semble 
encore  qu'il  n'y  a  pas  de  plus  jolie  petite 
ville  sous  le  soleil.  L'Escaut  y  coule  si  vif 
et  si  rapide  I  les  églises  sont  si  recueillies 
et  la  vieille  maison-de-ville  est  si  cu- 
rieusement sculptée  !  Les  étrangers  vont 
la  voir  comme  une  merveille,  et  moi,  si 
je  la  revoyais,  je  crois  que  le  creur  me 
battrait  de  plaisir.  Nous  demeurions 
non  loin  de  là,  mon  frère  Jacques  et 
moi  ;  nous  avions,  en  face  du  perron, 
une  grande  maison  qui  nous  avait  été 
léguée  par  notre  père  et  notre  mè- 
re, et  où   nous  continuions  leur  com- 


G9 


merce  de  toiles.  J'aitlais  mon  frère  de 
toutes  mes  forces,  et  je  me  trouvais  bien 
heureuse  d'être  bonne  à  quelque  chose 
en  ce  monde,  lorsque  je  crus  remarquer 
que  mon  bon  frère,  jusqu'alors  si  tran- 
quille et  si  gai,  devenait  tout-a-coup 
pensif,  sombre,  taciturne.  Ses  habitudes 
çhangeaientconune  son  humeur.  11  ne  sui- 
vait plus  assidûment  les  marrlu's  de  loih-s 
dVprcs  ou  ih*  Courtray  ;  il  n'allait  plus 
le  dimanche  tirer  à  l'arquebuse  avec  de 
[jais  compagnons  ;  il  ne  me  menait  pins 
à  la  promenade,  le  soir,  au  pied  de  ces 
collines  vertes  qui  entourent  notre  ville  : 
toujours  assis  à  son  bureau,  il  calculait, 
et  après  de  lonj;ues  heures  de  travail,  il 
sortait  de  là  le  front  chargé  de  soucis.  Le 
soir  ,  je  voyais  briller  sa  lampe  long- 
temps après  que  le  veilleur  avait  annoncé 
minuit,  et  toujours  de  plus  en  pins  in- 
quiète, je  n'osais  cependant  pas  l'inter- 
roger. 

»  Un  soir,  je  m'en  souviendrai  jusqu'à 
l'heure  de  ma  mort  (c'était  un  samedi, 
le  13  du  mois  d'octobre),  Jaccpies  sortit 
de  son  cabinet,  et  il  vint  s'asseoir  à  côté 
de  moi.  L'ouvrage  que  je  tenais  me 
tond)a  des  mains,  (piand  je  vis  eond)ien 
il  était  pâle,  et,  sans  qu'il  eût  parlé,  je 
sentis  qu'il  y  avait  un  malheur  autour 
de  nous.  J»'  priai  Dieu  et  j'attenilis.... 

—  Ma  sain*,  dit-il  enfin,  un  grand 
malheur  nous  arrive 

'•  11  n'acheva  pas;  j'entendais  sa  respi- 
ration oppressée  et  l'on  aurait  pu  conq>- 
ter  les  battements  de  son  eteur. 

—  Nous  sommes  rnin<'-s!  ajoul.i-t-il 
avec  «  (Volt.  ^ 

—  Mal  d'argent  n'est  pas  sans  remè- 
de, «lisait  notre  dt'-fimte  mère,  lui  ré|>on- 
«lis-je;  nous  travaillenins,  Jaecpies.  j 

—  Si  ee  n'«tait  «pie  la  ruine!  aj«»m!i- 
t-il,  mais  nous  devons,  et  avant  «leu\ 
jours....,  oui....  lois,  je  serai  déelan^  ru 
étal  «le  faillite 

•   Je  restai  nuiette,  «  l  il   m*  cacha  le 


front  dans  ses  mains.  Mou  pauvre  frère  1 
il  pleurait  comme  une  fenune,  connue  je 
pleurais  moi-même.  Je  m'appr<xhai  de 
lui,  je  l'embrassai,  je  lui  dis  tout  émue  : 
«  N'y  a- t-il  aucune  ressource? 

—  Combien  devons -nous  payer  le  15? 
demanda- t-il  brus<|uement. 

».  J  "ouvris  le  livre-journal,  je  lus  :  — 
Billets  à  «choir  :  le  l.'>  octobre  17  40,  700 
florins  à  l'ordre  «le  .Myidieer  Van  de  Poel, 
1 305  florins  à  l'ordre  de  >Iyuheer  Wulf- 
carius,  0  10  florins.... 

•  Il  m'interrompit  : 

—  Et  le  25? 

■  Je  lus  en«"ore  :  ce  chiffre  était  ef- 
frayant! » 

u  Je  n'ai  pas  300  florins  eu  caisse  î 
s'écria-t-il  avec  douleur  ;  j'ai  essuyé  jx^r- 
t«*s  sur  |KMlt»s,  faillites  sur  faillites,  1 1  ce- 
pen«lint ,  qui  sait  ?  on  m'accusera  à  coup 
sûr  «riuq>ru«lenct\  et  |Hnit-ètri"  «l  inipro- 
bité  !  J«'  passerai  pour  un  malhonnête 
honune,  moi  qui  ai  sacrifié  tout  mon 
bien,  et  le  ti«n  même,  ma' pauvre  sft?ur  î 

—  Il  et  lit  à  toi,  lui  «lis -je,  tu  as  bien 
fait.... 

»>  Il  me  serra  la  main  :  — Toi,  tu  me 
connais,  mais  les  autres?  Je  n'oserai  plus 
lever  les  yeux  dans  la  rue.... 

»  J'essavai  «le  le  calmer  ;  je  {vassai  la 
nuit  auprès  «le  lui  ;  avt^  lui.  je  m'oc- 
cupai à  «lis|K)ser  ce  terrible  bilan ,  à 
revoir  nos  livres,  à  calculer  nos  ressour- 
ces, cherchant  une  espt'rantv  qui  nous 
fuyait  toujoui*s.  —  !M<*s  enfants.  Dieu 
vous  pr«'*serve «l'une  semblable  miilî 

»»  Deux  j«>urs  après,  uiou  ]»auvrv  frèiv 
fntthVlaré  en  Tiillite;  nos  |viiemrnts  fu- 
rent su>»|XMulus,  n«^s  alVain*s  am*li^'S,  et 
notre  maison,  si  animtV  la  veill^MMinl 
si{ri!<  ieusi*,  froidt*  «vtnunt^n  toi^^bii. 

•  J.MMpi«*s  fut     •'•■■•-    •  •"'ire  s<s  ofïirs 
aux  ere.iiu'iers;  il>  iieheaLnoii<. 
iMou  fiviv  étiit  aupri*i  de  iiioi  ,  «K  t 
laut  à  chaque  coup  de  marleau  «pii  an- 
iionçait  l'arriver  d'un  de  ers  hiHuincs, 


70 


autrefois  nos  amis,  nos  allir's,  et  deveinis 
niaiiiteiKUit  nos  jii[',es.  la  servante  ai:- 
nonea  enfin  qu'ils  étaient  tous  réunis  et 
qu'ils  attendaient  mon  frère....  Ces  mots 
retentirent  à  nos  oreilles  eonnne  la  trom  • 
pettc  du  jujjenient.  Jaeques  se  Kva  en 
elianeelant  pour  obéir  à  cet  a]>pi'l  ;  son 
visaj^e  se  couvrit  de  rouj^eur  et  je  vis  ses 
mains  trenibler.  JVssayai  de  lui  ])arler, 
de  lui  donner  du  coura[;e,  mais  les  paro- 
les expiraient  sur  mes  lèvres Ce  lut 

un  dur  moment  I  J'avais  le  eaur  brisé 
en  pensant  à  Ibumiliation  démon  fière, 
si  bon,  si  courapcux.  Il  me  serra  dans 
ses  bras,  et  sortit  lentement  de  la  cham- 
bre. IMoi,  je  tombai  à  genoux  et  je  yiihù 
pour  lui. 

»  Au  bout  d'une  heure,  il  revint,  con- 
tent, car  il  avait  donné  tout  ce  que  nous 
possédions ,  et  il  avait  senti  que  sa  pro- 
bité inspirait  de  l'estime,  son  malheur  de 
la  compassion.  IVéaiunoins,  malgré  ces  sa- 
crilices,  le  déficit  était  encore  bien  grand! 

»  Nous  quittâmes  notre  maison,  et, 
retirés  dans  un  pauvre  appartement,  nous 
vécûmes  de  notre  travail.  Jacques  tenait 
les  écritures  d'un  négociant  ;  je  faisais  de 
la  dentelle;  mais  ni  son  salaire,  ni  .mes 
bénéfices  ne  pouvaient  sufiue  à  éteindre 
la  moindre  de  nos  dettes.  Je  voyais  mon 
frère  poursuivi  par  ces  idées  cruelles,  se 
consumant  de  chagrin  et  de  mélancolie. 
Ciiaque  jour,  plus  maigre,  plus  aifaibli, 
il  paraissait  n'avoir  plus  qu'un  soufllc  de 
vie.  Le  feu  qui  biillait  dans  ses  yeux 
n'était  que  le  feu  d'une  fièvre  incessante. 
Enfin,  il  dut  garder  la  chandDre,  puis  le 
lit  ;  je  le  veillai  pendant  de  longues  luiits, 
et  je  connus  la  peine  profonde  renfermée 
dan.«  "jn  pauvre  cœur.  —  ]Ne  pas  pou- 
voi  ],^'er  .'v^était-il  sans  cesse.  ^V^J- 
rir  insolvaijle!  Cette  pensée  lepiéci])itait 
au  tombeau;  elle  empoisonnait  pour  lui 
tous  les  remèdes,  et  je  vis  arriver  pronip- 
tementle  jour  d'uue éternelle  séparation, 
Jacques  se  prépara  en  fervent  chrétien  à 


ce  dernier  passage  ;  après  avoir  reçu  les 
sacrements,  il  m'ap])ela  et  me  dit  : 

—  IMa  chère  Isabelle,  ma  bonne  S(enr, 
je  mourrais  avec  bien  de  la  joie,  si  je  ne 
te  laissais  pas  derrière  moi....  Que  vas- 
tu  f  lire  ? 

—  Je  travaillerai,  répondis-je,  et  je  te 
]iromets  de  n'épaigner  ni  [)elnes,  ni  fa- 
tigues afin    de  pouvoir  un  jour  ])ayer 

nos  dettes Je  connais  tes  désirs,  et  si 

je  suis  malheureusement  destinée  à  te 

.   survivre,  mou  frère  bien-aimé,  je  tàehe- 
lai  de  faire  ce  que  tu  aurais  fiit... . 

»  Il  se  ranima  à  ces  mots,  se  dressa 
sur  son  lit  et  s'écria  : 

—  Quoi  I  tu  ferais  cela?  je  pourrais 
espérer? « 

—  *5  te  promets ,  lui  dis-je,  oui,  je  te 
promets  de  ne  prendre  aucun  repos  jus- 
qu'à ce  que  notre  nom  soit  pur  de  tout 
reproche! 

—  Oh  I  que  tu  adoucis  pour  nioi  la 
mort  î  dit  Jaeques  en  retonibant  sur  ses 
oreillers.  Ma.  sœur,  que  Dieu  te  rende  le 
bien  que  tu  me  fais  ! 

»  Ce  mot  de  mon  frère,  mes  enfants, 
fut  ma  seule  consolation;  il  uiourut  le 
lendemain,  et  je  me  trouvai  orpheline, 
seule,  sans  appui,  mais  avec  un  devoir  à 
accomplir,  et  c'est  beaucoup,  je  vous  as- 
sure. 

»  Quand  les  derniers  honneurs  eurent 
été  rendus  à  mon  cher  Jacques,  je  m'oc- 
cupai à  chercher  un  enq^loi,  ft  j'écrivis 
à  votre  aïeule,  mes  chères  filles,  qui  était 
ma  parente  éloignée.  La  réponse  fut  bien 
bonne  et  bien  cordiale,  et,  qjvlques  jours 
ajMJB,  j'étais  installée  à  Lille,  ici,  dans 
cette  vieille  maison,  en  qualité  de  fille  de 
boutique.  J'eus  du  plaisir  à  sentir  encore 
L-v^çnne  odeur  de  la  toile,  à  manier  ces 
brrlês  batistes  ^'un  blanc  d'argent,  qui 
nous  viennent  de  Valenciennes,  à  repren- 
dre les  habitudes  d'un  commerce  si  an- 
cien dans  notre  famille.  J'étais  aussi  sa- 
tisfaite que  je  pouvais  l'être,  en  la  corn- 


r 


c 


1\ 


pnj^nio  de  votre  {^lantl'inèic,  une  cli;^iic 
et  veitiuuse  fcimnc,  et  de  votre  mère, 
'qui  était  alors  une  jeune  fille,  àus^i  jolie 
(jue  modeste,  aussi  bonne  qu'aelive.  J  ai- 
mais bien  Lille,  dont  ni.i  p.uivre  mère 
m'avait  parlé  souvent,  car  elle  y  étaitnée, 
me  disant  (jue  nous  avions  eu  des  ancê- 
tres parmi  Av  rois  de  r/î/ji/ictn'  [l),  «-t  des 
oncles  parmi  les  eliinoinjs  de  Saint- 
Pierre;  j'étais  satisfaite  enfin,  mais  je 
pensais  toujours  à  la  piomesse  (pie  j*a- 
vais  f.iite  à  Jacques  momanl.  J'essayai 
d'économiser  sur  mes  pj  tils  appoiiite- 
menls,  et  je  parvins  en  trois  ans  à  en- 
voyer une  l.uble  souune  au  synilic  de  la 
laillite  ,  aliu  de  la  donner  aux  créan- 
ciers; mais  c  était  p(  u  de  cbose  î  Je  n'a- 
chetais cependant  ni  belles  robes  ife  toile 
de  IVrse,  ni  l)ijou\,  ni  coilles  de  den- 
telles; je  luv.  contentais  de  ma  mante  eu 
drap  noir,  lailh'e  d'après  la  mod»*  de 
Flandre  ;  mal^^ré  cela,  mes  pt  tits  sacri- 
fiées n'auraient  pu  snllire  à  éti  indre  ces 
chAlles  detli'S  ;  mais  la  bonne  Proviihiiee 
vint  à  uion  aide. 

Un  malni,  ]<•  rerns  une  {;rosse  li'ltre, 
tiudjréj*  lie  iMiddelboui;;.  Je  l'ouvris  :  un 
notaire  m'annonçait  ipi  (m  île  nos  pa- 
rents, établi  depuis  lonj;tenqis  en  Zé- 
lande,  venait  de  mourir,  et  qu'il  laissait 
une  sonnne  eonsidciable,  placée  sur  la 
conq>aj^nie  des  iiii!e^.  Il  ((Mit  nicitsaiis 
iaiie  de  iGbtament,  et  je  me  trouvais  de 
droit  son  unique  béiitièie.  La  lettre  me 
tond)a  des  mains,  tant  j  étais  éuuie.  Oli  ! 
mes  enlanls,  (pie   rarj;ent  a  une  (pande 

)i  lors- 

(péon  a  le  lardeau  de  l.i  ncliesse  sur 
ses  épaules  !  J  etiis  nn<  lionnète  liUe, 
j'avais  de  la  probité.  1 1  pouitant  eu*uJe 

(l)  I.cs  j«»nlifl  lit'  r»'|tiinllp  fuunl  CfU'I.ro,*  i^ 
Mllo  iliirnul  Ip  moxrn  Au»*;  rrliil  q»il  pu  ii«»rlail 
vnlnqiiriir  portail,  pnulant  une  anni^,  Ifi  tllre 
du  roi,  ol  (Mi^iilail  oux  Qiiuiiicinrtil»  de  la  j«u- 
m'5sc  de  la  villo. 


puissance  sur    notre    p.tnvir    eu'ur^i^ct 
eiMnbien    on    doit  SC- inelier  de  soi 


iinnnte,  sans  que  je  susse commrnt, toutes 
mes  idées  lurent  cbanj^ées.  Je  pensai  à 
milK"  choses,  enlr'autres  à  une  belle  mai- 
son, située  eu  face  delà  nôtre,  qui  ('tiit 
à  vendre;  je  uie  représentai  son  beau  jar- 
din, sa  terrasse  avec  uu  berceau  de  vij;ne$; 
je  me  n[;urai  la  vie  ipie  je  ];ouvais  uicner 
là,  avec  dvux  servant»  s  au  moins,  li- 
sant un  piu,  travaillant  U!i  peu,  faisant 

mèin«*   du  bien   aux  pauvres Voyez, 

mes  lill(  s,  (piclle  erreur  I  J'avais  l'aui- 
bilion  de  devenir  charitable,  cl  j'oubliais 
d'être  juste  I  Eu  devisant  ainsi  avec  moi- 
même,  je  levai  li*s  yeux  :  je  rencontrai, 
suspendu  au  chevet  de  uiou  lit  ce  cru- 
cifix, que  j'avais  pris  à  téiuoiu  de  uia 
juomesse  à  mon  frère  mourant...  A  cette 
vue,  mes  folles  idées  tondtèrent!..  —  Kt 
ton  serment  !  me  dis-je.  Il  y  avait  une 
méchante  voix  dans  mon  eanir  qui  es- 
sayait de  raisonner,  de  me  dire  parexeui- 
ple  :  Isabelle,  lu  paieras  peu  à  |>eu.  . 
jouis  de  ce  bonheur  (jni  t'arrive....A  eux- 
tu  rester  pauvre  toute  ta  vie?  Oui,  ré- 
pondis je  tout  haut,  pauvre,  mais  tran- 
ipiiile.  Kt,  sans  larder,  je  calculai  le 
ihiliie  de  nos  dettes,  celui  delà  sutxes- 
sion,  et  je  vis  «pie,  tout  pa>é,  il  me  le-ti  - 
rait  une  liès-taible  somme  qui  ne  MiUi- 
rail  pas  à  mes  besoins.  Mal^jré  l'héritage, 
ma  position  ne  chan(jei-ait  eu  rien,  mais 
je  sentais  qu'un  devoir  valait  liien  qu'on 
lui  sacrili.'ilipielqiies  aises. 

••  J'écrivis  sur-le-champ  an  mu  m»  lir 
iMiildelboun;,  eu  le  priant  de  ivmelliv  les 
fondsqni  m'apparleiiaieiit  au  syiuliede  la 
faillite  :  j'inl'oriuai  celui-ei  de  mon  de>- 
s<"iu,  et.  peu  de  siMuaines  après,  je  ivçus 
la    ipiittance    totale    des  delli^s     '  n 

ivre  fièie.  G>  fut  un4j^iij< 
TnLs!  CsV  mince  ehilUui  de  p»^ 
parut  uu  oi-eiller  meilleur  que  tous  ceux 
que  l'tii  (t  Tardent  auraient  pu  me 
(U)uuer.  Je  plaçai  dans  le  ct^nuueret*  de 
toiles  de  votiv  (;raiKl'mèir  la  petite 
somme  qui  ui'éi  éii  un-  i  lu    «(  suis  ^\^c 


72 


un  mot  do  ce  que  j'avais  iail,  je  repris 
ma  vie  ordinaire.  Je  laissai  croire  que  la 
succession  de  mon  cousin  s'était  bornée 
là. 

»  Vers  ce  temps,  on  connneneait  à  par- 
ler du  maria^;e  de  votre  more,  ma  chère 
îMartlie,  avec  Géry  Lambert,  le  fds  d'un 
fabricant  de  toile  à.  voiles,  de  Dunker- 
que.  Les  parents  désiraient  ce  mariage, 
et  quoique  les  futurs  ne  se  fussent  ja- 
mais vus,  on  pensait  qu'ils  se  convien- 
draient :  Géry  était  un  jeune  liomme  la- 
borieux et  intelligent,  et  IMartlie,  une 
bonne  et  pieuse  ménagère.  On  annonça 
l'arrivée  du  fiancé  et  de  son  père  pour  le 
premier  dimanche  de  l'Avent,  et  en  efibt, 
ce  jour-là,  tous  deux  dînèrent  avec  nous. 
Géry  me  paraissait  être  bon  et  bien  ai- 
mable ;  je  me  sentais  heureuse  du  bon- 
heur de  mon  amie,  lorsqu'au  dessert 
M.    Lambert  dit  à  votre   grand'mère  : 

—  J'ai  bien  cru,  dame  Marie,  que 
cette  réunion  si  désirée  n'aurait  pas  lieu, 
car,  il  y  ca  peu  de  mois,  toute  ma  fortune 
a  été  mise  en  danger,  et  le  fils  d'un  failli 
n'eût  pas  été  digne  de  prétendre  à  cette 
jolie  demoiselle. 

—  Vous  ne  m'aviez  rien  dit  de  cela, 
mon  vieil  ami  !  répondit  votre  grand'- 
mère du  ton  du  reproche. 

—  Que  voulez-vous  ?  je  ne  voulais  pas 
aventurer  la  fortune  de  mes  amis  après 
avoir  risqué  la  mienne...  Figurez -vous 
que  je  me  croyais  perdu  et  sur  le  point 

de  suspendre  mes  paiements j'avais 

la  mort  dans  lame.  J'invoquais  la  bonne 
Providence,  par  l'entremise  de  Notre- 
Dame  des  Dunes,  en  qui  nos  marins  ont 
tantde confiance,  lorsque  je  reçus,  d'une 
manière  tout-à-fait  inespérée,  des  mains 
d'un  notaire  d'Audenarde,  une  somme 
importante  perdue  autrefois  dans  ime 
faillite.  Le  débiteur  était  entièrement  li- 
béré envers  moi,  et  il  me  sauvait  d'une 
rnine  inMnaiK|ual)le.  Je  ne  saurais  vous 
dire,  danie  ^larie,  ce  que  j'ai  ressenti 


en  voyant  mes  prières  exaucées  d'une 
manière  si  prompte  :  je  remerciai  Dieu, 
je  mis  ordre  à  mes  affaires  et  j'envoyai 
une  couronne  d'argent  à  Notre-Dame  des 
Dunes.  » 

»  Pendant  ce  récit  que  j'abrège,  je  me 
sentais  rougir  connue  si  tous  les  yeux 
se  fussent  attachés  sur  moi.  Cependant, 
personne,  grâce  au  silence  que  j'avais 
gardé,  ne  se  douta  de  rien  ;  mais  moi,  je 
me  souvenais  qu'il  y  avait,  en  effet,  un 
Lambert  au  nombre  des  créanciers  de 
mon  frère.  J'eus  un  instant  la  tenta- 
tion de  me  nommer,  de  jouir  des  re- 
mercîments,  des  éloges,  de  la  surprise  : 
mais  je  me  tus  en  pensant  que  certaines 
actions,  pour  être  agréables  à  Dieu,  ne 
doivent  être  connues  que  de  lui. 

»  Marie  épousa  Géry  après  l'Avent  de 
cette  même  année  ;  je  ne  les  quittai  point, 
leur  bonheur  fut  le  uiien.  Je  vécus  en 
eux,  et  quand  vous  vîntes  au  monde, 
uies  enfants,  je  vécus  encore  en  vous. 

—  Ah  î  ma  bonne  cousine,  s'écria  Su- 
zanne, nous  n'oublierons  jamais  votre 
tendresse  et  vos  bontés.... 

—  IMes  bontés  I  mais  c'était  un  plai- 
sir que  je  me  donnais  à  moi-même.  IMes 
petits  revenus  ont  un  peu  augmenté 

—  Les  pauvres  en  savent  quelque 
chose  î  nuu'mura  Suzanne. 

—  J'ai  vécu  tout  doucement  ;  arrivée 
à  la  vieillesse  sans  m'en  douter ,  tant 
mes  jours  ont  été  paisibles  et  semblables 
entre  eux  ,  j'attends  l'instant  où  Dieu 
m'appellera  à  lui. 

—  IMais,  ma  cousine,  dit  timidement 
Antoinette,  vous  êtes-vous  trouvée  heu- 
reuse ? 

—  Certes,  ma  fille,  heureuse  au  fond 
de  mon  cœur,  parce  que  j'avais  accom- 
pli un  devoir,  parce  que  j'avais  aimé  les 
autres,  et  parce  que  je  n'avais  pas  vécu 
tout- à-fait  inutile.  Avec  ces  trois  cho- 
ses, vois-tu,  lorsqu'on  les  pratique  pour 
Dieu,  on  est  toujours  heureuse.  Mais  le 


73 


snliit  sonne;  partons,  mes  filles  :  de- 
mandons que  Suzanne  soit  bonne  épou- 
sa, et  loi,  Anloinette,  une  bonne  vieille 
fille,  veux-tu? 


—  Oli  !   nous  V(  irons,  mi  cousi 


ne. 


ivpondit  Antoinette,  rien  ne  presse,  u'est- 


ce  pas 


ChàB LOTTE  Si>io>. 


LA  PKTITi:  COLOMi:. 


^0l:  vi:  i.  lt. 


Le  soleil  se  levait  sur  le  petit  aj(liij)el 
de  LJer^jli  ^dans  h  s  (^aïoliius,  en  Oeéanir), 
et  commençait  à  illuminer  l'Océan  qu'a- 
{;itait  un  reste  de  tempête.  On  voyait  les 
va[;nes  folles  eouiir  le  lon^  des  récifs  de 
corail  qui  défendent  ces  îlots  ,  éta(;és  les 
uns  au-dessus  des  autres  connue  les  ter- 
rasses dun  parc  inunense. 

Devant  1  nn  des  moins  élevés  se  dres- 
sait encore  le  mât  d'un  navire  submerjjé', 
dont  clia(jne  flot  emportait  un  débris  : 
c'était  VOcriinic  ^  surpris  la  nuit  précé- 
dente par  rora{;e ,  et  poussé  contre  ces 
digues  redoutables  sur  lesquelles  il  était 
demeuré  entr'ouvert. 

Au  moment  du  désastre,  passagers  et 
matelots  avaient  esj)éré  éeliapper  à  la 
mort  en  se  précipitant  ilans  les  iinbarca- 
tions;  mais  celles-ci  avaient  essuyé  le 
même  sort  que  le  navire  et  s'étaient  bri- 
st'es,  «pieKpies  instants  après,  contre  les 
récifs.  Quatre  des  naufia{;és,  s«^rvis  par 
d'heureuses  elianees,  avaient  seuls  {;a{;né 
lile  la  plus  prochaine  ,  et  se  trouvaient 
alors  |;rou|>4's  sur  un  étroit  promontoire, 
d'où  ils  cx)ntemplaient  les  restes  du  vais- 
seau dt'jà  pres<pie  entièrement  démoli  par 
les  va(;u<*s. 

Leur  salut  avait  été,  du  reste  ,  un  ilf 
ces  jeux  du  hasard  qui  send»lent  dérouter 
toute  prévision  et  eonlretlire  toute  loj;i- 
que  ;  car,  à  part  (ieor|;es  Hitler,  dont  la 
force  et  l'ailnssc  pouvaient  justifier  un 
pareil  résuhat ,   tons   sendilaienl  ilevoir 


être  les  premières  victimes  du  d••^.l^l^c 
qui  venait  de  faire  disparaître  VOctanic 
et  son  équipage  entier.  L'un,  Arthur  Tar- 
ling ,  appartenait  à  la  classe  paisible  et 
studieuse  des  savants  de  cabinet,  plus 
propres  à  classer  une  plante  ou  à  déter- 
miner la  famille  d'un  batracien,  qu'à 
lutter  contre  les  vagues  ;  l'autre,  nommé 
AN  illiam  Trot ,  s'était  jusqu'aloi-s  prin- 
cipalement exerct'  aux  tours  de  gobelets, 
aux  sauts  de  car|)e  et  à  la  danse  sur  la 
corde  roide  ;  enfin,  le  troisième  était  une 
pauvre  malade,  mistress  kopjH-l,  prcs<pie 
entièrement  privée  de  l'usage  de  ses  jam- 
l»t  <,  (  t  (pie  la  houle  avait  jettV?  à  tern* 
s  uis  qu'elle  sût  conmient. 

La  première  émotion  de  Uik  ui  apai- 
séi*,  les  quatre  naulragés,  si  miraculeuse- 
ment sauvés,  s'étaient  rejoints,  reix)nnus, 
et  ils  venaient  d'acquérir  la  triste  certi- 
tude (pi'ils  avaient  s<uls  é\liip|K-  à  \i 
tciupéte. 

.Alistiess  Kopi^l,  ns^ist^  sur  le  5^'^  • 
iv.iit  les  mains  jointes  et  la  tête  Un  — 
\\  illiam  Ti\)t  regardait  la  mer  en  faisant 
|>r(-nilre  machinalement  à  son  l>onnet  \cs 
mille  formes  biiani^  qu'il  avait  coutume 
de  donner  »\  sa  cx)iiriue  do  Picri.  t  1 

Aithur  Tarling  ,  <pii  avait  d'ab 
mené  autour  de  lui  des  n^gardN 
venait  de  !<>«  arrêter  involonlaireiueut  5ur 
nn  <nMpiilla|;ed\'S|H'ce inconnue,  que,  par 
habituile,  ilcberchait  à  class<'r.  (MX>rj;e« 
Hitler  seul  avait  fait  quehpu^s  |ms  vers 


71 


rinU'ncur  des  tcrros,  et  clu  reliait  les  res- 
sources qu'on  pouvait  y  espérer. 

Ritler  était  un  lionnne  il'aetion  dans 
toute  la  forée  du  mot.  l.onj^jtenips  adonné 
au  l)raeonnaj;e  ,  ])uis  à  la  contrebande, 
il  s'était  eud)ari|ué  pour  échapper  aux 
tracasseries  de  la  justice,  et  avait  apporte'- 
dans  sa  nouvelle  position  le  même  carac- 
tère audacieux  et  insoumis.  Au  moment 
même  du  uaufraj^e,  il  se  trouvait  à  fond 
de  cale,  les  fers  aux]iieds,  et  il  ne  devait 
sa  délivrance  cju  à  la  perte  de  T  Oc(  a  ■ 
nie. 

Après  avoir  examiné  les  cojitours  de 
l'îlot  sur  lequel  la  mer  les  avait  jetés,  et 
approximativement  estimé  son  ctendu(% 
il  se  rapprocha  de  ses  compagnons,  et  dit 
brusquement  : 

«  Les  autres  sont  noyés ,  c'est  bon  ; 
mais  nous ,  comment  allons-nous  faire 
pour  vivre  ici  sans  a])ri,  sans  armes,  sans 
provisions? 

—  Peut-être  trouverons-nous  quelque 
ressource,  répliqua  Tarlin^  ;  lîans  ces 
latitudes,  la  nature  produit  spontanément 
de  quoi  suflire  aux  piemiers  besoins  ;  il 
doit  V  avoir  au  centre  de  lile  des  coco- 
tiers ou  des  arbres  à  pain. 

—  Alors,  tâchons  de  les  découvrir I 
1       reprit  Georges,  qui  venait  d'arracher  im 

bambou  pour  s'en  faire  un  bâton  ;  c(  ttc 
partie  de  lile  est  d'ailleurs  la  plus  aride  ; 
on  n'v  trouve  ni  eau  ni  onibra;^e,  et  le 
soleil  va  devenir  ardent  ;  nous  ne  pouvons 
songer  à  y  restei*.  » 

Les  deux  hcmmes  en  tond  èrent  d'ac- 
cord et  firent  un  mouvement  pour  suivre 
Hitler;  mais  la  vue  de  mistress  Kopj)el 
arrêta  tout-à-coup  Arthur. 

«  Et  celte  pauvre  f<Mnme  (pii  ne  peut 
nous  suivre!  dit-il  plus  bas  à  ses  com- 
pagnons. 

—  La  diseuse  de  prières?  répéta  Geor- 
ges; que  Dieu  l'assiste  I  nous  ne  ])Ouvons 
traioer  après  nous  ce  fardeau  inutile. 

—  Ouoi  .    l  abandonner  à   une   mort 


certaine  !    reprit    Tailing  ;  cela  ne  peut 
être,  monsieur  Georges  Ritler. 

—  One  le  };eiulemau  emporte  alors  la 
vieille  dévot;'  sur  ses  épaules,  répliqua 
ironiquement  le  contrebandier  ;  quant  à 
moi,  je  trouve  déjà  assez  dillicilc  de  sau- 
ver ma  peau  sans  m'occuper  de  celle  des 
autres, 

—  Ainsi,  vous  ne  voulez  point  aider  à 
cette  bonne  action,  Georges. 

—  Non  ! 

—  ]]h  bien!  s'écria  le  naturaliste  in- 
digné ,  je  me  charge  rai  seul  de  la  mal- 
heureuse. La  même  infortune  nous  a 
frappés  ;  nous  devons  associer  nos  forces 
connue  le  hasard  a  associé  nos  misères. 
Tant  que  je  pourrai  mettre  un  pied  de- 
vant l'autre,  je  ne  trahirai  point  ceux 
qui  sont  devenus  mes  parents  de  douleur 
et  d'abandon. 

—  Si  la  vieille  dame  est  notre  parente, 
nous  lui  devons  assistance,  reprit  William 
'i^rot  avec  son  habitude  de  jovialité  ;  je 
tiens  d'autant  plus  à  ma  nouvelle  famille, 
que  je  n'en  ai  jamais  eu  jusqu'ici.  » 

Lt  se  tournant  vers  mistress  Koppel  : 

«Voyons,  cousine,  continua-t-il  en 
lui  pressant  la  main,  il  faut  f\iire  un  efïbrt 
])oin"  trouver  une  auberge  ;  nous  tache- 
rons que  nos  bras  vous  servent  de  chaise 
à  porteur  ;  mais,  pour  Dieul  faites-vous 
légère.  " 

La  recommandation  était  inutile,  car 
la  m  dadie  avait  amené  la  pauvre  femme 
à  im  état  de  maigreur  qui  lui  donnait 
1  ai>parence  dune  ombre.  Ses  deux  coni- 
})agnons  s'aperçurent  à  peine  qu'ils  la 
portaient ,  et  ils  eurent  bientôt  rejoint 
Ritler,  qui  venait  d'entrer  dans  la  partie 
ondjragée  de  lile. 

]\Lais  la  marche,  d'abord  facile,  devint 
ensuite  endjarrassante  au  milieu  des  hau- 
tes herbes  et  des  arbustes  qui  couvraient 
le  sol.  Malgré  le  feuillage  des  arbres,  la 
chaleur  se  faisait  sentir  à  cliaque  instant 
plus  dévorante.  Les  naufragés  haletants, 


75 


!  I 
!  i 

I  ! 


t'piiist's  (le  soif,  sr  tiouvèrrnt  riifin  au 
milioii  d'un  foiirn*  Icllniient  «'pais,  qiu* 
Iffil  lie  pouvait  «h'couvrir  douvrrture 
d'aucun  côté.  William  avait  cté  le  pro- 
îiiicr  à  l)f)Ut  (le  force;  il  s'rtait  arrêté 
avec  la  malade  ,  t  iiulis  (jue  Gcoqjrs  et 
Tarliii(5  allaient  à  la  découveitc ;  mais 
après  (|uelfjue8  roclierclies  inutiles,  ils 
revinrent  sur  leurs  pas  éjjalement  dé- 
couragées. 

Ils  trouvèrent  mistress  Roppel  et  le 
haleleur  t'tendus  à  terre,  dans  rinn>os- 
sihilité  de  n  prendre  leur  route.  Georjjes 
les  mo!Ura  à  Tarlinj;. 

«  Vous  voyez  que  lenu*  alVaire  est  faite, 
dit-il  brusquement  ;  il  faut  cju'ils  meu- 
ivnt  là  connue  (les  chiens.  l*uis(jue  vous 
êtes  plus  robuste,  sonj;e7  à  m'aiiler,  et  à 
nous  deux  nous  pourrons  peut-être  nous 
fraver  une  route  dans  cet  infernal  founé. 

—  A  la  condition  que  vous  viendn  z 
avec  moi  les  rej^rentln*  lorsque  nous  au- 
rons trouvé  iinv  source  et  un  abri,  rt'- 
pondit  Artlnir. 

—  Et  fjue  voulez  vous  en  faire?  inter- 
rompit le  braconnier  durement  ;  si  nous 
sonnnes  condannu's  à  rester  dans  cette 
île  ,  qu(  1  service  pouvons-nous  attendre 
de  pareils  compa^jnous?  une  f<Mnme  ma- 
lade et  un  joueur  de  j;obelftsî 

—  Alors  même  (ju'ils  nous  seraient  in- 
utiles,nous  n'en  restons  ])asmoius  obligés 
à  leur  «'{;.ir(l ,  n'pondit  T.nlinf;  ;  cber- 
elions  une  issue  <*ouune  vous  le  voulez; 
mais,  quel  que  soit  le  résultat  de  nos 
tentatives,  je  reviendrai  v»rs  eux  pour 
leur  faire  partaj;er  mou  sort.  »» 

(ie<-»r|;<'S  et  Arthur  se  laneèreiit  «le  nou- 
veau dans  les  hautes  lu'rbes  et  rencon- 
trèrent bientôt  im  rocher  qui  barrait  le 
passap,e  ;  obIi(]és  tle  tourner  à  droit»',  ils 
furent  arrêtés  par  nu  ft)urré'  im|vnétra- 
ble,  cl  enfin  ramené-s ,  a]>rès  des  cflTtïrts 
di'sesjx'n's,  au  lieu  même  n\\  t'taient  de- 
lueun  s  \N  dliam  et  mistri'ss  Kopprl. 

Tous  deux  se  laissèrent  tomber  à  terre. 


baijpiés  de  sucui,  la  gorjje  desst'-cbée,  à 
demi-morts  de  fatij^ue  et  de  soif.  Toute 
esprrancc  était  désormais  perdue  ;  imc 
fièvre  ardente  les  dévorait  î  Leurs  yeux  , 
couverts  d*mi  nuar;e,  voyaient  flotter  totis 
les  objets;  ils  avaient  p<'rdu  jus(ju'à  cet 
instinct  de  conservation  qui  entretient  en 
nous  la  volonté ,  et  ils  n'aspiraient  qui 
un  anéantissement  qui  péit  mettre  fin  à 
leurs  souffrances. 

Uepliés  sur  eux-mêmes    i-    -  l'étroit 
•espace  que  les  buissons  déli  :l  con- 

tre l'ardeur  du  soleil,  et  le  visa{;c  appuyé 
contre  leurs  {jenoux  ,  tous  {tardaient  un 
silence  farouche,  loi^ue  mistress  Koppel 
redressa  lentement  la  tête  et  regarda  au- 
toiu"  d'elle.  Son  état  nialadif  la  rendait 
moi\is  sensible  aux  In^oins  qui  tounnen- 
taient  ses  compagnons,  et  Ihabitudedes 
pavs  brûlants  qu'elle  avait  toujours  ha- 
bitt's  lui  faisait  supporter  sans  p<ine  la 
chaleur  dont  ils  se  sentaient  accablés. 

Klle  se  leva  à  demi  sur  ses  genoux  et 
tourna  le  visage  de  tous  côtés  en  aspirant 
l'air  et  en  prêtant  l'oreille  à  la  brise.  Par 
suite  d'un  ]>hénomène  singtdier ,  mais 
souvent  observ»'*,  sa  lan;;ueur  avait  act-ru 
la  subtilité  de  ses  sens.  La  snn-xciuition 
des  oqjancs  leur  avait  comnumiqué  une 
finesse  de  perception  que  ser^'ait  encore 
cette  perspicacité  de  malade,  d\iutint 
phis  exenre  rpi'elle  devait  suppléer  .'i  une 
foule  diu aptitudes  ou  irni'-  —  '>iliit^. 
Après  avoir  écoulé  qucKpie^  is  avec 

une  sorte  dinthflVivnce,  mistress  fit  un 
mouvement  :  elle  se  rtnlnssa  davantage 
et  pi-ncha  l'oreille  vers  le  côti*  du  Nord. 
On  n'entendait  que  le  '  t  de  l.i 

mer,  au  milieu  du  piel        i.i.l.  par 

inttrvalles,  le  murmure  de  la  brbc  p.is- 
saut  .'i  travers  K^  arbn^  de  l'ile  ;  mais  ce 
tlernier  bniil  parul  allirrr  parlindièr»'- 
!n«*nl  rallenlinn  «le  1  *  •  *  T  i  -  tvux 
(pii  aiment  X  éixmti  t  ••  -  •  Mut  m  >  nti  vent 
dans  les  arbri*s  îi.ivenl  a>nd)ien  d^s  ru- 
meurs yont  dilf.  reuli»s  et  varkx^,  selon  U 


76 


natiuv  (lu  iVulllajio  qui  los  proiluit.  Tour 
\c  Yc\cuv  pcusit'  qui  a  ctudic  ces  va^'^ues 
uuu  inuros,  cliaquc  arbre  ajjité  par  la  brise 
est  coiuuic  uu  iustrumeut  qui  produit  un 
sou  particulier  et  distiuct.  Or,  dans  ses 
heures  de  uiéditatious  et  de  solitude , 
uiistress  Koppei  avait  dii  s'accoutuuier  à 
rccouuaître  ces  voix  de  l'espace.  Aussi, 
après  uu  assez,  lou^  silcuce  qui  scuibla 
euqilové  à  coutrôler  ses  seusatious  ,  elle 
s'éeria  tout-à-coup  : 

«  iNous  avons  uu  bosquet  de  cocotiers» 
à  peu  de  distauce  et  dans  cette  direction.  « 

Les  trois  naufragés  relevèrent  la  tète 
en  même  temps. 

«  Des  cocotiers!  répéta  Arthur  en  se 
raniuiaut;  s'il  était  vrai,  nous  serions 
sauvés  I 

— Jeu  suis  sûre,  reprit  la  malade,  dont 
le  doigt  indiquait  le  Nord  avec  une  cou- 
fiance  croissaute;  j'ai  entendu  pendant 
cinq  auuées  le  bruit  de  ces  arbres  à  quel- 
que distance  de  la  fenêtre  de  la  chambre 
que  je  ne  pouvais  quitter,  et  mou  oreille 
a  appris  à  le  distinguer  ;  le  bosquet  ne 
peut  être  à  plus  de  cinquante  pas.  » 

Quelque  incertaine  que  fut  unepareille 
indication,  les  trois  compagnons  firent 
un  effort  et  s'avancèrent  du  côté  indiqué. 

Ils  eurent  d'abord  quelque  peine  à 
franchir  un  fourré  de  plantes  grimpan- 
tes et  de  band)ous  qui  bordaient  l'espèce 
de  prairie  dans  laquelle  ils  se  trouvaient 
enfermés  ;  mais  ils  réussirent  enfin  à 
trouver  une  issue,  et  aperçurent  au-des- 
sus d'un  massif  peu  élevé  le  bosquet  an- 
noncé par  la  malade. 

Hitler  poussa  d'abord  un  cri  de  joie, 
qui  se  changea  presque  aussitôt  en  ex- 
clamation de  dépit  :  les  cocotiers  étaient 
d'une  telle  hauteur,  que  leurs  fruits  se 
trouvaient  hors  de  toute  atteinte. 

««  Jîelle  dt'cou verte  I  ces  fruits  de 
malheur  ne  serviront  qu'à  augmenter 
notre  soif  et  notre  faim  !  s*écria-t-il. 

—  Pourquoi  cela?  demanda  William. 


—  Pourquoi?  répéta  Georges,  parce- 
qu'à  la  hauteur  où  les  voilà,  nous  ne 
I)ouvons  en  espérer  que  la  vue. 

—  Non  pas,  s'il  vous  plaît,  interrom- 
pit le  bateleur  avec  un  certain  orgueil. 
William  Trot  a  fait  de  plus  hautes  as- 
censions pour  un  simple  schelliug ,  et 
nous  ne  manquerons  point  notre  dt'Jeu- 
ner,  parce  qu'il  a  plu  à  notre  hôte  de 
mettre  le  couvert  au  haut  de  ces  peu- 
pliers. » 

En  parlant  ainsi,  William,  qui  avait 
retrouvé  toute  sa  bonne  humeur  et  une 
partie  de  son  agilité,  déploya  sa  ceinture 
dont  il  se  fit  un  point  d'appui,  selon  la 
méthode  indienne',  se  mit  à  grimper 
à  l'un  de  ces  cocotiers,  "et  il  en  eut  bien- 
tôt cueilli  les  plus  beaux  fruits. 

Après  s'être  rassasiés  du  lait  savou- 
reux qu'ils  renfermaient,  nos  trois  nau- 
fragés retournèrent  à  la  malade,  qui  se 
désaltéra  à  son  tour,  et  que  Ritler  aida 
ensuite  à  porter  sous  le  bosquet  que  son 
indication  avait  fait  découvrir. 

En  cueillant  les  noix  de  coco,  Wil- 
liam Trot  avait  pu  voir  la  configuration 
entière  de  l'îlot^  et  reconnaître  les  par- 
ties les  plus  accessibles.  D'après  son  rap- 
port ,  ou  tourna  vers  la  droite  et  Ton 
arriva  à  un  ruisseau  dont  on  suivit  le 
cours  jusqu'au  pied  d'un  rocher  sous 
lequel  il  disparaissait  pour  aller  se  jeter 
dans  la  mer.  Le  lieu,  abondanunent 
pourvu  de  cocotiers  et  d'arbres  à  pain, 
ne  pouvait  être  mieux  choisi  pour  im 
campement.  Il  était  en  même  temps 
abrité  contre  la  tempête  et  en  vue  de  la 
mer,  sur  laquelle  on  pouvait  avoir  tou- 
joiu's  les  yeux  afin  de  guetter  les  navi- 
res, si  un  heureux  hasard  en  amenait 
dans  ces  parages.  Ritler  s'occupa  sur-le- 
champ  de  dresser  un  ajoupa  de  bambous 
et  de  feuilles  de  palmier,  sous  lequel  ils 
trouvèrent  tous  un  abri  avant  le  soir. 
Il  descendit  ensuite  à  la  mer  pour  voir 
s'il  ne  pourrait  y  découvrir  quelques  co- 


i  l 


(jnill.ifjcs,  et  revint  avec  une  tortue  verte, 
surprisr  paniii  les  roeliers.  \N  illiaiuTrot 
avait  réussi  à  allunicr  un  feu  (jui  servit 
à  cuire  cette  j)récieuse  capture.  Tous 
avaicnl  retrouvé  le  courajje.  Ils  soupèreril 
[jaîiiieiit,  et,  au  uioujeut  ilc  s'cndoruiir 
sur  kl  couclic  de  feuilles,  niistress  Kop- 
pcl  fil  ciiteudrc  tout  liaut  une  ])rièi(' 
d'actions  de  j^ràce.  Tarlinjj  s'y  associa 
franelicnieiit  ;  \N  illiani  se  contenta  d'u- 
(er  son  bonne  (,  et  (ieoi[;<s  Hitler  se  cou- 
cha en  haussant  les  é-pauh'S. 

Le  lendemain  fut  consacré  à  la  conti- 
nuation des  airan{;<  inents  intérieurs  «'t  à 
la  recherche  de  ncnivelles  ressources.  Les 
trois  houunes  prirent  connaissance  de 
la  partie  de  Tile  (pii  jKJUvait  être  explo- 
rée, et  virent  ce  ([u'ils  avaient  déjà  de- 
viné; le  naufra(;e  les  avait  ujalheureuse- 
uient  jetés  sur  un  des  écueils  les  moins 
étendus  et  les  uioins  f(  rliles  de  l'archi- 
pel de  Jier{;h.  Les  arbres  fructifères  y 
étaient  peu  nondjreux,  et  l'on  n'y  aper- 
cevait <pie  c|ucl(pies  oisea»i.\  dv  uwv  ni- 
chés au  sonnnet  des  rochers. 

Puder  cspéia  (pie  la  ])èehe  ponnait 
supph'cr  à  1  insullisance  de  ces  ressour- 
ces. Il  tressa  des  li{;nes  avec  des  fdjres 
tic  bananier  ,  f.d)ii(jn.i  dis  hameçons 
avec  des  morceaux  d'éeaille  de  ti)itni\ 
<t  lit  ties  paniers  avec  les  feuilles  tlu 
curcnnia.  Mais  tous  ces  clVortséloii^nait  iit 
à  {;rand'|)cine  l.i  l.iiin  de  1 1  petue  colo- 
nie. Lui  seul  était  fort  et  adroit,  et  il 
fallait  <pie  tous  vécussent  de  son  indus- 
tiic.  Il  se  pl.éij;nait  souvent  à  'i'ajlinjj  eu 
UKMaçant  de  faire  bande  à  part. 

t  Poinipioi  gardons  -  nous  ici  cime 
vi<iile  I'  nnue,  «pii  passe  son  temps  à 
chanter  des  cauti(pi(*s  et  à  lisMT  tics  lier- 
l)es  sèihes,  et  ce  danseur  de  corde,  cpii 
doit  tout  le  joni-  à  l'ombre  ou  peixl  ses 
lûmes  .1  .ippiixniser  \\\\  oiseau  ?  Il  irsle 
à  peine  «puhpics  liuits  aux  eiH'oliers  ; 
les  arbres  à  pain  sont  etimphtemeul  ilé- 
ponillés }  je  n'ai  pas  pris  dois  poissons 


depuis  huit  jours.  N'est-ce  pas  folie  de 
jiersister  à  nourrir  deux  bouches  inuti- 
les ?....  je  pourrais  dire  tjois  ;  car  vous- 
même,  .AI.  Tarlin{; ,  à  quoi  sert  votre 
science  de  la  création,  sinon  à  vous  faire 
])<'nlre  la  meilleure  partie  du  jour  en 
iinitiles  recherches  dans  les  bois?  Mais, 
c'est  fini,  les  choses  ne  pcniveut  conti- 
nuer de  cette  manièrel  Chacun  doitvivre 
pour  soi  et  se  sjiflire. 

—  .Non,  rej)ondit  doucement  Arthur, 
<  haeuu  doit  vivre  pour  tous  et  aider  au 
bien-être  des  auties.  \\c/.  im  peu  de 
patiejtce,  Iiiller.  l'heure  viendra  de  prou- 
ver que  nos  forces  et  nos  faeidtés  pcu- 
V(Mit  servir  à  (piehpie  chose  ;  car  il  n'v 
a  d  inutiles,  ici-bas,  (pie  les  t-yoïstes.    •• 

Alais,  inal{;ré"  ces  promess»^,  Georges 
continuait  à  fournir  presque  stnd  1 1 
subsistance  quotidienne.  Enfin,  un  soir, 
après  plusieurs  heures  passt'es  à  la  pêche 
sans  avoir  pu  rien  prendre,  sa  li^ne  fut 
einport('e  par  le  seul  poisson  qu'il  eût 
rencontré.  Kii  voulant  le  poursuive,  sou 
pied  nu  rencontra  un  corail  (pii  lui  fit 
une  pn)fonde  blessure,  et  il  ne  put  ir- 
(;aj;ner  l'ajoupa  (pi'avee  des  soulVranees 
et  des  cllorts  inouïs. 

De  sou  cCii(\  AVilliam,  qui  venait  de 
nnlrer  avec  sou  oiseau  apprivois*»,  n'ap- 
portait rien,  et  Tarling  s'était  oublié  à 
herboriser  au  revers  du  e(*»te au. 

Hitler  exhala  sa  colore  eu  malédic- 
tions contiv  les  autivs  elcxintre  lui-mê- 
me. S'il  avait  voulu  ne  s'occujht  que  de 
ses  besoins,  rien  ne  lui  eût  manqué,  il 
aurait  eneoir  ime  abondante  ré-servc  ; 
mais  il  avait  eu  la  sollist»  de  se  faire  le 
ponrvoyur  des  autres;  il  avait  épuis»- 
pour  (*u\  les  it^ssources  de  Tile  en  iiicine 
temps  (pie  ses  foires,  et  nminlenant  il 
80  trouvait  condamni*  h  mourir  de  di- 
sette |var  suite  de  sa  folle  iii', 

\N  dh an»  it  li   maladt   uent   tvs 

irpriM'li(*s  sans  ré|Hïndn\car  eu\-nu*ine^ 
sciulVraient  de  la  faim,  cl  n'avaient  rien 


78 


pour  la  soulaffcr.  Après  doux  mois  (Vat- 
ttMitr,  ils  se  n  trouvniriit  plnrc's  dans  la 
nicuir  situation  que  \c  jour  de  Irur  nau- 
iVaj;t\  alors  qu'une  sorte  de  divination 
de  mislress  Koppel  les  avait  tous  pré- 
serv('s  de  la  mort.  Georjjes  continuait  à 
d(']>lorer  tout  liant  ce  qu'il  ap]>elait  son 
inqHiidenee. 

—  Où  est  u?aintenant  le  savant?  s'é- 
cria-t-11  en  faisant  allusion  à  Tarlinj^;;  il 
s'occupe  sans  doute  à  compter  les  ienil- 
les  d'une  fleur  ou  à  dessécher  une  lierhe, 
dans  l'espérance  que  je  lui  aurai  pècl.é 
son  souper.  Je  voudrais  que  chaque  po- 
tence des  Trois-Royaimies  lût  garnie  d'un 
de  ses  pnreilsl 

—  A'oiis  avez  tort,  Ritler,  dit  Arthur 
qui  venait  de  paraître  à  la  porte  de  Ta- 
joupa,  car  le  savant  a  Lien  employé  sa 
journée. 

—  Et  que  nous  apporte-t-il  ?  demanda 
l'ancien  contrebandier  ironiquement;  un 
insecte  rare,  une  pierre  curieuse  ou  quel- 
que touiVc  d'herbe  décorée  d'un  nom 
litin? 

—  l\ien  de  tout  cela,Riller. 

—  Quoi  donc  alors  ? 

—  ] /abondance  pour  aujoiud'hui  et 
pour  t  )njours.» 

A  ces  mots,  Tarling  retira  d\m  panier 
d'écorce  de  bahbayo,  tressé  par  mistress 
Koppel,  des  racines  succulentes  que,  grâ- 
ce à  ses  longues  recherches,  il  avait  enfin 
découvertes  :  c'étaient  le  papao  et  le  bal'd 
avi.idtn  en  usage  parmi  toutes  les  popu- 
lations de  rOcéanie,  et  que  ses  études 
hii  avaient  fait  connaître.  Il  avait  égale- 
lupnt  aperçu  des  gisements  de  }:;fipog(ipo 
et  iV/f^ri fîmes  qui  approchaient  de  leur 
mituriti'.  Il  cxplicpia  à  ses  compagnons 
les  projniétés  nutritives  de  ces  plantes  et 
les  moyens  de  les  nudtiplier  par  la  cul- 
ture, de  manière  à  ne  plus  craindre  la 
disette. 

Cette  bonne  fortime  inattendue  rendit 
l'espoir  à  Georges,  qui  se  laissa  panser    | 


par  mistress  •Ko]>pel,  tandis  que  AVil- 
liam  préparait  le  re]>as. 

IM.iis  la  ble-sure  était  plus  grave  que 
Ritler  ne  l'avait  cru  d'abord.  Il  dut   res- 
ter à  l'ajoupa,  h^s  jours  suivants,  dans 
un  repos  forcé.  Or,  accoutumé  à  la  vie 
en  plein  air  et  à  toutes  les  distractions 
d'une  activité  laborieuse,  il  ne  tarda  pas 
à  tondjcr  dans  un  sombre  ennui.  Ce  fut 
alors   que   uiistress   Koppel    lui    devint 
utile  par  sa   conversation  aimable,   ses 
soins  attentifs,  et  surtout  par  son  exem- 
jde.  Elle  raccoutuma  à  la  patience,  lui 
apprit  les   nulle  petites    compensations 
que  l'habitude   de  la  maladie  fait  dé- 
couvrir dans  la   soufirance  même  ;  elle 
l'initia  doucement  aux  joies  intimes  qui 
lui  étaient   inconnues.   Cette  ame  gros- 
sière se  dégageait  insensiblement  de  sa 
rude  enveloppe;  elle  devenait  plus  sym- 
pathique et  plus  conjpréhensive  ;  elle  en- 
trait dans  des  cercles  successifs  d'émo- 
tions et  de  plaisirs  dont  elle  n'avait  même 
]ioint  jusqu'alors  soupçonné  l'existence. 
Ritler  ne  haussait  plus  les  épaules  quand 
la  malade  chantait  im   cantique  ;    loin 
de  là,  il  aimait  cette  voix  faible  et  douce 
qui  lui  apportait  comme  une  vague. ré- 
mie.iscence   de   celle   de    sa   mère  ;    en 
écoutant  les  prières  répétées  chaque  soir 
et  chaque  matin  par  mistress  Koppel,  il 
se  rappela  une  partie  de  celles  qui  lui 
avaient  été  apprises  dans  son  enfance  ; 
et ,  ramené  ainsi  à   de  naifs   souvenirs, 
depuis  longtemps  oubliés ,   il  se  mit  à 
parler  de  ses  premières  années  passées 
dans  les  hautes  terres  de  l'Ecosse,  de 
SOS  illusions  d'alors,  de  ses  scrupules,  de 
S(\s   joies!    Ainsi,  à  son  iusu,   1  honune 
endurci  n'dcvenait  enfant,  et,  en  se  rap- 
pelant les  piues  impressions  de  ses  pre- 
mières aimées,  recommençait  à  les  coni- 
prendre  et  à  les  aimer. 

Sa  blessure  allait  mieux ,  mais  la 
plaie,  mal  fermée,  lui  défendait  encore 
la  pèche  poiu'  longtemps.  Un  jour  qu'il 


70 


déplorait  cette  inipulss.lncc*  en  se  plai- 
giiniit  av»  r  un  peu  daijîieur  de  la  mal- 
adresse de  ses  con>pa(;uons,  Trot  déclara 
qu'il  était  prêt  à  le  remplacer. 

—  Toi!  s'écria  Hitler;  s'il  s'agissait 
d'escamoier  des  noix  muscades  ou  de 
marclier  sur  La  tète,  je  |)ourrais  te  croi- 
re ;  mais  qu'as- tu  lait  tU  puis  notre  ar- 
rivée, si  ce  n'est  de  dt'nicher  quelques 
ceuis  et  perdre  ton  -tenqis  avec  ce  slu- 
pide  volatile? 

—  Le  petit  Jolni  !  reprit  W  illiam  ; 
aussi  vrai  (|ue  nous  sommes  elirétiens, 
je  vt  ux  (juil  devienne  le  nu  iih  nr  pour- 
voyeur de  la  colonie  ! 

—  Ton  oiseau  ? 

—  Mon  oiseau,  monsieur  Hitler.  Jns- 
<]U  à  présent  nous  élions  ol)li|;(''s  de  tout 
laire  nous-mêmes;  jai  voulu  avoir  un 
serviteur,  et  je  ne  crois  pas  avoir  mis 
trop  de  temps  pour  le  liien  dresser. 

—  El  (pie  sait  laire  ton  élève  ? 

—  Sans  vous  ollénser  ,  monsieur 
Groij;es,  il  ])èelie  trois  fois  mieux  que 
vous,  et  cela,  sans  lij^jnes  ni  lil(  (s. 

—  Tu  veux  rire. 

—  A  ous  pouv( /.  venir  aux  l)ords  de 
la  mer  tl  en  jn;;er  vons-mème.  u 

Les  (pialre  associes  se  rendirent,  on 
<  lUt,  sur  la  j;rcve,  on  le  jx*lit  John  eom- 
menra  ses  extreires  sous  la  direction  de 
\\  dit  ini  Trot,  lin  n)oins  d  nnc  lu-ure 
l'oiseau  avait  icmpli  «le  jioissons  le  jia- 
nier  apporté  par  son  maitre,  cpii  .se  mon- 
tra ])lns  lier  cpie  s'il  l'et'it  jiéclu'  Ini- 
mèm«*. 

—  y\.  Hitler  voit  (pie  jr  n  .li  point 
perdu  mon  tenq>s,  dil-il  avee  une  (gra- 
vite enj()U('e;  .srulenient,  je  l  .u  (  nqdoy('' 
aulienuMit  (pie  lui  ;  eliaenn  prend  la  vie 
connue  il  peut,  et  du  e(*>té  où  d  lui  voit 
une  an.se  ;  il  s\q;il  seuliMuent  de  nous 
enq>loyer  selon  notre  inclination.  • 

(le  d«  rnier  exenqde  frappa  paiticu- 
lièrement  l'ancien  i^tnlrehandier ,  noii 
parce  (péil    l't.nl  plus  touclianl   (pu*  l(*s 


autres,  mais  parce  qu'il  venait  aprê«, 
Georges  commença  à  comprendre  qu'au- 
cune faculté  ne  doit  être  dédaijjiiée,  et 
que  toutes  peuvent  trouver  leur  place 
dans  l'association  humaine.  Il  avait  mé- 
prist^  la  faiblesse  de  mistress  Koppel,  et 
il  lui  avait  dû  d'abord  la  vie,  ainsi  que 
ses  coiiq)agnons  ,  puis  la  consolation 
dans  ses  jours  de  souflVances  et  d'en- 
nui !  Il  avait  accusé  la  science  de  Tar- 
ling,  et  tous  lui  devaient  l'abondance 
pour  le  présent  et  la  st'curilé  pour  l'a- 
venir ;  enfin,  il  avait  mépris*'  les  (;oûts 
jnn'iils  de  William  Trot,  et  ces  {;oûts 
venaient  de  leur  assurer  un  serviteur 
aussi  inespéré  cjue  précieux  ! 

Ces  leçons  successives  guérirent  Hitler 
de  son  égoisme  et  de  son  orgueil.  Com- 
prenant (pie  les  faeull('-s  qu'il  avait  re- 
çues, pour  être  plus  visibles  au  premier 
asjx^ct,  n'étaient  point  uniques,  et  que 
tous  les  hommes  de  bonne  volonté  |K)u- 
vaient  ('gaiement  concourir  à  la  tâche, 
il  reprit  ses  fonctions  avee  un  zèle  aussi 
ardent,  mais  ))lus  humble. 

A  mesure  (pie  les  bénéfices  de  l'asso- 
ciation se  développaient  entre  les  quatre 
membres  de  la  petite  colonie,  ils  deve- 
naient lu'cessaires  l'un  à  l'autiv,  et  ar- 
rivaient à  mieux  se  (ximpl«'ler.  (i(X)rj;es 
«'lait  la  foK  ('  (  t  le  courage  de  la  soiieté, 
Arthur  Tarling  la  scieiuv,  William  Trot 
la  gaît»';  quant  à  la  malade,  elle  en  était 
le  charme  et  le  lien  :  elle  iYpré*s<Mitait 
tous  l(  s  doux  insliiuts.  tous  les  besoins 
du  (<eur.  toutes  les  intnnes  aspirations  : 
c'i'tail  elle  (pii  priait,  (pii  chantait,  qui 
parlait  à  eha(]ue  naufragé  de  sa  nièiv, 
qui  enirel(M)ait  parmi  eux  IVmuIation 
du  dévouement;  elle  était  à  la  fois,  dans 
cette  stK'iété  en  miniature,  le  prêtre,  la 
femme  et  le  ptn-le  ;  chacun  tiouvail  en 
elle  ui\c  soileth*  jugr  moral  cl  «le  se- 
conde conscienci».  Si  misCn^i  Kop|H*l 
était  ct^nteale,  on  avait  bien  fait  ;  si  elle 
était  tii>te,  o:i  avait  eu  tt^t.  Klle  junn- 


80 


blalt  la  loi  vivanto  de  'cette  lainillc 
qu'elle  avait  améliorée  ])ar  la  piété,  et 
qu'elle  contenait  j)ar  ralléetlon. 

Trois  années  s'écoulèrent  ainsi  :  la 
petite  lie  était  insensiblement  ilevciuic 
pour  tous  une  nouvelle  patrie  ;  à  peine 
leur  souvenir  se  reportait-il,  de  loin  en 
loin,  sur  le  momie,  dont  ils  avaient  été 
brusquement  séparés. 

IMais  un  matin  que  Ritler  (gravissait 
le  coteau  pour  descendre  au  liva^e,  il 
aperçut  tont-à-coup,  aux  premiers  feux 
du  jour,  lui  navire  mouillé  à  quekjues 
cncàblnres  du  riv.i{^;e,  et  dont  la  cha- 
loupe venait  d'aboiiler.  Il  eut  à  peine  le 
temps  de  pousser  un  cri  ;  les  matelots 
américains  lavaient  aperçu  ,  et  accou- 
raient vers  lui  avec  îles  exclamations  de 
surprise  et  de  joie. 

Ritler  les  conduisit  à  Tajoupa  ,  où 
Tarlin^  raconta  en  détail  leur  histoire 
au  capitaine  Yankee,  qui  les  fit  embar- 
quer sur-le-champ,  et  remit  à  la  voile. 
Enfin,  après  une  heureuse  traversée, 
tous   quatre   ^^rrivèrent  à  Boston  ,   qui 


était  précisément  le  but  primitif  de  leur 
voyage. 

JltMitrés  dans  cette  société  d  )nt  ils  s'é- 
taient crus  retranchés  à  jama's,  ils  en  re- 
prenaient toutes  îles  obli^j  lions  et  de- 
vaient suivre  la  voie  oiverte  devant 
chacun.  Leur  associatii  n  de  l'ile  de 
lîerj^h  n'avait  été  qu'u  >i  campement  de 
trois  années  dans  le  dé>ert  ;  mais  trop  de 
liens  de  recoiinaisstince  et  de  tendresse 
unissaient  ces  âmes  pour  qu'elles  pus- 
sent se  séparer  sans  déchirements.  Tous 
quatre  se  tinrent  longtemps  embrassés 
et  ])leurèrent  beaucoup  ;  enfin  Tarling 
réunit  leurs  mains  dans  les  siennes,  et 
les  serrant  d'une  dernière  étreinte  : 

«  Adieu,  amis  I  dit-il  ;  allons  où  Dieu 
nous  envoie  ;  mais,  quoi  qu'il  nous  ar- 
rive, songeons  toujours  au  grand  ensei- 
gnement qu'il  nous  a  donné  ;  n'oublions 
jamais  que  les  plus  humbles  activités 
ont  leur  utilité ,  et  qu'il  y  a  toujours 
place  dans  le  monde  pour  les  hommes 
de  bon  désir.  «» 

Emile  Souvestre. 


INSTRUCTION. 


FCESI 


CANTIQUE   DE   JUDITH. 


Redoutables  vengeurs  des  crimes  de  la  terre,  . 
Messagers  du  Très-Haut  qiii,  portant  sou  tonnerre. 
Le  fciites  retentir  dans  le  vaste  univers, 
Et  jusque  sur  le  trône  effrayez  les  pervers  ; 
IMinistres  immortels  de  ses  justes  vengeances. 
Protecteurs  des  huinains,  saintes  intelligences, 
Lnagcs  d'un  Dieu  juste,  où  lui-même  est  empreint, 
Répétez  avec  nous  que  le  Seigneur  est  saint. 

n  imbeau  de  runivers,  dont  les  clartés  fécondes 
Aiiinirnt  à  la  fois  tous  les  cicux,  tous  les  mondes^ 


81 

Quand  la  tcnr,  s'ouvrant  à  tes  vives  (  Iialnirs, 

Fait  pcrincr  dans  son  sein  rt  les  fniits  et  les  (leurs  ; 

Ardent  i)èie  du  jour,  époux  de  la  nature. 

Du  soleil  éternel  éclatante  peinture, 

Près  de  ce  Dieu  vivant,  toi  dont  l'éclat  s'éteint, 

Viens  redire  avec  nous  que  le  Seifjneur  est  saint. 

Toi  qui  suis  le  repos,  le  silence,  les  ombres. 
Qui  fais  voir  les  objets  taciturnes  et  sombres. 
Bel  astre,  dont  le  feu  si  doucement  nous  luit. 
Qui  nous  ollre  lui  jour  pâle  au  milieu  de  la  nuit. 
Qui,  (iiui  Dieu  Ix'nissant  annonrant  la  puissance. 
Répand  du  haut  des  airs  une  utile  inUuencc 
Où  sa  tendresse  éclate,  où  sa  bonté»  se  peint, 
Viens  redire  avec  nous  que  le  Seigneur  est  saint. 

Et  vous  (jui  dispersez  Us  ti'nébreuses  voiles,  i^ 

Beaux  yeux  du  firmament,  éclatantes  étoiles, 
Diamants  qui  semble  z  enebassés  dans  les  cieux  ; 
Pour  les  infortunés,  astres  mystérieux. 
Brillantes  roses  d'or,  au  cban>p  d'azur  semées, 
(>lous  du  superbe  cbar  du  jjrand  Dieu  des  années, 
Clairs  flambeaux  de  la  nuit  (pic  le  soleil  éteint, 
Répétez  avec  nous  que  le  Seijjneur  est  saint. 

Armes  du  Dieu  vivant,  elViovable  tonnene, 
Ht  nous,  vents  enfermés  aux  fjoullres  de  la  terre, 
IVIontaj^Mies  et  vallons,  fiers  torrents,  doux  ruisseaux. 
Innocentes  brebis,  bonneur  de  nos  troupeaux. 
Vous,  cbantres  des  forêts,  qui  cbarmez  nos  oreilles. 
Trésors  de  la  nature,  innond)rables  merveilles. 
Que  l«s  eieux,  (pie  les  mers,  et  (pie  la  terre  en(n"int, 
Répétez  avec  nous  (pie  le  Seij^neur  est  saint. 

Kt  nous,  pour  (]ui  sa  main  ]u'end  auiourd'bui  les  armes, 

Noiis  de  qui  son  amour  vient  essiner  les  larmes, 

Que  nos  lulbs,  (pie  nos  voix,  par  des  tons  mesun'S, 

S'élèvent,  s'il  se  peut,  aux  {;lobes  a/.urés. 

Nous  voyons,  par  son  bras,  nos  {guerres  étoulférs; 

Posons  sur  ses  aut(Ms  nos  armes,  nos  iropliérs  : 

Rj'lM'tons^à  jamais  (pie  le  Seiymnn"  est  saint, 

I!l  que  tout  est  possible  au  mortel  <pii  le  eranit. 

.Mlle.   i)K  Pkiii  dk  Calaae  (i). 

(T,  M»'  de  rcrh.  (IcCnlnçc,  qui  V(irul  S0II5  1                                                                    •  :a  le 

prix  nnx  jrux  (lornux,  pour  !«•  pcfino  ilc  JiitiK/».  ; , ., >  jeu- 
nes Icrlrlrrs».  Aprts  la  mort  de  M"«  de  IVoh  de  Qthigf,  ce  pocinc,  en  huit  chanti,  fut  publjc  par  lr> 
noinii  de  M""  l.'llérilirr  de  Villardon. 


82 
VOYAGES. 


CAT  VCOMBKS  I)K  SAI.NT-SKRASTIEN  A  HOME. 

Rome,  h;  17  mars  I8'<.., . 


Jt*  sortais  des  ruiars  d\ui  cirqiK' ,  \c 
cœur  oppressé  de  priiihles  ri  sanijlaiits 
souvenirs,  lorsipu^  j  ai  visite',  près  de 
raneieiiiie  porte  (\i/^'  //:/,  sur  la  ihi/c  Jj>- 
pie/nit-,  Tt'Y.lise  tle  Sùiit-Sébastieii  et  les 
cataeouibes  sur  lesquelles  cette  t'^jUsc  est 
bâtie.  Ici  ui'apparaissaieut  encore  de 
nouvelles  traces  de  la  cruaut('  romaine; 
mais  du  moins  pouvais-je  revenir  à  des 
pensées  consolantes  et  élevées,  en  oppo- 
sant la  ma{;naniniité  des  victimes  à  la 
barbarie  des  persécuteurs...  Quelle  foi , 
quel  saint  et  noble  entlioiisiasme  dans 
ceux  qui  ont  peuplé  ces  sonterrains  ! 
Quelle  incomparable  fermeté,  quelle  cou- 
ra[^euse  résijjiiation  dans  ces  cbrétiens 
qui  soufiraient  toutes  les  tortures  plutôt 
que  de  renoncer  à  leurs  convictions  I  qui 
livraient  leurs  corps  aux  bourreaux  pour 
soutenir  la  sainte^  cause  de  la  loi  morale, 
de  la  liberté  de  l'àme  et  de  la  con- 
science.'... Cette  jjrandeur  est  empreinte 
dans  tous  les  laits  ,  dans  tous  les  récits 
({ue  cette  époque  nous  a  lé^^ués  ;  mais  elle 
ne  peut  nulle  part  ressortir  avec  un  ca- 
ractère plus  touchant  que  sous  les  voûtes 
consacrées  par  tant  d  liéro'isme;  là,  il  y 
eut  en  lin  un  lieu  de  repos  pour  ceux  qui, 
sous  le  soleil,  ne  trouvaient  plus  que 
(jjlaives  et  supplices. 

La  basilique  (l)  Saint-Sébastien,  dont 

(1)  Voici  l'origine  du  mot  basilique,  employé 
depuis  longlcmps  pour  désisncr  les  piiiiripales 
églises  de  Ironie  et  de  la  chrélienté.  Cette  ex- 
pression vient  d'un  mot  grec  qui  t-ignifie  royal. 
—  Les  ba>irKiuesdes  anciens  étaient  des  édifices 
où  l'on  traitait  dilférentes  sortes  d'aHairos  au 
nom  et  par  l'autorité  du  souverain  :  de  là  la 
qualification  de  royal.  L'architecture  de  ces  mo- 


la  première  érection  remonte  aux  années 
qui  suivir(  lit  les  édits  de  pacification  de 
Constantin,  a  été  bâtie  sur  remplacement 
des  catacombes  de  Saint-Calixte  (2).  La 
tradition  rapporte  que  174,000  cbrétiens 
y  lurent  inliumés  dans  les  premiers  siè- 
cles de  notre  ère. 

Après  le  martyre  de  saint  Sébastien , 
la  foide  paieiine  jeta  son  corps  dans  un 
é[jout  de  Rome;  mais  il  en  fut  bientôt 
retiré  par  les  soins  charitables  et  j];éné- 
reiix  qui  portaient  les  premiers  chrétiens 
à  braver  la  mort  pour  donner  une  sépul- 
ture convenable  à  leurs  frères.  Une  dame 
roni  \ine  du  nom  de  Lncinc,  fit  porter  les 
restes  du  martyr  Sébastien  aux  catacom- 
bes de  Saint-Calixte,  et  c'est  sur  la  ])artie 
(lu  cimetière  où  le  corps  du  saint  fut  dé- 
posé, que  Ton  a  bâti  l'éjjjlise  qui  est  sous 
son  invocation.  Plus  tard,  la  chrétienne 
Lucine  fut  aussi  inhumée  aux  mêmes 
lieux.  A  rentrée  d(^s  catacombes,  près  de 
lautel  élevé  sur  le  tombeau  de  saint  Sé- 
bastien, on  voit  une  table  d<.'  marbre  fort 
ancienne  où  est  inscrit  le  nom  de  cette 
femme  courageuse.  Le  rapprochement 
de  ces  deux  tombes  m'a  bien  vivement 
émue,  tant  le  dévouement  du  faible  est 
toujours  chose  vénérable  et  touchante. 

numcnts  fut  plus  lard  adoptée  par  les  cliréliens 
pour  leurs  églises,  auxquelles  ils  ne  voulaient 
pas  donner  la  forme  des  temples  consacrés 
«'lUX  idoles.  Lors  du  triomphe  du  christianisme, 
plusieurs  nicine  de  ces  bâtiments  furent  donnés 
par  les  empereurs  pour  servir  d'égliïcs  :  ceci  eut 
lien  particulièrement  à  Constanlinople. 

(2)  Ce  cimelière  souterrain  fut  ainsi  appelé 
parce  que  le  pape  saint  Calixte  y  reçut  la  sé- 
pulture. On  le  trouve  désigné  sous  les  deux  noms 
de  cimetière  ou  calacomhcs  de  saint  Calixte. 


83 


On  no  clrsccnd  point  à  une  {jraiulr 
profondeur  pour  arriver  aux  passafjcs 
liistoriqueset  sacrt's  des  cataeoinhes  :  w\ 
escalier  tout  nmtlerne  y  eonduit,  et  à  l.î 
ou  20  ])lr<ls  sous  le  sol  de  réalise  on  voit 
déjà  des  sc'pultiues.  Ces  {;aleries  de  la  l<ji 
et'de  la  mort  sont  prodi{;i(  usenient  nom- 
breuses. On  en  trouve  à  chaque  pas  de 
nouvelles;  on  en  voit  dans  toutes  les  di- 
rections; en  se  raunfiant  toujours,  elles 
s'('t«  ndent,  ui'a-t-on  assuré,  sous  u:i 
espace  de  plus  de  six  Uïilles  (2  lieues). 

Dans  r()rir;iiie,  c'étaient  des  carrières 
d'où  Ion  tirait  respcee  de  saMe  appelc- 
poifzzo/n/tr^  dont  on  se  sert  dans  les  con- 
structions Iivdrauliques  ,  et  qui,  nièlé  à 
la  chaux,  forme  \c  <  inwnt  mmain.  Durant 
les  persécutions,  elles  offrirent  une  re- 
traite aux  chn'tiens,qui,en  s'y  réfu{;iant 
pour  prier,  y  mettaient  à  l'abri  de  l'in- 
sulle  les  di'hris  san;;laiits  des  di'fenseurs 
de  leur  foi.  Ils  plaeaient  ces  corps  dans 
les  parois  de  lon^s  corridors  souterrains, 
où  ils  creusaient,  sur  deux  ran};s  de  hau- 
teur, des  excavations  assez  profondes 
])our  recevf)lr  deux  ou  trois  corj>s  les  uns 
à  coté  des  autres.  L  n  p(  u  de  terre  K  s 
s<'parait  ;  et  pour  ne  point  perdre  d'es- 
paci*  on  mettait  les  pii'ils  du  S( cond  près 
tle  la  tète  du  premier,  et  ainsi  du  troi- 
sième, quand  cette  foss*'  liori/.ontale  re- 
cevait trois  cj^rps.  Chaque  excavation 
était  Irrnu'-e  par  «les  tuiles,  ou  par  des 
tihh'S  de  marhre  sur  h'squclles  étaient 
jjravés  le  nom  du  martvr  et  l  épjxpie  de 
son  su])pliee,  avec  des  end)lèmes  symbo- 
liques de  M'S  sou  lira  nces  <l  de  la  rili|;i<)n 
chrélicnn»'.  Pannl  ces  endilèutes,  le  plus 
facile  à  couq>n'ntlre  et  aussi  le  plus  tou- 
chant, est  la  palme  qu't>n  vtiit  sur  plu- 
sieurs tondxvs.  l  n  monop^rannne  sr  rr- 
prt>duit  aussi  très-souvent  :  il  est  fornu* 
de  deux  httres  {;rreques  ,  «pu  étaient  les 
]>remières  d»-s  mots  ('hrist  et  (  Inclirft, 
Devant  plusieurs  autres  s»|iultuiTséliiirut 
de  petites  houli  dles  contenant  du  sanjj. 


et  dans  1* intérieur ,  près  du  corps  ,  <e 
trouvaient  quelquefois  les  instruments 
de  torture,  par  lesquels  le  martyr  avait 
péri.  —  Les  traces  de  tout  ce  que  je  viens 
de  déerire  se  reconnaissent  parfaitement. 

Il  est  des  excavations  cpii,  plus  élevi-es 
que  les  autres,  prennent  toute  la  liauteur 
de  la  paroi  et  sont  en  partie  recouvertes 
d'une  sorte  de  stuc  [;rossier.  On  croit 
qu'elles  ont  servi  i\c  s<'pulture  aux  pre- 
miers chefs  de  rK;;lise  ;  car  h'S  récils  con- 
temporains nous  appn*nnent  que  qua- 
torze papes  martvrs  ont  été  inhumés  aux 
catatx)nd>es  de  Saint-Calixte.  Iy^  corps 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  v  furent 
d'ahord  (K'post'S  ,  et  n'en  ont  l'tf  retirés 
qu'après  l'érection  des  basilitpics  qui  les 
ont  depuis  renft  rniés. 

De  distance  en  distance,  on  trouve 
dans  les  (galeries  de  petits  oratoires  qui 
conservent  encore  fies  traces  d'enduits  ou 
de  peintures,  et  l  on  y  voit  des  d<  bris  (pii 
marquent  la  ])lace  où  devait  être  Tautel. 

Si  ,  dans  mes  nohibrcuses  visitt^  à 
S.iinl-Pierre,  j'ai  t'ié  quehpiefois  [obli- 
f;ée  «le  me  drmander  qui  vient  prier  «  t 
se  recueillir  dans  ce  tenq^le  pnxlijjieux 
que  Ixauctiiip  parcourent,  un  livn't  ."i 
la  main  ,  et^nm»'  un  moiuiment  pir»- 
fane  et  nu  mns«e,  qu'd  en  a  clé  bien 
autrement  dans  «ts  té-nébieux  oratoi- 
res des  cata(X>nd»es  1  Ohl  que  li  prière 
devait  être  fervente  cpnnd  elle  s'exha- 
lait ainsi  au  nnhen  di^  restes  nmtilés 
de  ceux  tpéon  avait  chéris!  quand  la 
mort  attendait  |vMit-ctn»  au  S4^rtir  de 
ces  souterrains',  quand  on  avait  .i  <le- 
mander  à  Dieu  îles  foixH's  tt>ntre  l«^  l«^r- 
tures  !  quand  on  stMitait  son  rtinir  se  n*- 
volter  (H>ntiv  les  infanùcs  qui  soudiaieiit 
alors  le  momie  it>main  I...  1/liisloire  de 
riiitmme  n'a  ollert  «1  n*t)n*iira  |X'ut-étrc 
jamais  rien  tle  si  (;rantl  que  le  christia- 
nisme dans  CCS  jours  de  supplii^^s  et  de 
san|;lantes  épn^uves.  Je  relis  à  Home  o* 
qui  nous  lYste  do«  œuvres  si   justemejit 


84 


ct'lèl)ros  (le  Tacite.  Lorsque  jr  vois  dans 
les  écrits  cruii  ti'inoiii  oculaire  ce  (iiVé- 
taient  les  Koinaiiis  de  ce  temps  ,  je  me 
sens  saisie  de  la  plus  vive  admiration 
pour  ceux  qui,  au  milieu  de  tant  d'hor- 
reurs, avaient  conq^ris  la  pureté,  la  di- 
gnité de  rEvanj;ile,  pour  ceux  qui  mou-  i 
raient  plutôt  que  de  prendre  part  aux 
létes  enVoyables  de  Néron  :  hommes  su- 
blimes, dont  la  résistance  et  le  martyre 
ont  été  le  signal  de  la  rénovation  du 
monde  ! 

Longtemps  après  la  liberté  de  rK^liso, 
les  catacombes  restèrent  en  grande  vi'né- 
ration  connue  lieu  de  sépulture  ;  et  alors 
même  que  l'on  put  rendre  ouvertement 


les  derniers  honneurs  aux  chrétiens , 
beaucoup  d'cMitie  eux  désirèrent  que  leurs 
cendres  fussent  placées  près  de  celles  des 
martyrs,  dans  les  sombres  asiles  où  leurs 
j)èrt^s  avaient  souffert  et  prié. 

Dans  le  principal  oratoire  de  ces  sou- 
terrains ,  on  voit  un  des  autels  appelés 
confessions^  parce  qu'on  les  élevait  sur 
le  tombeau  des  confesseurs  de  la  foi ,  de 
ceux  qui  mouraient  en  l'avouant,  en  la 
confessant.  De  là  le  mot  conjession  ap- 
pliqué à  l'autel  principal  des  basiliques 
de  Home.  Le  pape  saint  Etienne  fut  tué 
pendant  qu'il  priait  à  la  confession  des 
catacombes  de  Saint-Sébastien. 

Claire  Cadillan. 


SCIENCES  NATURELLES, 


EOTAMQin. 


SEMENCES     DES    PLANTES 


Il  n'y  a  pas  un  seul  végétal  dont  la 
feuille  ne  soit  disposée  pour  recevoir  les 
eaux  de  pluie  dans  les  monlagnes,  dont 
la  graine  ne  soit  formée  dfe  la  manière  la 
]^lus  propre  à  s'y  élever.  Les  semences  de 
toutes  les  plantes  de  montagnes  sont 
volatiles  :  en  voyant  leurs  feuilles,  on 
peut  aflirmer  le  caractère  de  leur  graine, 
et,  en  voyant  leurs  graines,  celui  de  leurs 
feuilles,  et  en  conclure  le  caractère  élé- 
mentaire de  la  plante.  J'entends  ici  par 
plantes  de  montagnes  toutes  celles  qui 
croissent  dans  les  lieux  sablonneux  et 
secs,  sur  les  terres,  dans  les  rochers,  sur 
les  bords  escarpés  des  chemins,  des  mu- 
railles, cnlin  loin  des  eaux. 

(1)  De  temps  en  temps  nous  emprunterons, 
pour  nos  jeunes  lectrice?,  quelques  passages  in- 
léressnnl.s  et  renfermant  des  idées  (jc'ncrales,  à 
de  grns  livresque,  proLablcment,  la  plupart 
d'entre  elles  ne  liront  jamais. 


DE     :\IOXÏ AGNES  (l). 

Dieu  n'a  rien  f  jil  en  vain. 

Les  semences  des  chardons,  des  bluets, 
des  pissenlits,  des  chicorées,  etc.,  ont  des 
volants,  des  aigrettes,  des  panaches,  et 
plusieurs  moyens  de  s'élever,  qui  les 
portent  à  des  distances  prodigieuses  : 
celles  des  graminée,  qui  vont  aussi  fort 
loin,  ont  des  balles,  des  panicules  (2); 
d'autres,  comme  celles  delà  giroflée jau 
ne,  sont  taillées  connue  des  écailles  légè- 
res, et  vont  au  moindie  vent  s'implanter 
dans  la  plus  petite  fente  d'un  nmr.  Les 
graines  des  plus  grands  arbres  de  mon- 
tagnes ne  sont  pas  moins  volatiles  :  celles 
de  l'érable  a  deux  ailerons  membra- 
neux, sendjlables  aux  ailes  d'une  mou- 
che :  celle  de  l'orme  est  enchâssée  au  mi- 
lieu d'une  foliole  ovale;  celles  du  cyprès 
sont  presque  inq^erceptibles  ;  celles  du  cè- 

(2)  Panicule  signifie  en  botanique  un  as>em- 
bla^'O  de  llcurs  portées  sur  des  pédoncuk'S  iiicles 
et  inégaux,  qui  les  étalent  confusément  et  sans 
ordre  déterminé. 


8; 


flre  sont  trrmliu'os  par  de  larges  et  min- 
ces feuillets  qui  forment  un  cône  par  leur 
agrégation  :  les  graines  sont  au  centre  du 
cône,  et,  dans  le  temps  de  leur  maturit»', 
les  feuillets  où  elles  sont  atUicl ires  se  dé- 
tachent les  uns  des  autres,  comme  les 
cartes  d'un  jeu,  et  chacun  emporte  au 
loin  son  pignon.  Les  semences  des  plan- 
tes de   montagnes,  qui  paraissent .  trop 
lourdes  pour  voler,  ont  d'autres  ressour- 
ces :  les  j)ois  de   la  halsamine  ont  des 
cosses  don  lies  ressorts  les  lancent  fort  loin  : 
il  y  a  aux  Indes  un  arhre  dont  y  ne  me 
rappelle  pas  le  nom   (  1  ),  (pii   lance  i\c 
nuine  les  siennes  avec  un  bruit  send)la- 
l)le  à  un  coup  de  canon.  Celles  qui  n'ont 
ni  panache,  ni  ailes,  ni  ressorts,  et  qui, 
par  leyr pesanteur,  semblent  condanuu'es 
à  rester  au  pied  du  végi'tal  (pii  les  a  pro- 
duites,  sont  souvent  celles  qui  vont  le 
j)lus  loin  :  elles  volent  avec  les  ailes  des 
oiseaux  ;  c'est  ainsi  que  se  ressèment  une 
nniltitude  de  baies' et  de  fruits  à  noyau. 
J-.eurs  semences  sont  renfermées  dans  des 
croûtes  pierreuses  (pii  sont  indi{;estibles; 
les  oiseaux  h\s  avalent  et  vont  les  planter 
sur    les   cornielies  des    tours,    dans    les 
lentes  des   rochers,    sur    les    trônes    des 
arbres,   au    delà  «1rs   lU'Uves    et    même 
des    mers.    C'est  par  ce  moyen    cpriui 
oiseau   des   IMohupies  repeuple  de  nnis- 
eadiers   les    iles    désertes   de   e<t   arelii- 
])el,  malgré  le5eft<)rts<les  Hollantlais,  qui 
d«'truisent  ces  arlurs  <I.ims  tous  les  lieux 
on  ils  ne   servent  pas  à  leur  eonnneree. 
Ce  n'est  jvas  ici  \c  mom«'nt  de  parler  des 
rapports  tles  vé-gétaux  avec  les  oiseaux  ; 
d   snllit   «r«>bserver,  en   passant,  cpie  la 
jtlnp.nl  <lesois(MUX  ressiMuent  !«•  végé*lal 
«pn  lis  nourrit.  <)ii  \t»il  nièmerlir/  nous 
les  (|uadriq)èdes  tr.uisporter  fort  loin  les 
gi.iines  des    j;rannn('«'S  :  t«ls  sont   entre 
antres  ceux  (pii  ne  ruminent  pas,  dont  \c 
iumier  gale  les  prairies  on   y  inlrodut- 

(I)  La  sablier. 


sant  quantités  d'herbes  étrangères,  com- 
me la  bruyère  et  le  petit  genêt  dont  ils 
ne  digèrent  pas  les  semences  ^  ils  en  res- 
sèment encore  d'antres  qui  s'attachent  à 
leurs  poils,  par  le  sinq)Ie  mouvement  de 
leur  queue.  Il  y  a  de  petits  quadru|)èdes, 
comme  les  loirs,  1rs  hérissons  et  les 
marmottes,  <jni  transportent  dans  les 
parties  les  ])lns  élevées  des  montagnes  les 
glands,  les  faines  et  les  chàtaijjnes. 

Il  est  très-digne  de  remanpie  que  les 
semences  volatiles  sont  en  beaucoup 
plus  grand  nombre  que  les  autrt^  (^|)è- 
ees,  et  en  cela  on  doit  admirer  les  soins 
d'une  Providence  qui  a  tout  prévu.  \jCS 
lieux  élevés  pour  lesquels  (lies  sont  des- 
tinées étaient  exposés  à  être  bientôt  dé- 
pouillés de  leurs  végétaux  par  la  pente 
de  leur  sol  et  j)ar  les  pluies  qui  tendent 
sans  cesse  à  les  dt'grader  :  au  moyeu  de 
la  volatilité  des  graines,  ils  sont  devenus 
les  lieux  de  la  terre  les  plus  abondants 
en  plantes  :  c'est  sur  les  montagnes  que 
sont  les  trésors  des  botanistes. 

Nous  ne  saurions  trop  le  répéter,  les 
remèdes  de  la  nature  (l)  sont  toujotirs 
supérieurs  aux  obstacles,  et  ses  conq>en- 
sations  au-dessus  de  ses  dons.  Kn  elfet, 
si  vouf»  »n  (  xceptez  les  inconvénients  tic 
la  pente,  une  montagne  pivs<*nle  aux 
plantes  une  plus  j;rand«*  varit'té"  d'<\|H)- 
silions.  Duis  une  plaine,  elles  ont  le 
même  soleil  ,  la  même  humidité,  le 
même  terrain,  le  même  vi'nt  ;  mais  si 
vt)us  vous  «"'levé/,  d  nis  une  montagne 
sitU('«'  dans  notre  latitude,  seulement  de 
l'i  toises  (2)  de  hauteur  p<r|HMidieulaire^ 
vous  change/,  de  climat  connue  si  vous 
aviez  fait   2ô  lieu*^   ve«   le  NonI  ;   en 

I  Co  mot,  gënt^rnlrmcnt  mWé  par  la  Kicncc, 
sert  A  dô»li{nor  A  la  toi»  l'œuvre  de  Dieu,  c'ett- 


liijt  ntt-  ipii  M'imu  l 
que  les  rorps  non  * 
r«n\.  n  '     ' 

cl  JUh«i 

(7)  Ui  lotte  cquivaul  A  I  métré  93  ccntinuHrcf 


.  tcU  que  les  niiné- 
cnsemble 


86 


sorte  ({irmic  nion(n<iiio  de  1200  lolsrs 
ptMpcnd'KMilaiK^s  nous  pn'srnlc  iino 
rclu'llt'  de  V('j;('(  itioii  aussi  l'UMiilnr  qiK' 
ccll(^  (l("s  r200  Vicucs,  liorizontal(\s  qu'il 
Y  a  à  ]i(  Il  près  d\c\  au  yiCAc  ;  Tune  (  t 
Tautiv  sr  toiniiurraiiMit  à  nnr  ^;]a(M^  y>cv- 
|n'tut'Ui\  Cliaquo  pas  que  Ton  l'ait  dans 
iiiu^  niontajvno,  m  s'rlevant  ou  en  dcs^- 
ccud:\ul ,  clian<;o  notre  latitude;  et  si 
Ton  en  (ait  le  toni',  eliaque  pis  clian(>e 
notre  lo!v;itude.  On  y  trouve  des  points 
où  le  soleil  se  lève  à  8  heures  du  ma- 
lin, d'autres  à  dix  heures,  d'autns  à 
midi  ;  on  y  reucontre  une  variét;'  infinie 
d'exiiosiiiens  ;  de  froides  au  Nord  ;  de 
ehaudes  au  3fidi  ;  de  pluvieuses  à 
l'Ouest  ;  de  sèehes  à  l'Est,  sans  compter 
les  diverses  réilexions  de  la  chaleur  clans 
les  sables,  les  roches,  les  fonds  des  val- 
lées et  diS  lacs,  qui  les  modifient  de 
uiille  manières. 

On  doit  encore  observer,  non,  sans  ad- 
miration, que  le  temps  de  la  maturité 
de  la  plupart  des  semences  volatiles  ar- 
rive vers  le  comuiencemeut  de  l'autom- 
ne, et  que,  par  suite  de  cette  sagesse 
universelle  qui  fait  agir  de  concert  tou- 
tes les  parties  de  la  nature,  c'est  alors 
que  souillent  les  grands  vents  de  la  fin 
de  septend)re  ou  du  commencement 
d'octobre,  appelés  vents  de  Téquinoxe. 
Ces  vents  soufflent  dans  toutes  les  par- 
ties des  continents  ,  du  sein  des  mers 
aux  montagnes  qui  y  sont  coordonnées  ; 
non  -  seulement  ils  y  t\'ansportent  les 
graines  volatiles  qui  sont  mûres  alors, 
mais  ils  v  joignent  d'épais  tourbil- 
lons de  poussière  ,   qu'ils  enlèvent  des 


terres  desséchées  par  les  ardeurs  de  Vr- 
té,  et  surtout  des  rivages  de  la  mer,  où 
Ir  uîOuveuKMit  perpétuel  des   fiots,  fjui 
s'y  lris(Mit  (^t   y  roulent  sans  cesse  des 
cailloux,  réduit  en  poudre  impalpable 
l("s  corps  les  ])lus  durs.  Ces  émanations 
de  poussière  sont  si  abondantes  en  dif- 
férents lieux,  que  je  pourrais  citer  plu- 
sier.rs  vaisseaux  qui  en  ont  été  couverts 
à  plus  de  six  lieues  de  la  terre,  en  tra- 
versant des  golfes;  elles  sont  si  incom- 
modes dans  les  parties  les  plus  élevées 
de   l'Asie ,   que   tous  les  voyageurs  qui 
ont  été  à  Pékin  aflirment  qu'il  est  im- 
possible de  sortir  dans  les  rues  de  cette 
ville,  une  partie  de  l'année,  sans  avoir 
un  voile  siu*  la  figure.  Il  y  a  des  pluies  de 
poussière  qui  réparent  les  sommets  des 
montagnes  ,    conuiie   il   y  a  des   pluies 
d'eau  qui  entretiennent  leurs  sources  ;  h  s 
imes  et  les  autres  viennent  de  la  mer  et 
y  retournent  par  le  cours  des  fleuves, 
qui   y   reportent   des   tributs  perpétuels 
d'eau  et  de  sable.  Les  vents  maritimes 
réunissent  leurs  efforts  vers  Téquinoxe 
de  septembre,  transportent,  de  la  cir- 
conférence des  continents   aux  monta- 
gnes qui  en  sont  les  plus  éloignées,  les 
semences  et   les  engrais  qui   s'en    sont 
écoulés,  et  sèment  de  prairies,  de  bos- 
quets et  de  forêts  les  flancs  des  préci- 
pices et  les  pics  les  plus  élevés.  Ainsi  les 
feuilles,    les   tiges,   les'  graines,    les   oi- 
seaux et  les  vents  concourent  d'une  ma- 
nière admirable  à  entretenir  la  végéta- 
tion des  montagnes. 

BEimARDiN  mi  Saiint-Pjeriie. 


LA   ^lAITRESSE   DE  MAISON. 


1NTR0I>LCTI0N. 


Je  te  le  demande  en  grâce,  Clémen- 
ce, mon  amie,  déchire   toutes  les  lettres 


que  je  t'ai  écrites  depuis  mon  départ  de 
Paris.  La  rougeur  couvre   mon  front , 


r 


87 


lorsque  je  luc  souviens  tle  quelles  cou  - 
leurs  j  ai  osé  nie  servir  pour  peindre  la 
iiieill»  lire,  l.'i  plus  saj^e  des  femmes,  celle 

qtii  a  lorm»'    le   cceiu*  de  mou  mari  î 

J  ai  <'té  envers  elle  iiiju.ste  ,  iii|;r.ite — 
c'est  à  [;euoux  que  je  l'ai  piii'e  de  me  le 
pardonner.  Lis,  et  vois  combien  j»-  dois 
la  vjMK'nr  et  l'aimer  I 

Hier  au  soir,  pour  la  première  fuis 
depuis  noire  muiaj^e,  l'Edouard  est  sorti 
sans  moi.  Il  allait  au  cerele,  non  \Hmi  y 
lire  les  journaux,  mais  |)our  rencontrer 
une  personne  à  Lupielle  il  avait  alTiire. 
1  n  tete-à-lète  avec  ma  belle  mère  ! 
(pielle  perspj'elivel —  et  d'autant  plus 
terrible  (pie,  eomine  il  y  avait  tbéàlie 
ce  soir-là  ,  j  (tais  assurée  (pie  pas  une 
seule  visite  ne  viendrait  f.iire  tliversion. 
A  notre  àfje,  ee  (pi'on  redoute  le  plus, 
lu  le  sais,  ce  sont  /e>  It  çi>ns  de  momlr.... 
et,  ma  conscience  aidant,  je  nie  disais 
que  iM'"«  Beaumonl  n'aurait  {;arde  de 
laisser  écbapper  mu-  si  belle  occasion  de 
me  clmj'itnr  sur  plnsit  urs  sujets. 

L'entretien  lut  d  abord  assez  lan(;uis- 
sant.  iM""^  Heaumont  avait  connneneé 
par  me  parler  de  la  |>ensi()n  ou  tontes 
deux,  ma  (llémenee,  nous  avons  été  éle- 
vées et  où  se  sontserit's  les  liens  de  noire 
amiti(';  je  ne  rt'pondais  (pie  par  mono- 
syllabes, m  alleud.iiil  à  elia(pie  instant  à 
(piel([ue  srnnon  ;  mais,  après  m'.ivoir  dit 
des  mots  toiubants  sur  ma  nu're,  (jue  je 
n'ai  pas  connue,  tu  le  sais,  IM'"*^  lieau  - 
mont,  ei'dant  sans  doute  à  la  puissance 
il(  s  souvenirs,  s  est  irouvée  entraînée  à 
lue  raionter  sou  enfance  si  triste  entre 
une  nu  re  toujours  malade,  mi  jieie  ta- 
citimie  (  t  livrt"  aux  alfaires,  une  servante 
mailresse,  qui  fiisait  tout  plier  sous  sa 
V()lonl(',  et  le  teneur  de  livres  de  iNL  Ni  s- 
\i\  i\\i\  (  t  lil  maître  de  for^e;  mais  de  ce 
(pion  appelle  \i\\c /tttitr  foit^r^  cvWc  oÙ 
l  ou  fa(:onne  À  br.is  d  lioimne  les  pièces 
de  fer  et  d'aeier  les  plus  répandues  dans 
le  eonimeiee.  Je  m  intéressais  à  ce  récit  , 


je  croyais  voir  surtout  le  teneur  de  li- 
vres, ]NL  Corbin,  petit  liouiine  sec,  vêtu 
de  son  éteriul  habit  tle  drap  couleur 
nois(  lie,  et  coilVé  à  l'oiseau  royal  ;  por- 
tant en  été  la  culotte  de  nankin,  le  {jili  t 
de  j)i(pié  blanc,  les  bas  de  colon  Liane, 
avec  des  souliers  à  boucles  ;  eu  liiver, 
le  [;ilet  d'étort'e  jaune-serin  ,  les  bas  de 
coton  {;iis  cbiné,  et,  dans  toutes  les  sai- 
sons, le  cba|M>au  à  trois  cornes  sous  le 
bras.  Ilomnie  ponctuel  par  excellence,  il 
ne  pouvait  s'apercevoir  du  tlésordre 
trop  réel  (pii  n'-;nait  dans  la  maison  du 
patron,  sans  ilire  souvent  tout  haut  quel- 
(pies  mots  (pii  blessaient  au  vif  Jeannette, 
la  servante-maîtresse  ;  s'il  avait  dépendu 
d  elle,  M.  (turbin  aurait  été  reuiercié. 
Mais  M.  \cs\c  savait  ce  que  valait  son 
teiK  ur  de  livres,  et  s'il  m*  montrait  que 
rareuK  ni  sou  mécontentement  de  l'es- 
pèce de  s(juverainelé  exerct'c  par  Jeau- 
netle,  si  sui  lout  il  ne  la  renvoyait  pas, 
c'était  par  ména^;ement  pour  sa  feunne 
malade,  à  KKpielle  il  avait  niènie  accordé 
de  ne  point  m«  ttre  sa  lille  en  pension; 
nuis   il  faisait  «'lever  sou  fds  au  colléj^e, 

Ail  b(  lie  n.ère  avait  sel^e  ans  lors- 
(pi'elle  perdit  sa  mère....  L'auntr  sui- 
vante, 31.  Xcsle  la  prévint  «pielle  devait 
S(*  préparer  à  tenir  s,a  maison  ,  et  à  y 
laire  r«*|;ner  l'ordre  et  t'éiX)noniie.  Quelle 
t.'ube,  Clémence,  pour  une  jeune  fdlc 
cpii  ne  savait  pas  plu-s  <jue  loi  et  moi  ce 
que  c'e>t  (péun  ménage  ! 

INI.  Nesle  eoinmene.i  pu  i«n>«>\ti  la 
servante-maîtresse;  il  mil  aupièsdesa 
lille  u.ie  personne  d'un  .i^e  uuir,  cl  en 
étal,  à  ce  qu'il  cixi\ail,  de  la  diri(;er. 

]Mais,  clia(pie  mois,  lorsque  ma  lH*Ile- 
mère  allait  demaniler  de  l'argent  à  sou 
père,  3L  N»sle  s'enq^irtail  eu  disant 
(pu-  la  maison  était  un  (;oulVie  qui  dévo» 
rail  tout  ;  que  si  la  dépense  continuait 
d'être  aussi  forte,  il  serait  hi<*iit«il  ruiné, 
et  la  pauvir  j<  une  fiIIc  se  relirait  tout 
en  larmes.  Que  faire  |H)ur  diminuer  celtr 


88 


tlrponso  tlont  son  père  se  plnij^nnit  avoc 
tant  iranu'itunie  ?  à  qui  domaiulrr  clos 
conseils?  où  clieiclur  les  liiniicres  (pii 
lui  manquaient?  La  IVninie  placée  au- 
près d'elle  était  probe,  mais  sans  iiitelli- 
};ence  ;  de  cette  sorte  cVinlellij^jence  sur- 
tout qui  saisit  Tensemble  des  choses,  et 
(|ue  ma  belle-mère,  je  le  vois  mainte- 
nant, possède  à  im  dej^ré  remarquai )le. 

Vn  jour,  le  leui  ur  de  livres  la  suivit 
sans  qu'elle  s'en  aperçût,  au  moment 
où,  bai[;née  de  pleurs,  elle  quittait  le  ca- 
binet de  son  père. 

• —  jMademoiselK^  Emma',  dit-il  en 
la  saluant,  si  vous  aviez  besoin  de  quel- 
ques explications  sur  les  comptes  et  la 
I)alance  dont  le  patron  vient  de  vous  par- 
\cv,  je  suis  là.  » 

IMa  belle  -  mère  tout  étonnée  le  re- 
garda. 

»  Tenir  des  comptes,  continua-t-il, 
que  ce  soit  pour  la  maison  ou  pour  la 
forge,  ce  n'est  pas  plus  difllcile  l'un  que 
l'autre,  le  tout  est  de  savoir  s'y  prendre. 
On  découvre  alors  d'où  vient  le  coulage, 

et  le  coulage,  voyez-vous coulerait  à 

fond  la  maison  la  plus  riche,  c'est  un 
fait.  Le  patron  se  plaint  avec  raison  ;  il 
faut  que  la  maison  d'un  négociant  soit 
conduite  avec  le  même  ordre  que  ses 
opérations  de  commerce  ;  autrement  la 
ruine  est  an  bout.  Youlez-vous,  made- 
moiselle Emma,  que  le  soir,  pendant  que 
le  patron  apure  les  écritures  dans  son 
cabinet,  je  vienne  vous  montrer  à  teiûr 
votre  caisse  aussi  bien  que  la  nôtre  est 
tenue,  je  m'en  vante? 

—  Ohl  venez,  monsieur  Corbin,  venez 
dès  ce  soir!  s'écria  ma  belle-mère.  C'est 
Dieu  qui  vous  envoie  à  mon  secours  !  Je 
vous  attendrai.  » 

Le  brave  homme  tint  parole.  Il  revint 
dans  la  soirée.  Ma  belle -mère  m'a  avoué 
que  ses  démonstrations  lui  parurent 
d'abord  tellement  incom])réliensil)l(\s  , 
qu'elle  désespéra   de   parvenir  jamais  , 


avec  l'aide  de  M,  Corbin,  à  savoir  tenir 
ses  livres  de  ménagère  ;  mais  le  résultat 
qu'elK'  retira  de  cette  première  leçon  fut 
du  moins  la  conviction  qu'il  (allait  ab- 
solument rétablir  l'ordre  et  l'économie 
dans  une  maison  qui  n'avait  pas  de  re- 
venus fixes,  puisque  les  bénéfices  du  fa- 
bricant et  du  négociant  dépendent  du 
l'ius  ou  moins  grand  nondjrc  de  com- 
mandes ou  d'affaires  faites  dans  l'année. 

Aux  (leçons  suivantes,  elle  reconnut 
qu'une  maîtresse  de  maison  doit  se  ren- 
dre compte  de  tout,  et  régler  sa  dépense 
d'après  la  somme  qui  lui  est  allouée 
chaque  mois....  Enfin,  chère  amie,  que 
te  dimi-je  ?  pour  la  première  iois  de  ma 
vie  j'ai  compris  de  quelle  valeur  est  une 
femme  économe,  rangée,  pour  un  père, 
pour  un  frère,  pour  un  mari,  et  j'ai  ad- 
miré Tordre  établi  ici  par  mabelle-mère. 
Cet  ordre  est  tel  que  tout  se  fait  sans  que 
personne,  pour  ainsi  dire,  ait  l'air  d'y 
toucher.  Les  domestiques  sont  chacun  à 
leur  besogne  ;  ÏM'"^  Beaumont  ne  gronde 
jamais,  et,  je  dois  le  reconnaître,  sa  gra- 
vité habituelle  n'est  pas  celle  que  donne 
la  mauvaise  humeur.  Chose  incroyable  I 
elle  sait  le  comj^te  de  tout  ce  qui  meuble 
nos  deux  maisons,  maison  de  ville  et  mai- 
son des  chamjjs  ;  elle  sait  le  compte  du 
linge,  des  porcelaines,  des  cristaux,  des 
vêtements  contenus  dans  les  armoires I 

Je  l'écoutais  tout  émerveillée. 

«  Et  c'est  vous,  ma  mère ,  lui  dis-je, 
c'est  vous  seule  qui  avez  établi  cet  ordre 
admirable? 

—  IMoi  seule f  non,  ma  fille,  a-t-elle 
répondu  d'un  air  calme.  M.  Corbin  a  été 
pour  moi  un  excellent  profi^sseur  ;  sans 
lui  j'aurais  renoncé  bien  des  fois  à  une 
lâche  qui  me  sendjlait  être  au-dessus  de 
mes  forces...  Quand  il  me  laissait  à  mes 
réflexions,  je  sentais  le  découragement  se 
glisser  peu  à  peu  dans  mon  ame...  Alors 
je  priais  avec  ferveur,  et  je  comprenais 
que  Dieu  lui-même  m'appelait  à  aider 


80 


mon  père  à  rch  ver  une  fortune  qne  la 
lonjjiie  maladie  de  ma  mère,  que  le  cK's- 
ordre  d'une  srrvante-uiaîtresse  avaient 
compromise.  Si  faible  que  je  fusse,  si  peu 
inslrnit»'  que  je  dusse  me  reconnaître,  je 
compterais  cependant  pour  luviucoup 
chez  mon  père  si  je  parvenais  à  réduin- 1«  s 
dépenses  superflues  et  journalières  Pour 
peu  que  vous  sovez  curieuse  de  ju{jer  par 
vous-même,  ma  chère  fille,  de  l'étendue 
du  concours  que  pcutapporter  une  frnnne 
à  un  père,  à  un  mari,  par  l'adminis- 
tration saj^e  de  leur  maison,  je  vous  mon- 
trerai le  chiffre  des  dépenses  lorsque  je 
pris  la  direction  de  la  maison  de  mon 
père,  et  celui  auquel  je  parvins  à  les  ré- 
duire deux  ans  a]>rès...  iMais  vous  n'ai- 
me/, pas  les  chiffres,  a-t-elle  contimié 
avec  un  doux  sourire  ;  et  vous  jK)USsez 
cette  aiuipathie  si  loin  que  vous  ne  vous 
rendez  même  pas  conqUe,  je  crois,  de 
vos  dépenses  personnelles.  » 

A  ces  mots,  chère  amie,  j'ai  rouj;i,  et 
mes  mauvaises  dispositions  se  n'veillant, 
je  me  suis  dit  :  Voilà  le  scrnwn  qui  vient! 

IMais  IM^if  Heaumont  n'ajouta  pas  un 
mot  de  plus  sur  ce  sujet.  Elle  me  parla 
des  hais  (|ui  m'étaient  promis  pom*  le 
reste  de  l'hiver,  de  trois  {grands  diners 
que  mon  mari  donnerait,  puis  <le  notre 
départ  au  mois  de  nj.ns  pour  notre  m.u- 
son  des  chamj>s,  I]iifin  ,  ma  (llt'mence  , 
elle  se  moiUra  si  aimahh',  si  induljjenle, 
si  <lésireuse  de  me  rendre  heureuse,  cpie, 
cédant  à  nion  émotion,  je  tondiai  à  {ge- 
noux di'vant  l'Ile  en  la  eoMJmant  de  me 
|>ardonner  de  n'avoir  pas  été  pour  elle  n* 
que  j'aurais  th'i  cire,  de  ne  l'avoir  pas  ai- 
mée avec  tout  l'amour  dont  elle  est  ilij;n<\ 

<«  Pas  niiisi,  non  pas  ainsi!  devatit 
Dieu  seulement  on  fléchit  le  j;enou ,  ma 
fdle,  dit-ell«-  tu  me  relevant  cl  eu  m'em- 
brassant.  De  tout  mon  c<ïmu-,  je  vous  par- 
donne de  ne  m'avoir  pas  n'ndu  justice. 
Je  suis  vieille,  votis  êtes  jeune  ;  je  suis 
sérieuse,  vkhs   im  /  l.i  viitede  Votre  .^j'C  ; 


j'ai  soullerl ,  vous  i(jnorez  encore  les  mi- 
sères réelles  de  la  vie  ;  j'ai  reçu  à  peine 
l'instruction  la  plus  ordinaire  ,  vous  avez 
été  élevée  dans  l  un  des  brillants  pen- 
sionnats de  Paris,  et  vous  possédez  d»*s 
talents  (pii  me  maïupicnt.  Lu  seul  |X)int 
de  ressemblance  nous  unit ,  mon  enfant, 
notre  amour  pour  votre  uiari  ;  cet  amour 
a  le  même  but,  n'est-ce  pas,  le  bonheur 
d'Edouard? 

—  Oh  !  oui,    ma    n.ere!    m  e<n  n-je. 

—  Eh!  bien,  nous  y  travailli  ions 
ensend)le  ;  vous  le  voulez  bien? 

—  Si  je  le  veux  !  pouvez- vous  en 
douter,  ma  mère,  ma  bonne  mère? 

—  Pour  cela,  il  nous  sufTn  a  de  nous 
entendre. 

—  Oh!  nous  nous  entendrons  tou- 
jours! 

—  \  ous  crovez,  mon  enfant? 

—  Oui,  ma  mère;  et  pour  preuve  de 
ma  bonne  volonté ,  je  vous  prierai  de 
connnencer  dès  demain  à  m'accepter 
comme  auxiliaire  dans  les  soins  qu'exige 
la  maison. 

—  Nous  verrons,  répondit-elle  avec 
un  fin  sourire.  » 

En  ce  moment  Edouird  rentra. 

.Nous  primes  tous  trois  le  thé  aupK'S 
d'un  l)on  feu  ;  Edouard  nous  racont.i 
quelques  anecdott*s  qui  nous  firent  bien 
rire...  Je  t'assure,  chère  amie,  que  nous 
avons  passé  une  charmante  soiive. 

Oui,  j  v  suis  déeiiliv  ;  je  veux  aussi, 
moi,  conciiurirà  cxmsolider,  à  augmenter 
peut-i'tre  la  forlune  de  mon  mari.  y\\ 
belle-mèir  est  exct^llenle,  je  le  pnx*lame 
hautement,  cl  je  pivvois  qu'Edouard 
s«ra  heuivux  de  notiY  Ih>u  actxml.  H 
aime  tint  sa  mèir  ! 

Ecris -moi,  clièir  amie,  j\ii  l>esoiu  de 
savi»ir  ta  |M'ns<V  sur  tiuil  ceci.  Il  faut  me 
n'i>ondiv  uint  tiuatn  retard ^  entends- tu, 
Clémence!* 

Je  l'ainv '•*  '•♦  |\i..îii  i<^». 

1     •  Bk\imo>t.  »• 


90 


TUAVAUX  A    L\\ÏGUILLE. 

Calinc.  —  Finir  rir])npicr,'' —  Bonnet  de  femme.  —  Crochet  carré.  —  Album  en  Inngiics  clran- 
ccres.  —  3Iu-:iiiue  nouvellr.  —  Ani  culinaire  :  Navets  aux  pommes  de  terre.  —  Carottes  à  l'ita- 
liiMine.  —  LUdiU'llcs  au\|  pommes  de  terre.  —  Omelette  au  rlium.  —  Pharmacie  domestique: 
Klixir  odontaluiiiiie.  —  Arnica  liquide.  —  Collyre.  —  Tuavaux  a  l'.mguii.i.e.  —  Brode; ies- diverses. 


Aux  l»als  luxueux  ont  succédé  les 
concerts  ;  c'est  encore  ,  ma  elicre  Adèle , 
une  occasion  de  se  paier,  ])ourles  femmes 
surtout.  J'ai  vu  cet  liiver  deux  Inls  seu- 
lement, et  j'en  suis  revenue  clfrayéc,  c'est 
le  mot,  de  la  licliesse  des  toilettes.  Dia- 
mants, perles  ,  or,  argent ,  dentelles  ma- 
gnifiques, couronnes  de  ilenrs,  couronnes 
de  fruits,  admirables  d'exécution,  en  un 
mot  tout  ce  que  la  fantaisie  peut  créer  de 
plus  brillant ,  de  plus  éclatant,  tout  ce 
que  le  désir  de  paraître  riche  et  à  la  mode 
peut  faire  dépenser  en  une  seule  soirée  : 
voilà  ce  que  j'ai  vu  ;  et  lorsque  le  lende- 
main uia  tante  et  mol  nous  avons  calculé 
centime  à  centime  et  la  bien  petite  som- 
me obtenue  à  grand'peine  pour  notre 
fraicrniic ^  puis  le  nombre  des  besoins  à 
soulager,  nous  avons  ressenti,  toutes  les 
deux  ,  quelque  chose  d'amer  et  de  pro- 
fondément triste!  Hélas!  et  moi  aussi, 
j'ai  dépens  '  pour  ces  deux  bals  plus  que 
je  n'aurais  voulu!  Pourtant  j'y  ai  ap- 
porté une  grande  économie  ;  mes  jupes 
de  tulle  avaient  déjà  servi  l'an  dernier, 
ainsi  que  le  dessous  en  talfitas  d'Italie  ; 
mais  il  a  fallu  des  rubans  pour  renouve- 
ler les  garnitures  ,  quelques  fleurs  pour 
ajouter  à  ma  coiffure.. .  des  gants,...  que 
sais-jel...  ^lon  oncle  a  cherché  à  me  con- 
soler en  me  disant  que  ces  dépenses-là 
fout  vivre  une  multitude  d'ouvriers  et 
d'ouvrières.  Je  le  sais  bien  ;  je  sais  aussi 
que  donner  du  travail  vaut  mieux  que  de 
donner  l'aumône...  Mais  par  un  hiver  si 


rude,  si  long,  il  v  a  tant  d'industries  qui 
manquent  de  ce  travail  quotidien  cpii  est 
le  seul  revenu  de  pauvres  familles!...  Ne 
doit-on  donc  rien  à  ces  j^auvres  familles? 
.Te  n'ai  accepté  du  moins  que  ces  deux 
invitations  ;  les  refuser  c'eut  été  blesser 
des  personnes  à  qui  nous  devons  .beau- 
coup. ..  Quant  aux  autres,  elles  ont  été 
comme  non  avenues. 

Toi  aussi,  chère  amie,  tu  es  raison- 
nable. Tu  n'as  pas'  voulu  renouveler  ta 
sortie  de  bal  ;  et  tu  te  trouves  embarras- 
sée, me  dis-tu  ,  parce  que  tu  es  obligée 
pourtantd'aller  encore  à  quelques  soirées, 
à  des  concerts,  et  que  cette  sortie  n'est 
])lus  mettable.  Le  tenij)s  ('tant  moins 
froid,  une  caluic  peut  S'.iilire  pour  cou- 
vrir la  tète  sans  déranger  la  colilure,  et 
un  ehàle  va  fort  bien  avec  une  robe  de 
soirée,  montante ,  ou  s'ouvrant  sur  une 
guimpe. Voici,  n"  3,  un  excellent  modèle. 

Le  velours  noir  est  l'étoffe  qui  convient 
le  mieux  pour  le  dessus  de  la  câline  ; 
si  tu  n'en  as  pas ,  et  que  tu  n'en  veuilles 
pas  acheter,  choisis  du  moins  une  étoffe 
de  soie  qui  ait  du  soutien  ,  le  gros  d'Afri- 
que ,  par  exemple.  La  câline  porte  G  4 
centimètres  d'ampleur  sur 47  centimètres 
de  profondeur.  Les  coutures  nécessaires 
pour  arriver  à  cette  ampleur  se  font  de 
chaque  côté  du  lé  du  milieu,  taiflé  dans 
Ir  sens  de  l'étoffe;  elles  disparaissent  com- 
j)létement  dans  le  velours.  On  double  la 
câline  avec  du  taffetas  rose  ou  blanc, 
légèrement  ouaté  et  piqué.  Tu  attaches 


91 


le  dessus  sur  la  doublure  au  iiioyiii  d'un 
ourltt  de  14  cciilimètrrs,  ce  qui  lait  que 
la  câline  ne  porU',  en  n'alité,  que  33 
centimètres  de  prolondcur  ;  la  doublure 
ne  doit  pas  être  pins  larj^e  que  cela  ,  3. S 
a'utiniètres,  alin  d'éviter  de  lorinci  uut* 
trop  lorte  épaisseur,  lorsqu'en  posaiit  la 
câline  sur  ta  tète,  tu  rabats  le  larjjc 
oinl(  t  siu"  le  fond  (de  U  centimètres  en- 
viron), ainsi  que  te  le  montre  le  dessin 
n"  3.  —  11  faut  à  juésent  plier  en  deux 
la  câline  et  la  coudre  j)ar  derrière.  Tu 
fais,  dans  le  li.uit ,  cinq  plis  assez  pro- 
fonds, pour  qu  à  p.n  tir  du  sommet  de  la 
tète  à  la  nuque,  le  fontl  ne  poi  te  (|ue  I(j 
centiu. êtres  de  liauteur;  au-dessous  des 
plisdoitse  trouver  un  espace  uni  et  liant 
de  7  centimèties.  Altaclic  un  n(eud  de 
ruban  à  la  place  indiquée  sur  le  des^in; 
couds  l«s  brides  en  dedans,  de  cIkkjuc 
côté  des  joues,  à  la  liauteur  de  12  cen- 
timètres et  à  la  profondeur  de  9  cen- 
timètres. Pose  la  c.dine  sur  ta  le  te  , 
api  es  avoir  rabattu  Tonrlet  sur  le  fond 
comme  je  te  lai  dit;  nt)ue  les  biitles, 
et  vois  si  tu  n'es  pas  ainsi  fort  [gracieuse- 
ment coi  lice  .* 

Puis(pic  (n  ne  possèdes  pas  la  hoite 
de  Prévost  W  entzc  I,  qui  contient  t(»ut  ce 
qu'il  faut  pour  f  lire  des  lit  urs  en  papier, 
je  vais  te  donner  le  moyen  d'y  supph'er 
et  d  exéculir,  sans  outiis^  une  renuiu  nie. 
dont  le  n"  4  te  présente  le  patron. 

Rirn  de  frais  et  de  joli  comnii-  nn  bou- 
quet de  renoncules  doulilis  de  toutes  les 
cuuK'ins.  Le  rose,  le  roU{;e,  le  blanc,  le 
jaune  réussissent  é'{;alenie.it. 

JK'coupe  dix  fois  le  patron  ii"  1 ,  en 
])apier  à  Heurs.  Ceci  fait,  prenils  t  i  pe- 
lutli',  un  prlit  «  tni  ,  et,  av«*c  cet  »  (ni, 
creuse  ,  (;aulre  sur  1 1  pelotle  clmcun  ilcs 
liuit  pé'tales  dont  se  compose  le  n"i.  (><'tle 
opération  fiile  pour  t<s  tlix  ian{;écs  de 
liuit  peules,  prends  du  lil  de  fer,  forme 
un  eroebet  à  son  extrémité  et  entoure-lr 
de  colon  cardé,  noir,  ou  vert,  suivant  la 


couleur  de  la  renoncule  \  le  noir  sied  aux 
pilait  s  routes,  le  vert  aux  pi'tales  roses 
ou  jaunes.  Quand  ce  ca'ar,  espèce  de 
bouton  alion/jé',  te  parait  être  assez  [;ros, 
tu  le  (;ommes  légèrement ,  afin  que  le 
coton  ne  se  s«'pare  pas.  Kntoure-Ie  d'éta- 
mines  fiites  avec  des  bouts  de  lil  noir, 
j^ommé,  coupés  d'égale  lonj^ueur.  Tivui- 
j)e  dans  ta  {]omme  rexirémilé  supérieur 
de  ces  bouts  iK-  lil,  puis  dans  de  la  sciure 
de  buis.  Laisse  sécber.  Il  n'v  a  plus 
maintenant  qu'à  enfiler  l'une  après  l'au- 
tre cbacunede  tes  dix  ranj^ées  de  pétales. 
I^ntre  cliacim,  tu  mets  un  \w\\  de  rouunc 
;iliii  de  le  coller  l'un  à  l'autre. 

Découpe  sur  ce  même  n"  4  une  éloi'c 
«n  jiaj'iei  verl  ;  lien  ile  j)lus  facile  que 
de  terminer  en  pointe  cbacune  des  liuit 
parties  (pie  présente  le  patron  ;  {jaufre  lé*- 
j^jèrement,  place  ce  calice  à  la  suit»*  il«*s 
dix  ranpjées  de  p<'tales,  cl  la  renoncule  <jsl 
faite.  Tu  devrais  prier  ta  mère  de  le  don- 
ner la  boite  et  Xouttl'agrUc  Prévost  Wenl- 
/<'l,  21)0,  rue  Saint-Denis.  C»tle  l)oite 
reiderme  tics  Imutons  tout  ])répin's,  dos 
feuill.ijjj's  et  des  calie.>.  t. Mil  j;iulrés; 
rien  d»'  plus  conunoile. 

^  oi(  i  le  patron  tle  bavette,  n*  'J  ;  il 
est  excelli'nl.  La  bavette  se  ferme  der- 
rière par  trois  boulons  ;  on  l'assujettit  île 
elia(|uc  côté  au  moyen  de  rubans  ix»u>us, 
r/i-ifiwsouSy  aux  deux  endroil-;  inibqués 
pu  u/if  croix  et  un  c.  Il  faut  t|ue  les  ru- 
bans soit  ni  assez  lon{;N  pour  venir,  en 
pass^mt  sous  les  bras,  s'atlacber  \M\r  ilc- 
vant  à  un  boulon,  ix)usu  de  même  r/i- 
(iesioiis^  à  l'endioit  m.uqué  ilune  r/oix 
seuUnient,  Eu  général  le  piqué  blanc, 
boitlé  d'une  frivolité  en  ruban,  csi  pn*- 
r«  1  ible,|H)ur  bavette,  à  toute aulreélofle  ; 
ei  |UMulant*  celles  «pii  sont  brtHlées  étant 
plus  éléj;anles,  on  en  fait,  j  our  les  ^rantis 
jours ^  en    lattsle   ticuù/c, 

>îa  cousine  tixnivera,  je  crois,  de  son 
(;oi'it  le  bonnet  n"  11,  dont  le  u*  10  le 
donne  le  juiUx»n  irduit  au  ipiart. 


92 


]jC  roiul,  pour  \c  loiid,  ytorlc  ii  ccu- 
ùuu'UcA  de  tllauR'tir.  11  iaul  le  bioclor 
(  n  l'Iciii,  siii'  jacoiias,  à  l'anjjlaise.  Lors- 
(jiu'  la  !)ri)tl(  rie  t\st  j'aite,  lu  le  bordes 
tout  autour  cl  un  entre-deux  eu  valcMi- 
iiennes. 

Taille  double  la  passe  p.  lîrode-la  de 
nièiu(^  (|ue  le  fond.  13orde-la,  ainsi  que 
te  rimiicjue  la  doul)le  li^;ne  i:,  du  uièine 
entre-di  u.\  en  valencicinics,  puis,  de  Tau- 
Ire  eôté  d(;  Tentre-deux,  lu  allacbes  la 
]iasse  A,  taillée  double  toujours,  puis- 
i[uc  le  patron  ue  donne  que  le  pro/îl  du 
bonnet,  (louds  la  ])asse  entière,  ainsi 
prt'jiarée,  à  Fentie- deux  du  fond. 

Il  faut  maintenant  attaeber  autour  du 
fond  et  au  bord  de  Tentre-deux,  ainsi 
que  le  le  montre  le  n^  1 1 ,  un  volant  bro- 
dé à  l'angl  lise,  et  qui  ral)at  sur  la  passe 
p.  Un  volant  pareil  doit  être  cousu  de 
mcme  le  long  de  l'entre-deux  de  la  passe 
E,  de  manière  à  rabattre  sur  la  passe  a  ; 
celle-ei  enfin  doit  être  bordcc  diine  va- 
lenciennes.  Le  volant  et  la  valencienues 
se  cousent  à  plat  sur  le  front ,  mais  il 
faut  les  froncer  tous  deux  sur  les  joues. 
Garnis  ton  bonnet  de  rubans  bleus,  li- 
las,  ou  blancs ,  à  ta  fantaisie,  et  offre-le 
à  ta  mère.  Je  t'ai  envoyé  déjà  tant  de 
dessins  de  l)roderies  anglaises,  que  tu 
pourras  aisément  composer  im  plein  et 
trouver,  pour  les  volants,  un  dessin  ap- 
pi'oprié  à  celui  dont  tu  auras  fait  choix 
pour  le  fond.  Si  tu  ne  veux  pas  prendre 
la  peine  de  chercher,  dispose  un  semé 
avec  le  n<^  12  ;  rien  de  plus  facile:  au  se- 
cond rang  tu  placeras  les  grandes  fleurs 
<7«-f/e^.v/o"  des  petites,  et  toujours  ainsi. 
Pour  les  volants,  entoure  ces  fleurs  d'un 
feston  à  grandes  et  à  petites  dents  for- 
mées dVeillcts  à  jour.  11  faut  s'inf^énicf\ 
connue  le  dit  sans  cesse  mon  oncle.  Les 
^  volants  doivent  être  seulement  coquilles. 
Vois,  pour  le  reste,  à  la  fin  de  ma  lettre. 
Je  veux  cependant  te  dire  un  mot  de 
notre  joli  dessin  de  crochet  carré,  avant 


d'en  venir   à  la  demande  (juc  tu  m'as 
faite  au  nom  de  plusieurs. 

Les  ]>clites  hctcs,  vraies  ou  iV invc/ition, 
ont  la  vogue.  Je  t'en  envoie  donc  pour 
faire  eu  coton  fin  le  rézeau  léger  que  tu 
veux  jeter  sur  un  édretlon.  Exécute  ce  joli 
dessin  autant  de  lois  qu'il  le  faudra  pour 
ol)teuir  la  largeur  etla  hauteur  voulues. 
Très-prochainement  je  t'enverrai  la  bor- 
dure (pii  doit  lui  servir  A' accompagne- 
ment. Tu  peux  aussi  exécuter,  d'après 
ce  dessin,  une  toilette  de  fauteuil  et  une 
najipe  de  toilette,  genre  fort  à  la  mode. 
Je  le  promets  des  choses  charmantes  en 
ce  genre. 

La  demande  f(ntc  par  plusieurs  de  nos 
jeunes  amies  a  été  l'objet  d'une  grave 
délibération.  Nous  manquons  de  place 
pour  satisfaire  aux  désirs  si  divers  qui 
nous  sont  témoignés,  et  le  nombre  des 
voix  en  faveur  de  telle  chose  plutôt  que 
de  telle  autre  l'emporte  nécessairement. 
L'une  de  nous  a  émis  l'idée  d'offrir  à 
nos  jeunes  amies  le  moyen  de  former  un 
album  de  pensées  en  langues  étrangères. 
JMon  oncle  a  applaudi.  Il  trouve  très- 
iiîile  de  donner,  connue  sujet  de  traduc- 
tion, des  pensées  justes,  ren^arquables  en 
elles-mêmes  ;  à  son  avis,  ce  genre  pré- 
sente, sous  tous  les  rapports,  de  grands 
avantages;  d'abord  il  ne  s'agit  pas  de 
traduire  à  coups  de  dictionnaire  un  récit, 
une  description  ;  il  s'agit  de  comprendre 
et  de  rendre  clairement  une  pensée  juste 
et  vraie;  ensuite  cette  pensée  juste  et 
vraie  donne  elle-même  à  penser^  chose 
qui  importe  beaucoup,  selon  mon  oncle. 
Nous  allons  donc  faire  un  essai.  Mon 
autre  Adèle  m'a  apporté,  pour  Xalbum 
en  anglais^  les  pensées  que  voici.  Les 
numéros  nous  aideront  à  nous  mieux  en- 
tendre au  sujet  de  la  traduction,  que 
mon  autre  Adèle  d(>nnera,  si  nos  jcunt  s 
amies  ne  nous  envoient  point  les  leurs. 

—  1 .  —  Wc  understand  any  epoch  of 


93 


tliC  world  Ijut  iil ,  if  \ve  do  not  exaniiiio 
ils  roinancr  :  tlicrc  is  as  inucli  trutli  iii 
tlie  portiy  of  life  as  in  ils  prose. 

—  2.  —  Tlie  passions  are  likc  tlie 
\\  iiids,  oiily  fi'lt  wlicii  tlirv  brcathe,  aiid 
invisible  s:ivc  Ijy  Uicir  t'iKrts. 

—  3.  —  It  is  only  lliioiij'Ji  \\oc  that 
we  are  tauj;lit  to  nlltct;  and  we  gallior 
tlie  lioney  ol"  worldly  wisdoni ,  not  froni 
fJowors,  Ijnt  tliorns  I 

—  4.  —  Jt  is  Jjrttrr  to  sow  a  };ood 
lirart  willi  kindnrss,  tlian  a  firld  wiih 
corn,  lur  tlic  licait's  liarvest  is  per|>e- 
tiial. 

—  ').  —  Our  lliouj^;lits ,  like  nuns , 
oiijjlit  not  lo  {;()  ahroad  uitlioiit  avril... 

—  (3.  —  \Miat  ils  slicll  is  to  llie  tor- 
toise,  solitude  has  hoconie  for  me  —  inv 
protection,  nay,  niv  lifc  î 

—  7.  —  It  stems  to  me  as  if  not  only 
llie  lijini  but  tbe  sonl  of  man  was  ma«le 
<«  to  walk  crect ,  and  look  upon  tlie 
stars  !  » 

—  S.  —  Ilappiness  and  virtiie  react 
npon  cacli  otlier — tbe  best  are  not  onlv 
tbe  bap|)iist,  but  llie  bappicstare  usually 
tbe  brsl. 

—  1).  —  Sliame  is  not  in  tbe  loss  of 
otber  mens  esteem  :  it  is  in  tbe  loss  of 
our  own. 

—  10.  —  btitij;  absences  extin};iiisb 
ail  tbe  false  ii|;bts  ,  lb()nj;b  not  tbe  true 
ones.  Tlie  lamps  are  dead  in  tbe  baïupu  t 
room  of  yeslerday  ;  but  a  tboiisand  vears 
lience ,  and  tbe  stars  we  look  i»ul  to 
ni{;bt,  uill  bnrn  as  bri;;i»llv. 

-^  11. — Wij;bt,  aceordinj;  to  an  old 
K{;v|>tian  creed ,  is  tbe  dark  motlier  of 
ail  lliiiij;s;  as  a|;«'S  Kmv»'  bn  .  tb(  v  ap- 
proaeb  tin*  li;;bL 

iNi»tre  ebarmaiit  cpiubitle  :  Les  belles 
filles  {C lu  Itiit^  a  la  voj;ue.  On  l'a  joué  cl 
ou  l'a  ilansé  dans  tous  les  salons  pendant 
les  derniei-s  bals,  ainsi  cpie  le  Concrrlantf 
autre    (piulrille    expressément   eomposi' 


pour  le  piano  et  à  «juatre  mains,  pa 
Claire  Bertou  ;  on  surnomme  le  concer- 
tant, son  cbef-d'œuvre.  Heujjcl ,  au 
Ménestrel^  rue  A'ivieune,  Ta  publié  ainsi 
que  Cn  conte  de  grand' mci e  ^  romance 
dédiée  à  -M""  Lefébure  Wely. 

J'ai  entendu  dernièrement ,  avec  un 
plaisir  bien  vif  1 1  une  éuiotiou  bien 
douce  ,  trois  nouvelles  mélodies  de 
M.  ^  ervoite,  l'babile  maître  île  cbapellc 
de  Rouen  :  Pauvre  mère  1 —  Enfant^  mon 
seul  espoir  !  Le  cliant,  raccompa{jnemenl 
sont  au-dessus  de  tout  éloj^e.  I)e  ces 
trois  morceaux ,  il  y  en  a  un  à  deux , 
trois  ou  quatre  voix,  avec  cbo-ur  :  Prière 
à  l'a/ii^c  i;arilicn,  hcs  paroles  de  M.  l'ablH' 
Picard  ont  inspiré  au  compositeur  une 
mélodie  simple  et  toucbanle  connue  la 
poésie  même.  L'aecompaj^uement ,  au 
dire  des  connaisseurs,  joint  au  sentiment 
exquis  de  l'expression ,  la  science  de 
Ibarmonie.  Ces  trois  jolis  luoreeaux  ont 
paru  cliez  !Meissonnicr. 

Vn  {jrand  noud)re  de  nos  anïies,  l>on- 
nes  ménajjères,  demandent,  de  leur  côté, 
des  recettes  ctiU/mires  afin  de  varier  au- 
tant (pie  possible  le  service  de  la  Lable, 
toujours  embarrassant  en  caivme  ,  dans 
les  pavs  où  n'abonde  pas  le  |>oissou. 
Voici  queUpies  retvltes  eu  attendant  les 
découvertes  (pi'aura  pu  faiiY  Cai-oline  en 
courant  le  nK>nde;  j'y  ai  joint  d*autn*s 
recettes  pour  la  j>etile  pharmacie  dômes* 
titjite. 

Au  revoir,  clicre  amie, 

AxMCA  Bbicog^k. 


AHT   ClLI.WinE. 

Mavets  av "if nés  de  terres'  ■'•   '• 

vt  .  i^Kntn'UHls.; 

i*rrn«N  dn  ravHi  dr  FrrnruAf»:   falt.ln  nilr»  à 

IV >  "     •       • 

loi 
f.il 
un 


-ux,  a  ton  %tf,  »u|  pri- 


94 


mer  les  pommes  de  terre,  et  le  contenter  tle^miMer, 
a  une  sauce  lilauclie,  de  la  moutarde,  et  de  la  servir 
avtc  les  na\el». 

Carottes  frites.  —  Carottes  à  l'italienne. 
(Entivmets.) 

les  droites  frife>  sont  fxrel'entes.  Tu  les  pèles, 
tu  les  coupt-s  en  ri>ndrlles,  et  après  les  a>oir  fait 
M.iiichir  un  nn)inent,  lu  les  j«  lies  dans  la  Inlure. 
F.n  peu  de  temps  elles  sont  eiiilcs.  Relire  el  acrvez 
cfiaiid.  La  friture  a  VtmUc  est  très-l)i'lle  et  très- 
bunne. 

LesNeux-lu  en  entremets  sucre?  Prépaie-les  «  /'/- 
talicnuf.  —  Coupe  par  filets  minces,  750  «grammes 
de  carottes;  fais-les  blanchir,  puis  ejiouller.  Tu  les 
mets  en.Miile  dans  une  casst  rôle  et  tu  les  couvres 
d'eau  Ixmiliante;  ajoute  500  ;;rammes  de  sucre. 
Des  que  l'eau  est  réduite  à  moitié,  ajoute  du  /.este 
de  citron.  Fais  bouillir  encore,  lorsqu'il. ne  reste 
pius  qu'en\iron  trois  cuillerées  île  .sirop,  presses-y 
le  jus  de  deux  citrons.  Prends  un  moule  de  la  forme 
(jue  lu  \oudras;  verses-y  l'appareil  (cVst  le  mot 
technique),  et  sers.  , Ce  jo//  ei  excelUnt  enlremets 
peut  faire  pendant  à  une  cliarlotle  russe;  a  la  pre- 
mière vue,  il  a  loute  l'apparence  d'un  gâteau  com- 
pose de  quartiers  d'oranj^es.  Tu  p.  ux  découper  les 
carottes  de  manière  à  rendre  VUIksiou  complète. 

Boulettes  aux  pommes  de  terre. 

Ma  tante  m'a  enseigné  trois  manières  de  faire  de 
boulelles  aux   pommes  de  tei  re.  La   première  sert 
pour  une  entrée. 

1»'^"  manière.  —  Eiitire. 

Tu  fais  un  liaclùs  de  poisson,  saumon,  turbot,  an- 
guille de  mer,  cuit  d'axance  au  court-houiUon  ;  tu  y 
mêles  des  pommes  de  terre  jaunes  cuite»;,  épluchées 
et  pilees,du  ht  urre,du  !-el,du  poivre.  pei>il,  ciboule, 
le  tout  bien  hache,  bien  pile  ;  ajoute  deuxd-ufs; 
mêle  encore  avtc  soiu.  Prépare  avt  c  cette  pâte  des 
boulettes  «le  la  grosseur  d'un  œuf;  trempe- les  dans 
du  blanc  d  œuf,  fais  frire  et  s-rs  sur  une  sauce  pi- 
quante, ou  sans  s^iuce,  mais  alors  couronne  le  tout 
de  persil  frit.  QuauJ  tu  voudras  ces  boulettes  au 
gras,  tu  remplaceras  le  hachis  de  poisson  par  un 
bachis  de  viande. 

S*"  manière.  —  Hors-d'œiivre. 

Fais  cuire  h  Teau  des  pommes  de  terre  jaunes  ; 
épluche-h.'-,  pil(-l(  s  toutes  chaudes,  et  ajoute  deux 
ou  quatre  œufs,  suixanl  le  nombre  de  tescouvi\es; 
on  ccmpte4  œufs  pour  .^ix  personnes;  ajoute  ensuite 
un  pt^u  de  crème,  p(r>ii,  sel,  epices;  mêle.  La  pâle 
est  laite;  la  fr.luce  eatcluude.  Prends  de  cettt;  pale 
au  bout  d'un  couteau,  environ  le  quart  d'une  cuil- 
lerée a  buuche,  fais  glisser  dans  la  friture  ;  continue; 
retire  à  me.NUie  que  les  boulettes  sont  dorées,  mels 
à  égoutler,  et  sers  chaud  ce  mels  appétissant. 

3^  manière.  —  Entremets  et  hors-d'ccu- 
vre,  si  l'on  veut. 

Pile  de  même  les  pommes  de  terre  jaunes,  cuites 
el  épluchées.  Quand  la  pâte  lient  ferme  au  mortier 


I  jelles-y  un  l)on  morceau  de  beurre,  pile;  deux  cuil- 
I  lerées  de  crème  cuite,  pile  encore  ;  une  cuillerée  de 
sucre  en  poudre,  pile,  ilu  sel,  puis  un,  deux,  trois 
(eufs  l'un  ai)rès  l'autre,  plie  encore.  La  pâte  doit 
être  ferme,  mais  pas  dure.  Ci>u\reun  coin  de  la 
tahle  de  farine,  mels  la  p:Ue  sur  la  table,  ilécoupe- 
la  de  la  tiii)>seurde  petits  u-ufs;  roule  ceux-ci  dans 
la  f.irine.  Pendanl  ce  temps  la  ca>serole  dans  la- 
(juelle  lu  as  mis  un  bon  morceau  de  beurre  est  sur 
feu;  le  beurre  est  bien  chaud,  sans  être  noir,  lu  y 
jettes  tes  lM)Ulelte5,  tu  les  retournes  jusqu'à  ce  (|u'el- 
les  soient  bien  dorées;  servez  chaud  sans  accompa- 
gnement d'aucune  espèce. 

Omelette  au  rhum.  (Entieniets  sucn''). 

Bals  en  neige  les  blancs  de  six  œufs;  mêle  aux  jau- 
nes un  peu  de  ze.slc  de  citron  ;  ajoute  les  blancs  aux 
!  jaunes,  un  peu  de  crème,  un  scapule  de  sel  blanc  ; 
mêle  bien.  l''ais  cuire  à  la  poêle  comme  de  coutume 
et  .sucre  pendant  que  l'omelette  cuit.  Renverse-la 
sur  un  plat  des  qu'elle  e.'t  ctùte,  non  pas  en  chaus- 
son, mais  sens  dissns  dessous.  Arrose  abondamment 
avec  du  rhum,  et  mels  le  feu  au  moment  de  servir 
sur  la  table. 

rilARMAClE    LOMFSTIQLE. 

Elixir  odontalgiqne. 

Je  l'enga'^e  à  profiter  du  soleil  de  mars,  de  ce  so- 
leil qui  ciiautle  si  vivement,  pour  faire  l'elixir 
odontalgiqne  dont  je  l'ai  i>arlé,  et  qui  soulage  si  ra- 
])idement  le  mal  de  dénis.  Voici  la  recette;  elle  est 
éprouvée. 

Mels  à  infuser  pendant  quinze  jours,  au  soleil, 
dans  une  bouteille  de  litre,  ou  lu  auras  versé  le  con- 
tenu d'une  bouteille  ordinaire  de  bonne  eau-de-\ie: 
—  1°  gayac  en  poudre,  31  grammes  (une  once). — 
2"  racine  de  pyrèthre  conca.ssée,  31  grammes.  — 
3"  Clouds  de  girofle  concassés.  8  grammes  (2  gros). — 
Les  quinze  jours  écoulés,  lu  lillres  a  lra\ers  un  en- 
tonnoir de  papiiT  gris  double,  placé  dans  un  e.  ton- 
noir  de  verre. — Puis  tu  ajoutes  150  gouttes  d'essence 
de  menthe  éll.éré*  (mè  ée  d'elher;;  tu  secoues  for- 
tement la  bouteilie,  après  l'avoir  bien  bouchée;  tu 
transvases  dans  de  petites  fioles  que  tu  bouches 
soigneusement  et  que  tu  cachetés  en  cire.  Quelques 
gouttes  de  Cet  élixir  dans  un  quart  de  \erre  d'eau 
tietle,  suflisenl  pour  entretenir  les  dents  saines.  Pour 
Calmer  la  di/U'etir  d'une  mauvaise  dent,  il  faut  im- 
biber un  peu  de  coton  avec  l'élixir  o.!(tntalgi(|ue  et 
placer  ce  colon  sur  la  dent  malade.  On  doit  secouer 
la  bouteillechaqiiefois.  avanlde  prendrcde  l'élixir, 
parce  que  re.ssence  de  menlhe  surnage  el  viend'rait 
en  trop  grande  abondance. 

Arnica  liquide. 

Quant  à  l'arnica  liquide,  si  merveilleux  à  em- 
ployer pour  les  contusions,  les  chutes,  les  cou- 
pures mêmes,  rien  de  plus  facile  (pie  d'en  avoir 
toujours  sous  la  main.  Mets  a  infuser  .SI  grammes 
de  fleurs  d'arnica  sèches  dans  troi.s-quarls  de  litre 
d'esprit  de  vin  ;  bouche  bien.  Au  bout  de  huit 
jours,  l'arnica  liquide  est  prêt.  Tu  peux  laisser  la 
fleur  dans  la  bouteille.  On  en  lait  prendre  quelques 


05 


Coultcs  dans  un  \cne  dVan  sucré»'  au  mniiifiit  ou 
la  rhute  a  eu  li»u.  On  en  imbibe  ensuite  «les  com- 
presses qu'on  met  s-ur  la  parli»?  contusionnée  ou 
meurtrit'.  Sur  lt  s  coupure»,  la  douleur  est  \i\e, 
mai*  IVff.-i  est  s;ilulaire,  «urtoul  s'il  y  a  eu  contu- 
sion. Ma  tante  pre.'ere  cependant  employer,  pour 
les  simples  coupures,  du  persil  pilé  avtc  du  sucre 
en  poudre  et  un  peu  d'huile  d"oli\es. 

Co'lijic. 

^'()lci  le  r(  mcde  très-simple  rlont  ma  l.inle  f.iit 
iis.i;;e  lorsipie  mon  oncle  souffre  de  l'iiifl  imm.ition 
aux  yeux,  a  laquelle  ses  traxanx  le  rendent  si  sujet  . 
—  Ln  blanc  (iauf  battu  en  ncij;e.  On  y  ajout*  en- 
suite de  l'eau  de  rose.  Le  hoir,  on  étend  ce  c<»llyre 
avec  un  pinceau  ou  une  barbe  de  plume  sur  les 
yeux  fermes  ;  point  de  bande.iux  ni  de  compresses. 
Le  lendeniain  on  .*e  lave  les  yeux  h  l'iau  fr.iicbe.  Si 
1  mfliinim.ilion  est  urave,  il  l.inl  repeler  l'opération 
plusieurs  fois  dans  la  Journée,  en  laissant  chaque 
foi.s  séchrr  le  collyre.  L.i  guérison  est  d'ordinaire 
très-rapide. 

tr.walx  a  l'aigiille. 
Col  au  trio  t  ii"  1. 

Monte  30  mailles,  t 
l'e  raïKjce,  a  l'endroit. 

1  maille  unie,  —  1  rcirécie,  —  1  au;:meiité-',  — 
1    unie,  —  1  rélrecie,  —  1  au^^menlt^,  —  IS  unies, 

—  1  iiutiiiientée,  —  1  rétrécie,  —  1  atipmentce,  — 
1  rétrécie, —  1  augmentée, —  1  rctréce. 

2<-  ratiijée,  à  l'enver». 

22  nidille*  unie?.  —  1  rétrécie,  —  1  augmenté*,  - 
1  unie,  —  \  rétrécie,  —  1  augmentée,  —  3  unies. 

3-   raiti/ee,  a  l'endroit. 

1  maille  unie,  —  t  rétrécie,  —  1  augmentée,  — 
1    unie,   —  1  réirécie,  —  l  augmentée,  —  H  unies, 

—  1  augmentée,  —  1  réirecie.  —  i,  unie>,  —  1  aug- 
mentée, —  1  rélririe,  —  1  augmentée,  —  1  retrecie, 
1  .itigmenli-e,  —  1  rétrécie. 

4e  rtiHgéf,  comme  l.i  2n»«-. 

S--  rtinf/re,  a  l'endroit. 

1  maille   ui'ie,  —  1  rétréci»'.  —   1   augmentée,  — 

1  unie,  —  1  rétrécie,  ■  -  |  augmentée.  —  9  uniiii.  — 

2  nnginentees,  —  1  retrecie,  —  7  unies,  —  1  aug- 
menlt«e,  —  1  rétrécir,  —  1  augmentée,  —  1  rétrécie, 

—  1  augmentée,  —  1  rétrécie.  • 
fi<-  riiii'jrr,  a  l'envers. 

15  mailles  unies.  —  1  h  l'endroit,—  8  unie*.  — 
1  retrecie,  —  1  nu;:mpnlee,  —  1  unie,  —  1  rétréci'-, 

—  1  augmentée.  —  3  tmles.   • 
7r  raiigre,  a  l'endroit. 

I  maille  uni»-.  —  \  ré'n'Tle.  —  \  augmrntir,  — 
1  unie.  —  I   relrerlr,  —  1   augmenlee,  _  15  iinle<, 

—  1  augmentée,  —  1  retnS'Ie,  —  2  unle«,  —  \  auit- 
mrnli«e,—  1  rétrécir,  —  i  augmentée,  —  1  retréc.e, 

—  I  augmentée,  —  \  relrrde. 
8r  itinijff,  coiDme  la  'fmr. 
9r  ruHiffi',  a  l'endroit. 

1   maille  unie,  —  1    retrecie.  —  1  augmenter,  — 

1  unie,  —  1  rétr^lr,  —  i  augmenli>r,  —  8  unies,  — 

2  augmentée».  —  1   rétrécie,  —  3  augmealers,  — 


2  unies,  —  2  augmentées,  —  1  rétrécie.  —  5  noies. 

—  1  augmentée,  —  1  rétrécie,  —  1  auun. entée,  — 
1  retrecie,  —  1  augmenter,  —  1  rélrécie. 

10e  raiiijee,  a  l'envrr». 

13  main. -s  unies.  —  la  rendntil,  —  3  unie*.  —  1  a 
l'endroit,  —  3  unies,  —  la  IVndnul.  —  7  unies.  — 
1  retrecie,  —  1  augmentée,  —  1  unie,  —  1  retrecie, 

—  1  augmentée,  —  13  unies. 
11*  rnn'jée^  à  Pendroit. 

1  mal  le  unie,  —  1  réirecie,  —  l  angmei.tee,  — 
1  unie,  —  I  rétrécie,  —   !  augmentée,  —  19  unies. 

—  1  aiismentee.  —  I  letrecie,  —  1  unir,  —  1  retre- 
cie. —  1  aii;:menlé«*,  —  I  retiecir,  —  1  augmenter, 

—  I  réirécie,  —  1  augmentée,  —  1  rétrécie. 
12e  ranijèe,  con^me  la  ?«"*. 

13e  rauijéc,  a  l'endroit. 

1  maille  unie,  —  1  relrérie,  —  I  aapm»-nl''-.  — 
1    unie,  —  \  relrecie. —  1  augmenter,  —  11   Hiur». 

—  2  augmentées.  —  1  retrecie.  —  ?  unir«,  —  1  re- 
trecie. —  1  augmentée,  —  1  rétrécie,  —  1  augmeu- 
tee,  —  1  réirécie.  —  1  augmentée,  —  1  rétrécir. 

He  raiiyéf,  a  l'envers. 

6  mailles  unies,  —  1  rétrécie,  —  9  unie*,  —  1  a 
l'endroit,  —  9  unies,  —  1  retréor,  —  1  ausmenler, 
--  1  unie,  —  I  rétrécie.  —  I  augmentée,  —  3  unies, 

15«-  rangée,  à  l'endruit. 

\  maille  unie,  — 1  rein-c:e,  —  1  a-!gmeii'ee. — 
1  unie.  —  1  rétrécir,  —  1  au^raeiih-r.  —  17  'inirs, 

—  1  augm«-nt»e,  —  1  retrecie,  —  i  Unie,  —  l  retre- 
cie, —  I  augmentée,  —  I  rétrerie,  —  l  augoienlet-. 

—  i  rétrécie,  —  I  augmenter,  —  l  relréclr. 
IGe  rangée,  a  l'enver*. 

C  mailles  unies,  —  1  retncie,  —  17  noies.—  I  ré- 
Ire*  ie,  —  1  augmentt*,  —  I  uuie, —  l  rétrécie, — 
1  augmentée,  —  3  unies, 

l7e  rangée, à  l'endroit. 

1  maille  unie.  —  1  rétr»-.  le.  —  l  aii;.iii«  nU-e.  — 
1  un  e,  —  1   rétrécir, —  1  augmenter.  —  18  unie», 

—  1  rétrécie.  —  1  .iu.:mentr«',—  1  rrirrc.r,  —  l  aiig- 
nientee,  —  1  relrec;e.  —  l  augmenter,  —  1  reirecie. 

1S«  rangée^  h  l'envers. 

fi  mailles  unlrs.  —  1  rrtrrcie,  —  16  unies,  —  1  ré- 
trécir. —  1  aiismenter,  —  I  unir,  —  1  nelrrclr,  — 
i  an;:nieiiter,  —  3  un|e«, 

\'y   ni'i'jrr,  a  l'endrolf. 

1  maillr  unir,  —  1  rétrécir.  —  1  au.;roentér.  — 
i  unie.  —  1  rétrécir,  —  1  augmenter.  —  15  unir», 

—  1  augmenté»'.  —  1  rétrécir,  —  2  unir».  —  I  au»- 
mentér,  —  1  rétrécir,  —  I  .lugmenlér,  —  t  rétrécir. 

—  1  aujimrntec,  —  1  rétrécir. 
20r  rani/re,  comme  la  2*. 
Urrommencr  a  la  V  ranari*. 

Ton  col  étant  arrivé  à  la  Kramlrur  cnitirenablr,  il 
te  f«iil  girnir  1rs  l»«iilv    ■ 

menée  .i  trlr^der  A  un  !  -  m 

aiguille  rt  faU  une  matilr  unir,  —  1  retrrcir,  — 
I  unir,  —  1  reirecie. 

i»  mnqff,  fi  maillet  unir*  à  Pra^m,  uor  malllt 
priM»  d  il        '  'ol. 

.V  r.(  t. 

1  maillr  reirrcir.  —  I  au|nneo(rr.  —  f  rélréde,  — 
i  «u,;mrnler,  —  I  rrlrrv-le. 

4*  rangpt  unie,  a  l'rovrr». 

Rrciimmencr  la  S"»*  et  la  k—  rangée  Allemalivr- 


—    1 


96 


ninil,  jusqu'à  ce  quo  le  bout  du  col  soit  tormitu'. 
D>'  même  pour  le  si'coml  cote  :  lu  garniras  ton  lol 
{l'un  [ii'ot. 

L\cp/icatio}i  de  la  jflanc/ic  de  Broderies. 

K"  I.  —  Col  en  tricot. 

^  •  ±  —  Dcnlclle  au  point  de  crochet.  Le  dessin 
csl  si  l)ii  n  fait,  qu'une  explication  nu'  p.irait  in- 
utile. Kxectilee  in  iil  (l'iiiande  lin,  celle  pelilc 
dentelle  e>l  charmante. 

K"  3.  —  Câline. 

IS"  4.  —  Patron  de  fli-urs  en  papier. 

N'i  5.  —  Kcusson  pour  mouchoir  à  broder  en 
point  de  feston  el  point  d"  chaint-lle  ou  plumelis. 

IS"»  6,  7  et  8.  —  Col,  manchelle  et  entre-deux 
pour  le  peijînoir  du  mois  dernier. 

IS"  9.  —  Bavatle  d'enfant. 

K<^»  10  et  II.  —  Patron  el  ensemble  d'un  bonnet 
du  UMlin.  Ce  patron  sort  des  magasins  de 
Mile  Êleonore  Chamhrey,  36,  rue  Neuve -S.iiiit- 
Kustache,  (jui  a  acheté  le  fonds  de  Mme;,  (iuicliard. 
Je  rei-ommaade  Mlle.  Chambrey  à  toutes  nos  jeu- 
nes amies. 

IS'o  12.  —  Enire-deux  en  broderie  anglaise. 

(grande  Édition.) 

No»  13  et  U.  --  Passe  et  volant  pour  un  bonnet 
à  broder  à  l'anglaise  sur  jaconas. 

No  iô.  —  Piécette  pour  chemise  de  femme,  dite  k 
la  Raphaël,  plumelis  et  oeillets  à  Jour.  Je  t'ai  en- 
voyé une  piécette  pour  chemise  montante;  celle-ci 
est  pour  chemise  décolletée.  On  dispose  les  fronces 


sur  la  poitrine  et  par  derrière  comme  pour  un® 
blouse  à  piécettes.  Le  haut  se  garnit  d'une  petite 
valenciennes  cousue  à  plat. 

N"  16.  — Co(|uille  en  broderie  anglaise.  Ce  joli 
dessin  peut  se  broder  sur  le  devant  d'une  robe,  en 
tat)lier,  par  rangées  élagées  au-dessus  l'une  de  l'au- 
tre. Le  rang  du  haut  porte  t8  centimètres, de  large. 
Tu  places  une  coquille  de  cha(|ue  côté,  et,  entre  les 
deux,  la  fleurette.  Au  second  rang  tu  places  une 
cociuillc  (le  ctiaquecolé,  et,  entre  les  deux,  /ro/s  fleu- 
reltes.  Tu  vas  ainsi  au;;mentant  de  deux  fleurettes 
dans  le  milieu  à  chaque  rang,  jusqu'à  celui  du  bas, 
qui  doit  élre  large  de  36  à  40  centimètres.  Je  t'en- 
V(rrai,  le  mois  prochain,  le  même  dessin  en  plus 
p;'tit.  Tel  que  le  voici,  il  donne  une  élégante  bor- 
dure de  jupon. 

No  17.  —  Coin  de  mouchoir  riche.  Plumelis  et 
œillets  a  jour* 

No  18.  —  D  'ssin  de  eol  riche.  N'est-il  pas  char- 
mant, ce  dessin? Tout  le  pointillé  au  point  d'armes, 
nervures  des  feuilles  au  plumelis,  et  cordonnet  lin. 
Petits  œillets  à  jour,  en  cordonnet  lin  et  bien  régu- 
lier. Les  parties  quadrillées  en  lésion  lin,  les  olives 
il  jour  de  même,  et  les  intervalles  en  points  à  jour 
ou  en  points  de  dentelle  ,  après  avoir  enlevé  toute 
la  mousseline.  Les  dents  des  feuilles  en  point  de 
feston  mat,  coton  très-lin.  Le  col  terminé,  tu  gar- 
niras les  dents  d'un  picot  de  dentelle. 

No  19.  —  Dessin  pour  porte-monnaie,  à  exécuter 
sur  canevas  de  soie.  La  coquille  doit  être  nuancée 
de  gris  et  de  rose  p.àle  ;  les  branches  de  corail  rouge 
vif  et  rose. 

Nos  20  et  2Î.  —  Bordure  pour  porte-ci garres  et 
bourses  h  exécuter  au  point  de  crochet  plein. 


tLES  JEUX  DU  SPHINX. 

|CHARA.DE.l 

Si  VOUS  voulez,  mes  aimal^les  lectrices, 
Que  l'on  vous  donne  un  jour  le  nom  de  mon  prciuifr, 
Songez  dès  à  présent  sous  de  rudes  ciliées 
A  cacher  vos  attraits,  à  vous  mortifier. 
En  vous  créant  si  la  nature 
Ne  vous  a  pas  permis  de  porter  mon  dernier, 
Vous  n'en  montrez  pas  moins,  dans  mainte  conjoncture, 
Tout  le  courage  d'un  guerrier. 
Voici  l'instant  d'en  faire  usage  : 

A  mon  entier  le  feu  vient  d'être  mis  I 

Tout  sVinbrase...  Et  déjà,  rejetés  sur  la  plage, 
On  ne  voit  plus  que  cendre  et  que  débris  I 

GUERNU. 


Le  mot  du  dernier  logogriphe  est  Méphis,  dans  lequel  on  lioiive  éit.is  —  iris  —  nis. 


97 


ÉDUCATION. 


Ui2i2ïlîii^^^::j 


y  -►* 


^     :lîJii^i 


^» 


LES  lIElRtS  DE  SOLITl  DE  (1). 


L  INDOLEISCK. 


L.i  modo,  cette  loi  siiprcine  de  ceux 
qui  vivent  selon  le  monde,  ne  met  jauiais 
eu  honneur  que  nos  (h'fauts  et  nos  vices. 
Cette  assertion ,  mes  filles  aimées,  n'est 
ni  liasard«'e,  ni  injuste,  vous  le  reconnaî- 
trez lorsque  vous  aurez  acquis  (|url(|ne 
expérieuee.  I)"i(  i  là,  n'déeliissez  sin- les 
erreurs  dans  lesquelles  le  bestnu  de 
plain*.  l'amour  de  la  louante,  entraînent 
les  fenimes  surtout  ;  je  vous  vi\  ai  d«'jà 
fait  remarquer  quel(|ues-uues  ;  puis  sou- 
venc/.-vous  de  ce(|ue  vous  avez  pu  obser- 
ver ou  entendre  raconter  de  celles  de  e(S 
luo<les,  (jui,  dans  1«'  {;rand  monde,  trans- 
forment en  iunnzoncs  ^  en  Imniirs  ^  des 
fenmies  d'une  or{;anisation  lailtle,  ou 
l)i(  Ut  11  j>;\Iesel  nonciialantcs  crro/rs,  tles 
feuunes  liicn  constitut'es,  mais  (|in  tra- 
vaillent avec  une  merveilleuse  persévé- 
rance à  détruire  tout  ce  qui  annonce  eu 
elles  une  sanl<'  rol>iiiU\  et  à  se  rendre 
compK't»  nu  m  incap.diles  d'être  jamais 
utiles  au\  antres  coniiiit'  à  (  llcs-mémes. 

Jr  n'ai  eertaineuKiit  pas  à  craindre 
p«'nr  N  ous  le  travers  <]ui  l'ait  \v%  tiomioncs 
ou  !rs  .'ontit'i  ;  je  n'ai  pas  à  craindre  non 
pins  que  vous  conq»romellie/.  votre  santé 
alin  d  .lequi  lir  <  «-  Irmt  btanc-inuty   si  eu 

;i;  I  .  tdin.  IV,  p.  I. 

Aiiriin  «lrn  arllilr.H  ronli'uus  dani»  cr  roriieil 
ne  piMil  cire  ii>;>ro«lult,  %Si\\%  le  cuiiM-'iitonirnl 
fnnnrl  i!»'>  luilourî»,  son»  poltie  ilc  pmir>ullcî»  rn 
c-ontu'f.iroM. 

Il»  Si.uu.    Tome  IV.  N"  i.  — 


vo{;uo  parmi  les  romanciers  île  nos  jours 
et  (jiii,  selon  eux,  décèle  les  ctrcs  ou  les 
nntiires  cC élite  :  mais  ce  que  je  redoute  st'*- 
rieusement,  c'est  cette  indolence ,  cette 
noneli.daiiee  que  beaucoup  de  gens  ad- 
niirent,  ou  feijjuent  d'admirer,  et  à 
laipielle ,  à  votre  âge,  on  n'est  (pie  tiop 
enclin. 

A  ous  avez  reconnu  .iv»c  moi  (pie  la  ja- 
lousie n'est  j)as  ri-jnolile  et  hassi*  envie, 
mais  (pielle  |>eut  y  conduire;  je  veux 
aujourd'hui  vous  amener  à  reconnaître 
(pu-  si  l'indolence  n'est  pas  la  honteuse  et 
i{;nol)le  paress«*,  elle  en  est  la  s<eur;  sieur 
bien  irdoutable  I 

De  même  ipie  l'habitude,  1  indolencv 
s'empare  de  nous  presipi'à  notn*  insu;  il 
l.mt,  avec  elle,  défendre  le  terrain  pi«^i  à 
pied.  L'attrait  du  plaisir  sait  la  douqUer  ; 
mais  liés  (pi'il  s'a|;it  d'étude  ou  de  tleviur, 
elle  a  promptement  repris  toute  sa  puis- 
sance. 

(Ihe/  l  enl.uit  ,  l'iiidoIeiHY  s'aiTtîiiipa- 
{;ne  souvent  d  une  (;r.itY  iuiinilable,et  se 
1  lit  ainsi  tolérer;  chez  la  jeune  fille  .  elle 
est  |;r;ieiensreiieon*;  l'enloui'aj^e.  mus  lui 
applaudir,  lui  trouve  jvirlo  in  dt»s  excuses. 
Le  travail  o|Hn'  |»,ir  le  développi*iiient 
des  faeiillé's  o>r|>on*ll<*s  et  iiioralts  |virait 
«xplicpier  la  ivpii(;iiniiix!  que  Tetifant , 
«pie  la  jeune  fille  témoigne  souvent  pour 
les  exeiviees  violents  ou  bien  |H)iir  l»*s 
(Kx  11  pat  ions  iulelleetuelU*s...  Kt  ei-|HMi- 
Avuii.  1h:iO.  ( 


98 


liant,  <|iir  li>  plaisir  parle,  ci  reniant,  la 
joiiiic  lillo  cluv,  qui  ce  dcve.loppriuciit 
rxij;r,  (lit-on,  le  repos,  ce  rejios  auqut  1 
l'une  (  t  Tautre  asjMrt>nt,  vont  passer  une 
journée  entière  à  courir,  à  jouer,  et  une 
nuit  entière  à  danser  ;  et  ct^peiulant  (jU(^ 
la  vanité  s'éveille,  et  cette  enfant,  celte 
jeune  fille  que  les  occuj)ations  intellec- 
tuelles fatiguent  ,  vont  faire  ,  l'une  des 
efforts  de  niéuioire  merveilleux  afin  d'être 
apjdaudie  connue  un  petit  prodijje,  l'autre 
les  travaux  nécessaires  pour  obtenir  soit 
le  prix,  soit  les  louanjjes  publiques  qu'elle 
auibilionne  :  ce  luouient  d'excitation 
passé,  l'une  et  Tautre  n'auront  plus  que 
de  l'indolence  à  mettre  au  service  des 
tendres  parents  dont  l'indulgence  leur 
est  d  avance  acquise. 

Ce  défaut,  comme  tous  nos  autres  dé- 
fauts, est  le  résultat  de  l'amour  malen- 
tendu de  nous-mêmes,  et  ainsi  que  tous 
les  autres  défauts,  il  produit  des  consé- 
quences fatales  à  notre  bonheur;  c'est  de 
l'égoisme  froid  et  aride,  se  cacliant  sous 
les  grâces  de  l'enfance  et  de  la  jeunesse  ; 
ôtez-les-lui,  et  vous  aurez  un  être  inu- 
tile, que  son  oisiveté  accable,  que  l'ennui 
accompagne  et  qui  pèse  sans  pitié,  de 
tout  le  poids  de  cette  oisiveté  et  de  cet 
ennui,  sur  ceux  que  les  liens  de  famille 
lui  soumettent. 

Quant  à  des  amies ,  l'indolente  n'en  a 
pas;  l'amitié  ne  vit  que  de  saoifices  ou 
au  moins  de  concessions  réciproques  ; 
l'indolente  exige  tous  les  sacrifices , 
toutes  les  concessions  et  n'en  fait  jamais. 
Le  repos,  le  dolre  far  //ic/.tc,  est  son  pre- 
mier bien  :  la  rêverie  sans  fin  ,  sans  but, 
cette  rêverie  qui  énerve  l'âme,  qui  épui- 
se et  tue  les  facultés  intellectuelles,  est  sa 
seule  occupation .  Celle  qui  aime  le  monde 
mais  à  son  temps,  mais  à  ses  heures,  trou- 
ve, si  elle  est  riche,  si  elle  est  à  la  mode,  si 
elle  occupe  un  rang  élevé,  des  complai- 
sants ,  des  flatteurs ,  des  admirateurs 
même  dans  la  tourbe  de  ces  parasites  tou- 


jours prêts  à  s'agenouiller  devant  un  pou- 
voir, qu(^l  (ju'il  soit.  Au  milieu  de  cette 
tourbe  pourront  apjiaraître  parfois  des 
gens  d'esprit;  ceux-ci  excusent  souvent 
ce  qu'il  leur  plaît  d'appeler  de  l'origina- 
lité, mais  il  ne  faut  pas  que  cette  ori{ji- 
nalité  leur  devienne  à  charge  ou  les 
l)lesse  ;  dès  qu'elle  cessera  de  les  anmser, 
ils  s'éloigneront  :  égoïstes  eux-mêmes,  ils 
ne  soufirent  pas  que  l'égoisme  d'autrui 
empiète  trop  sur  le  leur.  Nous  ajoute- 
rons, si  vous  voulez,  au  cercle  dont  l'in- 
dolente, riche,  à  la  mode  ou  titrée,  sait 
s'entourer,  une  ou  deux  de  ces  bonnes 
âmes  dont  le  premier  besoin  est  le  sacri- 
fice d'elles-mêmes  à  autrui;  dont  la  cha- 
rité vraie  compatit  afieetueusement  aux 
faiblesses  hiunaines;  mais  le  nond)rc  de 
ces  âmes -là  est  fort  petit,  et  quelque  dé- 
vouées qu'elles  puissent  être,  le  moment 
viendra  tôt  ou  tard  où  elles  se  lasseront  de 
donner  toujours  et  de  ne  recevoir  même 
pas  en  échange  un . s r////;//?///^  d'affection  î 

Or,  mes  enfants,  on  pourrait  compter 
aisément  les  personnes  auxquelles  la  for- 
tune, la  mode,  le  rang,  permettent  d'être 
impunément  indolentes,  tandis  qu'il  est 
innond)rable  celui  des  personnes  qui 
trouvent  dans  leur  indolence  même  la 
punition  la  plus  rude  des  torts  graves,  et 
de  tous  les  jours,  dans  lesquels  ce  hon- 
teux défaut  les  fait  tomber. 

Par  indolence,  on  néglige  de  prendre 
chaque  jour  un  exercice  salutaire,  et  la 
santé  s'altère,  quelquefois  sans  retour; 
par  indolence,  on  néglige  de  surveiller 
les  domestiques,  dont,  par  indolence,  on 
exige  des  services  qu'il  serait  plus  con- 
venable, plus  sage  de  se  rendre  à  soi- 
même,  et  l'exigence  augmente  à  mesure 
que  le  désordre  se  répand  peu  à  peu 
partout  ;  par  indolence,  on  remet  de  jour 
en  jour  des  visites  à  rendre,  des  lettres  à 
écrire,  et  l'on  s'ahène  le  cœur  de  ses  pa- 
rents, de  ses  amis,  la  bienveillance  de 
ses  protecteurs,  de  ses  simples  connais- 


00 


sancrs  ;  par  iadolcnc»*,  oji  cesse  de  se 
rendre  compte  ilo  ses  tli'pcii&es,  (le  les  ba- 
laiicLT  avec  ses  revenus,  et  tlis  eiiibaiias 
j(jurnaliers  viennent  ilonni  r  de»  aveills- 
st'incnls  auxtpnls,  par  indolence,  on  ne 
l<'nte  même  pas  de  iinu-dicr;  par  indo- 
lence, im  tlél:nss<'  lujn-seulement  l<s 
éludes  jailis  aimées,  mais  on  renonce 
encore  aux  travaux  les  plus  ordinaires, 
les  plus  faciles  ;  par  indolence,  on  re- 
j)ousse  les  livres  (|ui  exiî;eraient  (jurhpie 
couU'ution  d'espiil,  et  1  on  s'adonne  à 
des  lectures  sans  portée,  sans  résultat, 
sur  lescpielles  on  se  blase  promptement, 
et  l'ennui,  le  terrible  ennui,  vient  acca- 
bler celte  intelli[;«nce,  celte  àmi*  (|ne, 
par  indolence  ,  ou  a  laissée  s'aimiliiler 
counnc  If  corps . 

Ainsi  pn'|)arées,  arrivent  Tune  a])rès 
Tautre  la  ruine  de  la  saut»',  la  perli*  de 
la  fortune,  de  s<s  amis,  de  ses  apj>uis, 
celle  lies  capacit»  s  inU  Ueelurlles  (  l  mo- 
rales.... Connntnt  rouvrir  l ml  de  sour- 
ces fécondes  cpie  rindolence  a  taries?... 
Où  puis<'r  rénirj;ie  devenue  uéccssiire 
pour  combutre  ce  mallnur  si  complet 
dont  on  se  trouve  de  |)artout  enveloppé  I 

A  rindolence  a  succédé  l.i  bonteusc 
paresse;  celti*  j)aresse,  «pii  a  dijà  lonlc 
la  puissance  de  i'Iiahituili'.  Je  vous  ai 
montr»-  à  (pul  tl«j;ié  tlavilissiMnent  sans 
remetlc  peut  faire  descenilre  1  liabiliide 
de  la  paresse  (I);  mais  peut-être  vos 
rejjards  se  seront-ils  détournt's  de  ce  ta- 
bleau sans  (pjc  vous  ayez  eu  ridt'e  <pie 
vous-mêmes,  mes  (ides  ainn'es,  vous 
pussif/.  arriver  si  bis.  ^  ove/.-vous  main- 
trn.inl  la  pinle  insensible  (pii  (ondnil  .i 
la  I  lus  t  xlrème  «le  toutes  Ic.s  déln'ss<*s.^ 
car  cette  tlilresse  couïprend  celh-  de 
r.ime,  et  le  cliàtimenl  s  (  (end  justjue 
dans  r.nUre  vie  ? 

Ii'orj;ueil  est  le  eompa^;non  ordinaire 
de    rindolence  et   île    la   pan*sse  :  il  eu 

^)  V.iir  t.  III  tl(»  la  ♦••érie,  p.  97. 


devait  eue  ainsi.  La  voloutt-,  b  sifjegse 
de  Dieu  ont  tout  soumis  à  la  loi  du  tra- 
vail. L'observance  de  celle  loi  apporte 
seule  tirs  joui^saijces  réelles  ,  parce 
(péelle  entrelieut  la  sanU*  pbysique  et  la 
santé  ujorale,  parce  cpérlle  uiainlieiit 
l'élasticité,  la  soupless<'  tles  nieuibres  et 
des  facultés  intillectuelles;  mais  uoiis 
attai.bons  noire  orj;uril  à  nous  disjx*ns<T 
de  tout  travail;  à  prouver,  par  une  vie 
molle  et  oisive,  «pic  nous  souuuis  supé- 
rieius  à  celui  <]ui  (îajjuc  sou  paiu  au 
])ri\  de  sis  labeurs,  cl  oul)!iant  les  pa- 
roli  s  «le  l'Apôlre  :  Car,  p"itr  cvllt  qui 
V'i  tlanx  It  \  ilclircs,  dit:  dt  moi  te ^  qmn- 
fiu'tlt'c  luirniisf.  vWante  (l),  uoiis  uous 
bonorons  de  ce  tpii  désbonore  l'àuie 
cbrétienne  destinée  à  vivre  de  saeriPKvs  I 
Il  v  a  |K*u  de  jt)urs,  je  lis-iis,  ilaus  uu 
auli  ur  p<'i-sau,  (pie Sain  b,  préeept«*ur  du 
prince  de  C  ui/me,  ct'd  uit  aux  iusluuvs 
de  sou  élève,  cpii  aimait  beaucoup  les 
hisUnrv."  ,  lui  raconta  celle-ci  :  «  .\  la 
cour  du  roi  Zobak  fut  présenté  uu  ma- 
j;ici«!i  (]ui,  après  avoir  diverti  le  roi  et 
ses  comlisans  ]>ar  plusieurs  prmli};es, 
olb  It  d'eu  produire  un  j)lus  merveilleux 
«•neore  siu'  la  jHTSonne  du  monarque 
lui-même,  si  celui  «i  voulait  bien  lui 
])»ruutlre  d'exertvr  toute  sa  puissance. 
11  obtint  celle  |Haniissiot),  et  il  n'en  eut 
pas  plutôt  usé,  «pie  /ob.ik  stiilit  aii- 
detlans  de  lui  \\\\  mouvement  extraor- 
dinaire mais  aj;irable ,  <l  loutù-amp 
deux  leles  île  ser|><Mit  pamivnl  à  la  iv- 
i;ion  du  cieur.  —  Perfule  I  s'érha  le  mi 
elIraNé,  comment  ton  souille  impur  al  il 
fut  nailre  dans  lucs  entrailUs  deux 
monstres  ipii  vont  me  dévoivr  ?  — •  Ras— 
suit  /.-vous,  ô  roi  !  iVpondil  le  luagicieu, 
et  leude/.-iuoi  [«r.iiv  de  iv  don  pririeux  ! 
l'aitis  cboisir  de  temps  eu  temps  dans 
h-  petit  |>euple  un  cerl.nn  noiubiY  île  vos 
sujets,  cl  nourrisse/,  de  leur  chair,  abiru- 

(I)  I-  KplU  de  Mlnl  r»il  à  Tira.  ch.  t,  ▼.  6. 


100 


•vcz.  de  leur  san^^j  ces  animaux  divins. 
Los  jouissances  que  vous  éprouverez  se- 
ront lellrs  (jue  vous  ne  poune/,  jamais 
vous  en  rassasKM'. 

)»  A  ee  conseil  exécral)le,  Zoliak  fris- 
sonna (riioncur....  ^lais,  des  le  jour 
inèmi\  d  voulut  s'assurer  do  la  vérité 
ilis  piroles  du  ina.j'jicien,  et  il  [joiita  en 
cllct  de  vives  jouissances  en  assouvis- 
sant la  laim  des  deux  monstres  qui  lui 
avaient  été  incorporés.  A  dater  de  ce 
moment,  Zoîiak  compta  pour  rien  le  san*^ 
et  la  vie  des  malheureux  Persans  ;  il  ne 
vit  dans  son  peuple  qu'un  vil  troupeau 
qui  n'existait  que  pour  être  immolé,  à 
ses  moindres  désirs.  Le  peuple,  de  son 
côté,  ne  vit  dans  Zoliak  qu'un  monstre 
acharné  à  le  détruire,  et,  à  force  de  souf- 
frir, ayant  cessé  de  le  craindre,  il  se  sou- 
leva contre  le  tyran,  Farracha  du  trône 
qu'il  profanait,  et  l'enferma  dans  l'af- 
freuse caverne  de  la  iiiontapue  de  Da- 
niavend.  Là,  seul  avec  ses  deux  serpents, 
et  ne  pouvant  plus  fournir  à  leur  vora- 
cité ,  l'impitoyable  Zoliak  leur  servit 
Ini-mcmo  de  pâture.   » 

—  <(  L'horrible  histoire  I  s'écria  le 
jeune  prince,  lorsque  son  précepteur  eut 
achevé.  De  grâce  racontez-m'en  une  au- 
tre que  je  puisse  entendre  sans  frémir  I 

—  »  Volontiers,  seigneur,  répondit 
Sabeb  ;  en  voici  une  plus  simple  et  très- 
couite  : 

«  Un  jeune  sultan  donna  sa  confiance 
.\  un  serviteur  artificieux  et  corrompu  ; 
ee  méchant  liomnie  lui  remplit  l'esprit 
d'idées  fausses  sur  la  gloire  et  le  bonheur 
des  rois.  Il  fit  naître  dans  son  cœur  l'or- 
î'ueilet  la  mollesse,  le  père  et  la  mère  de 
tous  les  crimes.  Livré  à  ces  deux  pas- 
biens,  le  jeune  prince  leur  sacrifia  son 
])euple;  il  mit  sa  gloire  à  mépriser  les 
hommes,  et  son  bonheur  à  les  opj)rimer. 
Qu'en  arriva-t-il?  Il  perdit  sa  couronne, 
ses  trésors,  sesfiatteurs;  il  ne  lui  resta 
(,ue  son  oigueil  et  sa  mollesse;  tout  lui 


manquant  pour  les  satisfaire,  il  mourut 
de  honte  et  de  rage.  » 

Le  ]^rinee  de  Carizme  ne  parut  pas 
niéeont<Mit  de  cette  dernière  histoire. 
"  Je  l'aime  mieux  que  l'autre,  dit-il; 
elle  est  moins  révoltante,  moins  atroce. 

—  »  iltUasI  ])rinee,  reprit  Salieb,  c'est 
pourtant  la  même  I  » 

A  mon  tour,  je  dirai,  à  propos  de 
Vii^/ioù/e  paresse  et  de  la  gracieuse  indo- 
lence :  hélas  !  mes  filles  aimées,  leur  his- 
toire est  pourtant  la  même! 

Il  campo d'ellaccidia  é  pe.no  (i'c)iriclip(l),  dit  le 
vieil  axiome  italien;  et  dans  le  pays 
même  du  dolce  far  niente,  la  moUesso  a  reçu 
le  nom  de  Moibidezza,  dérivé  du  mot  de 
morbide,  état  maladif.  Laisserez-vous 
donc  attaquer  par  la  maladie  appelée 
nonchalance ,  indolence,  mollesse,  pa- 
resse, car  c'est  tout  un,  votre  ame  et  vo- 
tre intelligence?  Youdrez-vous  que  ces 
beures  qui  passent  si  rapides,  grâce  à 
l'amour  et  à  l'habitude  du  travail,  se 
traînent  désormais  pour  vous  avec  une 
lenteur  chaque  jour  plus  pesante?.. 
Non,  vous  ne  le  voudrez  pas...  mais 
alors  veillez  sur  vous-mêmes  avec  toute 
la  vigilance  ordonnée  par  l'Evangile  I 

«  C'est  se  tromper  de  croire  qu'il  n'y 
ait  que  les  violentes  passions,  comme 
l'ambition  et  l'amour,  qui  puissent  triom- 
pher des  autres.  La  paresse,  toute  lan- 
guissante qu'elle  est,  ne  laisse  pas  d'en 
être  souvent  la  maîtresse  ;  elle  usurpe  sur 
tons-  les  desseins  et  sur  toutes  les  actions  de 
la  vie  ;  elle  drtruit  et  consaïue  insensible' 
ment  les  passions  et  les  VEETUS  (2)!  » 

Yeillez,  veillez  donc  sans  cesse  I  N'ayez 
jamais  à  vous  reprocher  d'avoir  passé  dans 
l'inaction  des  heures  qui  auraient  pu  être 
si  doucement,  siutilementemployées,  car 
cette  inaction  ouvre  la  voie  à  la  passion 
honteuse  (}ui  usurpe  sur  tons  les  dcssci/is, 

(1)  Le  clianip  ilc  la  faiiu'anlise  est  iTiiijili 
d'ortie.*:. 

(2)  Laiochefoucauld. 


I     ! 


101 


et  qui  consume  jusqu'à  la  vertu!  Suive/ 
au  contraire  avec  amour,  avec  persévé- 
rance la  loi  du  travail,  et  répondez  à 
quiconque  mettrait  son  orgueil  dans  son 


oisiveté  :  ^Uez  «"/  la  jourmi^  6  païaseux^ 
considérez  sa  conduite  et  d*fvcnvz  ioge  (  1  ;  1 

S.  L'lluc  Themadelee. 


UN  POISSON  DWVHIl 


NOU  VF  LLK. 


C'était  le  Irenle-et-un  mars.  11  y  avait 
joyeuse  compagnie  au  château  de  Pont- 
Valais  :  des  parties  de  wistli  étaient  en- 
gagées ;  plus  loin,  jeunes  gens  et  jeunes 
lilles  causaient  avec  animation. 

L  ne  IVnnne  grave  et  majestueuse  fai- 
sait les  honneurs  du  salon  ;  Madame 
Irène  de  Saint-Kstève  était  l'objet  d'un 
culte  général  d'admiration  cl  de  respect  : 
on  l'entourait  dhonnnages,  et  ces  hom- 
mages ne  troublaient  ni  la  paix  de  son 
c(eur,  ni  la  sén'iiité  de  son  Iront.  C'était 
une  femme  de  beaucoup  au-dessus  du 
vulgaire  par  la  force  physi(jne  et  le  dé- 
velnjijx'inent  de  son  int<'lli?;ence. 

Kn  passant  devant  un  groupe,  elle  en- 
tt'iidit  rire  et  cliuehoter.  Dr  (juoi  s'agis- 
sait-il  .' 

On  parlait  poisson  d'avril^  et  (juel- 
<pies  petits  lutins  aux  cheveux  blonds, 
aux  yeux  brillants,  cherchaient  le  plus 
sûr  moven  de  bien  s"amns«r  aux  d»  pnis 
du  voisin. 

En  ce  moment  ou  enlcndil  un  coup 
de  sonnette,  M'"''  de  S  lint-Kstève  tres- 
saillit comme  par  l'i'llet  d "une  te;n'Ur 
spoiilant'e,  elloiu  aussitôt  reiievint  calme 
et  s<»niiante  en  t-eoulanl  ses  jeunes  amies 
tpii  lui  tlemandaient  pomiitioi  elle  avait 
frissonné. 

—  Ponrqnoi*  dit-elle,  en  passant  sa 
main  sur  son  Iront  connue  pour  y  elier- 
eJier  un  sonvenii-.  Ah!  c'«>l  iiuv  lon|;ue 
liistoiie. 

—  Une  histoire 


—  Oui,  mit'  terrible  histoire,  un  pois- 
son d'avril. 

Toute  la  jeunesse  se  réunit  jxjur  sr.|>- 
plier  la  jeune  femme  d'eii  faire  le  rtxit  : 
on  s'assit  autour  d'ime  table  à  ouvi  •  • 
les  jeunes  gens  se  groupèrent  à  «jueKja» 
pas,  et  il  se  fit  un  grand  silence. 

—  Mes  amiï^,  dit  Irène,  savez-vous 
qn  il  y  a  quehjue  mérite  à  Vous  rnconti*! 
une  pareille  aventure  .'  Il  ne  s'agit  ni  plus 
ni  moins  que  de  faire  ma  eonfi*ssiun  pu- 
blique. 

A  ces  mots,  rinlérèt  redoubla,  et  la 
belle  conteuse  conunença  en  ces  ter- 
mes : 

««  J'étais  oqihelme  :  elevirdans  un  bril- 
lant pensit»nnat  île  Paris,  je  m'attristais 
à  I  idé'ede  passer  nu*s  Ik^IIcs  annéts  île 
j«'unesse  au  château  de  mou  tuteur,  siu- 
la  frontière  d'Allemagne. 

•  Paris  m'apparaiss;iit  connue  une  de 
ei  s  (Il  alions  eneli  uitt'es  que  TomI  ne  se 
lasse  point  de  ct)ntiinpler  :  je  partis  |H)ur 
l'Alsace,  le  cccur  pK  in  iramertume  et  do 
regrets. 

•  .'Mon  oncle,  le  manpiis  d'Onueuil, 
me  reyut  avtv  une  lH>nlt''  |Kiternelle,  et 
mes  oHisiues,  Is.'tlH'lle  et  Jeniiy.  v-- 
garilèrent  etunme  leur  .strur.  <  t 
deux  blondes  fdles  au  maintien  timide, 
tlont  rien  n'éj;alait  la  candeur  ;  mais  il 
leur  mampiail  ime  éliniYlle  d'éneq;ie  : 
nerveuscN  il  craintives,  il  fallait  |»eu  «le 

(n  Pfu\crbc*, 


102 


chose  pour  les  iviuliv  iiialhrnroiiscs,  ci 
moins  encore  pour  les  lairc  pleurer. 

»  Ce  irétaient  point  là  les  conipaj^nes 
(jue  j  aurais  choisie  s  :  lit'las  I  qui'l([ues 
feiunics  ([ue  jt>  hvcpicntais  à  Paris,  \)vn- 
dant  les  vacances,  avaitMit,  par  Ituus  con- 
seils et  leurs  exemples,  tlév(>loppé  en  moi 
le  {^erme  d'une  folle  manie.  A  vingt  ans, 
jt^  nie  crovais  supérieure  aux  personnes 
qui  nrentouraiiiit  :  méprisant  les  jeux  et 
les  entreliens  de  mes  compagnes,  je  pre- 
nais des  allures  masculines,  je  mettais  ma 
gloire,  mon  bonheur  âme  soustraire  aux 
lois  de  rétitputte,  aux  usages  reçus,  et 
n'acceptais,  pour  distraction,  tpie  des 
plaisirs  virils  :  monter  à  cheval,  aller  à  la 
chasse,  manier  des  armes,  tels  étaient 
mes  exercices  journaliers.  Les  hmnbles 
devoirs  de  mon  sexe  me  paraissaient  au- 
dessous  de  moi,  je  me  croyais  à  part,  et 
je  dédaignais  tout  ce  qui  ne  s'élevait  pas 
à  ma  hauteur  ;  j'avais  surtout  la  préten- 
tion d'être  lorte  d'esprit,  inaccessible  à 
la  crainte  et  capable  de  braver  tous  les 
dangers  :  je  soutenais  que  la  peur  n'exis- 
tait pas,  que  c'était  une  erreur  de  l'ima- 
gination et  que  je  ne  pouvais  la  com- 
prendre. 

»  En  arrivant  chez  mon  oncle,  je  fus 
d'abord  frappée  du  cachet  d'antiquité 
imprimé  sur  les  murs  du  château  ;  je 
trouvai  belles  et  poi'tiques  ces  tourelles 
délabrées,  ces  marches  du  perron  à  demi 
affaissées  sous  le  poids  des  siècles  :  mais 
bientôt  la  poésie  s'envola  ;  je  découvris 
que  la  demeure  féodale  était  pleine  de 
rats,  qu'on  y  menait  une  vie  d'ermite, 
et  qu'il  fallait  se  résoudre  à  y  mourir 
d'ein)ui.  Je  pris  de  l'humeur  et  me  mis  à 
bouder  les  pierres  de  taille,  les  tours,  les 
créneaux,  le  pont-levis,  le  vieil  oncle,  et 
surtout  un  collégien  de  lô  à  I  G  ans,  qui, 
à  la  suite  d  une  longue  maladie,  était  ve- 
nu passer  quelques  mois  de  convales- 
cence* aucnàtcau. 

»  Raoul  était  mon  antagoniste  né.  Il 


s'ennuyait  à  la  campagne,  et  me  tnqui- 
nnit  pour  se  distraire,  épiant  toutes  l(\s 
occasions  de  blesser  mon  amour-propre, 
ou  d(^  faire  ressortir  le  ridicule  de  mes 
])rétentions,  et  il  disait  ouvertement  à 
mes  cousines  :  «  Je  n'aime  pas  cette 
graiule  demoiselle  noire  qui  a  l'air  d'un 
homme.  » 

»  Je  dois  avouer  que  j'(Mitret(Mials  ces 
mauvaises  dispositions  par  mon  profond 
dédain  pour  C(^t  cnfanl^  que  j'appelais  le 
petit  Rdoul^  ce  qui  le  mettait  hors  de  lui, 
et  j'attisais  ainsi  le  foyer  de  malice  que 
le  collégien  portait  en  lui;  il  jura  de  se 
venger. 

w  Un  soir  d'hiver,  nous  étions  réunis 
autour  de  la  cheminée  ;  quelques  voisins 
de  campagne  étaient  vciuis  })asser  une 
semaine  avec  nous;  on  causait,  on  riait. 
La  conversation  tomba  par  hasard  sur 
l'inépuisable  chapitre  des  revenants.  On 
sait  que  les  solitudes  alsaciennes  se  peu- 
plent la  nuit  d'ombres  et  de  fantômes  ; 
chacun  dans  sa  vie  entend,  au  moins  une 
fois,  un  soupir,  une  voix,  \u\  cri,  ou  l)i(Mi 
encore  frapper  trois  coups,  ce  qui  indique 
une  foule  de  choses,  parmi  lesquelles  on 
choisit  à  son  gré  la  plus  horrible  dont  on 
se  fait  un  épouvantail  pour  le  reste  de 
ses  jours. 

»  INÏon  oncle  venait  de  nous  rapporter 
quelques-unes  des  folles  traditions  que 
les  paysans  conservent  encore.  Il  avait 
dit  les  aventures  merveilleuses  du  loiip- 
garou,  du  spectre  aux  longs  bras,  et  du 
cadavre  marchant  sans  pieds,  et  il  riait  de 
tout  son  cœur  ;  Isabelle  et  Jenny,  au 
contraire,  pâlissaient,  et  l'on  rétrécissait 
instinctivement  le  cercle.  Les  auditeurs, 
serrés  les  uns  contre  les  autres,  jouissaient, 
chacun  à  sa  manière  ;  les  uns  riaient,  les 
autres  frissonnaient.  Pour  moi,  écou- 
tant sans  émotion  ces  rêveries  des  vieux 
âges,  je  tricotais,  s'il  m'en  souvient,  une 
dentelle,  et  je  ne  laissais  pas  même  échap- 
per une  maille  quand  je  venais  à  saToir 


■V^ 


103 


comment  le  spcctr*»,  ayant  fait  neuf  fois 
le  tour  de  la  cliamljrr,  avait  dispaiu 
soudain,  ou  bien  counnrnt,  entre  minuit 
rt  une  heure,  les  ombres  de  monsiiurt  t 
de  madame  une  telle  ju{;faient  à  |>ropos 
de  se  promener,  luasdrssus  bras  dessous, 
définis  bientôt  deux  cents  ans. 

•  A  peine  ujon  ont  le  avaii-il  cessé  de 
parhr,  que  Raoul  demanda  d'où  prove- 
nait la  tcrn  ur  (ju  inspirait  une  clianibrc 
située  dans  une  tour  vieille  et  noire  nom- 
mée la  7our  (lu  iSoid. 

»  A  celte  question,  mes  cousines  fris- 
sonnèrent et  supplièrent  en  j;ràee  (ju'oii 
ne  parlât  point  de  e(  la  ;  cr  lui  un»-  rai- 
son pour  (|ii(-  It  (  olii  r  opini.'itre  insistât. 
Nous  nous  joi{;nimes  à  lui,  et  les  dv\i\ 
sceurs  se  rc'sijjnèrenl  à  entendu"  raconter, 
pour  la  centième  fois,  peut-être,  l'iiis- 
toire  de  la  eliunbre  qui  )iorlait  le  nom  de 
Ct/cnril  (In  Templier.  (>ependant,  ï-Ili'S 
n'y  consentirent  qu'à  la  <'ondition  (pion 
danserait  ensuite  la  Bfttl(ini;(''ic  et  le  (d- 
rillnii^  précaution  à  j^rendre  par  quicon- 
que ne  se  souciait  pas  île  voir  apparaître 
e\\  5on{je  tout  l'Ordre  des  T«  inplieis  en- 
veloppé* dans  lui  {^rand  drap, 

»  Mon  onele  sourit  et  conunene.i  le 
récit  suivant  : 

••  — La  lé'^ende suppose  (pie  ce  cliât<*au 
était  bâti  depuis  déjà  Ion{;temps,  lors  du 
fameux  piocès  des  Temjtlieis.  Ainsi,  ne 
vous  étonnez  plus  de  voir  il«  s  cievass«s 
aux  murailles. 

»  Or,  il  arriva  (pie  la  veilleilu  sup|»lice 
de  Jac(pies  ."Nb)laY  et  «le  ses  chevaliers, 
Tun  d«'  ceux-ci,  nommé  Halllia/.ar,  |)ai- 
vint  à  s'('vader.  Je  ne  vous  dirai  point 
par  combien  de  manoirs  (*t  de  cliaumières 
il  passa  avant  d'arriver  ici.  T.inti')t,  dé- 
i;uisé  en  pèleiin,  il  di*mandait  l'iiospita- 
lité  à  baille  «  t  puissanle  dame  ;  tantôt, 
il  pénétrait  sous  li*  toit  de  l  bumblcscif, 
dont  la  lille  faisait  cuire  pour  lui  un  (j.U 
leau  sous  les  cendres. 

»  Haltba/ar,  anivé  dans  nos  «ii virons, 


avisa  sans  doute  ce  cbàtt  au  et  eut  l'idée 
d  y  (bercber  un  refu{;e  ;  mais  par  maî- 
b«  nr  le  maître  de  cVaiis  [peut-être  mon 
aieul,je  n'ose  m'en  iJittcr),  net  lit  |>oint 
étranger  à  raliiin-  dis  Tcmpll(  rs,  et 
I  on  dit  même  (pi'il  leur  eu  voulait  Inmu- 
coup.  bc  voyaj^eur  apprenant  ers  détails 
n'osa  point  se  montrer,  »1  clurcba  uu 
li<  u  d«'>eri  pour  s'y  re|>os<^r,  et  c*e  fut 
aiiisi  (jn  il  il.  couvrit  l'escalier  tournant 
de  la  l'Kr  du  Mnid^  tout- à  fait  ub  mdon- 
néc,  ce(pie  prouvaient  les  Inules  her- 
bes qui  croissaient  en  paix  entre  les  mar- 
ches «le  pierre.  Il  monta  et  trmiva  uu 
palier  ou  la  lumière  uc  |H'uétrait  cpie  par 
les  fentes  de  rime  des  deux  p>rtes  mal 
jointes  (pii  donnaient  sans  doute  cuuVf 
dans  des  chambres  i:ihabil('cs.  La  tradi- 
tion rapporte  (pie  chaque  nuit,  au  dou- 
zième coup  sonné"  par  le  beffiDÎ,  il  des- 
cendait pour  aller  dans  les  jardins  cueillir 
les  fruits  et  les  lu  rba^e5  «lont  il  faisait  sa 
nourriture. 

—  ■»  Le  |)auvre  hoiniue!  dit  1*1111  tles 
auditeurs  de  mou  oncle. 

—  •  A  sa  place,  s'écria  Uaoul,  je  serais 
aile  trouver  le  maître  du  château,  et  je 
m  en  serais  remis  â  sa  j;«'*uéix>silé. 

—  ••  n.dlli  liLir,  continua  mon  (»ncle, 
avait  pris  la  résolution  daj;ir  ainsi  le  len- 
demain ,  loi^tpéaii  nioni'  nt  où  il  allait 
(piiller  son  palier,  il  entendit  uu  yranii 
briilt  au  pied  tic  la  tourelle.  L'idi  e  «jn  il 
est  (h'couveii,  l'exalte;  il  se  jette  con- 
tre une  des  deux  |>oitis,  l'enforuv,  tant 
ta  crainte  d  être  pris  lui  donne  d'«  neqpe, 
et  il  se  trouve  dans  une  salle  haute  el 
profonde,  tendue  de  noir  ;  à  la  clarté  de 
la  lune,  il  voit  ap|K'iiiltis  aux  murailles 
d(*s  emblèmes  elbayants  :  c'ist  uncfaux^ 
puis  un  mas<pie  ,  des  ch.iincs  :  sur 
le  plancher  il  dtcouvie  des  ossements 
épais,  im  er.iue  humain...  Saisi  d'hor- 
reur. l(*  templier  itc  croit  dans  un  vaste 
cen  ueil.  Il  n'tourne  sur  ses  |>as,  il  des- 
CH-Mul  Icscalierde  pierre;   la  |H)rte  de  la 


lOi 


tour,  ton  jouit  oiivt^iti*  jiiscjiio  là,  est  fci- 
im'o!...  IMiisirissiio  î...  L(*  bruit  a  cessé... 
Saisi  (riioiTiuu"  à  ridée  de  mourir  ile 
laiiu  en  ee  lieu,  il  frappe...  il  appelle... 
^iuUe  voix  ne  répond  à  ses  cris... 

»  lue  sueur  Iroiile  couvre  son  corps  : 
les  heures  s'écoulent,  uiillc  pensées  af- 
lV(ns(\s  se  croisent  dans  son  cerveau 
trouMé.  Baltliazar  remonte  à  la  eliam- 
hre  s('pulerale.  .  Il  y  a  une  fenêtre... 
Par  là  peut-être...  Le  châssis  cède  à  l'ef- 
fort (le  sa  main,  mais  de  forts  barr(\aux 

lie*  fer  Si'  croisent  au  dehors Soudain 

il  aperçoit  une  corde  pendante...  Cette 
corde  répond  sans  doute  à  une  cloche. 
Sur  de  mourir,  ou  de  la  main  des  hom- 
uics,  ou  d(\s  tortures  de  la  faim,  il  veut  du 
r.ioiiis  vivre  encore  un  jour,  il  sonne... 
ou  îie  vient  pas.  Il  sonne  encore,  rien... 
toujours  rien  I —  Le  templier,  au  pa- 
roxisnie  de  la  détresse,  s'écrie  d'une  voix 
tavei  neusc  :  «  J'ai  faim  I  ayez  pitié  de 
moi  !  j'ai  faiuil  »  Sa  main  qui  se  refroi- 
dit sonne  encore...  personne  ne  vient... 
la  nuit  passe,  l'année  fuit,  les  siècles  s'é- 
coulent, les  générations  meurent,  et  la 
main  froide  sonne  encore,  et  sonnera 
toujours  !...  » 

—  »  Chutl...  dit  Raoul,  je  viens  d'en- 
tendre la  cloche  du  templier. 

•  Isabelle  et  Jsnny  se  rapprochèrent 
encore  lime  de  l'autre I 

—  "  Je  voudrais  bien  savoir,  deman  - 
dai-je  d'un  air  supérieur  ,  par  qui  et 
nomment  on  a  eu  ces  merveilleux  détails? 

—  »  Parla  tradition,  répondit  mon  on- 
cle en  riant.  La  tradition  sait  tout,  c'est 
chose  reconnue,  c'est  chose  prouvée,  et 
celle-ci  est  tellement  accréditée  dans  le 
pays,  que  nos  paysans  te  diront  qu'à  cer- 
taines époques  on  entend  encore  cette 
cloche  sonner  senic,  et  que  le  templier 
rrrirrii  dans  la  tour.  Ces  pauvres  j^jens  en 
sont  tellement  convaincus,  qu'ils  renou- 
vellent chacpie  année,  au  profit  des  sou- 
ris, un  iviln  (le  six  livres  (pion  porte  par 


pn'caution  à  l'entrée  de  la  chambre  noi- 
re. Moyennant  cette  petite  attention, 
\c  chevalier  Baltliazar  consent  à  nous 
laisser  dormir  tranquilles  le  reste  du 
('  mp^. 

—  >•  Il  y  aurait,  m'éeriai-je,  un  moyen 
d(*  mettre  fin  à  cette  superstition  ;  ce  se- 
rait de  faire  coucher  quelqu'im  dans  la 
tour  du  nord. 

—  »  Ce  sera  moi,  s'écria  Raoul  d'un  air 
capable,  oui,  moi,  qui  mettrai  en  fuite 
le  templier  et  sa  cloche. 

»'  Je  le  re^^ardai  d'un  air  de  suprê- 
me dédain  ;  l'écolier  rouj^it  jusqu'au 
front  et  répéta  tout  en  me  narguant  : 
Oui,  moi!  moi  I  le  petit  T{aou\  ! 

—  w  Oui  nous  dit,  reprit  mon  oncle 
d'un  air  moqueur,  que  la  corde  de  la 
cloche  n'est  pas  cassée,  depuis  tant  de 
siècles  que  Baltliazar  la  met  en  branle  I 

—  »  C'est  ce  que  nous  verrons!  »  ré- 
pondit Raoul,  et  le  reste  de  la  soirée,  à 
tout  propos  et  hors  de  propos,  Raoul  fit 
toutes  les  fanfaronnades  imaginables.  Le 
lendemain,  il  revint  sur  ce  sujet,  et  il 
s'attira  de  ma  part  de  sanglantes  raille- 
ries. A  dire  vrai,  nous  étions  aussi  ridi- 
cules l'un  que  l'autre  ;  lui,  en  prenant  le 
ton  tranchant  d'un  liomme,  moi,  en  af- 
fectant de  n'être  point  de  mon  sexe,  et 
pourtant  nous  nous  raillions  l'un  l'au- 
tre I 

»  iMon  oncle,  fatigué  des  rodomontades 
de  l'écolier,  déclara  qu'il  lui  accorderait 
la  faveur  si  vivement  sollicitée  ;  et  nous 
allâmes  tous  ensemble,  mes  cousines  ex- 
ceptées, visiter  la  chandDre  noire. 

»  Il  est  inutile  de  dire  que  les  ten- 
tures de  deuil,  les  chaînes,  la  faux,  les 
ossements,  le  crâne,  et  autres  embel- 
lissements si  soigneusement  décrits  par 
la  tradition  avaient  disparu  depuis  long- 
temps, en  supposant  même  que  tout  cela 
eût  existé  :  en  revanche,  nous  trouvâmes 
de  la  poussière  partout,  un  monceau  de 
toiles  d'araignée  et  une  infinité  de  sque- 


I  1  _ 


105 


Icttcs  de  souris.  Ces   détails  nous  paru- 
rent assez  peu  romantiques. 

»  Quant  à  la  ])orte  tic  l'escalier  de 
pierre,  Inunide  et  ténébreux,  que  le 
templier  avait  cru  être  fermée  pour  tou- 
jours, ellt,'  ne  fermait  plus  <lepuis  des 
siècles,  et  lescalier  servait  de  refuge  aux 
reptiles  des  environs.  Cette  circonstance 
dornia  à  notre  (lievalier  fanfaron  l'occa- 
sion de  f^iire  de  nouvelKs  vantardises  (jui 
lui  valurent  de  ma  part  les  marques  du 
plus  parfait  dé-dain. 

^  La  porte  placée  en  face  de  lacliand)ie 
noire  fut  ouverte  ;  elle  donnait  dans  un 
])ctit  couloir  (jui  aboutissait  à  1  aile  du 
château  où  étaient  situés  les  apparte- 
ments que  nous  habitions.  Nous  ren- 
trâmes par  ce  couloir  ,  et  mou  oncle 
orflonna  île  meubler  la  chandjre  han- 
tic^  après  qu'elle  aurait  été  soi(;ncuse- 
ment  uettovée,  d'un  lit,  d'une  table  et 
d'un  escabeau  ;  ces  ordres  furent  exé- 
cutés par  les  domestiques  avec  une  ré- 
j>u{;nance  visible  et  qui  me  fit  sourire  de 
piti(''.  Mes  cousines  auraient  voulu  qu'on 
imu'ât  la  porte  qui  conunimiqnait  au 
petit  couloir  tle /«  Tour  du  Nord  '  mon 
oncle  se  moqua  de  leurs  frayeurs. 

■  Ces  préparatifs  avaient  pris  (piel- 
ques  jours. 

—  »»  Kh  bien,  vaillant  chevalier,  dit  un 
soir  mon  oncle  en  sortant  de  table  , 
cpiand  ire/.-vous  cond)atlrc  le  fantôme  du 
templier? 

—  »  Demain,  Monsieur,  répoiulit  Ra- 
oul d'mi  air  n'solu. 

—  >•  Demain  soit,  r«'pondit  mon  oncle, 
«  IMais  dans  la  matinée  du  jour  sui- 
vant, Uaoïd,  en  courant  à  |H"rdre  haleint* 
dans  une    .ilh c  du  pare,   fit  une  chute, 
et  il  rentra  au  eh  iteau  en  boitant. 

«  H  SI*  plaij;nait  si  vivement,  «pie  mon 
oncle  fit  appeh'r  la  vieille  Y  vomie,  lan- 
cieuue  berceuse  de  mes  cousines  ;  Yvonne 
ordonna  le  lit,  niais  ium)  pas  dans  la  cham- 
bre «lu  temjdier  ;  car  pour  rien  au  mon- 


de Y'vonne  n'aurait  été  soij^ner  un  ma- 
lade dans  la  Ttmrdn  Nord. 

•'  l^Ion  oncle  inquiet ,  et  ne  pouvant 
consulter  im  médecin  que  le  lendemain 
matin,  ima{jina,  comme  traitement  pré- 
paratoire, la  diète  :  Raoul  dut  olx*ir,  et 
se  contenter  d'un  potaj^e  cl  d'un  biscuit. 
Rien  de  comparable  à  sa  docilité  :  mais, 
au  milieu  des  plaintes  que  la  douhur 
lui  arrachait,  il  me  lançait  des  regards 
plus  hostiles  que  jamais. 

—  »  Avouez ,  mon  petit  chevalier  er- 
rant, lui  dis-jc  en  riant ,  que  vous  êtes 
heureux  d'avoir  un  prétexte  pour  échap- 
per aux  étreintes  du  chevalier  Ballha- 
zarl  Rravcr  de  loin  un  fantôme  est 
chose  facile,  mais  de  près! —  Au  reste- 
on  ne  peut  e\i{;er  qu'à  votre  âjjc  on 
soit  SUIS  peur  et  sans  reproche  1 

»  Rat)ul  se  mordit  les  lèvrei  et  fit  cra- 
qner  ses  doi^jts  ;  c'est,  dans  les  cas  diffi- 
ciles, la  réponse  suprême  i\\\  colléjjien. 

"  il  lui  fallut  le  bras  d'Yvonne  pour 
{p[;ner  sa  cliand)!^  ,  où  mon  oncle  le 
suivit,  afin  de  s'assurer  que  rien  de  ce 
qui   ]>onv.iit  le  soulager  n'avait  été   né- 

•  A  son  retotn,  mon  oncle  me  {gronda 
pour  avoir  paru  meltit»  en  doute  la  bra- 
voure de  Raoul  ,  cl  il  ajouta  :  Ce  stint 
LV  des  plaisanteries  cpiune  jeune  fdlc 
ne  d(»it  jamais  se  permettre,  même  avec 
\\\\  ('eolier.  Ji*  dcsui*  ipie  cette*  épreuve 
ait  lien,  alin  de  convaincre  enfui  h»s  |;eus 
ciéduU'S  (et  il  n'{;arilait  s<*s  deux  fdU*s), 
ainsi  (pie  tout  le  viHaj^e,  que  le  errcitrit 
liu  l'iinplitr  n'est  point  hanté  |\ir  un 
fintôme.  Mais  et*  nVst  qu»?  |Kirtie  re- 
mise. 

>•  Os  paroles  me  revimvnt  plnslenis 
fois  à  l'esprit,  dans  la  s«Mn*c  ,  et  eu  nie 
retir  ml  «lans  ma  chanibir,  je  me  dis 
<ni  il  s<M  lit  Iiiiiiux  lie  '  uiir  tons  les 
]vMuru\. 

•  Après  le  ïlépart   tle   la    femme   dr 
^;hamblv,  ne  me  sentant  nulle  envie  de 


■»■  »ri<-a.'»Qjrra.^c33to;. 


iO() 


dormir,  jt*  passai  un«?  lobe,  et  pru  à 
jit'u  ,  inoxallaiit  moi-iiiôine,  j'arrivai, 
moitii'  j>ar  orjjiu'il,  moitié'  par  bravade*, 
À  la  pcMisc'o  de  luotUe  à  lin  cUc  (jrandp 
avcntiirr.  » 

—  Kst-i'  possib'e  I 

—  Quel  courage  ! 

—  Quelle  audace  !  sV'crièreut  phi- 
sieurs  voix. 

—  "  nile>  plutôt  quelle  folie!»  n'pou- 
dit  Irène. 

—  Il  ne  m'en  viendra  janjais  de  sem- 
blable dans  Tespritl  murmurèrent  quel- 
ques jeunes  filles. 

—  «  Je  ne  cédai  pas  tout-à-coup,  con- 
tinua Irène,  il  y  <  ut  dts  luttes  en  moi, 
non  contre  la  pt  ur,  j'en  niais  l'existence, 
mais  contre  d(^s  mouvements  instinc- 
tifs dont  je  ne  me  rendais  pas  compte. 
L'orjjueil  l'emporta.  Aller  passer  la  nuit 
dans  cette  tour  redoutable,  y  dormir  en 
paix  ,  et  le  lendemain  me  montrer  aux 
yeux  de  tous  connne  rii('roïne  qui  avait 
su  biiser  un  bochet  dangereux ,  quel 
beau  rôle  ! 

»  Je  ]M-isma  bougie, et,  les  pieds  nus,  les 
cbeveux  dénoués,  dan>  toute  l'exaltation 
d'une  personne  qui  réellement  ne  con-» 
naissait  poitit  de  vaines  terreurs,  j'arrivai 
à  la  porte  du  couloir  :  après  l'avoir  ou- 
verte ,  je  marcbai  sans  liésiter  vers  la 
cbaïubremandite...  Un  coup  de  vent  étei- 
gnit ma  bougie...  mais  j'étais  à  l'entrée 
de  cette  cbanjbre...  IMe  laisserai-jc  donc 
arrêter  par  l'obscurité  ?...  Non. —  Har- 
diment je  me  dirigeai  vers  l'endroit  où 
avait  été  dressé  un  lit...  En  tàtoniiant 
je  le  trouvai,  et  je  m'y  jetai  après  avoir 
])rié,  mais  avec  distraction.  Le  froid  était 
vif ,  le  verit  sifflait  dans  les  arbres  en- 
core dépouillés  et  dans  l'escalier  tour- 
nant. » 

—  .Mon  Dieu  I  que  j'aurais  eu  peur  ! 
s'écria  une  de^  j  unes  filles. 

—  ««  J'ét  lis  donc,  poursuivit  Irène, 
dans  ce  lieu  redouté  de  tous  ,  et  j'y  étais 


I  s.itis  armes  ;  car  j'avais  rt\sisté  à  l'envie 
de  prendre  les  petits  ])istolets  aj^pendus 
à  la  cbemint'e  de  ma  çliambre.  ■» 

—  I)(*s  pistolets  I... 

—  «<  A'avais-je  pas  la  prétention  dé- 
passer pour  une  lionnr?  reprit  Irène  avec 
un  sourire.  Les  nuigissements  du  vent 
allaient  en  augmentant;  il  grondait  dans 
les  profondeurs  d'une  foret  voisine  ;  la 
pluie  fouettait  les  vitres,  et  j'enten- 
dais le  morne  roulement  d'une  cbute 
d'eau  ,  car  il  y  avait  tout  près  de  là  une 
pelit<'  rivière  et  un  moulin  :  bien  que 
ces  bruits  me  fussent  familiers,  je  com- 
mençais à  ressentir  non  de  la  peur,  mais 
quelque  chose  de  vague  qui  me  S'^rrait 
le  cœur.  IMalgré  moi  je  me  souvenais  de 
toutes  les  terreurs  inspirées  par  la  cham- 
bre maudite...  IMalgré  moi  je  me  rap- 
pelais ces  mots  ,  que  la  tradition  prêtait 
au  templier;  IMalheur  à  qui  osera  me  bra- 
ver I.  .  Et  des  bruits  étranges  bourdon- 
naient dans  mes  oreilles. . .  Plusieurs  fois, 
je  l'avoue ,  je  fus  au  moment  de  m'é- 
lancer  hors  du  lit  et  de  regagner  ma 
chand)re...  Mais  me  prenant  moi-même 
en  pitié,  je  me  fortifiais  dans  la  résolu 
tion  de  rester. 

»  Qu'a  vais- je  à  craindre?  Ne  savais-je 
pas  bien  qu'il  n'y  a  ni  revenants  ni  fan- 
tômes ,  et  n'étais-je  pas  venue  en  ce 
lieu  pour  être  en  droit  de  l'attester  à 
tous? 

»  Minuit,  l'heure  fatale^  sonna.  La 
tourmente  continuait  au  dehors  ,  mais 
autour  de  moi  tout  était  paisible...  Le 
sonnneil appesantissait  mes  paupières.... 
l)(''jà  je  me  trouvais  dans  une  sorte  de 
torpeur...  Les  rêves  venaient,  mais  ils 
étaient  sombres.  Je  voyais  un  bûcher, 
des  flammes ,  et  l'affreux  appareil  d'un 
supplice.  Tont-à-coup  je  m'éveille  en 
sursaut...  J'ai  cru  entendre  un  soupir... 
J'écoute...  Tout  est  silencieux...  Cepen- 
dant je  saute  à  bas  du  lit  et  je  marche 
vers  la  porte  que  j'avais  fermée  ,  et  qui 


107 


sVst  oiirr-rtr ,  rnr  I»;  vrut  sViip,ouftre 
avec  violnjf»'  dans  la  ch.iinljrt'...  J  a- 
vaiice  à  tâtons...  J'nitcnds  le  son  (Viiiic 
cloclio  ,  mais  ail  loin...  Je  trrssaillr... 
J'avance  eueoK' ,  Irs  mains  étriiflurs... 
Je  sens  qneKjne  chose...  (juelqiie  cliose 
(Je  froid...  mon  sanjj  se  (^lace...  l'cUVoi 
me  saisit...  et   je  tombe  évanouie.  » 

—  Ali  I  jr.  serais  morte  sur  le  coup.' 
dit   une  voix. 

Il  y  eut  un  moment  de  silence  ;  puis 
Mme  de  Saint-Kslève  eontimia  : 

•  Ouand  je  revins  à  moi,  jetais  encore 
dans  cetli"  Icii  ih'e  Tnitr  du  IS'ntd ^  mais 
il  Tairait  joiu',  et  mon  oncle  ,  uies  eou- 
siiK-s  ,  nos  jeunes  ainies  m'entouraient. 
^  vouiie,  dehont  an  pied  de  mon  lit, 
pleurait... 

»  Los)(;temps  après  on  me  raconta  arec 
détail  ce  (pii  s'était  passé  ,  f  t  connnent 
tout  le  monde  ('lait  accouru. 

»  Le  lend(*main  île  la  nuit  (péi  suivit  ce 
tfirite-tifi  tnar^  ^  date  à  Lupiclle  persomie 
n  .ivait  d  alxnd  pris  (jardc  ,  la  Icninie  de 
cljamhrt'  t'i  nit  mon t('e  clic/,  moi  et  avant 
rcmanpK'  <pie  mon  lit  n'i'tait  pas  ilélait, 
avait  pris  l'alarme,  alarme  |>arta;,('c  aussi- 
tôt par  les  domcstitpics.  Pendant  (péon 
me  ilicreljait de  tous  les  eé»tcs  ,  h*  hmit  se 
répandait  (pie  laeloelie  du  t(*niplier  avait 
sonné  à  minuit  ,  (  t  Jeimv  ,  dont  l'amitié 
j;('ii('reus(r  avait  smnionte  les  puériles 
Irayeurs ,  s\'liit  precipiti'e  la  première 
dans  la  cliandire  noire.  Vax  ce  moment, 
levenue  de  mon  évanouissement,  je  m'('- 
lais  levét;  sond.iin  si  terrilde,  si  mena- 
çante ,  (pie  me  croyant  Irappt'e  de  dc- 
luence,  elle  était  alh'c,  liorsd'elle-méme. 
se  jeter  d;ms  lis  hras  de  son  père  eu 
criant  :  liene  est  folle!  Irène  I...  l'ollel 
folle  ! 

•  IMou  oncle,  liant  a(voMru,  nv.nil  fait 
sortir  tout  le  monde,  cl ,  seul  avec  moi  , 
il  .avait  pris  mes  mains  dans  tes  siennes; 
il  néavait  parlt* ,  sai»s  (pie  je  pnriis.5o 
d'abord  le  comprendre  ;   puis  je  nrélnis 


mise  à  pleurer,  et  il  s'était  dit  :  «  Elle  est 
sauvéel  » 

•  A loi"s  il  m'avait  press<'^dc  questions. 

—  «•  Ma  fille  chérie,  c'est  moi  qui  rem- 
j)lace  ton  père,  n'jxxids  sans  détours,  ne 
me  cache  rien,  (pi'as-tu  ! 

—  •  J'ai  |>eur  I 

—  '»  IVur  de  quoi  ? 

—  w  Du  teinj)lier. 

—  »  Chère  petite,  c'est  un  cauchemar. 
]Mais  comment  ,  pounpioi  es -tu  venue 
ici? 

—  '•  J'étais  orgueilleuse.  Dieu  ui'a  pu- 
nie! Je  me  croyais  supérieure  aux  autn*s 
femmes;...  Oui...  j'ai  eu  jïeiir...  liieii 
])eiir...  j'ai  peur  encore  î...  » 

»  Kl  je  cachai  ma  fi;;ure  dans  sa  poitrine 
(  n  Irissonnant  de  tous  iiirs  membres. 
\ou!nt  m Cmmener...  Mais  \\\\  nouve 
évanouissement  Tohlipea  d'ap|x'ler  au 
S'Coms,  et  Ton  m'empi^rla  dans  ma 
chaml)ie  sans  cpie  je  donnasse  sijjue  de 
vie. 

»  I'JirMi,je  revins  à  moi.  Mou  oncle 
(lait  seul  auprès  de  mou  lit. 

"  \\vc  une  tendresse  paternelle,  il  tue 
conjura  de  lui  dire  ce  (pli  m'était  arrivé. 
—  Soula|;e  ton  ea'ur  oppn^st'^  mon  en- 
fant. Toi  si  ferme,  si  eoura(;eiise.... 

—  »»  Ferme  !  et)uni{jeiisr  I...  je  rn>y.ii« 
relie... 

—  »  A  (pi(  lie  heure  cs-tii  allée  dans  l.i 
tour/ 

—  -  »•  Hier  .m  soir... . 

—  ••  Ouel  était  ton  deNSciii? 

—  »  Je  Noulais...  prouver...  (pie  toute 
celle  histoiiv  du  templier  n'est  |K)int 
vraie.... 

-  •  Kl  le  ne  l'est  pas,  lu  le  sais,  <*ar  tu 
esaii(l(MSU8  des  miWmhles  su|¥*rst  liions 

(ju'on  repi'oelie  aux  feinim^s  surti>iit 

Tu  le  lais...  pnrle,  ]r  l'en  prie  ! 

—  M  Dieu  m'.i  punie!  Dieu  ni'n  pum**!.. 
J'.ii  entendu  l.i  cKh-Iic  tinter...  J'ai  en- 
tendu (M-iiiir...  J'ai  enleiuiil  ct*s  iihMs  : 
J  ai  faim  !...  j'ai  faim...  Kflrayir...  éiH>ii« 


08 


vnntt'o,  j'ai  voulu  fuir...  iiuc  ouibro 
J)l;uu'li(^  a  passô  ilovaut  moi  ou  {jvuiis- 
saut...  Puis  uu  lircsarcloniquo  a  irtouti.. 
Mrs  forces  faiMissairut...  uiir  n\ain... 
une  main  fioido.  .  .  une  uiain  (;iaci'(\  .  . 
oui...  ]c  Tai  seutic  sur  mes  piixls  uus.... 
>«  A  ct\s  affirux  souvruirs,  je  fus  saisie 
<]c  convulsions.  » 

—  Ah  !  qiii'l  icciti  s'ccrièieut plusieurs 
j (Ml nés  filles  en  re(>ardaut  autour  d'elles 
avec  cffioi. 

Iiène  sourit,  et  continua  ainsi:  «  Uu 
médecin  était  cependant  arrive,  celui  que 
mon  oncle  avait  envoyé  cherclier  de  p,rand 
matin  pour  Raoul  qui  avait  passé  une 
mauvaise  nuit ,   disait  Yvonne. 

»•  On  ramena  d'abord  près  âc  moi,  J'vV 
vais  la  (îèvrc,  le  délire.  Il  prescrivit  le 
l'cpos ,  le  silence,  mais  eu  défendant 
qu'on  me  laissait  seule,  ne  fut-ce  qu'un 
instant.  Il  promit  de  passer  la  journée  au 
cliâteau,  dans  le  cas  où  ses  presciiptious 
n'amènrraientpasprompteinent  le  calme 
qu'il  en  attendait  ;  et  il  suivit  Yvonne 
qui  venait  de  lui  dire  qu'il  y  avait  un 
autre  malade  à  soigner. 

»  Raoul,  levé  et  habillé,  reçut  le  méde- 
cin d'un  air  ravi  et  charmé  de  lui-même. 

—  »  J'allais,  dit-il,  descendre  pom'lc 
d('jeuner  ;  car  je  veux  être  le  premier  à 
crier  :  •  Poisson  d'avril  !  » 

—  »  Comment,  IMonsieur Raoul,  dit  la 
vieille  gouvernante  stupéfaite,  vous  êtes 
guéri  ? 

—  »  Guéri  I...  Je  n'ai  pas  été  malade. 

—  »  INÏais  cette  chute  d'hier  ?... 

—  »  Je  me  suis  laissé  tomber  tout 
doucement,  sans  me  faire  de  mal. 

—  »  Mais  vous  boitiez  ? 

—  »  Il  fallait  bien  faire  le  malade  pour 
obliger  l'amazone  de  prendre  ma  place  et 
d'aller  dans  la  Tour  du  Nord  afin  de  pa- 
raître brave....  plus  brave  que  le  prtit 
Raoul... 

—  »  jMallicureux  enfant,  cpTavcz-vous 
fait? 


—  »  Un  poisson  d'avril.  Elle  a  entendu 
le  tenqdier,  si  elle  ne  Ta  pas  vu,  elle  ne 
peut  donc  pas  tlirc... 

—  »  Suivez-moi,  Monsieur,  dit  le  mé- 
decin d'uM  ton  sec. 

»  Raoul  étonné  regarda  le  docteur. 

—  »  Ah!  çà,  elle  n'en  est  pas  morte,  je 
pense  ,  elle  qui  n'a  peur  de  rien  ?  reprit 
Raoul  un  peu  ému  de  l'air  grave  du  mé- 
decin. 

—  »  Suivez-moi,  vous  dis-je  !..  Et  le 
docteur,  le  prenant  par  le  bras,  Tentraîna 
rapidement,  puis  le  poussant  devant  mon 
lit  où  je  me  débattais  en  proie  au  délire  : 
«  ^  oilà  votre  ouvrage  !  dit-il.  Cette  jeune 
fdle  est  forte  et,  énergique,  son  délire  ne 
sera  que  passager  ;  si  elle  avait  été  n(^r- 
veuse  et   délicate,  vous   l'auriez  rendue 

i     folle! 

j         »  Raoul  tomba  à  genoux.  «  Pardon  ! 

j     pardon  !    Mademoiselle ,    ne  soyez    pas 

I     folle ,  ayez  pitié  de  moi  !  »  disait-il   en 

i     sauplotant;  et  il  couvrait  de  larmes  une 

!     de  mes  mains  qu  il  avait  saisie. 

I        —  »  Qui  êtes- vous?  que  voulez-vous? 

i     demandai-je  en  le  regardant  fixement. 

I         —  »  Je  suis  Raoul Je  vous  de- 

;     mande   pardon  !   c'est   moi  qui  tous  ai 
'     fait  peur!  je  m'étais  caché  dans  l'esca- 
lier de  pierre...  c'est  moi  qui  ai  sonné, 
I     c'est  moi  qui  ai  dit  :  J'ai  faim  !  Oh  !  je 
vous  en  supplie,  pardonnez-moi  ! 

—  »  Allez  chercher  la  sonnette  dont 
vous  vous  êtes  servi,  dit  le  médecin. 

')  Raoul  obéit  sans  oser  lever  les  yeux 
I     sur  ceux  qui  m'entouraient. 

»  C'était  une  grosse  clochette.  Le  mé- 
;    decin  l'agita  en  m'observant. 

))  D'abord  je  frissonnai,  puis  je  me  mis 
j  à  rire,  et  les  éclats  de  ce  rire  nerveux, 
contrastant  avec  la  pâleur  de  mes  joues 
I  et  la  fixité  de  mes  yeux  ternes,  firent 
pleurer  Isabelle  et  Jenny  ;  Raoul  devint 
presqu'aussi  pale  que  moi,  et  recula  ;  il 
tremblait  de  tous  ses  mendjres;  à  son 
tour  il  se  sentait  malade,  mais  il  ne  se 


[- 


j  m 


y)lai(;nlt  à  |>rr.sonne  ;  et  lorsqu'il  ne  se 
trimit  pas  à  la  porte  de  ma  clianibre 
pour  avoir  de  mes  nouvelles  à  tout  in- 
stant, il  errait  dans  le  jardin  eonuue  une 
âme  en  peine. 

»  Peu  à  peu  les  accidents  nerveux  dis- 
parurent; luiit  jours  après,  j'<'lais  re- 
mise de  mes  terreurs,  et  je  pardonnais 
à  llaoul. 

>•  Iledcvenue  calme  et  eoura{;ense ,  je 
compris  cette  {;rande  leçon,  et  je  re- 
connus f|ue  la  mission  de  la  femme  est 
liumble  et  caeli('e.  Honteuse  de  ma  fo- 
lie, et  abjurant  à  jamais  ce  titre  de  tinnnr 
dont  j'étais  si  lière,  je  suis  aujourdlini 
ce  (jne  vons  voyez. ,  la  simple  Irène, 
lioinie  ménaj;ère  et  mère  de  famille....  ■ 

—  Va  ma  foi  !   vous  êtes  cliaiinanl<'  ! 
Cet  <'lo{;e  l)rus(|ue  partait  du  fond  du 

salon,  on  lesjoueurs  de  wislli  avaient  in- 
terrompu leur  partie  pour  écouter  le  ré- 
cit d'Iiène. 

Un  ancien  oflieier  de  marine,  aux  al- 
lures sim]>les  et  IVanelies,  se  leva  et  vint 
.serrer  cordialement  la  main  de  la  jinine 
fenime  :  c'était  le  ]ière  de  son  mari,  le 
ca])itaine  de  Saint  -  Kslève.  Jamais  il 
n'amait  consenti  a  donner  à  son  (ils  une 
énude  en  coura<;r  viril  ;  mais  il  avait 
choisi,  dans  une  foid«'  de  jeunes  iilles, 
celle  (jui  s.ivait  imir  à  la  sa{;esse  et  à  l'in- 
struction la  douceur  et  la  modestie  de 
son  sexe. 

Il  n'v  eut  (pi'une  voix. pour  IVIieiter 
M'"'  de  Saint- ilstève  et  pour  hl.innr 
llaoul. 

—  Oli  !  ne  lui  en  vonli"/.  pas,  dit  1  a 
jeune  fenune  .  eet  enfant  n'avait  pas 
mauvais  cumu  ,  il  n'i'tait  (pTétourdi.  Lui 
aussi  a  ])rolilé'  de  la  leçon  ;  car  il  a  rt)m- 
pris  (pie  nous  wv  «levons  ]>oint  fain*  aux 
•intre>  ce   (pu*    n(»ns    \w    Vdtidrions    pas 


qui  nous  fût  fait  ;  que  s'amuser  aux 
dépens  de  qui  que  ce  soit,  c'est  làchet  '. 
c'est  bassesse,  et  que,  préparer  des  invs- 
tifieralons  ou  des  soulfrances,  c'est  le 
fait  d'un  être  éjjoistc  et  faux,  puisque 
ces  uiystifications,  ces  attrapes^  reposent 
sur  la  duplicité,  sur  le  mensonge,  et  ne 
peuvent  produire  qu'un  rire  ]- 
bientôt  suivi  d'amers  et  inulil»^  ..  ^j..  .  . 
DtM'nièremeiit  je  me  trouvai  avec  lui 
chez  une  de  mes  parentes.  Il  remarfpia, 
connue  vous  tout-à-l'heure,  que  je  tres- 
saillais involontairement  au  bruit  d'une 
sontietle  ;  il  s'approcha  de  moi,  et,  hs 
yeux  pleins  de  larmes,  il  me  dit  tout 
bas  :  •<  Je  vous  ai  fait  bien  du  mal, 
Madame!  Pardonnez-le-moi  !  •» 

Irène  se  tut.  La  couvei^satiou  derint 
{;«'nérale  :  ou  convint,  d'un  coumum  ac- 
cord, qu'il  érait  s:i{;e  d'éviter  des  plai- 
santeries toujours  blessantes,  au  inoins 
pour  Tamour-propre ,  ou  capables  de 
eomprom'^ttn*  la  sauté  |>ar  un  mouve- 
ment  de  fraveur. 

Après  qu'on  eut  insisté,  avec  nii«o;i, 
sur  les  inronvéuieuts  îles  poissons  n  .i~ 
vril^  les  jeunes  filles  firent  saj^jenienl  ol>- 
server  <prell«»s  poun-aieut  bien,  à  leur 
tour,  voir  en  son;;e  le  vieux  chevalier 
lldtlr»zar,  portuit  un  uïasipie  n  . 
une  faux,  et  tout  le  uin;;i<pie  alî.;  .... 
si  l'on  ne  cIieiTlnil  pas,  cnuinic  autre- 
fois Isabelle  et  Jeuuy ,  dans  une  d.inse 
animer  ,  l'oubli  des  aventures  d*l* 
lène.  • 

M""  lie  Sûnt-Ksiève  v  iii.i  .ni  pifino, 
et  II  jeun<*ss<»  rieuse,  ehisvmi  les  |)en- 
s«'es  lu{;ubr(S,  forma,  soiw  1rs  yriix  «les 
vieux  |>an'nls,  un  brillant  et  jnvm\  epia- 
drdle. 

Jo'iep:!  k:c  ii. 


110 


LA^STUUCTION. 


SCIENCES  NATURELLES. 


LUTAMOLE, 


nnrBonisATioN 


IIKI  lUER.  —    niOCÉDÉ   DE    IM.    GaKAL. 


Lrs  li(  rjîoiisatidus  ramiliarisoiit  nvro 
les  locaiilc's,  av(  c  1»  s  haliituilos  des  vt'j;(''- 
taiix,  (  t  clcnuu  lit  (U  s  tonnaissaïuTs  (|ii(> 
les  livns,  ([m.'  l'i'uiclc  du  cabiiu t  piocu- 
lont  tlilliciKiiioiit  ,  tU'S  coniiaissanres 
(lu'il  est  iin]iossil)lr  dr  ]Hiisor  tlaiis  un 
licibiir  quelque  1/icu  t(  lui  (ju'il  soil, 
encore  moins  aiqwès  des  jilarites  soumi- 
ses au  eapriees  d  im  jaidinier.  llieu  ne 
rem])1ace  leseliaiiiies  dnnelierborisalion 
laiU'  avee  plusieurs  botanistes  dont  les 
goûts  et  le  zèle  sont  en  barmonie  ;  poul- 
ies trouver,  ces  ebarmes,  ]iour  tirer  tout 
le  profit  eouveuable  d  une  beiborisatiou, 
il  laut  se  munir  de  ce  qui  peut  rendre 
la  reeolte  aussi  comj)lète  cpie  possible... 


L'attirail  indispensable  se  réduit  à  un 
très-petit  nombre  d'obj(>ts.  Vu  boite  en 
f(U-blane  vernissé,  eou]H'e  sur  la  forme 
dun  portefeuille  de  la  dimension  du  pa- 
pier {jrand  raisin  (40  eentlmètres  de  lon[j 
sur  30  de  lar[;e  et  10  d'épaisseur);  plu- 
sieurs ealiiers  de  papier  [jris  ;  une  ser- 
pette, une  petite  trousse  contenant  un 
crayon,  un  livret  de  papier  blanc,  une 
loupe,  un  stylet,  une  paire  de  ciseaux 
lins  à  pointes  longues  (  t  étroites  et  un 
canif;  enfin  une  canne  sur  laquelle  $e 
viss<'  le  a/r/V/o/r,  espèce  dr  cisailles  d(»nt 
1rs  deux  brandies  fermées  donnent  une 
boulelte  qui  sert  à  déterrer  les  racines 
des  plantes  bulbeuses  :  la  canne  fomiilt 
le  moyen  de  coujx  r,  à  une  certaine  élé- 
vation, les  brandies  qui  se  trouvent  bors 
de  la  portée  de  la  main,  (t  à  attirer  les 


plantes  aquatiques  que  rt'loi'jnenient  et 
la   ]irofondeur  d(s  eaux   empècbent   de 

])ouvoir  cueillir 

Il  est  bon  de  n'jjulariser  la  marcbe 
d'une  lierborisation  et  de  la  calculer  avec 
le  moment  où  la  vé[^étation  est  dans  tonte 
sa  splendeur,  avec  une  belle  journée,  et 
selon  la  qualité  du  tenain  ({u'on  se  pro- 
pose d'ex]>lorer.  Aucune  localité  ne  doit 
être  né^jlijjée  :  jardins,  bords  des  cliemins, 
baies,  cliamps  cultivés,  terrains  va^jues 
et  incultes,  ruisseaux  et  décombres,  prai- 
ries, mai-écages,  eaux  courantes  et  stag- 
nantes, rivages  de  la  mer,  roebers,  bois, 
forets ,    montagnes  de  tous  les  ordres. 


Dans  toutes  les  saisons  il  est  possible 
criierboriser,  puisque  cbaquc  saison  a 
ses  fleurs  et  ses  plaisirs;  depuis  lépoque 
où  les  ftuiilles  manifestent  leur  sortie  du 
bourgeon,  jusqu'à  celle  où  le  pédoncule 
sans  force  laisse  tomber  la  feuille  qu'il 
supporte 

Les  berborisations  solitaires  convien- 
nent quand  on  veut  soulager  son  ame 
des  pensées  tristes  qui  lailligent.  La  vue 
des  ]>lantes,  le  ])laisir  de  respirer  un  air 
pur,  di'  jMendre  un  exercice  salutaire, 
d'occuj)er  agréablement  quelques  in- 
stants, rétablissent  réquilibre;  la  douleur 
est  moins  poignante,  et  le  baume  versé 
sur  elle  allège  le  ]ioi(ls  du  ebagrin.  On 
naître  et  u\h  n\  ])ortant,  et  plus  lil)re,  et 
j)liis  gai.  Larranjjcmcnt  de  l'ilEUBIEli 
prolonge  la  jouissance. 


111 


HEUBIER. 

Deux  «'cil  a  Util  lu  lis  de  chaque  plante 
sont  lit'ccssaircs  ;  l'un  (|ui  a  étc  cueilli  au 
j)i  int('ni])S,  au  moment  <lc  rinlloiescen- 
ce  ,  1)  ;  l'autre,  alors  qiw  la  plante  est  en 
pleine  ll(jraison  :  c'est  le  moyen  de  con- 
stater parfaileuH  nt  les  caractères  botani- 
([lU's  et  les  lial)itudes  v«'j;étales  ;  l'elndr 
se  complète  par  la  possession  des  iiuits 
parvenus  à  leiu"  développement  le  plus 
complet,  et  par  («lie  des  anomalies  et 
des  monstruosil»'s,  tlont  l'examen  com- 
])aratil  et  n'il('(  lii  ju'Ut  jeter  un  lrès-(;rand 
jcnu"  sur  ipiehpies  points  encore  oLscius 
de  la  j)liysiulo{;ie  végétale. 

Modv  de  pn'pnrution.  —  Toute  plante 
cueillie,  ainsi  (pie  ]«•  viens  de  le  dire, 
dans  le  plus  bel  (  tat  de  IVaielieiU'  possi- 
ble, au  moment  on  toutes  les  j)arties  de 
la  Irueliiieation  sont  sensibK  s  et  ollient 
tous  les  caractères  distinetifs  du  yenre  et 
de.  l'espèce,  se  place  entre  d»  u\  1»  uilles 
de  papier  {^ris  pour  y  perdre  son  (an  de 
vé(^«'lation  ci  snbii'  uwc  première  pres- 
sion (pii  doit  en  liàlei-  Tt-mission  (J)  ;  on 
j)lacc  u\\  d(jssier  de  plusieurs  papiers 
{;ris  de.s.">us  et  ilessous,  pour  recevoir  cette 
(au  ;  on  a  en  la  piéeaulion  de  biin  <  ti  n- 
dre  toutes  les  le  uilles,  lis  rameaux,  les 
bractées  etleï»  Heurs;  on  di'laelie  l«s  pt'- 
tales  pour  les  présenter  s(  parement,  ainsi 
<pie  l'ovaiic,  l.  s  accessoires,  les  élauii- 
nes  (  t  le  pi.Nld,  en  avant  soin  dv  leur 
conserver  le  port  {^;énéral  et  les  habitudes 
particulières.  Ouant  aux  racines,  il  im- 
porte de    les   uettov.r    a\(c   nn«'   brosse, 

(0  DlppoMhdti  i!(  -  ili  iM.»  Mir  lin  Nivn.il  iim 
en  t'»t  iiiuiii  ;  l'r.Nl  un  r\ri'll<  ni  rai.irli'r»-  pour 
^(>n^lilu^r,  non  \\m  Io  gcnirn,  iwnU  le»  (>i>cco«, 
cl  (|u'il  CDiiNii'iil  loujiuir:»  ilc  noter  quand  on  re- 
cni'illc  unr  planic. 

(ï^  Il  f.'tit .  jiour  crll(»  np(^rntlon,  >o  prorurrr 
une  pii>>«c  ilont  la  «ImiMo  Inhln  l'jit  d'  <  un 

ilinicuKiiMi  (|U(*   le    pnpicr,  on  bien  (i  iio 

(pi'un  poM'in  liiir  le  (lus«i(M'  Oc  pa|)l(-r  gris  pla- 
ce Mir  I.»  lalilc,  cl  tiu'on  r)inti:crn  «le  p<»»il?  de 
plus  en  plus  lourd:!,  luivant  le  buuln. 


afin  (pi'il  n'y  reste  point  de  terre,  etloi-s- 
(jue  celle-ci  (*st  mouillée,  on  la  laisse 
sécher  pour  renlever  ensuite  exactement. 

On  pourrait  remplacer  les  racines  par 
un  deshin  lait  d  après  nature,  \a'S  arbres 
se  prennent  par  échantillons  dans  les- 
quels on  voit  remliranehement  des  ra- 
nie.iiix,  la  position  et  le  jeu  des  feuilles, 
en  conservant  une  petite  portion  de  l'é- 
eoree  et  du  bois. 

Il  est  n('c«*ssnire  dVulever  la  pulp«»  d(»s 
platites  {jrasses  oudeles  d(*ssét!ier  sous  la 
pression  d'un  fer  chaud.  Les  espè(X»s  co- 
riaces et  \Ki\  épaisses,  parmi  les  champi- 
gnons, s'exposent  d'abord  à  l'air,  puis 
on  l«\s  coupe  du  haut  en  l)as  par  moi- 
tié', principalement  celles  qui  sont  nni- 
nii\s  d'im  chapeau  et  d'un  sli|x» ,  afin  de 
laisser  voir  \vs  feuillets  des  agarics,  les 
ai;;uillons  des  hvdnes,  etc.,  etc. 

On  couq^rime  peu  à  peu  ;  deux  jours 
a]irès,  on  chanp,e  les  (lossiers,  on  laisse 
ensuite  la  plante  à  l'air,  afin  quelle  sè- 
che phis  vite»  et  «pi'elle  (X)nserve  mieux 
ses  couleurs  propres  ;  puis  on  lui  donne 
une  nouv«*lle  chemise,  t(^uj(^urs  en  pa- 
pier [;ris;  on  pivssc  de  nouv(\ui  plus  for- 
tement, mais  avec  ménagement;  tmp 
lorlr,  la  eonqiression  é'crase,  désoq;ani$e 
les  parties  molles,  peu  consistantes  it 
rend  l'examen  im|^ossd>le  ;  tn^p  faible, 
elle  permet  à  la  plante  île  s<'  {'.••Pl^^'r, 
de  prendre  une  lauss«'  ]H)sition.  Au  boni 
di*  huit  à  (piin/.e  jours,  si  IV^iHTation  a 
«  te  bien  faite,  la  plante  est  en  état  de 
prendiv  place  dans  l'Herbier  ;  on  la  met 
alors  dans  une  feuille  de  |>apier  forte- 
ment aluné  (1^ 

On  enferme  &4-partMnent,  dans  des  cnp- 
suli's  de  papicT,  les  (M  yptogauies  fragiles, 
pleins  de  |>«)ussière,  lanles  à  se  délério- 

(i  l.c  papier,  pour  l'Ilabicr,  furnial  {tranJ- 
rnisin,  dnU  «^irc  ntl-btanc,  a»*ei  fort,  cidié.  <( 
pn»M'  prvatablemcnt  dans  une  forte  tuluUon 
d'alun. 


112 


ror,  et,  dans  dos  bocaux  remplis  d'acide 
pyroIij;nciix,  les  espèces  chainucs,  com- 
me  les   bolets,    les  nvmcUes,  etc.,  etc. 

Eu  anau^jeaut  la  plaute  sur  le  lit  de 
papier ,  jireucz  {;raud  soin  cpie  toutes 
ses  j)arties,  suru)ut  K  s  leuilles  et  les 
ileurs,  soient  bien  ouvertes  et  bien  éten- 
dues dans  K'ur  situation  naturelle.  La 
plante  un  peu  llctric,  mais  sans  l'être 
trop,  sr  prèle  mieux,  pour  Tordinaire,  à 
1  arranjjcmcnt  qu'on  lui  donne  sur  le 
]>apier  avec  le  pouce  et  les  doigts.  Mais  il 
y  en  a  île  rt^belles  qui  se  grippent  d'un 
coté,  tandis  qu'on  les  prépare  de  l'aulie. 
Pour  prévenir  ces  inconvénients  ,  j'ai 
lies  plombs,  des  petits  marbres,  des  piè- 
ces de  monnaie  avec  lesquels  j'assujettis 
les  parties  que  je  viens  d'arran^jer,  tandis 
que  je  dispose  les  autres,  de  taçon  que 
quand  j'ai  fini,  ma  plante  se  trouve  pres- 
que toute  couverte  de  ces  pièces  qui  la 
tiennent  en  état.  Après  cela,  on  pose  une 
seconde  feuille  de  papier  sui'  la  premiè- 
l'e,  et  on  la  presse  avec  la  niaiu,  afin  de 
tenir  la  plante  assujettie  dans  la  situation 
qu'on  lui  a  donnée,  avançant  ainsi  la 
main  jjauclie,  qui  presse  à  mesure  qu'on 
retire  avec  la  droite  les  plombs,  les  piè- 
ces de  monnaie  qui  sont  entre  les  pa- 
piers. On  met  alors  le  dossier,  et  l'on 
conqirime,  ainsi  que  je  l'ai  indiqué  tout 
à  riieurc 

arrangement.  —  Une  fois  la  plante 
jvarfaitement  desséchée,  on  la  place  seule 
dans  une  feuille  d»;  papier  mi-blanc, 
accompagnée  d'une  étiquette  portant  les 
noms  botanique, synony  niique  et  popu- 
laire, l'indication  du  lieu  où  elle  a  été 
trouvée ,  l'époque  de  la  floraison  et  de 
la  fructification,  la  couleiu  des  pétales 
et  des  fruits,  la  classe  et  l'ordre  d'après 
Limiée,  la  famille  à  laquelle  elle  appar- 
tient dans  la  méthode  dite  naturelle;  en 
(général  toutes  les  notes  qui  peuvent  aider 
à  la  mémoire,  rendre  faciles  les  recher- 


ches ultérieures  et  consacrer  un  souvenir 
agréable.  Sous  ce  triple  point  de  vue,  je 
n'ouvre  jamais  mon  Herbier,  sans  retour- 
ner avec  délices  à  des  époques  plus  ou 
moins  éloignées,  sans  causer  avec  mes 
amis  absents  ou  dc'funts,  sans  rire  d'une 
aiu  edott^  soudain  n'veillée  par  le  nom  de 
telle  localité,  de  telle  plante. 

Un  Herbier  général  peut  être  range 
selon  la  méthode  des  familles;  mais  pour 
un  Herbier  limité,  le  système  de  Linnée 
mérite  la  préfércjiee. 

Toutes  les  espèces  du  genre,  je  les 
réunis  ensendjle  dans  un  ou  plusieurs 
cahiers  ;  et  sur  le  premier  feuillet  j'inscris 
le  nom  du  genre  botanique  ;  je  ne  colle 
aucun  échantillon.  Ceux  qui  veulent  le 
faire ,  doivent  employer  la  fécule  de 
pommes  de  terre  mise  en  bouillie  avec 
de  l'eau  chaude;  je  la  préfère  à  la  gomme 
arabique,  qui  conserve  moins  bien  les 
couleurs  ;  je  m'en  sers  pour  fixer  les  di- 
vers appareils  de  la  fleur,  ainsi  que  le 
pied  des  mousses,  des  algues  et  autres 
très-petites  plantes.  Les  échantillons  non 
collés  peuvent  être  examinés  en  tous 
sens;  ils  laissent  voir  souvent  des  carac- 
tères microscopiques  bons  à  connaître 
dans  une  monographie,  et  fournissent 
toujours  quelque  remarque  curieuse. 

Un  autre  avantage,  c'est  de  pouvoir, 
au  moyen  de  l'eau  pure,  rendre  aux  con- 
fervées,  aux  céramiaires,  aux  brillantes 
floridées  ,  leurs  filaments,  leurs  ramu- 
les,  leur  port  élégant  ;  c'est  de  ramener 
tout  à  coup  à  son  état  naturel,  à  sa  fraî- 
cheur, la  plante  que  vous  voulez  décrire 
vivante,  et  dessiner  dans  toute  sa  beauté. 
On  a  recours,  à  cet  effet,  à  l'eau  bouil- 
lante à  90  et  100  degrés  centigrades  :  on 
y  plonge  la  plante  entière  et  on  l'y  laisse 
jusqu'à  ce  que  l'eau  soit  absolument  re- 
froidie ;  alors  on  voit  tous  les  vaisseaux 
comprimés  se  gonfler,  la  tige  se  redresser, 
reprendre  sa  consistance  ;  les  feuilles 
perdent   leurs  rides,   reparaissent  dans 


113 


leurs  couleurs,  tlaiis  leur  position  ;  les 
fleurs  sépaiiouisseiit ,  se  luonlreiit  dans 
toute  1(  ur  éléj^ancc;  eu  un  mot,  vous 
avez  sous  les  yeux  pendant  un,  et  quel- 
quefois deux  ou  trois  jours,  la  plante 
dans    son  état  de  jeunesse  la  j)lus  biil- 

lante  et  la  plus  robuste 

.  .  .  Quanti  les  plantes  ont  été  récolté-es 
trop  fanées  ou  trop  mouillées,  de  même 
(juand  elles  ont  subi  une  pression  trop 
violente  ou  non  ménaijée,  le  pbéno- 
inèiH.'  ne  réussit  pas  toujours.  On  ne 
l'obtient  que  sur  des  vé{j<''taux  pn'paré» 
avec  soin  et  parfaitement  entiers. 

Conservation.  —  Tc\u  /.  vos  ]>lantes 
enfermées  dans  des  cartons  ;  qu'elles  y 
soient  serrées  ;  mais  n'emplovez  ni  cor- 
dons, ni  courroies  pour  les  tenir  pressées. 
La  pièce  qui  renferme  l'Herbier  ne  doit 
point  être  bumide,  ni  trop  cbaullée  ;  et 
Ton  doit  avoir  j;rand  soin  de  ne  point 
mêler  rnsend)le  des  plantes  récennneut 
dessécbées  avec  les  anciennes,  de  crainte 
que  les  premières  ne  contiennent  encore 
des  larves  qui,  se  développant  plus  tard, 
causent  des  pertes  inappréciables.  Il  faut 
visiter  deux  ou  trois  fois  l'année  toutes 
ses  plantes,  afin  de  les  purjjerdes  Anlbré- 
ines  de  cabinet,  des  Ptines  voleurs,  et 
autres  insectes,  fléaux  des  collcctit)ns, 
]>rincipal(nuiil  !»•  ])on  d«'  bois  it  de  pa- 
pier, Vhcincrahius  pulsatonus  de  i^innée, 
(jui,  par  sa  petitesse,  se  soustrait  à  vos 
r(';;ar(ls,  et  liiiit,  à  la  lon[^ue,p;»r  K'dniie 
le;  plant(*s  en  poussièie  fine. 

Tu.   DU  H. 

(]esensrij;nements  sont  enq^imlés  au 
Dictinnuinrr  jitHorrstjiir  tChistaitr  riatii- 
rtlli\  ])ublié'  sonsla  dir«vlion  de  !M.  (iut- 
rni  INIinevdle  ;  afin  de  lescompléler,  noui 
rappellerons  à  nos  jiunes  lectrices  V Hcr- 
i'irr  (1rs  ilrninisrllrs  ^  par  AI.  ICilmond 
Andonit,  et  nous  Iriu'  recomm.inderoii*; 
vivenn  lit  1  rxcelleiit  livr<'  de  .Mlle  .Ma- 
OÀUl)  DP.  Ui^ALKuni,  i^a  HoTA^dvtK,  ou- 


vraMeaj)prouvé  par  le  cons<^il  de  linstiiic- 
tion  publique.  Avec  ce  jM'lit  volume, 
écrit  dune  manière  si  attrayante  et  si 
claire,  elles  pourront  reconnaître  les  ca- 
riKlè-rcs  botaniques  et  claacr  elles-mêmes 
le  fruit  de  Irurs  lierborisations.  Ces  deux 
ouvra^^es  sont  les  seuls,  de  tous  ceux  pu- 
bli<'s  sur  cette  science,  que  nous  puissions 
indiquer  en  toute  st'curité  à  cellt^  de 
nos  aimableg  amies  (|ui  d»'sirent  étudier 
la  botanique.  Dans  (jueltjue  temps  ,  nous 
1  espérons,  1  art  de  dtsitu lier  les  Jlrun^ 
procédé  découvert  récemnjent  par  M.  Ca- 
nal, étant  devenu  usuel,  les  berbiei-s  jus- 
(ju'ici  connus  seront  remplacés  par  s\e% 
collections  qui  oflriront  à  l'feil  cbariné 
les  plantes  dans  t«nit  leur  éclat,  dans 
toute  leur  fraicbeur.  A  oici  ce  qur  dit 
M.  l'abbé  Moijjnot,  à  ce  sujet,  dans  l'un 
de  ses  comptes  rendus  tle  l  Académie  des 
sciences. 

«<  An  i vous  maintt'uant  au  ])rocédc  de 
!M.  Ganal,  Il  ran{;e  successivement  ses 
plantes  dans  des  feuilles  de  papier  {jris 
(jui  absorbent  innnédiatement  l'eau  de 
pluie  ou  de  rosée.  En  cet  état,  les  plan- 
tes jieuvent  se  conserver  vin};t-quatre 
beures  sans  altération  aucune.  \jc  len- 
demain, il  les  placi'  dans  un  paj>ier  srt% 
et  les  dépose  ilans  l'appareil  de  sou  in- 
vention.... L'appareil  se  com|>ose  il'un 
vase  cylindritpie  eu  cuivre  de  30  ivnti- 
mèlres  de  bauteur  sur  30  de  diamètre; 
on  y  place  le  patpiet  contenant  un  et  lian- 
till«)n  des  plant«*s  ;  puis,  dans  un  es|wicc 
nslé  vide  sur  les  côtés,  on  met  -I  kilo- 
jjrannnes  enviri»n  iK*  pierres  de  cliaux 
vive,  et  l'on  fixe  le  couvercle  du  vase. 
I)«  posé  ensuite  dans  une  |x-lice  cuve, 
l'appan'il  est  porté*  .i  une  tein|HTature 
di"  60  à  fil)  dejjrés  ,  au  uioyen  d'eau 
houillanle  que  l'on  verse  dans  la  cuve. 
0\\  fait  alors  le  vide  aTtx*  une  jvtile 
p<MM|x'  ]>nrmnati«pii*  atlaptée  .'i  un  ro- 
binet place  sur  le  couvcnle  du  vasr. 
Ouanil  ou  a  p<Mn]x*,  .\  divers  iutervalK^, 


114 


peiulant  deux  ou  trois  heures,  on  laisse 
le  (ont  tranquille  pendant  vingt-cjuatre 
ou  trente  lienies;  au  bout  de  ee  temps, 
en  onviant  l'appareil  ,  on  trouve  les 
plantes  sèe!i<\s  ci  cmbdiinKcs  à  jamais. 

»  Nous  avons  vu  l'IlerMer  d(*  IM.  Ca- 
nal, et  nous  l'avons  grandement  admiré. 
Les  feuilles  et  les  flturs  de  ses  plantes 
ont  eonservé  prescpie  tout(^  leur  fraî- 
cheur. Sa  eolleelion  de  eham])ij;nons 
surtout  nous  a  vivcMneiit  IVapprs.  On 
dirait  qu'ils  vicMmeiit  d'être  eut^llis  dans 
la  ]>rairie  ou  la  forêt.  Mais  ce  (jui  dé- 
passe toutes  les  prévisions  en  fait  de  suc- 
cès, c  est  une  on/iis  (pii  a  conserva*  jus- 
qu'à son  odeur  prononcée  de  vanille. 
Dans  la  dernière  séance  tle  l'Académie, 
iM.  liiehard  la  montrait  au  célèbre  bo- 
taniste anglais,  M.  Lindley.  —  Quelle 
belle' plante  I  s'écjia  le  savant  étranj^^er, 
et  qnel  malheur  qu'en  la  séchant  on  lui 
enlève  sa  forme  et  sa  couleur  I  — Mais 
elle  est  sèche  !  reprit  IM.  Richard. 
M.  Lindley  ne  pouvait  pas  croire  à  ses 
yeux 

»  3L  IMasson  ,  le  zélé  directeur  du 
jardin  d'expériences  de  la  société  d'hor- 
ticulture, est  inventeur  d'un  procédé  de 
dessiccation  et  de  pression  des  choux 
pour  l'appiovisionneinent  de  la  marine. 
Séchés  d'abord  à  l'étuve  et  comprimés 
en  gâteaux  par  une  presse  hydraulicpie 
puissante,  les  choux  de  M.   Masson  se 


conservent  indéfiniment  ;  et  quand  on 
les  fait  nn-enir  dans  l'eau,  ils  reprennent 

toute  leur  saveur 

La  connnission  de  l'Académie,  en  vorant 
les  admirables  conserves  botaniques  de 
M.  Ganal,  lui  donna  l'idée  d'emplover 
son  appareil  à  la  dessiccation  rapide  tics 
h'jjumes.  Celui-ci,  avec  son  ardeur  ac- 
coutumée, se  mit  au  travail,  et  arriva 
An  premier  coup  à  des  résultats  vrai- 
ment extraordinaires.  Nous  avons  vu 
ses  choux,  ses  choux-fleurs,  ses  carottes, 
son  céleri  desséchés  ,  et  nous  sonnnes 
restés  ébahis.  Aj)rès  qu'ils  ont  séjourné 
quelque  temps  dans  Teau,  vous  diriez 
des  le^<'umes  sortis  à  peine  de  la  corbeille 
tlu  maraîcher.  Si  la  saison  n'avait  pas 
été  si  avancée ,  j\L  Canal  aurait  em- 
hdunic  des  petits  pois  ,  des  haricots 
verts ,  etc.  Ce  n'est  encore  jusqu'ici 
qu'une  expéiience  de  cabinet  ou  de  la- 
boratoire; mais  le  petit  poisson  devien- 
dra [;rand  ,  et  l'essai  se  transformera, 
nous  l'espérons  du  moins,  eu  une  vaste 
et  f(>conde  industrie.  » 

Nos  jeunes  amies  nous  sauront  p,ré 
sans  doute  de  leur  avoir  fait  comiaîtrc 
ces  procédés  nouveaux  des  sciences  nj)- 
pUqaèes  ;  nous  les  tiendrons  au  courant. 
Avec  des  conserves  de  ce  genre  ,  les 
aimées  productives  en  plantes  potaj'^ères 
pourraient  fournir  des  ressources  bien 
précieuses   pour   les  années  de    dis(Ute. 


MELANGES. 


LES   ROCHERS. 


Je  possédais  à  Paris ,  il  y  a  plusieurs 
ami('es,  une  amie  qui  était  tout  ensemble 
la  plus  aimable  et  la  plus  indolente  per- 
somie  du  monde. 

Ileste  précieux  de  la  brillante  société 
du  xviii*  siècle ,  elle  avait  siuvécu  à  la 


tourmente  et  à  l'activité  dévorante  de  la 
Révolution.  De  même  que  la  plupart  dts 
personnes  de  sa  caste  et  de  sa  foi  politi- 
que, elle  avait  conservé  les  idées,  les  pré- 
jugés d'autrefois,  et  elle  ne  tenait  aucun 
compte  des  idées  nouvelles.  Paresseuse 


'_ 


Il 


et  spiiilurllc,  coiiimr  M'"''Dii(lciraiU,  elle 
olliait  le  sprci/nr/i  d'inic  rs;  rcr  qui  a 
(lispniu  pr('.S(|U(*  coiuplrtciiiciil  nuioiir- 
«l  liiii  (le  la  France,  (!«'  la  rcimnc  à  la 
iiiodetlii  tein])S  de  Louis  \\  I.  Kllc  lnhuitt 
sur  sou  lit  ou  sur  sa  chaise  lonj;ue. 

Le  malin,  tout  eu  prenant  son  chocolat 
au  lit,  elle  recevait  ses  visites  ;  elle  dînait 
à  huit  h(*uresdu  soir,  à  peu  j)rès  à  1  Ik me 
où  avait  lieu  jadis  le  souper,  et  clli'  pas- 
sait  la   nuit  entourée  île  ses    habitués, 
parmi  les<piels  >e  trouvaient  la  ])lu])art 
des  beaux  espiilsdc  Paris.  .'NLi  santé,  uns 
habitudes  opposées  ayf  siennes  ne   nir 
p<  ruH'ttant   pas'fîi*   |u()lo!i{;f'r   la  veillée 
au-delà  de  minuit,  jr  la  (piittais  au  mo- 
uieut  même  où  elle  était  le  plus  en  verve; 
I        car  son  e.«»|)rit  ne  bi  ill  lit  de  t(jut  son  ('elat 
(pTaux    b()uj;ies  et  vers  l'heure  la  plus 
avane('e  {\v  la  nuit.    l'^lle  pn'tendait  être 
aussi  î'/«'^/r/' et  aussi  bnw^ronff  (péaii  j)lns 
I       beau  teuips  de  sa  jeunesse,  et  crpenilant 
I       elle  ne  sortait  j^oui*  ainsi  dire  jamais  de 
'       son  héUel  du  laubourj;  Saint  Ilonoié  ;  elle 
y  restait  constannnent  ensevelie  connue 
(       cesprêtress<s  du  imipleile  Pom])«'i,  dont 
1rs  mod«i  lies   sont   allés,  après  dix-linit 
siècles,    troubler    h'  repos  dans  li  nr  ilr- 
nu'Uie  souterraine. 

Je  {.lisais  souvent  à  AI'"»  tir  "*  le  sa- 
crifice de  nu'S  fronts,  et  parfois  je  parve- 
nais à  obtenir  (pi\  lie  me  sacrifiât  mo- 
I  inentanéinent  les  siens.  (]'esl  ainsi  (jn  nii 
jour  ji*  rt'ussis  à  lui  lain*  rjuilter  son  lit 
A  {\v\\\  heures  apiès  néidi  ;  aussi,  sa  Ion- 
{;ue  toilette  t«  rnnnée  ,  arriv.imes-nous  à 
Lon{;cliamp  juste  au  moment  où  tout 
le  monde  en  revenait. 

Il  fallait  cependant  I  entendie  parler, 
elle<pii  sendil.iit  élre  attachée  à  son  hôtel, 
de  méiiK*  <pie  le  hmaeon  l'est  à  sa  co- 
•  piille,  lies  a|;irmeiits  il«-  la  eainpa|;Me; 
sou  eiidionsiaMiie  é(.ii(  t*  1  «pi'on  aurait 
pn  s*una(;iner  <pie  iM'«'^de***  apparteu.iit 
.in\  prom<'neU«»es  par  j'tcelKMice.  Ce  n'é*- 
taieiil    «pie  récits   enihanteurs  au   sujet 


de  1  habitaiu»  ;  champêtre  cpiVlle  |Missé- 
diit  à  liois  lieues  de  Paris  ,  liabilatiou 
cpii  faisait,  à  i'euteiidrp,  se«  déliixs  et 
d'où  arrivaient  eu  éuoruifs  bouqurts  les 
rioletles  de  mars,  les  livacinllies  d'arril 
et  les  iuunortelles  qui  remplissaient  toute 
l'amn'c  sa  jardinière.  Chacjue  jour,  elle 
j)renait  r»*nfja};ement  de  m'v  eonduiit*  le 
lendemain,  et  ce  lendemain  n'arrivait 
jamais.  J'insistai  tellement  vers  la  lia 
d'avril,  (pi'elle  se  résigna  ce|>endaul  j 
entreprendre  ce  vovaj'je. 

Dès  le  matin  du  joiu'  fixé-,  j'arrivai  afin 
d'assister  à  sa  toilrtte  et  de  la  hâter,  s'il 
était  possible  ;  des  préparatifs  (xiunne 
]M)ur  un  voya{;e  de  cent  lieues  avaient 
été  commencés  dès  la  veille.  I^i  pauvre 
f(  nnn<Mh*  ehand)re,  .A!"'"  Félicie,  |H-rilait 
la  tète  au  milieu  «le  tous  les  onlres  et 
eonire-ordres  «péelh'  ireevait  à  la  fi.is. 
INLt  patience  eommeneiit  à  se  Iass4*r,  lors- 
tpie  j«*  parvins  ,  eu  prenant  le  bras  de 
]Minede  ...  à  rentrainrr  de  sa  dtiruieiise 
à  l'escalier,  et  de  l'escalier  à  son  carit>sse. 
Chevaux  etoteherétaieiit  aussi  iud«ileul« 
<pie  leur  maîtresse  ;  nous  alliuu^  pres- 
«piau  pas;  (h-  sorte  ipi'étant  |Kirties*  île 
Paris  à  près  de  trois  hcur»^  apris  midi  , 
nous  arrivâmes  devant  la  j;rille  vei-s  le 
soii-.  I^*  crépuscide  n'-dail  «léjà  la  placr 
à  la  nuit,  au  moulent  où  la  voitun*,  (]ui 
avait  snl\i  an  pas  \\\\c  loup.ue  avenue, 
s'arrêta  devant  l«'  |H*rron. 

.\ous  Inujrs reçues  aux  11  Mnbr.ui>.  d«^ 
ralraichissements  avaient  été  pré-paré-s  eu 
j;rande  hâte,  car  le  vieux  coureur  nous 
avait  quehpie  p(  ci  devauiveS. 

—  Tener.-vous  absolumeiit  .'i  voir  mes 
plales-b.mdes,  nii{;noune.^  deniaud.i  M*"* 
de... 

-—  Mais  il  me  s«  inble ,  ^Lidame,  «pie 
nous  souuues  veiuH'S  pour  cela;  et  de- 
main de  Iwtunr  lieun*... 

—  Demain  !  dès  ce  «loir,  tnnn  roriir. 
V<ius  iiua|;ine7-vniH  (pie  jr  puiss4'  passer 
la  nuit  adleui^  cpie   dans  luou    lit  ,    à 


116 


Paris?...  Qu'on  fasse   venir  le  jardinier. 
Le  jarilinier   parut    presijii  aussitôt , 
son    l)onn't    à    la   main   et    muni    d'un 
fallot. 

—  ^  t  lu /.,  mi';nonne,  dit  iM""*ile  ...  en 
]M(Miant  mon  bras.  Allons  admirer  mes 
llenrs. 

L'idée  me  ])arut  si  Ixnillonne  que  je  me 
sentis  désarmée;  malj;rémoi,  je  l'avoue, 
j'avais  senti  un  \)cn  d  humeur  en  oI)S(M'- 
vant  avee  quelle  aisauee  jM'"^  de...  m'a- 
vait soumise  à  sa  volonté  en  paraissant 
céder  à  la  mienne. 

llien  n'était  plus  grotesque  que  de 
nous  voir  marcher  à  la  suite  du  jardinier  ; 
il  ]>ortait  le  fallot  de  manière  à  éclairer  le 
mieux  possible  les  belles  hyacinthes  qui 
rem])lissaient  les  plates-bandes;  derrière, 
vt^nait  ^r^^^Félicie,  cote  à  cote  avec  Syl- 
jdiide,  vieil  épagneul  accoutumé  à  ne  pas 
faire  plus  d'usaj^e  île  ses  pattes  que  sa 
maîtresse  ne  faisait  usage  de  ses  jambes; 
aussi  giognait-il  sourdement,  iialetant  et 
succombant  presque  sous  le  poids  de  son 
embonpoint.  Le  jardinier  demanda  pour 
ses  petits  pois  précoces  riionneur  d'une 
visite  ;  il  demanda  le  même  honneur  pour 
ses  couches  de  melons  ;  mais  IM'"^  de  ... 
se  trouva  bientôt  tellement  accablée  de 
fatigue,  qu'elle  voulut  repartir  au  plus 
vite  ;  au  retour,  les  chevaux  ne  marchè- 
rent plus  au  pas,  et  à  miiuiit  M'"^  de... 
racontait  à  un  auditoire  choisi  et  émer- 
veillé l'excursion  delà  maiinér. 

A  peu  de  temps  de  là,  je  la  trouvai  dans 
une  désolation  inexprimable.  Une  affaire 
très-importante  exigeait  sa  présence  en 
Bretagne;  il  s'agissait  d'un  procès  d'où 
dépendait  une  grande  partie  de  sa  for- 
tune et  qui  devait  se  plaider  à  Rennes. 
Elle  avait  tenu  tète  à  sou  notaire,  à  son 
honnne  d'olTaires,  déclarant  sa  présence 
inutile  dans  cette  ville;  et  elle  ne  parlait 
de  rien  moins  que  de  tout  abandonner 
à  ses  adversaires...  L' offre  que  je  lui  fis 
de  l'accompagner  dans  cet  éijouvanlahlc 


voyage,  la  décida  à  en  braver  les  ennuis 
et  la  fatigue. 

—  Ah  !  mi(;nonne,  disait-elle  dans  sa 
smprise  de  trouver  im  tel  (Icvournicnt^ 
vous  êtes  la  perle  des  amies I...  Rien  vrai, 
vous  viendrez,  avec  moi ,  alh'e  (^t  retour? 

—  Oui,  ]\Ladame ,  je  ferai,  je  vous 
assure,  ce  vovage  [\\cc  le  plus  grand 
])laisir. 

—  Ah  I  mon  cœur,  que  ne  puis-je  en 
dire  autant!  mais  votre  aimable  présence 
adoucira  pour  moi  bien  des  ennuis  ! 

]\Imc(|e.,,  i^(^  comprenait  pas  qu'on 
pût  voyager  autrement  qu'avec  son  pro- 
pre carrosse  et  ses  propres  chevaux  ;  j'a- 
vais donc  en  persp(>elive  la  lenteur  d'un 
coche;  mais,  en  revanche,  la  compagnie 
d'une  femme  d'esprit  avec  laquelle  l'en- 
tretien ne  languissait  jamais. 

Tous  les  petits  meubles  à  l'usage  de 
]\Ime  de  ^'^^  trouvèrent  place  sur  rim]H*- 
riale,  dans  les  caves,  dans  les  poches  de 
l'antique  carrosse  qui  était  wwc  véritable 
maison  roulante.  jMlle  Félicie  et  Syl- 
phide occupaient  la  banquette  de  de- 
vant; Sylphide  était  moelleusement  cou- 
chée sur  un  coussin  fait  exprès  :  quant  à 
]\Xlie  Félicie,  elle  se  trouvait  connue  per- 
due au  milieu  des  witzchouras,des  oreil- 
lers, du  nécessaire  de  toilette,  du  para- 
sol, de  la  canne  poiu'  les  promenades. 
j\[me  Je  ^^'^^  enveloppée  dans  une  ample 
douillette,  tenait  d'urne  main  un  flacon 
d'eau  de  Chypre  qu  elle  respirait  à  cha- 
que instant,  et  de  1  autre  sa  bonbonnière 
dans  laquelle  elle  puisait  souvent,  afin 
de  soutenir  ses  forces. 

Quoique  voyageant  à  très-petites  jour- 
nées, nous  avancions  cependant  ;  et  les 
souvenirs  éveillés  par  la  vue  de  A  ersailles, 
de  Rambouillet,  de  IMaintenon,  four- 
nissaient tour  à  tour  cà  M'"6de  ***  l'occa- 
sion de  montrer  cet  esprit  fin  et  char- 
mant qui  la  distinguait. 

Nous  étions  attendues  dans  la  petite  et 
vieille  ville  de  N....,  par  à\L  le  Préfet,  ne- 


II 


vril,//  î/i  mode  de  Vuetn^nr^  (l(OI""'clo*** 
Il  avait  rasscniblt',  ])Our  nous  faire  Iicii- 
ncur,  l\'litr  de»  ses -*///<•/',  ou  adiniiiistn's. 
La  n'cpptioii  futponiju'uso.  On  aurait  dit 
d'un  roi  ouvrant  ses  salons  d'apparat  à 
une  princesse,  sa  parente,  qui  venait  eu 
eén'inonie  !«'  visiter.  Je  in'anuisai  da- 
Tujrd  des  {grands  airs  du  Préfet,  et  de  la 
di{;nité,  ujèh'e  de  condescendaiiee,  dont 
I\fine  (Jp  *••  juj-ta  à  propos  de  se  parer 
poiu'  la  circonstance.  L'air  ébalii  des 
l)ons  provinciaux  (jui  composaient  cette 
petite  cour  suhaltmie,  nie  ilonnait  aussi 
cjuehprcnvie  de  riie  ;  mais  Tennui  tarila 
peu  à  mettre  en  Initc  ma  (jaîté,  et  je  bé- 
nis le  ciel  lors(jU(^  le  surlendemain,  à  une 
lieiu'e  assez.  r.iisonnabl»\  ]<;  me  retrouvai 
assise  auprès  de  ma  vieille  amie  dans  lan- 
lirpie  carrosse.  De  même  cpie  l'abb»'  dont 
parle  IJoileaii,   <jni    n "avnit  j.nu.iis  vu    le 

soleil  se  lever,  M""' de lond):i  dans  un 

])rofond  sommeil  ;  ]M"«  Félicic  et  Svl- 
jîliide  en  firent  autant.  îleiueuse  de  la 
liberti"  qui  uét'lalt  laissée  de  plonj;er  mes 
re{jards  dans  la  camp.i{;ne,  y  m  aban- 
donnai à  celte  lèvtiie  ariimcc  qui  fnit 
sentir  si  di'Jicieusemrnt  If  ]iii\  di*  l'exis- 
tence. 

L'espiit  rempli  de  riiisloire  de  l)u- 
{{uesclin,  (jue  je  lisais  cli.ique  soir,  et  îles 
bauts  f.iits  de  Monlforl,  dr  (!b;nI(S  de 
IMois,  desijrandes  conq>aj;nies,  du  prince 
JNoir,  de  (Jiaudos,  de  tous  les  persnnna- 
j;es  enfin  <|uî  avaient  jt)ué  \\\\  rôle  dans 
le  (jrand  drame  de  cette  Hrela[;ne,  que 
j'allais  visiter,  ji-  fus  soudain  ra|)pelt'eau 
moment  présent  parunesect)usse  violente 
(jui,  éveillant  brus<picn)ent  tous  les  ru- 
<lorniis,arra(ba  \\\\c  exclamation  d'effioi 
à. M""' de...  ri  lit  pousser  des  crisù.M''*  Té- 
licie,  tatulis  (pie  Sylpliide  biulail  cl  [\<S~ 
Uiissait  d  une  i.i<  «m  lament  dile.  A  tout 
cela  se  nu'laii'iil  les  ]iieuses  inlrrjeclious 
de  n.Tptiste,  le  cocber,  le.s  p,ros  junx)» 
dllippoKlr,  II"  valet  de  piid,  et  ]H'udant 
ce  vacarme,  nous  couquenions  «pie  nous 


avions  à  pou  près  versé  ;  un  des  ressorts 
s'était  cassé. 

Il  y  avait  impossibilité  d'aller  plus 
loin.  Nous  nous  trouvions  juste  à  moi- 
tié cbemin,  entre  Vitré  où  nous  avions 
dinr,  à  la  Tnur  de  Sévif^nr^  etllemirs,  but 
de  notre  voyaj^e  si  beureu.x  jus<|ue  là. 
Ihptisle,  né  Breton,  s'était  vanté  de  con- 
naître à  fond  le  pays,  et,  alin  dabn'jjcr 
d'une  bonne  demi-lieue,  il  avait  pris  un 
cluMuin  de  traverse  au  lieu  de  suivre  la 
grande  roule.  Cette  malbenreuse  prt'ten- 
tion  était  la  caus<^  de  l'acrident  qui  nous 
exposait  à  passer  la  nuit  dans  wwc  sorte 
de  sentier  presqu'ellondré,  avec  v\\\  res- 
sort cassé  et  loin  de  tout  secours  pour 
reparer  nos  avnrirs. 

.Aime.  de...  continuait  de  se  lamenter, 
.Aille.  r«"licie  ,  la  tète  à  l'une  des  |H)r- 
tières  ,  se  disputait  avec  lîapliste,  (pli 
prétendait  encore  avoir  raison,  cl  Syl- 
j)liide  acconq)a;;nait  1«'S  voi.i  d'aboii»- 
ments  sourds  et  tic  vro^ucments  plain- 
tifs. 

Je  descendis  de  voilure  pour  prenilre 
comiaissance  de  notre  position  nVlle. 

Pendant  que  Baptiste  me  faisait  voir 
le  point  où  le  ressort  s'était  bris*'  et 
m  t  xpliipiait  que  le  cbenùn  n'était  )H)ur 
rien  dans  un  accident  (fui  aurait  pu  ar- 
river sur  la  {jrand'route,  à  ce  qu'il  af- 
firmait, la  barrière  qui  fennait  un  |>etil 
verjjer  s'ouvrit,  et  je  vis  s'avano*r  un 
persominj;e  véhi  de  noir,  tenant  \\\\  livir 
«1  la  m.ùn. 

S.n  tonsiue,  lorsipiil  ùta  son  rliap(\iu. 
me  le  lit  r«nx)nnailre  |H>ur  un  pivliv. 

—  Madame,  dit-il  avix'  |H)li((*sse,  \\ 
y  a  une  forj;e  à  tv  cli.ileau  tlonl  vous 
voyez.  Il  s  tours  .>"élever  entre  les  ail>ivs 
de  ce  luïis  qui  «myujx'  toute  la  plaine 
entre  llrnnes  et  Vitn\  Le  ressort  cassé 
8<'ra  pitunplenient  raccoiuiiKMié  en  ce 
lieu  ;  vjïus  |»ouve/.  donc,  en  fai.vmt  «piel- 
que  dilij;en(Y,  aixiver  à  Uennes  vers  le 
milieu  de  la  nuit. 


118 


—  l't  vc  cliàlonii,  ÎMoiisîour  ra])l)(', 
('(MUiiuMit  le  iioiumc  t-(Mi,  s'il  vous  |)]ait.' 
(hniaïuia  ■Mir.r.  de  ...  Il  apparlinit 
sans  doute  à  (HK^Kpic  ])(rsonnc  de  ma 
lamilli',  car  je'  suis  alliée  à  toute  la  no- 
Messe  Ac  i)reta.".!ie. 

—  (y(\st  le  eliateau  des  Rochers,  IMa- 
daiue. 

—  l^e  eliàleau  d(\s  Roeliers  î 

—  Le  eli.U(>aii  de  îMiue.  de  S('vi|'jiu'! 
(]{s  (Knx  exelaniatioiis  s\'elia))j)èrent 

à  la  fois  de  la  bouche  de  3hue.  de  ...  et 
lie  la  mienne. 

—  Le  eli;»tean  de  IMme,  de  Sévi.jnié  ! 
rt'pétai-je  c\\  tiend)lant  de  plaisir. 

Le  ]^rèti(^  s'inehna. 

—  A  qni  appaîlienl-il  aujourd'hui  ? 
demanda  I\Ime.  i\c  ...  J^a  iamille  des 
Sc'vi|;né  est  élelnle,  et  je  erois  me  sou- 
venir (jue  les  RoeluMS  avaient  été  légués 
à  jMme.  de  Simianc  par  son  illustre 
aieide. 

—  i\radame ,  répondit  le  prêtre  eu 
s'inelinant  de  nouveau,  de[)uis  la  Révo- 
lution l(\s  Roehers  ont  passé  en  l)ien  des 

mains.   Le   maître    actuel    est   JM , 

riche  propriétaire  de  lhTt3^;iie,  absent 
en  ce  moment  ;  mais  le  château  et  ses 
jardins  ne  vous  eu  seront  pas  moins 
montrés  avec  oblijjcance  et  pohtcsse,  et 
vous  trouverez  ainsi  moyen  de  vous  dis- 
tiaire  ])(ii(lant  (ju(^  les  ouvri(U\s  de  la 
iorjje  répareroiit  votre  voiture.  » 

ï\îme.  de  ...,  dont  toutes  les  opinions 
étaient  tics  ])réju[;és,  avait  pris  un  air 
(u'daijjucux  eu  entendant  le  nom  du 
])ropriétaire  actuel  des  Rochers.  Se  tour- 
nant vers  moi,  elle  me  dit  :  —  Mi^jnonne, 
je  ne  connais  point  cela  :  ce  ne  peut  être 

que   quehju'uu   de   la  Rande   noire 

A  ous  comprenez  bien  qu'on  ne  me  verra 
]ioint  aux  Rochers.  Je  vais  m'asseoir  ici, 
sui ce  ]u:it  tertre  de  mousse,  ])endant 
(\\i  Ilippolyte  iia  chercher  des  ouvriers. 
S\lplii(le  ne  sera  pas  fâchée  de  prendre 
l'air  avec  moi. 


En  cfTet,  IMme.  de  ...  s'installa  com- 
modément, s'entoura  de  son  wit/choura, 
de  cous.«iins,  d'oreillers,  et,  me  re{',ardant 
d'un  air  malin  :  I\h)n  cœur,  dit-elh^, 
vous  êtes  libre  d'accepter  l'invitation  de 
M.  l'abbé. 

—  Ab  !  IMadamc,  m'écriai -je  ,  passer 
si  près  du  lieu  où  fiuent  écrites  des  let- 
tres inimitables  par  la  fennne  la  plus 
charmante  du  siècle  dernier,  et  ne  point 
all(U"  le,  visiter,  c'(  st  une  chose  dont  je 
rou[^irais  pendant  toute  ma  vie  ! 

—  Alliz  donc,  belle  enthousiaste!... 
n^prit  IM"'*  de....  Et  je  suivis  le  vieux 
prêtre. 

Après  avoir  traversé  le  ver(jer,  nous 
nous  trouvâmes  dans  un  petit  taillis  au- 
dessus  duquel  apparaissaient  imparfai- 
tement les  tours  blanches  du  château. 

«  Envoyez- moi  de  la  vue  ,  et  je  vous 
enverrai  des  arbres,  >•  écrivait  ]\I""  de 
Sévi<;né  à  jM""  de  Gri(;nan.  Cette  de- 
mande serait  aujourd'hui  encore  de  sai- 
son ;  car  de  fort  jolis  points  dé  vue  , 
qu'il  eût  été  facile  de  ménaj^er ,  sont 
masqués  par  les  arbres  qui  couvrent  la 
campa<jne. 

De  même  que  toutes  les  constructions 
des  siècles  de  la  féodalité,  le  château, 
fiancjué  de  tours,  est  bâti  sur  une  espla- 
nade élevée.  La  cour  spacieuse,  mais 
sondjre  ,  était  fermée  par  ime  énorme 
(grille  en  fer,  à  travers  lacpiclie  je  jdais 
vers  l'intérieur  des  re^jards  pleins  d'é- 
motion ,  pendant  que  le  vieux  portier, 
averti  par  le  curé,  allait  chercher  la  clef 
pom-  nous  ouvrir.  Rien  de  plus  pittores- 
que que  cette  antique  architecture,  que 
venait  colorer  de  ses  teintes  chaudes  et 
brillantes  un  beau  soleil  couchant.  Le 
château  des  Roehers  date,  dit-on,  du 
quatorzième  siècle  ;  on  y  retrouve  les 
escaliers  tournants  et  les  (',outtièics  à 
têtes  hideuses  d'animaux  fabuleux  ,  qui 
appartiennent  surtout  à  ce  tenqis. 

—  Monsieur  le  curé,    dis-je   à   mou 


119 


{;uido  ,  quest-ce,  je  vous  prie,  que  celle 
pelile  tour  isok'e  tt  dont  le  toit  bizaire 
présente  la  forme  d'un    bomict  carré? 

—  Ceci  ,  ^ladaiiie  ,  rt'|>oiuiil  il  ,  est 
de  construction  plus  moiicrne  que  le 
reste  de  rétlifice  ;  cnt  la  chapelle. 

Jr  me  souvins  aussitôt  de  cette  cha- 
pelle mentioniM-e  dans  les  I^'ttres  de 
.'M"'^de  Sévi>;n<''  et  qu'elle  avait  fait  con- 
struire pour  /f  l'ien  bnn^  l'aimable  et  sj)i- 
ritutl  ablH*  de  Coulnnf;e. 

I^'  vi«  ux  portier  revint  enfin;  il  ouvi  il 
la  j;rille  et  nous  entrâmes. 

Connne  je  urarrètiis  pour  considérer 
ce  vi«il  édifice  qu'un  [;oûl  barbare  avait 
fait  remettre  à  neuf  tt  la(ù^ro/t//er  qiw\- 
q nés  années  auparavant,  le  bonhonnr.e 
s'écria  d'un  air  de  triomphe  :  •  Ahl  ah! 
Madame,  vous  rejjard» z  nos  murailles, 
n'est-ce  pas?  Il  n'y  a  pas  lon{',teni[is 
quelles  étairni  toults  noiies  et  rem|)lirs 
de  nids  d'oiseaux  ;  mais  nous  leur  avons 
fait  donner,  comuie  vous  voyez ,  luie 
belle  chemist^  blanche  ;  trois  bonnes 
couches  à  la  chanx  en  dehors  et  en  de- 
dans, rien  que  «ya  I  aussi  elles  fout  j)lai- 
sir  à  voir,  pas  vrai  ? 

—  Vous  paraissez,  .Aladame,  médit 
le  curé  à  mi-voix  ,  rejjretter  que  h's  nnns 
nient  «'l«''  blanchis,  (*t  vous  avez  raison  I 
Oue  vcjuIcz-tous  î  les  nouveaux  proprié- 
taires n'ont  pas  lu  sans  doute  1rs  lettres 
par  excellence  que  vous  admirez;  voili 
pourquoi  ils  ont  blanchi  à  la  chanx  le 
pins  intéressant  moniunent  de  la  conlnr. 

Notre  jjuide  nous  fiisait  entrer  en  te 
moment  sous  le  vestibule;  de  là  il  nous 
introduisit  dans  le  petit  nond)re  de  piè- 
ces qui  n'étaient  pas  intertiites  aux  étran- 
i;ers.  Mais  tout  avait  subi  un  tel  (  han- 
p,ement  ,  qu  à  |Mine  restait-il  quelque 
chose  (|ui  rappelât  U  hrlliiMina  M'itiir. 
Dans  la  salh*  à  mander,  s<^nd)re  ,  bas54-, 
étn)ilr,  son  portrait,  |x'int  \\m  !Nîijjnard, 
était  susp<Mulu  au-ilcssiis  ilu  p<H'le.  (]<*tle 
u\\\v  à  man^jrr  ne   |>ouvail  èlrr  ci'lle   où 


M"'«  de  Si' vigne  traitait  le  wai^nifitiur 
gouverneur  de  la  province,  ainsi  <|ue  les 
Pomenars,  les  Coulanj^e  rt  tous  ces  bû- 
tes brillants,  spirituels  H  gais  qu'attirait 
r»'poqutdelaltiiuedtsKtatsen  Un  LJgne. 

—  Mais  on  n'a  donc  rien  resp*  clé  ? 
demandai  je   tout  bas  au  cun*. 

—  Ilien  ,  Madame  ,  iVpondit-il  sur 
le  même  ton  ;  tout  a  été  détiuit,  ellacv, 
et  l'on  a  substitué  aux  soureiiii^  le 
mauvais  goiit.  Vous  cheicberit'z  en  vain 
quelque  ciiose  qui  rapj  dit  le  cabinet  de 
lecture  et  les  chandjrrs  à  (X)uchrr  de 
JNJmr  ^1^.  Sévi{;né  et  de  .Mnic  de  Cjri[;nan. 
Le  portrait  de  la  btlle  et  fitrr  comtrsse 
est  aujounl  hui  cx)nfondu  avec  il  autres 
d'une  lignée  étrangère. 

Ce  que  j'entendais  diminua  Ixau- 
coup  le  désir  que  j'avais  ressenti  de  vi- 
siter ces  apjvartemrnts  U  storiqucs  ,  t|ui 
d  iulleurs  étaient  hrnu's. 

Le  soleil  descendait  rapidement  à 
l'horizon.  N»uis  nous  dirigeâmes  eu  tou- 
te bâte  vers  h-s  jardins,  si  souvent  dé- 
crits tlans  les  h'tlres  du  plus  spiritut  1  de 
tt)us  les  écrivains. 

Des  mains  iiarbares  v  avaient  fait  d«*s 
(hangements  aussi  malheureux  que  dans 
le  château.  Les  nouveaux  uuirs,  les  nou- 
velles terrass<*s,  hs  nouvelles  orangeries, 
elbiçaienl  entmre  ici  île  précieux  et  diHJX 
souvenirs.  Tout  réceuunent  les  allers, 
plantées  et  surveilh'es  avec  un  soin  prrs- 
!  (jue  maternel  par  M'"*deS<'*vigné,ivaienl 
été  coupées,  et  lorsque  la  plaer  qu'elles 
avaient  fK-cu|H'es  nu*  fut  montrée,  je  ne 
pus  m'em|H-cher  de  m'«  crier  :  •  IltMas  ! 
qu'e>t  devenu  le  bosquet  rnchanir  !  • 

—  Kh  I  ALulame,  n'|>arlil  le  vieux  curi' 
avec  une  li'gère  ironie,  ne  fallait-il  pas 
du  bois  pour  constniire  un  poulailler!... 
llrnieuMMnent ,  ajouta- t- il  dune  voix 
plus  «louiv,  et  «-t>nnue  s  il  w  n-|H*ntait 
d'avoir  ei^Jé  à  un  mouvement  d'huuHMir, 
réclio  n'étant  Uin  à  rien ,  on  l'a  laissé 

]    subsister. 


120 


Avec  une  t'inotion  facile  à  compreu- 
lîrc,  je  fis  répéter  à  Téclio  les  noms  chéris 
qn  il  répétait  jadis. 

—  En  1S20,  continua  le  cure,  rallée 
(le  nui  fille  subsistait  encore,  IMais  au- 
jourd'hui ont  disparu  les  vieux  et  discrets 
témoins  des  épanchenients  de  la  plus 
tendre  des  nicrcs ,  et  de  la  plus  aimée 
des  filles,  ainsi  que  des  causeries  de  ma- 
inan  hraiitc  mec  ce  trésor  de  folie ,  le 
plus  chéri  des  fils.  Sous  leur  ombrage 
avaient  eu  lieu  les  gaies  confidences , 
suivies  de  reproches  si  doux  et  de  sar- 
casmessifins,  decet  aimable  vaurien^  qui, 
dans  une  seule  nuit,  rfianij^ea  au  lansc/ue- 
net  cirui  cents  gros  chênes  à  sa  mère,  et 
(pii,  beau  connue  Condé,  spirituel  comme 
Saint-Evremond ,  vivait  familièrement 
avec  Racine ,  riait  avec  Mohcre,  était 
entié  en  hce  avec  Dacier,  sur  un  passage 
d'Iïorace,  se  grisait  par  bon  air,  faisait 
mille  folies ,  dont  il  venait  solliciter  le 
pardon  aux  Rochers  ;  puis  il  s'en  retour- 
nait à  Paris  pour  recommencer. 

Je  souris  au  bon  vieux  curé  ;  il  était 
connue  mol  enthousiaste  de  celle  que 
ses  lettres  ont  immortalisée. 

Les  allées  vénérables  dont  les  arbres 
portaient  des  devises,  qui  consacraient 
tant  de  souvenirs,  étaient  également  tom- 
bées sous  la  cognée;  et  je  goûtai  un  plai- 
sir mêlé  de  tristesse  à  marcher  sur  \c. 
sol  où  s'élevait  jadis  X allée  royale,  celle 
(lu  point  du  jour,  celle  de  Yinfiniy  et 
tant  d'autres  dont  les  noms  ne  périront 
pas. 

A  l'extrémité  de  ce  qui  fut  autrefois 
Vallée  royale^  nous  trouvâmes  un  banc 
de  verdure  semi-circulaire,  et  nous  y 
prîmes  place.  De  ce  lieu  la  vue  s'étend 
sur  les  coteaux  boisés  du  voisinage  ;  et 
c'est  là ,  c'est  à  cette  place ,  la  place  de 
Madame,  qu'ont  été  écrites  la  plupart  de 
ces  leltri  s  qui  seront  lues  et  goûtées  en 
tout  temps.  Le  bon  curé  avait  décoré  la 
veille  la  place  de  Madame,  d'un   oranger 


en  fleurs  qu'il  était  allé  chercher  à  l'oran- 
gerie. 

Pendant  que,  perdue  dans  mille  et  mille 
pensées,  je  contemplaisen  silence  le  pay- 
sa.'je,  le  crépuscule  devenait  de  plus  en 
])lus  sondjre  ;  les  dernières  lueurs  s'effa- 
çaient... Il  fallait  partir. 

Je  demandai  au  curé  la  permission  de 
détacher  une  branche  de  l'oranger  qui 
ornait  \:\/)lace  de  Madame,  et,  en  silence, 
nous  sortîmes  du  jardin  et  du  château 
des  Rochers. 

Soudain  ,  obéissant  à  la  préoccupation 
qui  rendait  vivant  pour  moi  le  temps 
passé,  je  demandai  au  bon  prêtre  si,  dans 
le  voisinage,  n'existaitpas  encore  quelque 
membre  delà  famille  de  Mlle,  du  Plessis, 
le  bas-bleu  de  Titré  ,  et  l'objet  des  plai- 
santes caricatures  faites  par  i\Lne.  de 
Sévigné. 

—  Tous  les  'noms ,  Madame ,  im- 
mortalisés par  cette  plume  charmante, 
répondit-il,  ont  disparu  de  ce  monde. 
Un  seul,  un  nom  bien  humble,  existe 
encore,  celui  de  Pitois. 

—  Le  jardinier  de  INIme.  de  Sévigné, 
m'écriai-je,  celui  qui  a  planté  les  arbres 
sous  lesquels  nous  marchons  maintenant? 
a-t-il  laissé  des  descendants  ?  ces  descen- 
dants habitent-ils  le  pays? 

—  C'est  son  arrière-petit-fils.  Madame, 
qui  a  eu  ce  soir  l'honneur  de  vous  servir 
de  guide,  répondit  le  vieux  prêtre  en  s'in- 
clinant. 

—  Ah  I  Monsieur,  lui  dis-je  avec  émo- 
tion en  détachant  une  petite  croix  de 
mon  cou,  permettez-moi  d'offrir  un  bien 
faible  souvenir  à  celui  qui  a  conservé  une 
vénération  si  profonde  pour  une  femme, 
objet  de  l'admiration  de  tousl  Que  je  suis 
heureuse  d'avoir  rencontré  l'arrière- 
pctit-fils  de  Tami  fidèle,  du  serviteur 
dévoué  que  Mme.  de  Sévigné  aimait,  et 
dont  le  nom  passera  avec  le  sien  à  la 
postérité  ! 

—  J'accepte,   Madame,   répondit  le 


121 


vinix  pi(*tre  les  yeux  pleins  de  larmes, 
oui ,  j'acrepteen  iii«'inoire  de  ce  jour  qui 
comptera  comme  Tun  des  plus  beaux  de 
ma  vir  î...  JI«'las  !  si  nous  pouvions  ou- 
blier que  tout  passe,  que  tout  s'efface  ici- 
bas,  une  visite  au  cliàUMU  des  Rochers 
nous  rappellerait  au  sentiment  de  la  fra- 
(jilitt'  des  biens  de  ce  monde  I 

—  Elil  bien,  mi{;rioiuie,  venez  donc  I 


la  voiture  est  en  état  ;  je  vous  attends 
pour  partir,  dit  ]Mme.  de  ...  du  plus  loin 
<ju Clh'  m  aperçut. 

A  la  bâte  je  pris  con[;é  de  l'arrière-pc- 
tit-filsdu  jartlinier  de  Mme.  de  Sévifjné, 
et  peu  d'instants  après  je  perdais  de  vue 
les  hautes  tours  du  château  des  Rochers. 

U.\E    VOYAGEUSE. 


S2'DU>ISo3 


TRAVAUX  A    L'AIGUILLE. 

Kloin-s  'le  priiUrmp».  —  Corpcls.  —  I.nycltc.  —  Iliassièrc  (Méuanlc.  —  Ilonncl  U'cnfant.  —  lU>ur*r. 
—  Fi!il  carië.  —  iN-is  flfur  en  laine—  Ctienùscs  il'hDnunc.  —  BrtHlirie  au  p;i6*c  en  soies  de 
couleur.  —  Musique  nouvelle.  —  Termes  employé*  pour  le  tricot.  —  Denldlu  au  Iricol.  —  Mauicrc 
de  prendre  mesure  d'un  cttrsrt.  —  I,ini:trio. —  Ihodcrics  diverses. 


Je  crois,  ma  chère  Adèl«*,  (jue  ce  prin-     . 
lemj)s  au   moins  ,   les   mantelets  seront 
I /t't/ f'>f/r.\  p,ii  les  Ktidun'cihti^  (U)Mtj»*  t'«'ii-      | 
vénal   un  patron  ,   et  je  crois  aussi  (jue     j 
les   cbàles    repreiitlioiit    laveur.    On   eu     I 
portera  de  />rft(s.  \jCS  |)<)pelines  sont  lou-     ' 
jours  d(*  mnd<*  ;  mais  lorsipielles  ne  pn'- 
siitent  (pTune  couleiu'  unie.  Ouant  aii\ 
t  dictas,  ou  n''Mi  veut  plus  de  {;lacés  ;  on 
les  |)()rleia  à   raies  et  à  petits  carreau \. 
Les  eorsajjes  en  étoiles  léjjères  se  feront     j 
froncj's  plus  ou  moins.  Oucbpies  fenunes     I 
ont  essay«'*  <ie  mellre  en  vo{;ue.  pour  ct)if- 
lurc  nnitizi>ni\  dvs  cusijiictu's  c\.  des  cha- 
p«aM\  j;rls;  mais  la  eoilliirr  la  plus  COU- 
venabl»*,  lorsfpi  ou  monte  à  (  lieval,    est 
toujours  le  eha|>eau  ordinaire,  eu  castor 
noir,  avec  un  voile  vu  ('.a/c  verte. 

<^)uant  aux  onduclles  ,  on  en  pri'pare 
de  {jraudes,  île  |M'lites,  en  couleui-s  vives  ; 
mais  les  blanches  doublées  de  rose  auront 
la  prelércnee  ,  surtout  pour  lt)ilelte  ha- 
bi'l.e. 


La  forme  des  chapeaux  subira  peu  de 
ehanj;ements;  maison  j>ortera  Inautonp 
de  fleurs. 

Au  reste,  je  te  tiendrai  a»i  couratit, 
sois-en  sûre.  I^s  chapeaux  de  paille  jv^ur 
jardin  se  font  prrsfpie  ronds;  on  les 
api^elle  Mclrif  ;  le  melcie  <"st  un  |>eu 
abaissé"  sur  les  joues;  les  capotes  en  paille, 
pour  jardin,  dites  Lorraines^  auront  en- 
core la  vo};ue  cette  année. 

Beaucoup  de  p^rscMin»^  ont  rononct*  à 
brotler  les  nuMiehoirs  tout  a»itour  ;  on  se 
contiMitc  d'un  tVuss<">n  ]>lus  ou  moins  ri- 
che, ou  bienencoivdu  \\o\\\  de  baplcme, 
ou  simplement  i\cs  initialt*s.  Au  irsie  , 
ceci  est  <le  ]>ure  fantaisie,  et  les  mou- 
choii-s  ;\  borduiY  riche  sont  toujours  re- 
cherchi's.  J»-  t'env«'nai  eu  oc  p.enn*  quel- 
que chos*'  «le  liès-lHMU.  S<Ms  lYrtaine 
que  les  n'nseij'.neujents  de  toutes  \cs  es- 
piv<^  n«"  te  manjpieioni  |v»!i.  Notre  jour- 
nal est  en  bon  irui^m  pour  le  p.oiit  ;  aussi 
tmuvons  nous  |virloul  une  extivuie  ohli- 


122 


{{cance.  M'"^  Bcsson  surtout  est  cliar- 
in.ii.te  dès  (ju'il  s';i^;il  de  nous,  1 1  rllc 
iKius  lionne  >cs  /primeurs. 

Avant  toute  cliose  ,  il  faut  te  munir 
«l'un  eorset  bien  fait.  Je  t'ai  envoyé  Tau 
(Krniirun  e.\eellent  patron  ;  niai^,  pour 
1rs  jours  où  tu  es  en  toilette,  aies-en  un 
(les  magasins  de  INI""' Pousse,  boulevard  \' 
Montmartre,  i9.  Je  ne  coimais  ]HMSonne 
qui  saehe  mieux  que  cette  babile  eonfec- 
tioMiieuse  faire  valoir  une  jolie  taille,  sans 
imposer  la  moindre  (;ène  et  sans  nuire  à 
la  santé.  Elle  vient  d'imaj^iner  des  eorsets 
pour  Ks  jeunes  lilles  de  einq  à  douze  ans, 
qui  sont  la  eliose  la  })lus  eliarniante  du 
monde.  Ces  corsets,  sans  aucune  balt  ine, 
se  font  en  satin  de  coton  à  plis  ;  ils  pren- 
nent i^arfaitement  tous  les  contours  du 
buste  ;  le  devant  se  compose  d'élastiques, 
de  sorte  que  la  taille,  soutenue  sans  être 
comprimée,  conserve  sa  souplesse  et  peut 
arriver  à  tout  son  d('veIoppcment.  Vois, 
dans  mon  post-set  iptnm,  la  maiHcre  de 
prendre  soi-même  sa  nu  sure  ;  on  l'envoie 
à  31'"^  Pousse  ,  et  le  corset  qu'elle  coupe, 
d'après  cette  mesure,  va  à  uierveille. 

Occupons-nous  de  nos  travaux,  et  com- 
mençons par  les  petits  objets  de  layette 
que  tu  m'as  demandés. 

Les  draps  de  berceau  se  font  en  toil(\ 
dite  dttu  mètre  de  large.  Un  ié  suffit  poiu* 
cliacun  ;   la  longueur  est  de  1  mètre  80. 

De  la  toile  plus  fine,  de  mcme  largeur, 
te  donnera,  dans  unclonjjueurde  ôO  cen- 
timètres, une  taied'oreiller.  Compte  donc 
un  mètre  de  cette  toile  pour  deux  taies. 

Pour  les  langes,  prends  de  la  toile  por- 
tant GO  centimètres  de  large,  et  coupe-les 
de  8Ô  centimètres  de  longueur. 

C'est  de  la  toile  très-fine,  large  encore 
d'un  mètre  ,  qu'il  te  faut  pour  les  clie- 
Uïises  brassières  du  premier  âge.  Ces  pe- 
tites chemises  poitent  1Ô  centimètres  de 
nauteur.  Lève  de  chaque  côté  un  mor- 
ceau large  dp  10  c  ntimètres;  ce  sont  les 
deux  manches.  Plie  le  corps  de  la  che- 


mise brassière  en  trois  parties  inégales  , 
de  manière  à  ce  que  sur  l'ouverture,  qui 
doit  cire  derrière,  une  de  ces  parties  re- 
couvre l'autre  de  4  centimètres.  Tu  fen- 
dras de  5  centimètres  le  corps  de  chemise 
de  chaque  cotépour  former  l'entournure 
et  l'épaulette,  et  tu  y  attacheras  les  petites 
manches.  Le  dos  ne  doit  pas  être  éehau- 
cré  ;  mais  il  faut  par-devant  une  échan- 
erure  de  4  centimètres  que  tu  arrondis 
du  côté  de  répaulett(\ 

l^es  brassières  se  font  en  flanelle,  en 
finett.%  en  piqué,  de  la  même  façon  que 
les  jietites  chemises,  im  peu  plus  larges, 
mais  moins  longues.  On  les  borde  par 
le  haut,  celles  en  flanelle,  d'un  ruban  de 
coton  fin  ,  cousu  à  ])lat  et  à  Y  endroit  de 
la  brassière;  celles  en  finette  et  en  piqué 
se  bordent  par  en  haut  d'une  bande 
étroite  de  batiste,  brodée  à  l'anglaise; 
je  t'envoie  de  petits  dessins  ,  pour  cet 
usa(;e,  sur  notre  plan<;he  de  ce  mois. 

Les  fichus  ordinaires  se  foat  en  ba- 
tiste, 43  centimètres  sur  43  centimètres 
en  carré;  on  les  festonne  tout  autour. 

iMaintenantque  notre  marmot  possède 
son  petit  trousseau,  nous  allons  le  ])arer 
d'une  brassière  élégante^  n"  C.  Cette  bras- 
sière, qui  ferme  derrière,  se  met  par-des- 
sus la  chemise,  la  brassière  de  dessous, 
le  fichu  et  le  maillot. 

Tu  coudras  à  la  piécette  du  dos,  no  4, 
les  fronces  du  derrière  de  la  jupe  ;  celle- 
ci  porte  43  centimètres  de  hauteur  sur  G© 
centimètres  de  largeur  ;  par-devant ,  tu 
enlèveras  12  centimètres  de  chaipie  côté 
sur  la  hauteur  pour  faire  place  au  cor- 
sage, et  tu  arrondiras  les  deux  lés  non 
assemblés  ,  eu  faisant  croiser  l'un  sur 
l'autre,  comme  te  le  montre  le  dessin.  La 
pièce  du  milieu  du  corsajje  forme  le  Y. 
Elle  porte  par  en  haut  12  centimètres  de 
largeur,  et  parle  bas  7  centimètres  seu- 
lement. La  hauteur  totale  est  juste,  celle 
des  1  2  centimètres  que  tu  as  enlevés  sur 
le  dt^vant  de  la  jupe.  ï)o  chaque  côté  du 


123 


A  lu  mets  uiH'  pièce  unie  qui  va  se  rat- 
taclier  par  rc-paiilettc  à  la  piécette,  et, 
sous  le  liras  ,  à  la  partie  tle  la  jupe  (|ui 
loi  nie  le  (J(js  lioncé.  'l\i  IVouees  et  tu 
nttaelies  le  devant  de  la  jupe  au  bas  du 
devant  du  corsajje. 

A  la  taille,  sous  les  bras,  tn  fixes 
ensuite  une  ceinture  haute  de  ô  centi- 
mètres, longue  de  3G  ecnlimètres  ;  cette 
ceinture,  (pii  se  noue  par-derrière,  sert 
à  maintenir  les  plis  du  dos  ;  tu  laisses 
flotter  les  bouts. 

Le  n"  û  est  le  patron  de  la  ntanclie, 
nduclion  au  (piart.  Kn  faisant  la  cou- 
ture, tu  auras  soin  de  former  (juehpies 
ironces  pour  raccourcir  cette  manelie, 
afin  de  lui  donner  la  forme  arrondie  que 
te  présente  le  n"  G. 

Tu  as  brodé  d'avance  à  1  anglaise  la 
pièce  en  forme  de  A  ,  sur  jaconas  et  en 
l.iissanlun  entre-deux  uni  r///re  les  enlre- 
dt  n\  brodés;  tuas  brodé  de  Uième  à  l'an- 
glaise l«s  petits  volants  (pii  doivent  te 
servir  à  {;arnir  la  jupe  et  le  bas  îles  man- 
ches; le  tout  se  fait  en  jaconas. 

Aous  avons  à  présent  besoin  d  un  joli 
bonnet  pour  compléter  la  toilette.  Les 
n"  7  et  S  nous  olirent  mi  exeellt'iit  |).i- 
tron  «  t  ni\  eliarmant  dessin.  Ce  mrmr 
p.'itron  peut  le  servir  |)our  faire  d«s  bon- 
nets mus  ;  en  l  a{;randissant ,  il  te  don- 
nera «les  bonnets  pour  le  second  àj;e.  Le 
pou/jo/i  vUïni  haliillc  rt  «nitlé-,  nous  Im 
mettrons,  pour  aller  a  l.i  |)romenade,  une 
'J'aOojn/t-y  sorte<lc  mante  à  capuchon,  en 
mousseline  brodtv  au  eroelu  t,  (Kssin  à 
rama;;e,  avec  petites  uunehes  comtes. 
Le  capuchon,  les  deux  devants  arrondis 
par  <n  bas  et  le  tour  »!«•  la  '/'aùajo/r,  ainsi 
que  les  petites  manrhes  courtes,  se  (;ar- 
nissenl  d  ime  lar{;e  dentelle, oti  bien  d  nii 
simplr  vnlant  m  monssilmc  pareille  ri 
feslonnc'e.  l  n  rnb.m  atln«'he  la  tabavole 
sous  le  mentnii,  (ludis  i\\n  \c  eapuehou  se 
n'iève  coquettement  stu"  la  tète.  J'«*spère 
que  \:\ji'N/ic  manum  tjuc  tu  ai  mes  tant^xn 


contente  de  moi,  et  qu'elle  donnera,  à 
mon  intention,  dix  ou  douze  baisers  de 
plus  au  marmot  chéri ,  qu'elle  sera  ficre 
de  voir  vitti  à  la  dtniicre  m  tu  ici 

Tes  flrsirs  étmt  pour  moi  tics  /'i<, 
chère  amie,  je  l'envoie  un  joli  dessin  de 
bourse  ronde  u"  1  ;  puis  n"  2 ,  une  lx»lle 
bordure  pour  encadrer  le  crochet  carré 
du  mois  dernier.  Aie  soin  de  compter 
It  s  carn  aux  de  la  pièce  du  milieu  ava:it 
de  la  terminer  et  de  conunencer  la  l»or- 
tlure  ;  tu  comprends  (ju'jI  inq>uite  que 
chacun  des  fleurons  de  celle  bordure  suit 
eompKl  ainsi  (pie  chacun  «les  eoit)S  ;  Uiu- 
dis  qn  il  importe  peu  on  finit  le  di*ssiu 
à  rama{;e  du  milieu.  Il  faut  lx)U|xt  et 
arnler  finement  le  coton  à  chacune  des 
ran{;ét'S  qui  forment  It^  dents,  autrement 
il  faudrait  faire  ces  ran(;t'es  tantôt  à  l'en- 
droit, tantôt  à  l'envers,  ce  (pii  ne  se  jH'ut 
pas. 

làieore  une  fleur  en  laine  pour  ti  eor- 
bedl«';  \\\\  pots  Jlntr. 

Aehète  des  laines  violette,  hlas  clair, 
blanehe  et  verte,  et  découpe  un  mnule 
en  earton  lisse  sur  le  patron  n"  12. 

Tu  feras  le  même  travail  sur  <.v  moule, 
(pie  pour  le  empulicot  du  mois  de  fé- 
vrier; c'est-à-tlire  tpi'à  eha(pie  tour  de 
laine,  tn  retiendras,  avtv  des  brins  de  lai- 
ton croisé,  chacune  des  bonelci  fonm'es, 
dans  le  haut  du  |h  laie,  sur  la  pailie  ar- 
rondie du  moule. 

'\\\  lais  ainsi  un  pétale  en  laiiij  vio- 
lette ;  lu  ramènes  par  le  Ikis  de  chaque 
eôié  tes  i\v\\\  fils  de  laiton  enlouré-s  «le 
laine  vioKlte;  lu  passes  un  fil  «le  fer 
dans  les  boueles  du  bas,  lu  les  !U*rn^ 
bien  en  loitdl.Mit  le  til,  et  tu  irtiirs  de 
ilisMis  le  monli  . 

Prends  ta  lame  htas  clair,  cl  fais  un 
antre  |>«  tal«'  MMublable  au  pirniier. 

Il  s  a|;il  à  purent  lî»'  loi  nu  r  l'inti  rii  ni 
de  la  ll(  ur. 

tioiqx"  \\\w  I«>n(;urnr  de  80  crntiu)è- 
Ires  de  laine  blanche;  plie-la  en  tiouiCf 


i24 


et  tous  ces  ilou/e  brins  en  deux,  par  le 
inoveii  11*1111  iloiiMe  laiton  l»laMC  avec 
lequel  lu  serres  le  t(»ut  fortcuient.  En- 
iDurc  ce  double  laitou  tic  plusieurs  tours 
en  laine  verte,  île  manière  à  lui  donner 
la  {grosseur  d'un  crayon  de  portercuillc  ; 
rabats  la  laine  blanche  siu*  cette  grosse 
ti[;c;  il  laut  qu  on  ne  puisse  plus  que 
l'apercevoir  au  milieu.  Attache  à  ce  cœur 
le  ])t'talc  lilas  clair,  en  lui  donnant  une 
iorme  arronche,  et  en  lui  Taisant  enve- 
lopper aux  trois  quarts  le  cœur  de  la 
Heur  ;  jilace  derrière  ce  pétale,  l'autre 
pétale  violet,  courbe-le  un  peu  en  ar- 
rière, si  tu  veux  nn  pois  fleur  épanoui , 
ou  arrondii-le  au-dessus  de  l'autre  si  tu 
veux  un  pois  fleur  non  encore  éclos. 

Faisons  à  présent  le  calice.  Prends 
cinq  aijjuillées  de  laine  verte,  longue 
chacune  de  lô  centimètres.  Plie  chaque 
aiguillée  en  quatre,  serre  par  le  milieu 
avec  du  laiton  ,  rabats  sur  ce  laiton  les 
cinq  petites  feuilles  vertes  que  tuas  fai- 
t  s  aiusi,  et  pose- les  autour  des  pétales 
et  à\\  cœur.  Entoiu-e  la  tige  avec  de  la 
laine  verte. 

Tu  ])eux  très-bien  dt'-couper  en  tafletas 
d  un  virl  ^laufjuc  et  forteuient  empesé ^ 
mais  lion  pas  repassé  ^  ni  cylindre ^  quel- 
ques leuilles  pom-  accompagner  tes  pois 
fleurs.  Quant  rux  vriZ/cs,  recouvres  de 
soie  plate  vert  glauque  du  laiton  très-fin; 
cnroide  celui-ci  sur  une  grosse  aiguille  à 
tricoter,  et  tu  aiu'as  cet  aicomijairncnicnt 
oblfgé  des  pois  fleurs.  D'ici  à  peu  de 
temps  les  modales  ne  nous  manqueront 
pas  ,  ce  dont  je  suis  ravie  ;  mais  alors 
aussi  nos  fleurs  en  laine  nous  paraîtront 
bien  lourdes  et  bien  laides  auprès  des 
fleurs  naturelles  !...  Heureusement  on  ne 
s  en  sert  que  pour  charmer  les  ennuis  de 
liiiver,  et  seulement  comme  tronipe- 
Lœil. 

Oui,  ma  chère  Adèle,  l'art  du  chcnn- 
siern  fait  des  progrès  incroyables;  lu  vas 
en  juger. 


Les  chemises  d'homme  ne  se  font  plus 
du  tout  coiniViCjadis  ;  maintenant  elles 
ferment  par  derrière,  et  elles  sont  mon- 
tées sur  une  ]>iécette  dont  le  n°  16  t'oflVe 
le  patron  ,  réduction  au  quart,  avec  les 
chilVres  de  grandeur  nature. 

C'est  sur  la  partie  en  droit  lil  que  se 
fronce  le  lé  de  derrière.  Par-tlevaut,  tu 
poses  l'étoffe  à  plat,  sur  la  partie  en  biais, 
à  partir  dereiitoiunurc,  jusqu'à  la  flèche; 
là  doivent  ètie  placés  les  plis  ;  et  ces  plis 
ne  sont  pas  une  ])etitc  affaire. 

Juste  au  milieu  du  devant ,  et,  au 
moyen  d'une  bande  d'étoflé  rapportée , 
tu  formes  une  espèce  de  large  pli  creux, 
dont  les  deux  bords  ,  à  la  largeur  de  3 
millimètres  ,  restent  libres  ;  de  chaque 
côté  de  ce  faux  pli  creux  ,  tu  fais  deux 
rangées  de  piqûres  fines.  C'est  sur  ce 
large  pli  que  s'ouvrent  les  boutonnières. 
Tu  peux  les  broder,  si  tu  en  as  la  fantai- 
sie. Ce  n'est  pas  tout,  il  nous  faut  encore, 
de  chaque  côté ,  quatre  petits  phs  fine- 
ment piqués,  et,  entre  chacun,  une  autre 
rangée  de  piqûres;  ou  bien  un  point  à 
jour,  sorte  de  point  turc  qui  se  fait  en 
tirant  d'abord  cinq  fils  ;  mais  les  piqûres 
sont  plus  sohdes.  Si  tu  veux  ornementer 
le  devant  de  la  chemise,  place  un  entre- 
deux brodé,  avec  boutonnières  brodées, 
au  milieu  du  faux  plis  creux  ;  ou  bien 
encore  un  petit  jabot  en  bâti -te,  dont 
l'ourlet  un  peu  large  est  finement  piqué. 
Quelquefois  ce  jabot  est  festonné  en  co- 
ton lilas  ,  en  coton  rose ,  et  alors  les  pi- 
qûres, entre  les  petits  plis,  se  font  de  la 
même  couleur.  A  te  dire  vrai ,  ce  genre 
ne  me  plaît  pas  ;  je  préfère  de  beaucoup 
aux  piqûres  en  couleur,  aux  points  à  jour 
et  aux  broderies,  les  simples  piqûres  per- 
lées en  fil  d'Irlande  blanc  sur  Ijelle  ba- 
tiste de  fil  ou  d'Ecosse. 

]Ve  trouves-tu  pas  charmant  ce  dessin 
et  ce  patron  de  canezou  de  forme  toul- 
à-fait  nouvelle?  Le  revers  et  le  devant  se 
taillent  d'une  seule  pièce. Commence  donc 


1 


25 


par  lever  le  patron,  u^»  17  et  18,  et  dé- 
ploie-le en  entier  sur  de  la  mousseline  ou 
sur  du  jaconas.  Le  col,  tenant  au  revers, 
se  fait  nc'cessairenient  en  deux  morceaux. 
Tu  n'unis  les  deux  moitiés,  par-derrière, 
au  movcn  d'un  surjet  lin  que  tu  recou- 
vres d'un  point  de  feston  fin.  Cette  cou- 
lure se  perd  dans  la  broderie  et  dans  les 
plis  que  forme  le  col  autour  du  cou.  Je 
t'enverrai  au  mois  de  mai  le  dos  de  ce 
joli  canezou. 

Plusieurs  de  nos  aimables  amies  m'ont 
demandé  des  rensei^^nements  que  je  ne 
]>()nrrai  leur  donner  avant  le  mois  pro- 
chain. Ce  mois-là  leur  portera  une  foule 
de  choses  élégantes,  des  patrons  et  une 
dt'licieuse  gravure  de  modes  de  prin- 
temps. Un  peu  de  patience  I 

Il  est  bien  temps,  je  crois,  de  dire  quel- 
ques mots  de  notre  dessin  de  broderie 
au  passé  si  frais,  si  joli,  à  exéeutt'r  pour 
sachet  en  soies  de  couleur.  Si  lu  m'en 
crois ,  tu  prendras  du  ^ros  de  Naples 
blanc  de  préférence  au  satin. 

Cahjue  le  dessin  à  la  vitre,  avec  un 
eravon  fin  ;  monte  sur  ton  métier  et  brode 
iin/utft  jjuint  trtw-utlunt^c  ces  jolies  iKurs. 
(^(*s  points  rentrant  les  uns  dans  les  au- 
tres, il  est  facile  de  reproduire  les  nuances 
(!••  cette  altliéa  lilas,  île  ces  fuchsia  d'un 
beau  roujje,  de  ces  leudles  dont  les  ner- 
vures se  font  en  dernier  et  au  point  tic 
ti(je.  Il  ne  faut  te  servir  que  de  soies  ab- 
solument/v/ri^^.  'lu  diri[jer.is  tes  points, 
pour  les  Heurs,  du  bord  tl«'  ehaipie  pétale 
vers  le  cceur.  Pour  les  feuilles,  de  la  lorte 
nervure  du  mihiii  vers  le  bord.  Le  pis- 
til jaime  de  l'allhéa  se*  fait  tout  en  pe- 
tits ncrntls  ,  très-s«M rés  les  uns  ej)ntie  l«-s 
autres,  d»-  l«lle  sorte  que  l'etolVi'  ili.spa- 
raiàse  conq)letemeiit.  Quant  à  raral)es- 
(|ne  ,  il  j.nit  (|ne  le  point  soit  cuml.c  in 
tim  I  is  d'un  bord  à  1  autre  ;  tu  n  empKiies 
Il  soie  rou|;e,  cpii  vient  faire  i)ud)re  sur 
I  i  soie  jaune  «l'or  des  arabesipies,  «ju'eu 
dt  rnier  ;  et  tu  rentres   es  |MMnis  roujjrs 


lon[js  ou  courts,  suivant  le  besoin  ,  dans 
les  points  jaune  d'or.  Le  ruban  blcus**  lé- 
cute  de  la  même  façon  ,  le  point  couche 
en  II  avers  il'un  bortl  à  l'autre.  Les  éta- 
mines  des  fuchsia  se  font  au  point  de  ti^c 
avec  de  la  soie  rouge  dédoublée  ;  les  ren- 
flements qui  les  terminent  se  com|>osent 
de  trois  nœuds  en  soie  entière  et  bien 
pressés  les  uns  contre  b*î»  autres ,  afin 
d'ollrir  une  petite  boute  aussi  ronde  que 
possibl»'. 

\  1  u\-tu  faire  un  sachet  moins  grand, 
un  écran?  Sers -toi  seulement  du  lxju<|uel 
du  milieu  avec  son  encadrement  en  ara- 
besques jaunes  d'or.  Ne  crains  pas  d'em- 
pl«jyer  des  soies  de  nuancvs  plus  vives 
que  le  modèle  ;  les  couleur  passent  à  l'air , 
c'est  ce  qu'il  ne  faut  jamais  oublier  quand 
on  brotle  en  soies  de  couleur. 

ihandus  vient  de  publier  plusieurs 
morceaux  à  deux  voix  pour  les  jeunes 
|MMsonnes,  paroles  de  K.  Plouvicr,  nui- 
sique  de  Lui^;i  Hordese.  Ce  sont  des 
scènes  dramatiques. —  Charlotte  Cordav, 
soi)niii(,  e  routraito. —  Chimè.ie,  soprano 
e  mezzo  soprano.  —  Cioldile,  reine  «les 
Francs,  snjjrtino  e  rnrzzjo  soj,ntrio.  -i—  Co- 
rine,  utpranoc  contralto.  —  Jeanne  Grav, 
sofirann  r  rnrzzo  soprari  .  —  Jt'anuc- 
d  Arc  à  Rouen,  soprano  e  cunttaUn,  — 
La  Vierj;e<le  Vaueouleurs.  *opra: 

tralto,  —  Enlin  un  ducttino^  Au  . 

lac  de  Corne.  Do  son  côté  Hengel  au  uié*- 
nestrel  publie  notre  jolie  Branche  de 
bruyère^  et  le  PapiUon  bleu^  autre  jolie 
walse  de  notre  chèn^  Clain*  Itt*r(ou.  Tu 
vois  que  j'ai  soin  tle  le  tenir  au  ix>urant 
de  la  niusi(|ue  ipii  nous  %'a. 

Nous  attendons  les  traductions  de  nos 
aimables  amit^,  avant  que  dVn  donner 
une  des  |H*nséfS  en  langue  anglaise  que 
je  l'ai  envovévs  tlerniènnient. 

>î  l'iMi.  11  i!it,  au  iYVi»ir  et  aiuH**Mi<«i. 

A.>MCA  Uriccmi.\e. 


12(3 


N''  1 .   /^oîit'^e  ronde  ou  crochet. 

Acliclc  deux  !>t)!iiiirs  t|i'  soif  (•ciilciir  cerise,  o\\ 
veile,  cl  2  j;iMmmes  de  lii  d'ur  de  la  inènie  f;i<)sstM!r 
(|lie  I  I  soi»' :  le  lil  d'or  coûte  .'o  cent-  le  itr.imine. 
l'reiid>  un  petit  d'illi  t  en  I.iilon  coninie  pi.iir  le  sac. 
l)iuiifs>e.  'lii  en  lroii\{'r;js  M\n/.  (inyol,  wic  de  Cus- 
sy,  il  5  centiincs  l.'i  dou/idne. 

Avec  ton  lil  d'or  tu  entoures  l'œillel  d'un  jKiiit 
ilecrt)cliel  plein  tros-serre. 

Irr  rnn'jct',  m  s(tie.  —  3  mailles  unies, —  1  maillo 
colonne.  D  fois. 

2«-  rnni/re,  en  joie.  —  1  maille  pleinp,  prise  sur  la 
inai:le  colonne  de  la  ranj^ée  précédente,—  5  n)ailles 
l:-;;ère«,  9  fois. 

3p  rtinf/ét.-,  en  lil  d'or.  —  1  maille  pli  i ne  prise 
dans  le  milieu  des  cinci  de  la  raii;;ee  préeéilente,  — 
j>  niaillps  lej^ercs,  0  fois. 

4i-  ruuijci\  en  lil  d  or.  —  unlieremeiil  en  mailles 
pirints. 

5»-  ranijce,  en  ^oil•.  —  1  maille  pleine,  —  G  'é;:éres. 

G»  raritjet,  en  soie.  —  Kiitiercmi-nl  en  maille.s  co- 
lonnes. 

If  riin(/ct\  en  lil  d'or.  —  1  maille  pleine,  —  0  lé- 
Kcres,  etc. 

8«-  raïKjce,  en  lil  d'or.  —  l.iUiéiemeiil  en  mailles 
plciiifs, 

O'  7-iiii;/éc,  tu  soie.  —  I  m.Tille  double  colonne,  — 
3  mnillP5  unies.  Celte  rangée  ne  cniitume  pas  tout 
autour  de  la  hour-e  (voir  au  'lessin). 

iOi- r(in;/rc,  eu  soie.  —  Entièremtiit  m  mailles 
pleines,  et  seulement  pour  recou\rir  la  ranj^ée  pr«- 
ct'dente. 

Ile  riinfjFi\  on  soie.  —  1  maille  doultle  colonne, 

—  S  unies,  tout  autour  de  la  Ixiurse. 

i^e  miKjée,  eu  soie.—  linlieiement  en  mailles 
pleines. 

La  ])reraière  moiiiê  de  la  bourse  ainsi  termi- 
née, fais-en  une  >econde  semJilable;  assemble-les 
par  un  surjet,  en  exceptant  cependant  le  baul  de 
1.1  bourse.  Tu  y  as  fait  une  coulis.-^e,  ainsi  (]iie  l'in- 
di(|ue  le  dessin.  Il  ne  reste  plus  (lu'a  entourer  ta 
bourse,  et,  cliaque  coté  de  l'ouverture,  d'une 

13e  rniif/ée  en  soie,  formée  ainsi  :  1  maille  pU'ine, 

—  G  l(';:ére».  etc. 

Ine  rangée,  en  soie.—  Entièrement  en  mailles  co- 
lonnes. 

15c  ratiQ''c,  en  iil  d'or.  —  Enlicrcmrnl  en  mailles 
pleines. 

La  bourse  est  terminée.  Passe  dans  la  coulisse  une 
panse  en  M)ie  et  or,  ou  bien  couds  celte  couli.^^o 
à  un  fermoir  doré,  a  ton  clioix. 

Explication  des  différents  termes  em- 
ployés pour  le  tricot. 

AlGMKNTt^.r:  :  —  Pa.ssez  le  iil  de\ant  l'aiguille  si 
^ous  tricotez  à  l'endroit;  lournez-Ie  autour  de  l'ai- 
HUille  si  vous  tricotez  h  r«n\ers. 

Dll-.x  ou  TKois  AL'GMii.NTÉF.s  :  —  Toumez  le  fil 
deux  ou  troi»  fois  autour  de  l'aî-juille. 

ra.ir.rr:.:.  ;  —  Prenez  deux  ïviadies  à  la  foi.s. 

Slueiiii;  :  —  Prenez  uuc  m.dlit'  sans  ia  fricoter. 


(licolcz  la  maille  suivante,  raliallez  la  maille  non 
tricotée  sur  celle  cyii  est  tricotée. 

Sli;jf.TI.esu1!  itKiHÉciK:  —  Prenez  une  maille  sans 
la  îricoter,  prenez  deux  madles  a  la  fois,  tricot» z. 
Ie>  et  rabattez  la  maille  non  tricotée  sur  la  retncie- 

N"  3.  Dentelle  au  tricot. 

Monte  U  m;.illes. 

l'e  raïKjcf.  \  maille  unie,  —  1  réliécie,  —  1  au;;- 
meiite.',  —    1    unie,  —  1  rétiecie.  —  l   aii;:mentée, 

—  2  unies,  —  1   ;;u;^inenlée   double,  —   1    relrécie, 

—  1  unii*. 
2i-  rangée.  S  mailles  unies.  —  1  a  l'cnMTs,  —  1  ré- 

treeie,  ~]    ai!^menlée,  —    1  unie,  —  I  rélrécie, — 

1  nu^^iiieiiler,  —  3  unies. 
3'-  unif/rc.  1  maille  unie,  —  1  rélrécie,  —  1  anji- 

mrntee,  —  1    unie,  —  1  rélrécie,   —  1   aui:inenlic, 

—  '(  unies,   —  1  aiij:meiitee  donble  ,  —  i'  unie>. 
k*'  rungcp.  %   mailles    unies,   —  1    a    reii\eis,   — 

2  unies,  —  1  rétréci»!,  —  1  aujiiiuMilée,  —  1  unie,  — 
1  rétrécit',  —  \  .iu:;menlée,  —  3  unies. 

5'-  rangée,  \  maille  uide, —  \  rélrécie,  —  \  aug- 
mentée, —  1  unie,  —  1  retrocie,  -  I  au;iin»'ntee,  — 
6  unies, 1  au::nienlée  double,  2  unie». 

G''  rangée.  3  madles  unies,  —  1  à  l'envers,  — 
4  unies,  —  1  rctrécie,  —  1  augmentée,  —  1  unie, 
--  1  rétrécie,  —  1  augmentée,  —  3  unies. 

7e  rangée.  \  maille  unie,  — 1  ré'.ré<"ie,  —  1  nuî;- 
menlt-e,  —  1  unie,  —  1  rélrécie,  —  1  auf^meiitee,  — 
10  unies. 

8c  rangée.  8  mailles  unies, —  \  rclrecie.  —  iaug- 
mentée,  1  unie,  —    1    rélrécie,—   1   auj^nientée, — 

3  unies. 
9t-  rangée.  \  maille  unie, —  1  reirrcic,  —  1  aug- 

menle»',  —  1  unie,  —  1  rétrécie,  —  1  augmentée,  — 
•]0  mailles  unies. 

10c  rangée.  Ilal)ats  5  mailles,  —  2  uni»'s,  —  1  ré- 
trécie,—  l  augmentée,  —  1  unie,  —  1  rclrecie, — 
1  augmentée,  —  3  unies. 

Manière  de  prendre  mesure  d'un  corset. 

PliENDI'.K  : 

lo  L'ampleur  du  dos  et  de  la  poitrine. 

2"         id.         de  la  taille  aL*-<les>us  des  hanches. 

3"         id.         des  hanches. 

k"  Largeur  de  la  poitrine  prise  d'une  épaule  à 
l'autre. 

5o  Hauteur  du  buse  (ou  devant  du  corset). 

6<j  id.  de  la  taille,  du  creux  de  l'aisselle  à  la 
bail»  lie. 

7"  Largfrur  d'une  épaule  a  l'autre. 

ORSLUVATIO.NS. 

1"  On  prendra  mesure  avec  un  centimètre,  en 
!  indiquant  à  la  fia  de  chaque  mesure  le  nombre 
des  centimètres  employés. 

2o  11  sera  Imn  d'être  lacée  ;  dans  le  cas  ou  on  ne 
le  serait  pas.  1«  dire. 

3  'Faire  onserve  s  la  tjersonn  ;Deu  ou  beau- 
cou  f  de  poitrine. 

4"  Ces  mesures  pourront  être  également  prises  au 


12 


mnypn  «le  petite»  banJe»  de  papier  ou  avec  d-»s  ru- 
l)aits. 

i)F-' kiithj.n  ft  pi'.ix  dis  corsf.ts. 

f.   f.  f. 

Corsj'ts  dos  à  dt'l.'içn^r,  l)U>-<:  onli- 

nair»* de  £0,  25,  30 

Id.  i(l.  Ijm-c    ino- 

hije 1."  25.  30.  35 

Id.      dos  et  i)usc  mobiles tU-  -.5,  GO,  65 

Id.      pour  jj'unt-s  personnes  (de  S 

à  IS  ans) de  «.-).  -jo.  2'. 

O-ititures  ahdoriiinaleft de  iO,  'i5,  30 

Id.      d'ép.iiiles  pour  jeunes  per- 
sonnes     de  15    a  20 

Nouvelles  ceinlures  de  jiip(»n  »'a- 

daplvint  au  corset 3 

N(»iive,»ux    jupons    s'adaptaiit    de 

inénie  au  cor.sel de    S.  10,  15 

Sous-Corsage        id.        en  percale,     de  10    a    15 
M.       id.      en  Kl""*  de  Naples.     de  l.S     à     ■2.'» 

JXouvelleK  tournures di-    4    a      8 

Nota.  La  variation  den  prix  résulte  du  travail 
et  de   la  qualité  des  éioffes. 

Les  mesures  étant  l)ieD  données,  le  corset  ira  par- 
faitement. 
On  cxpéilie  contre  revibnurstment  (écrire  franm), 

Ejiplicution  de  la  jj/anc/w  dr  Ilimlfrirs. 

N"  1 .  —  Dessin  de  bourse  ronde  au  point  de  rro- 
clrf. 

N"  2.  —  Pordure  au  point  de  rrorhel  carré. 

No  3.  —  Dentelle  au  tricot  pour  jupon. 

No  4.  —  Piécette  pour  brassière  élégante,  gran- 
deur nature. 

N"  r».  —  .Manolie  de  la  brassière,  réductoD  au 
(piart. 

N"  6.  —  Knsemble  de  la  br.tssiere. 

N«»«  7  el  8.  —  Fond  et  passe  d'un  lM)nnel  d'enfant  ; 
broderie  an^jlaise  sur  Jaronas  —  I.e  fond  et  la  pav>e 
•'eiiliiurent  d'un  fejklun.  Avec  ce  bonnet  on  ne  n)et 
aucune  espèce  t\r  narnilure.  Kn-  les^ous  de  la  passe 
lu  likes  a  p!at  un  lar;:e  ridian  rose  ou  bleu  dont  1rs 
bouts  servent  à  altacber  le  iMinnet  sous  le  ment«U)  ; 
sur  chaque  oreille  un  ch<>u  r\\  petit  rubjn  de  m(^me* 
couleur. 

N"  0.  —  Bande  festonnée  a\ec  !)rt»dcrie  a  l'an- 
plais»*  pour  garnir  la  bras'»iere. 

N<»*  10  et  11    —  l.ntre-deux  a  broder  «u  plumetis 
I  pour  divers  u^a^rn. 

N"12.  —  Patron  d'iu»  moule  pour  faire  en  laine 
Un  pois-fleur. 

N- 13.  —  r.cus*on  a  broder  au  plumetis,  points 
d'arme  tl  points  de  dentelle. 

(r.HAM'F    l'iMTH'?».) 

No  14  —  Bande  frst«>nn<^c  h  liroder  à  l'anglaJM 
pour  Volants. 

N"  IS  —  i:ntredeu\.  l)r(Hlcrle  anglaise. 

N*  IC  —  l'icc. Ile  pour  rlirmisc  dbomme,  rMuc- 
tion  nu  quart. 


>••  17.  —  Revers  et  coi  du  canezou,  broderie  aa 
plumetis  et  cediets. 

N"  18.  —  Devant  du  canezoa. 

N-  19.  —  Coquilles,  bro<lerie  anglaise,  pour  l« 
corsape  ri  les  manches.  Tu  placif  de  même  en  éven- 
tail Mir  le  devant  du  cor^aee  ce  des*in  réduit,  en 
auunientant  dr  deux  flrurittes  au  œiiiro  a  chaque 
raii::,  a  parlir  du  bas  de  la  taille,  et  tu  l«»rde^  le  l>as 
des  manches  c<>urle>  avec  le  dniin  tri  que  le  voici. 
J'ai  oublie  de  te  dire  le  mois  dernier  que  l'espace 
à  laisser  entre  chaque  rangée  de  br«»derie  doit  être 
é.;.il  a  l'es]  ace  occupé  par  la  broderie  même  S»  lu 
pre'f  rrs  donner  au  corsage  ^a  forme  en  c«ror  el 
plll^ée  au  lieu  dc  la  forme  plate  el  a  plasln^n.  Itn>de 
le  cœur  de  chaque  côté,  «lil  sur  ourlet,  soit  en  dé- 
coupant le  fi-stun  qui  doit  liorder  chaque  co>4uille 
et  chaque  fleurelti*.  Tu  auras  en  ce  cas  l>r*oln 
d'un  entre-^eiix  pour  les  poignets.  Prend»  le  no  li 
du  mois  de  mars  dernier. 

No  20.  —  Semé  p«Mir  gilet  à  bro<ler  en  soie  demi- 
torse,  couleur  sur  couleur,  *ur  du  ca.simir.OUrsoie 
coûte  10  c**nl.  legramme,  chez  Guyot.  ru»*  de  Buesy. 
Kaisde>siner  par  le  tailleijr  la  forinedugiiet,et  trans- 
porte ensuite  ce  plein  de  campanules  sur  letoffr, 
ainsi  (jue  déjà  Je  te  l'ai  indique.  —  t^rst  afin  «le  ne 
pas  perdre  de  (lace  que  j'ai  terne,  dans  le  »^f»ir, 
deux  nIpînbeU  or/i*'*  avec  lesquels  lu  comp«»^ra« 
f.icilement  tous  le»  noms  que  lu  voudra*.  Tu  rr*""- 
dras  les  majuscules  dans  les  alphal-^-t»  prêcé-lenls, 
rt  lu  auras  soin  de  composrr  le  nom  «l'une  lettre 
«l'une  façon,  et  d'une  lettre  «l'une  autre  f.ic-tn  ;  la 
mode  le  voulant  ainsi,  j'ai  dû  te  donner  un  double 
alphabet. 

N"21.  —  Bande  festonnée  pour  pelU  volant,  en 
brotlerie  anglaise. 

Ej'itlication  de  la  planche  de  Limjeries. 

Voici,  dure  amie,  troi*  guimprs  ou  mtniet  pour 
mettre  sous  des  rol»r«  ouvmnl  em  cteur^  n^  I  elî; 
le  II"  3  est  destine  a  une  rtdH-  dérolleléi-  carrémenl. 
I.'tntour.ige  du  col  et  «lu  «levant  du  n«  I  se  o»m- 
pose  df  quatre  iMUidlonne»  de   r-  n  tenui 

de  dislance  en  dislancf  par  «le  pt  ^  ,  ^irl»  |.n>- 
des  —  Pour  le  n"  i,  tu  Inmveraft  dans  lr«  dessins 
que  je  l'ai  envoyé*  «les  gulrlar.d«-s  le^err».  l<Hil*- 
fail  approi>rio«*s  jxMir  c«»mp«»»er  cr  p;.isir«>n  ;  Ir  tour 
du  cou  se  comp«isr  d'un  volant  |  '•  -•.  et  qui 

rabat  sur  le  ruban.  —  Tu  .v»  d«*s  r  :  \  ijr  tiK»- 

le»  les  faç<vns  pour  le  u*  S.  L*eiilrr-de«i\  r%i  Uirtie 
de  chaque  cùle  d'une  prUle  denirlle  Irgeremenl 
co<juilicr  ;  od  monlanl  ri  briHie.  Tu  prui.  en  n»n- 
tinuani  ces  enlre  deux  lUMpi'.iu  Iwi»,  en  lormrdr  V. 
te  servir  «le  «elle  t:u.m|»r  «vi-c  une  r-^\^  <^\\rr\m 
en  ctrur;  c'e»l  ainsi  «lur  »e  font  a  p.-»i  ;  v  \t% 

rolies,  et  Jusqu'aux  peignoir»  —  Le»  «  ..  .;..  Ii«-» 
n**  7  el  M  n'ont  pas  IteMiin  d'rxplkaUoo.  —  Puur  le 
honnel  n*  6.  Il  Iviit  <  ;        *     ' 

cil  iCUn  dr»    pli»   l. 

pareille».  —  I.e  n*  5  »r  ,  -i  m  ruhjiti  ^ruxi  « 

autour  du  fond,  du  dr\  i  pas.se  el  «lu  |w4v<v 

Irl  ,  brides  pamllrt.  ainsi  qoe  Ir  i^orud  sur  Iv  eo«n- 
mrl  oe  la  télé.  —  Tu  rxeculrraa  sur  Jaconas,  m 


i28 


J>n)(lrii(»  anglais»*,  rctlo  grntillo  roho.  pour  petite 
llllr  (Ir  6  ans.  llllc  doit  rire  «ssfz  courte  pour  laisMT 
M»ir  II-  pantalon  cotirt  cl  larpc  fîArni  (Je  deux  volants 
pareils  n  eeiix  de  la  jiijx' —  Bro(le(|tMns  en  coutil  a 


bouts  vernis.  Oinlure  en  rtdiande  la  même  couleur 
(pie  ceux  du  rliapeau;  sous-manches  en  mousse- 
line et  a  poiynpls  brodes. 


LES  JEUX  DU  SPHINX. 


CHARADE. 


Qucî  SCS  pieds  sont  lt'(>ers  I  coinnic  il  franchit  rcspacci 
Hélas  î  (jn'a  donc  fait  mon  premier 
Poin-  que  Ton  suive  ainsi  sa  tiace 
Et  qu'on  le  force  à  quitter  son  foyer? 

De  toute  part  on  le  menace  ; 
Il  fuit  devant  un  appareil  guerrier  : 
IMais  il  a  beau  clian{;er  de  place, 
11  ne  peut  échapper,  soit  à  la  dent  vorace. 
Soit  au  plomb  mem'trier  I 
De  mon  second  que  le  sort  est  bizarre  ! 
Poussé  dans  l'air  par  un  faible  réseau, 
Il  le  jiarcourt,  léger  comme  Toiseau, 
Dont  la  plume  en  effet  le  pare. 
Voltiger  cependant  n'est  pas  trop  dans  ses  goûts  : 
3Iieux  lui  plairait,  je  crois,  l'état  de  somnolence  ; 
Car  ce  n'est  qu'à  force  de  coups 
Que  dans  Tair  il  sélance. 
Après  avoir  cent  fois  stimulé  son  élan, 
Si  l'on  cesse  enfin  de  le  battre. 
On  le  verra  bientôt  s'abattre 
Et  couché  sur  le  flanc. 
IMon  tout  s'élève  aussi  vers  la  voûte  éthérée  : 
Favorisé  des  vents,  son  vol  audacieux 
Le  conduit  quelquefois  si  près  de  TEmpyrée, 

Qu'il  échappe  à  nos  faibles  yeux. 
IMais  en  si  beau  chemin  un  rien  le  contrecarre, 
Et  de  son  point  d'apptii  s'il  se  trouve  privé, 
Plus  vite  eneor  qu'il  ne  s'est  élevé. 
On  voit  soudain  ce  téméraire  Icare 
La  queue  en  l'air  tomber  sur  le  pavé. 

GUEUNU. 


I-e  mot  de  la  charade  du  mois  de,  mars  e.sl  .sainte- Bahuk  (1). 

(1,  On  ciiiiiinr  jii'»i  la  .miiiIc  uu  iiiU|^.i»iii  <[ui  rciifi  riiiu  la  poudre  sur  It's  vaisseaux. 


129 

ÉDUCATION, 


a2i2i'J^:il>:3    Ji^j"    -a^Ii^IiJi. 


U.1K    DES    FhTES    CHUKTIKN.NES. 


Les  cloclirs  du  liamcau  se  font  eii- 
trndiT,  1rs  viIla{^rois  quittent  leurs  tra- 
vaux, le  vijjuerou  descend  de  la  colline, 
le  labounur  accourt  de  la  plaiuc ,  le 
hùclieron  sort  de  la  forêt,  les  mères  f«'r- 
inent  leurs  cabanes,  arrivent  avec  leurs 
enfants,  et  les  jeunes  fdles  laissent  leurs 
fuseaux,  leurs  brebis  et  les  fontaines, 
pour  assister  à  la  fête. 

On  s'assendjle  dans  le  cimetière  de  la 
paroisse,  sur  les  tombes  verdoyantes  des 
aïeux.  Bientôt  on  voit  paraître  tout  le 
clerjjé  destiné  à  la  cérémonie  :  c'est  un 
vieux  pasteur,  qui  n'est  connu  que  sous 
le  nom  de   curr^  et  ce   nom   vénérable, 
dans  lequel  est  venu  se  penlre  le  sien,  in- 
dique moins  Ir  ministre  du  tiinple  (|ne 
le  père  laborieux  du  troupeau,   Jl  sort 
de  sa  retraite,   bâtie   aupiès  de   la  de- 
meure  des   morts,   dont   il   surveille   la 
cendre.  Il  est  établi  dans  son  presbytère 
connue  une  ^arde  avancée  aux  frontiè- 
res de  la  vie,  poiu-  recevoir  ceux  <|ni  en- 
trent et  ceux  (pii  sortent  de  ce  royaume 
des  douleurs.   In  puits,   des  peupliers, 
une  vij;ne  autour  île  su  fenêtre,  <piel(pies 
colondx's  ,    eonqx)sent    Tbéritajje  de   ce 
roi  des  sacriliees. 

Cependant,  rapôtic  dt   lllvanjjile,  re- 

Aiirun  (lo«  nrtirir.n  ronlrnu»  d«nii  ce  rccnril 
nf  jMMit  (*lro  rt|>r«Mliiil,  sntm  |i<  ronxrntrmrnt 
furiiuM  tir»  auteurs,  soua  peuie  de  |x»un»uilci*  en 
contrefaçon. 

II*  Sr^niF.  Tonie  IV.  N»  3.  -  M 


vêtu  d'un  simple  surplis,  assemble  set 
ouailles  devant  la  j;rand'porte  de  l'é- 
{;lis«'  ;  il  leur  fait  un  discours,  fort  beau 
sans  doute,  à  en  ju{;er  par  les  larmes  de 
l'assistance.  On  lui  entend  souvent  ré- 
péter :  Mes  enfants^  mes  clirrs  enfants^ 
et  c'est  là  tout  le  secret  de  réloquencc 
du  (^hrysostome  elianqn'tre. 

.Après  l'exliortation,  l'assemblé-c  com- 
mence à   marclier   eu   cliantaut  :   Fous 
sortirez   mec   plaisir  et    vous    serez  reeii 
avec  jtiit  ;  les  collines  bondiront  et  vnus 
entendront    avec    joie.     L'élendart    des 
saints,  antique  bannière  des  temps  cbe- 
raleresques,  ouvre  la  carrière  au  trou- 
peau qui  suit  pêle-mêle  avec  son  pas- 
t(  nr.  On  entre  dans    «les  eliemins   om- 
bra;;» s  et  coupés   profondément   j>ar   la 
roue  des  eliarriots  rusti(]ues  ;   on  fran- 
chit  de   hautes   barrièivi   foruuVs   tl'un 
Siul  troue  de  chêne  ;  on  voya^ji»  le  lorij; 
d'une    haie    irauU'pine    où    Inturdoniie 
1  abeille  et  on  silllenl  U^  In^uvn'uils  et 
les  mérita.   Li\s  arbres  sont  couverts  de 
leurs  lleurs  et  jurés  d'un  naLs^int  feuil- 
laj;e.  Jx*s  bois,  les   vallons,  les   rivières, 
ententlenl   tiMir  à   tour  les  liyuin?s  d<-s 
laboureurs.   Etonnés  dr  ers  cautinu<^. 
les    h.'iits   tle*  champs  .«orient  des   blés 
nouveaux,   et   s'arrêtent  à    quehpie   di- 
stance pour  voir  jmvs,  r  la  |>onjpe   vill.\- 
l^jCois*'. 

Li    piXKX*ssiou    n'utrr    enfui    au    ha 
^1  is:.(i.  K 


K^O 


lin  au.  (-Ii.uim  !(  toimir  à  sou  ouvimj;(' : 
l;i  n*li.';i(>ii  n'a  pas  voulu  i\iw  ii'  jour  où 
I\)M  (l(Miiaii(K'  à  l)i('U  les  biens  de  la 
iciic  lui  un  jnur  d  oisivclt'.  Avoc  (jucllc 
rsptManiH^  on  cnloncH'  \c  sor  dans  \c  sil- 
lon apii's  avoir  iinplorr  Ci'lui  (|ui  diri^jc* 
h'  soleil  (•(  <jui  (>arile  dans  ses  tivsors  les 
V(Mits  du  Midi  et  Irs  tièdrs  ondérs!  Pour 
l)itMi  aclievor  un  jour  si  saintrinent  coni- 
lurnri',  les  anciens  du  village  viennent, 
à  l'entrée  de  la  nuit,  converser  avec  le 
curé,  qui  prend  son  repas  du  soir  sous 
les  peupliers  de  sa  cour.  La  lune  répand 


alors  Ks  dernièri's  haruionies  sur  cette 
lèl(^  ([ue  ramènent  cliaipie  année  le 
mois  le  plus  doux,  et  le  cours  de  Tastri^ 
le  i)lus  mystérieux.  On  croit  entendre  de 
toutes  parts  les  blés  {«ermer  dans  la  ter- 
r»',  et  les  plantes  croître  et  se  dévelop- 
])er.  Des  voix  inconnues  s'élèvent  dans 
le  silence  des  bois,  connue  le  cliant  des 
anges  cliampètres  dont  on  a  imploré  le 
secours,  et  les  soupirs  du  rossignol  par- 
viennent à  l'oreille  des  vieillards  assis 
non  loin  des  tombeaux. 

Cuateaubuiand. 


LE  MOIS  DE  MARIE. 


RECIT. 


I.    LA    VEILLE  DU  PIŒMIER   MAI. 

Il  était  cinq  heures  du  soir  ;  les  rayons 
tempérés  d'un  jour  de  printemps  arri- 
vaient dans  une  cliandjre  ouverte  au 
couchant  ,  et  réjouissaient  une  jeune 
fdle  qui,  fièlc  ,  maladive,  étendue  dans 
un  jjrand  fauteuil,  s'occupait  languissam- 
ment  à  former  un  bouquet,  dont  elle  choi- 
sissait les  (leurs  dans  une  corbeille  posée 
auprès  d'elle.  Quoique  bien  jeune  ,  tout 
en  elle  révélait  la  mélancolie  habituelle 
de  l'être  souffrant  ;  et ,  en  effet ,  depuis 
plusieurs  mois  elle  n'avait  pas  quitté  cette 
chambre ,  devenue  à  la  fois  sa  prison  et 
sa  patrie.  Les  soins  ingénieux  de  ses  pa- 
rents avaient  rassemblé  autour  d'elle  tout 
ce  qui  pouvait  lui  plaire  :  1(^  piano  atten- 
dait ([ue  sa  main  raffermie  vînt  fairemou- 
voir  le  clavier  ,  longtemps  muet  ;  ses  li- 
vres étaient  à  sa  portée,  consolations  des 
longues  nuits  d'insonmie;  compagnon  du 
silence  et  de  la  solitude,  le  Christ  d'ivoire 
était  placé  .sous  les  rideaux  de  la  couche, 


V.v\m  qui  coiiTortiiii   un  péiliour  tt  le  ictircra  de 
sou  ogarcnier.t,  sautera  uuc  âiuc  du  la  mort. 

Ejntrc  de  S,  Jacques ^  cli.  v. 

et,  suspendue  au-dessus  de  la  cheminée, 
la  Vierge  immaculée ,  d'après  Murillo , 
resplendissait  de  tout  l'éclat  de  sa  beauté 
sans  tache  et  de  sa  fierté  virginale.  C'é- 
tait vers  cette  image  douce  et  sereine  que 
se  dirigeaient  à  chaque  instant  les  regards 
inquiets  de  la  pauvre  malade. 

—  Maman ,  dit-elle  enfin  d'une  voix 
plaintive,  je  ne  ferai  donc  pas  le  mois  de 
]>Larie  ? 

—  Chère  enfant ,  répondit  ]\ïme  de 
Courson  ,  chère  Estlicr ,  nous  le  ferons 
ensendjle...  nous  prierons  ici  tous  les 
jours...  J'ai  donné  des  ordres  pour  que 
ton  joli  cabinet  d'étude  soit  transformé 
en  oratoire.  Notre  Mère,  qui  nous  écoute 
au  ciel,  t'obtiendra,  je  l'espère,  le  retour 
de  la  santé  ,  avant  la  fin  de  ce  mois  qui 
lui  est  dédié.  Je  la  prierai  tant! 

—  Je  la  prierai  aussi,  afin  qu'elle  t'ac- 
corde cette  joie....  mais,  vois-tu  maman, 
j'aurais  bien  voulu  donner  I  et  que  puis- 
je  maintenant ,  inutile  et  malade  connue 
je  le  suis  ? 


131 


—  Ne  t'affli^jc  pas,  dicre  fille  ,  tou- 
jours nous  pouvons  mcritcr  pour  Diru  , 
en  exécutant  sa  sainte  volonté;  car,  tu  le 
sais  ,  il  se  contente  de  la  bonne  disposi- 
tion de  notre  cœur... 

—  Entends- lu  !  voilà  les  cloches  qui 
sonnent  l'ouverture  de  ce  beau  mois  !  Si 
je  pouvais  munir  au  moins  aux  louan- 
ges ,  aux  cantiques  qui  vont  célébrer 
iMarie  !  Je  veux  essayer. 

Esther  ,  appuyée  sur  le  bras  de  sa 
mère,  se  traîna  jusqu'au  piano  ;  elle  l'ou- 
vrit ,  promena  ses  doigts  sur  les  touches, 
et  commença  le  cantique  breton  ; 

Je  mets  ma  conflnncp, 
Vicrije,  en  voire  secours  î 

!Mais  elle  ne  put  aller  jusq'au  bout  : 
sa  voix  faiblit  et  s'éteignit;  des  larmes 
roulèrent  dans  ses  yeux  ,  et  elle  reprit 
silencieusement  sa  place  auprès  delà  fenê- 
tre. Samère,  quidevinaitce  qui  se  passait 
dans  son  âme  ,  comprit  qu'elle  avait  be- 
soin de  solitude  pour  épancher  pins  li- 
brement son  conir,  et ,  l'embrassant  ten- 
drement, elle  la  quitta. 

Esther  resta  lon{;temps  pensive.  Se 
tournant  enfin  vers  l'image  delà  Vierge 
devant  laquelle  brûlait  une  petite  lamp*», 
elle  (lit  4  voix  basse  : 

—  \oiLS  le  savez,  Vierge  sainte,  j'au- 
rais voulu  vous  honorer  dans  votre  tem- 
ple, munir  aux  saints  cantiques  ,  aux 
honuuages  de  vos  enfants  I  Dieu  ne  le 
veut  p.'ïs ,  que  sa  volonté  soit  bé-nie  I 
Obtenez-moi  seulement  la  grâce  de  vous 
prouver  mon  amour  d'une  autre  ma- 
nière (pii  vous  soit  agréable  !  obtenez- 
moi  la  grâce ,  durant  tr  beau  mois  ,  de 
faire  un  peu  de  bien  î 

Elle  pria  encore  intéTieurenu  nt  ;  \nu<, 
elle  reprit  ses  ni;;ui!les  et  sa  laine,  siii\ 
ouvragi*  auquel  «lie  pût  s'appliquer  ;  elle 
faisait  des  bas  pour  les  pauvres. 

I^  soir  tombait  ,  tl«'jà  les  ('toiles  blan- 
ches et  rnnpitles  se  montraient  au  <  iel  ; 


Esther  ,  pour  les  mieux  voir,  leva  le  ri- 
deau :  la  fenêtre  ouvrait  sur  la  vaste 
cour  de  Ihôtpl  ;  la  jeune  malade  arrêta 
ses  regards  pleins  de  pitié  sur  une  vieille 
femme,  d«'crépite,  cï3u verte  de  haillons  , 
qui  regagnait  d'un  pas  chancelant  l'aile 
gauche  de  cette  immense  maison.  Elle 
se  traînait  avec  peine,  et  s'arrêtait  à 
chaque  instant  comme  si  elle  eût  fait  un 
|x'nible  vovage. 

—  >îa  bonne  Augustine  ,  dit  Esther  à 
sa  vieille  gouvernaijte  qui  était  venue  la 
rejoindre,  qui  donc  est  cette  bonne  fem- 
me ?  Quelle  vieillesse  !  quel  air  de  souf- 
france I  Cela  me  navre  le  creur. 

—  C'est  la  vieille  Catherine  î  elle  de- 
meure là  ,  .Alademoiselle ,  en  face  de 
vous  ,  sous  le  toit. 

—  Pauvre  créature  î  Et  elle  est  seule  ? 

—  Seule  au  monde  !  elle  ne  voit  p«'r- 
sonne  ,  personiie  ne  lui  parle  ;  elle  a  un 
air  qui  iTbute  les  gens.  El  d'ailleurs  on 
sait  ce  qu'on  sait  ! 

—  Quoi  donc  ? 

—  Dame  I  c'est  une  histoire  !  0;i  dit 
(pie  (]  uherine  a  été  autn^fois  ,  sinon  ri- 
(  he,  au  moins  fort  à  son  aise  ;  elle  a  tout 
donné  à  son  fils,  un  dissipateur,  im  pro- 
digue, qui  l'a  mis<^  sur  la  paille  .<ans  se 
retourner  même  p<nir  la  regarder....  De- 
puis lt)rs  ,  elle  n'a  parlé  à  âme  qui  vive  ; 
elle  vit  seule  du  prinhiit  d  une  mistTablc 
petite  rente  viagère.... 

—  Quel  sorti  pauvre  feuuue!  mais 
a!i  moins  la  religion  la  cv)nsoleI 

—  La  relij;ion  !  elle  ne  va  jamais  à  la 
.Alesse....  elle  ne  sait  pas  s'il  y  a  un  Dieu 
ou  s'il  y  en  a  quatre  :  tenez ,  Madenioi- 
S4lle,  n'y  ivnscz  |>as...  C't^sl  une  crrature 
|XMihie,  ct>rps  et  biens  ,  corps  et  âme. 

—  J'es|HTe  bien  que  non  î  s'ivria  vi- 
vement Esther. 

I.e  n^Cour  de  Mn»e  de  Oiurson  inter- 
rompit la  ixmvervatiou  ,  le  i^èrc  d'Esther 
ivirul  bienti^t  ;  tous  «leux  entourt-riMit 
leur  fille  bien-ainu^  de  ces  soins  si  »1out 


132 


iIdiU  rh.ibhiulr  n\'MiuMisso  p.isleclinnuo; 
et  Estlior  ,  i)lns  ilisposôo  encore  à  la  leu- 
diesse  par  la  pitié  ,  se  disait  le  soir ,  la 
tète  posée  sur  sou  elievet,  que  le  souuueil 
visitait  si  rarement  : 

—  IMou  Dieul  souiVrir  (piaïul  on  est 
aimée  ainsi,  mais  c'est  du  honlieurl 

Sa  pensée  la  reporta  au  même  instant 
vers  cette  vieille  icMume ,  cette  ])auvre 
Cadierine,  si  délaissée  dans  sa  vieillesse, 
si  abandonnée  dans  ses  soullVances  ;  (cm- 
mc  sans  protection,  mère  sans  entant,  et, 
qui  pis  est,  chrétienne  sans  foi,  réunissant 
ainsi  les  tortures  du  corps  au  plus  som- 
bre isolement  de  rànie, 

—  Que  la  nuit  doit  être  longue  pour 
ellel  se  disait  Estlicr  ;  qu'elle  doit  redou- 
ter le  lendemain,  le  lendemain,  dont  elle 
n'es})cre  rien,  qui  ne  lui  apportera  qu'un 
surcroît  d'amertume  I  Vierge  sainte,  no- 
tre  mère  à   tous,   priez  pour  elle   I... 

Ali  I  si  je  pouvais si  je  pouvais  ,  en 

votre  mois  vénéré,  secourir,  relever  cette 
pauvre  àmc....  si  je  pouvais  !... 

Esther  sourit  à  cette  pensée,  et  peu  à 
peu  ,  bercée  par  de  doux  projets ,  par  le 
riant  espoir  ,  elle  s'endormit  d'un  som- 
meil calme. 

II.  Catherine. 

Le  lendemain ,  après  avoir  consulté  sa 
mère,  Esdier  plaça  dans  un  ])etit  panier 
une  aile  de  volaille,  du  chocolat,  un  peu 
de  vin  ;  elle  glissa  au  fond  une  pièce  de 
cinq  francs  enveloppée  de  papier,  et  puis, 
appelant  Augustine  ,  elle  lui  dit  : 

—  Ma  bonne,  fais- moi  le  plaisir  de 
porter  ce  panier  chez  la  vieille  Catherine. 
Tu  lui  diras  que  je  l'ai  vue  hier,  que, 
malade  moi-même,  j'ai  plaint  sa  souf- 
france ,  que  je  la  prie  d'accepter  ces  ba- 
gatelles, et  qu'à  coup  sûr  ,  ma  première 
yisite,  après  l'église,  sera  pour  elle.  Va  ! 

—  Si  vous  l'ordonnez,  jMademoiselle... 
mais  à  laver  la  tète  d'un  nègre  ,  on  perd 


son   temps  et  son  savon...  Vous   inivcv. 
beau  faire,  (>atherine  ne  ehangt  ra  pas. 

—  N'a  ,  va  donc!  répondit  Esther  en 
souriant. 

Augustine  obéit.  Au  bout  d'un  quart 
d'htnne  elle  revint  l'air  triomphant  : 

—  One  disais-je  ,  jMadcinoiselle  ?  elle 
ne  m'a  pas  même  remerciée.  .,  c'est  un 
loup,  vous  dis-je. 

—  Eh  bien  î  tu  retourneras  la  voir  de- 
main ,  et  tu  tâcheras  de  l'apprivoiser, 
connue  la  belle  apprivoisait  la  bète  dans 
ces  beaux  contes  que  tu  contais  si  bien  ! 
te  souviens- tu? 

Augustine  sourit  et  répondit  qu'elle 
essaierait. 

Les  envois  continuèrent,  sans  que  l'in- 
diftérence  ou  l'ingratitude  de  la  vieille 
Catherine  vinssent  à  bout  de  refroidir  le 
zèle  d'Esther.  La  charité  est  patiente  ,  dit 
l'Apôtre,  eltc  ne  s'aigrit  de  rien,  elle  souf- 
fre tout^  elle  supporte  tout  (l),  et  celle  de  la 
jeune  fdle,  excitée  par  le  désir  de  conqué- 
rir une  âme  à  Jésus-Christ ,  était  armée 
contre  les  plus  rudes  épreuves.  Soit 
l'influence  de  ce  beau  mois  de  mai,  jeu- 
nesse de  l'année  ,  soit  vertu  secrète  éma- 
née de  la  prière  et  de  la  foi,  sa  santé  sem- 
blait rafrermie  ,  ses  yeux  reprenaient 
quelque  chose  de  leur  vivacité  première, 
et  les  beureux  parents  trouvaient  chaque 
jour  son  teint  plus  doucement  animé  du 
coloris  de  la  jeunesse  et  de  la  santé.  Ce- 
pendant ,  elle  n'avait  encore  franchi  le 
seuil  de  sa  cbambre  que  pour  passer  dans 
son  oratoire,  lorsqu'un  matin,  Augustine 
lui  dit  avec  quelque  précaution  : 

—  Catherine  est  plus  malade  ,  I\Iade- 
moiselle  ;  je  l'ai  vue  tout-à-l'lieure  ,  elle 
ne  peut  quitter  son  lit. 

—  Il  faut  que  le  docteur  aille  la  voir  ! 
s'écria  Esther. 

—  Justement  il  est  en  bas  et  cause  avec 
Monsieur. 

(1)  Saint  Paul  aux  Corinthiens. 


133 


Le  docteur  Gilbeit ,  vieil  ami  de  la 
famille  ,  parut  presqu'aussitôt  suivi  de 
Mme.  de  Coursoii,  Kii  voyant  Estlni ,  il 
poussa  une  c.xclamaliou  de  joyeuse  sur- 
prise. 

—  I]li  bien  !  docteur,  dit  de  ^Ime. 
de  Coursoii. 

—  Madame  ,  il  ne  me  reste  plus  qu  a 
preiidn;  mou  eliapeau  ;  [Madcmoisrllf  ne 
fait  plus  partii'  de  mes  malades.  Si  rWr 
veut  Ijien  consentir  à  se  s</i};ner  ,  à  sui- 
vre un  rt''|;inif,  à  être  enfin  bien  saye  ,  je 
la  dtVlare  radicalement  {;uérie. 

]Mnie.  deCourson  leva  les  veux  au  ciel 
dans  1  élan  d  une  pieuse  reconnaissance 
n  baisa  sa  fdle  au  front. 

—  iMon  bon  docteur ,  voulez-vous  me 
permettre  ,  puisque  vous  me  trouvr/  si 
bien,  de  faire  aujourd'hui  une  prtile  ex- 
cursion de  convalescente  .* 

—  Hum  ! 

—  .le  |)ren(lrai  votre  bras  ;  vous  me 
conduire/,  en  fa<"e  ,  ma  mère  It  pt  i  iu«  t  .' 
Kt  vous  aussi,  ncst-ce  pas  ,' 

—  A'ovons  ,  de  quoi  s'a|;it-il? 

—  l  ne  pauvre  vieille  iemm»'  loi  l  ina- 
malade... 

—  Je  comprends...  Eli  bien  soit  I  aii- 
jourd  liui  vous  ferez  le  tour  de  la  cojii  , 
demain,  vous  ire/,  à  la  !Nb\sse,  après-de- 
main ,  promenade  en  voitme...  et  puis 
vous  suivrez  votre  n'j^ime ,  n't'st-c*^ 
pas  ? 

—  Oni,  <I(M  leur,  répouib» '''^""''"'  Elle 
mit  son  clia|Hau  l  ui.>^'-  <P»<"  sa  mère  l'en- 
veloppait soi(;"»»>î^*"»*"'>t  •'  •'"  chale  ,  en 
disant  :     "  Mais  six  éta{;es  A  monter  ! 

—  ilnm!  rt'pèla  UMloclem*. 

—  Oli  I  maman  !....  ni«)n  bon  (1<>(- 
teurî...  je  vous  en  prie  !.,. 


—  Eh  1 


tien  !  allons  ;  mars  |)ms(pi  il  s  a- 


{;it  d  une  malade  i\  visiter,  j'entrerai  seul 
il'abonl. 

Esdier.  en  «  iVet,  dnl  rester  sur  le  palier, 
et  elle  s'assit  sur  le  pliant  qu'Au;;ustine 
avait  apport»'  jioju  elle.  SoneoMir   batt  ut 


couune  à  l'approclie  d'un  grave  événe- 
ment. 

Le  docteur  reparut  au  bout  de  dix  mi- 
nutes ;  il  dit  à  voiiL  basse  :  —  Cette 
feuuue  s'en  va....  les  ressources  de  b  vie 
sont  Uries....  Eaites-lui  du  bieu,  si  vous 
voulez ,  mais  il  vous  sera  impossible  de 
la  j'jUérir.  Donucz-lui  ce  qu'elle  demau- 
ilera. 

11  salua  Estber  et  descendit.  La  jeune 
lille  leva  le  Kxpiet  de  la  porte  et  entra 
doucement.  Jamais  plus  aiVreuse  pauvre- 
té n'avait  frappé  ses  regards  :  Calberine 
était  étendue  sur  une  paillasse  sans  drajw, 
dans  cette  mansarde  nue.  Estlur  s  a|>- 
procba  du  misérable  lit  avec  un  senti- 
ment de  n^spoct,  inspiré  par  la  vieillesse, 
par  la  soutlrancv,  et  elle  dit  : 

—  Avant  appris  (pie  vous  eiie/  plus 
soullrante,  ma  bonne,  je  suis  venue  voils 
voir.. .  Dites-moi  si  je  puis  vous  cUv  uule 
l'ii  (pielque  chose.' 

La  vieille  ouvrit  ses  paupières  rid^-t^s  et 
attachant  sur  la  jeune  lille  un  rej',ardst>ni- 
brect  concentn''  où  senddait  s'elre  ..  in- 
{;iée  la  vie,  elle  ré|Hmdit  : 

— Je  n'ai  l>esoin  de  rien.  r»<^rrz-vous.  . 

—  Je  ne  puis  D^^  consentir  à  vous 
laisser  s*'ule  e»  «naïade. 

()»*\'st-re  que  tvla  vous  fait  ? 

—  Catherine,  s'étM'ia  .AUj",ustine  indi- 
{^né-e ,  est-ce  ainsi  qu*t)n  parle  à  Made- 
nioisi'lleî 

—  Je  ne  veux  pas  \oir  des  élr.inp,ers. 

—  Jt'  ne  suis  pas  ime  elran;;èn*  |K»ur 
vous  ,  (.ialherine  ,  dit  Esther  avec  dou- 
(  «  m  ,  et  vous  me  feriez  c,rand  plaisir  si 
vous  voidir/  actvpter  nos  st^ins... 

En  dis.mt  ces  mots  ,  elle  souleva  l  o- 
n  dler  de  paille  et  porta  aux  lèvres  tics- 
séehévs  il»*  la  malade  une  eudleiVv  d'or- 
geat. Catherine  en  prit  «pielques  poutles, 
puis  détourna  la  léle. 

Esther,  sans  >e  d«*rt>uraf,er.  s'as^il  »u- 
pivs  du  lie  et  ibt  .\  Anp,uMine  «lallrr  de- 
mander  .'i    ^lme   lie  Courson  «l'avoir  l.i 


134 


lH)n(('  (lo  laliv  (lonnrr  pour  (];illu'iin(HK\s 
draps, (l(\s  roiivrrtuiTS,  un  iihiU'las,iin  l'aii- 
tciiil  ;  clic  lui  i  t'fOMimaiulad'ainciicrquel- 
([111111  poiM  raidciàlevciiininstantlapau- 
\i'c  inala(K'ptMulaiil(pron  forait  son  lit. 

(lathcrino,  siloiit  iciisc  et  sombre,  laissa 
faire.  jMais  lorsqu'elle  se  vit  placée  dans 
un  lit  j'rojMe  et  moelleux  ,  elle  tàta  les 
tlraps,  les  couvertures  blanches  avec  une 
espèct^  de  satisfaction,  et  dit  à  voix  basse, 
se  ]>arlant  à  elle-même  :  — A  a-t-on  in'en- 
lerrer  ?  on  nie  met  du  linjje  Ijlanc  I 

Estlier ,  la  voyant  retombée  dans  sa 
préoccupation  ,  n'osa  lui  parler,  et  elle  se 
retira  ,  laissant  auprès  d'elle  une  garde 
vij;ilante.  Mais  tous  les  jours ,  animée 
«lune  sainte  constance,  elle  revint,  elle 
monta  ce  rude  escalier,  elle  s'assit  à  cette 
triste  couche,  elle  essuya  les  duretés,  les 
rebuts  ,  et  elle  parvint  d'abord  à  se  faire 
soullrir,  puis  à  se  rendre  nécessaire.  Pour 
arriver  à  ce  point  tant  désiré,  pour  obte- 
nir un  sourire,  pour  captiver  la  confian- 
ce de  cette  vieille  mendiante ,  Estlier  fit 
plus  d'efVorts  ,  employa  plus  de  séduc- 
tioui  que  la  jeune  fille  la  plus  coquette 
n  en  saurait  mettre  en  œuvre  pour  obte- 
nir les  louanges  ^'uii  peuple  d'admira- 
teurs. Qui  donc  inspx.o  ^^x  chrétiens 
ce  zèle  ardent?  Qui  donc  leu,  Ç^[i  trou- 
ver des  charmes  dans  tout  ce  qiù  re- 
bute la  nature?  Qui  donc  leur  rend  ai- 
mables les  asiles  de  la  misère,  et  leur  fait 
chérir  l'entretien  des  pauvres  et  des  mi- 
sérables ?  En  quel  nom  ,  en  un  mot  ,  se 
font  de  tels  sacrifices  ?  En  un  seul  nom, 
celui  de  Jésus -Christ  ! 

Ce  nom  divin  ,  lien  qui  unit  ici-bas 
le  pauvre  au  riche,  n'avait  pas  encore  été 
prononcé  entre  la  vieille  malade  et  sa 
jeune  consolatrice;  cependant,  un  jour 
(pie  (Catherine  se  plaignait  de  la  longueur 
de  ses  nuits  d'insomnie,  Estlier  lui  prit  la 
main  ,  en  disant  :  —  Pourquoi  ne  priez- 
vous  pas?  liien  souvent  encore,  moi  aussi, 
je  souflre,  je  ne  dors  pas  ;  mais,  alors,  je 


prie ,   je   regarde   mon    crucifix  ,    et   le 
temps  S(^  passe  doucement. 

—  Prier  I  je  n'ai  jamais  prié  I  je  ne 
sais  pas  prier  I 

—  Se  peut-il?  Pauvre  Catherine  ! 

—  A  ous  me  plaijiiic/?  Oui,  ]>ent-ètre 
aurais-je  été  ])lus  heureuse  si  j'avais  su, 
comme  d'autrc^s  que  j'ai  connues,  prier 
Dieu  et  mettre  en  lui  ma  confiance  ; 
mais  on  ne  me  l'a  pas  rppris  !  Je  suis 
née  avant  la  grande  llévolution  ;  quand 
elle  éclata,  mon  père,  qui  était  fripier 
aux  Halles,  fit  la  pluie  et  le  beau  temps 
dans  le  quartier...  Il  était  président  d'un 
club,  il  haranguait  le  peuple,  il  criait  : 
^  bas  le  roi  !  à  bas  les  prclrcs  !  ma  mère 
disait  connue  lui.  11  n'était  pas  question 
de  catéchisme  pour  moi.  Je  me  mariai  ; 
mon  mari  était  un  fort  honntHe  honnne, 
grand  travailleur,  qui  n'aurait  pas  fait 
tort  d'un  liard  à  un  enfant,  mais  qui  ne 
mettait  jamais  les  pieds  à  l'église....  La 
poule  ne  doit  pas  chanter  plus  haut  que 
le  coq  :  je  fis  connue  mon  mari....  Etait- 
ce  bien?  était-ce  mal?  je  n'en  sais  rien... 
Il  y  a  bien  des  choses  qui  n'ont  pas 
marché  comme  je  l'aurais  voulu  ;  mais 
Dieu  aurait-il  pu  les  changer? 

Elle  secoua  la  tête.  Estlier  lui  répon- 
dit : 

—  Dieu  aurait  pu,  à  votre  prière,  dé- 
tourner peut-être  les  événements  qui 
vouï  ont  affligée,  ou  bien  vous  donner 
la  resignaùon  nécessaire  pour  porter  vos 
peines  en  paix.  Mais  il  n'est  pas  trop 
tard  ;  vous  pouvez  oncore  croire  et 
prier....  Dieu  ne  vous  impuv^  p^s  votre 
ignorance,  et,  de  l'autre  vie,  il  voui  x.enà 
les  bras  pour  vous  recevoir  I 

—  Vous  croyez  donc  en  Dieu,  Made- 
moiselle ? 

—  Si  j'y  crois  I  mais  cette  croyance 
est  mon  espoir,  ma  consolation,  ma 
vie  ! 

—  Vous  priez? 

—  Tous  les  jours,  à  toute  heiu*e  I 


135 


—  Ainsi  Dieu  existerait  !...  dites-inoi 
ce  (pie  vous  croyez. 

Ivstlier  se  mit  à  {jenoux,  elle  leva  ses 
rej^anls  vers  la  croix  (|u*elle  avait  sus- 
pendue au  clicvet  du  lit,  et,  dans  un 
lan^a(j'e  simple  et  afFectueux,  elle  ticlia 
d'instruire  ce  cœur  plus  i{;norant  (jnc 
rebelle,  et  de  faire  jaillir  la  céleste  clat  ti- 
dans  cette  âme. 

Dieu  bénit  sa  parole  :  cette  foi  sou- 
daine, qui  parfois  semble,  connue  ini 
rayon  du  ciel,  illuminer  les  mourants, 
é«laira  l'intellifjence  de  Catlierine  :  la 
conviction  se  faisait  jour  dans  une  âme 
si  longtemps  remplie  de  préjugés  et  de 
passions.  Ouehpies  larmes  rares  coulè- 
rent sur  ses  joues  flétries,  et  elle  dit  : 
—  Knsei{;nez-moi  à  prier  I 

Kstlicr  prit  ses  mains,  les  joi^'iiit  dans 
les  sieimes,  et,  d'une  voix  lente  et  grave, 
elle  dit  :  —  Répétez  après  moi. 

«  Notre  Père  cpii  êtes  aux  cieux.  » 
Voyez,  Catlierine,  vous  parhv.  à  votre 
bon,  à  votre  vrai  père,  qui  vous  a  créée, 
et  qui  vous  attend  dans  cette  belle  de- 
meun^  (jn'il  vous  a  préparée. 

«  Votre  nom  soit  sanctifié.  »>  Vous 
voulez,  n'est-ce  pas,  de  tout  votre  cœur, 
bonorer  et  servir  ce  bon  père,  saneti- 
tier  son  nom,  autant  que  vous  le  j)onr- 
rez? 

•  Que  votre  rè{;ne  arrivt\  »  l'ous  de- 
sire/  voir  Dieu  dans  son  'i''g"<*,  dans  ses 
ricliess**s,  et  ré|;ne^  avec  lui  ? 

««  Oue  vot'v*  volonté  soit  faite.  •  Mi 
bonne  (Catlierine,  aimez  celte  sainte  vo 
luiité,  aimez-la  bien  I  Si  elle  vous  rend, 
pen<lanl  (pieltpies  jtnus,  pauvre,  malade, 
(h'iaissée,  c'est  pour  vous  enriebir,  v«)ns 
eonroimer  t*teni<llenient. 

«.  Doime/.  -  nous  aujounrbui  noire 
pain  (pi»)liili<ii.  ^  oyez  connue  nous 
parlons  an  Seigneur  avec  ctinfiaiKV  ! 
Nous  sonnnes  vé-iitablement  ses  enfants, 
et  il  est  noire  vrai  père. 

a    IVuiloniuv   -   nous     nos    olb'iises  , 


comme  nous  pardonnons   à    ceux    (jui 
nous  ont  offensés.   • 

Catlierine,  à  ces  mots,  se  redressa,  et 
s'écria  d'une  voix  brève  : 

—  Je  ne  puis  pas  dire  cela.  Pardon- 
ner I  pardonner  !  non,  non,  jamais  I 

—  Catlierine.  s'écria  Ksilier,  nous  ac- 
cordons le  pardon  afin  de  l'obtenir.... 
j'i;;n<>re  (jui  vous  a  oflèns<-o,  mais — 

—  Oui,  vous  rignorezî...  autrement 
V(jns  ne  parleriez  pas  de  pardon  !  Savcz- 
vons  bien,  ajoula-t  elle  avec  une  énergie 
croissante  et  en  secouant  le  bras  de  la 
jeune  fille,  save/.-vous  bien  qu'il  m'a 
abandomiée,  moi  qui  n'aimais  que  lui 
sur  la  terre,  (jn  il  m'a  laisst'e  seule  au 
monde,  qu'il  ne  s'est  jamais  informé 
de  moi,  qu'il  a  rou|ji  de  moi,  de  sa  mè- 
re, lui,  mon  fils  ! 

—  Voue  fils  ! 

—  Oui,  oui,  mon  fils  I  j»ardonner  à  cet 
inj;iatl  non,  Dieu  ne  l'exige  pas  do  moi, 
jamais  ! 

—  IlélasI  dit  Esdur  en  fondant  -•  '*"" 
nus,  pardonm  /-  |K)ur  ramo*»  de  vous- 
nu  nie  ;  i)ardonnez  afi"  a  obtenir  le  par- 
«lon  du  Dieu  (ju^  vous  ap|Hlle  i>our  vous 
récomiK'i>«^  **i  pardonne/.,  jH)ur  détonr- 
inj-  Je  la  tète  de  cv  fils,  qui  jadi>  vous 
lut  clu  r,  les  malbeuis  que  votre  inimitié 
atiirerait  sur  lui  !  pardonnez  enfin  au 
nom  de  Jésus,  ipii  pardonna,  en  mou- 
rant, à  ses  lK)unean\  ! 

(^ltllelilu*  gardait  le  sileiuv. 

—  Vous  anniez  votre  fils?  Sans  doute 
il  vous  aimait  aussi  ;  |vardi>nnez  à  S4*t 
égarements  :  ne  nous  si»uvenez  |vis  de 
ses  fautes,  ne  vous  sou  venez  (|uc  tlc^soii 

y  enfance,  «niand  vous  le  teniez  sur  vos 
gt  n»>nx,  qu  il  vous  t  luii.iss.ul  et  vouh 
ap|H'lail  ftifi  ;mvr  / 

-  Je   l'ai  trop  aimé!  il  m'a  tUvbiré 
le  cceur!  ne  m'en  jvirlez  plus! 

INtlur  souj>ira,  cl,  av«v  un  clan  de 
foi,  s'ailressant  inléneurement  .'»  ivlle 
Vierge   sauilc,  qui  l'avait   guidtv   daiu 


13() 


cette  dilîieile  entreprise,   elle   répéta   la 
prière  :  Monlrcz-vous  notre  mère  (  1}  ! 

Puis,  serrant  encore  la  main  île  la  ma- 
lade, elle  lui  dit  avec  feu  : 

—  Yovez;  si  vous  pardonne/,  le  eiel 
sera  dans  votre  eonu*  ;  l'absolution  du 
prêtre  vous  purifiera,  et  vous  recevrez, 
pour  la  première  fois,  la  sainte  comuui- 
nion.  Dieu  même  viendra  vous  visiter 
ici,  dans  cette  pauvre  chandire  I  il  ne 
demande  de  vous  qu'une  chose  :  un 
j;t'*néreux  pardon  I 

Catherine  parut  hésiter  encore.  Enfin, 
elle  dit  : 

—  ^ladcnioisellc,  faites  venir  le  prê- 
tre ! 

ITT.    LE    31     MAI. 

—  M.  André  BerthautI  dit  le  domes- 
tique en  introduisant  un  jeune  homme 
dans  le  cabinet  de  M.  de  Courson. 

—  IMonsieur,  vous  m'avez  fait  de- 
uiander  une  entrevue,  dit  cet  étran^jer 
au  p'^re  d'Esther  :  je  me  rends  à  vos 
ordres. 

—  Croyez  bi^^n  ,  Monsieur ,  que  je 
n'aurais  pas  commis  u^^p  pareille  indis- 
crétion ,  sans  un  motif  iir.^^ortant.... 
bien  important....  Monsieur,  votre  v>ière 
habite  cette  maison  ! 

Le  jeune  homme,  à  ces  mots,  devint 
pâle,  et  dit  d  une  voix  étouffée  :  —  Ma 
mère  I  il  serait  possible  !  ma  pauvre 
mère  I 

—  Des  circonstances  que  vous  cori- 
naîtrez  plus  tard,  Tont  mise  eu  relation 
avec  ma  fdle  ;  votre  mère  lui  a  confié 
quelques  particularités  de  sa  vie  ;  elle 
lui  a  enfin  dit  son  nom  et  désigné  votre 
demeure. 

—  Ah  I  Monsieur ,  que  vous  devez 
me  croire  coupable  I  Je  le  suis  en  ef- 
fet—  oui —  bien  coupable....  Ma  mère 
me  pardonnerait I... 

(1)  Hymne  :  Ave  maris  Stella. 


— Elle  vous  pardonnera. . .  je  Tesj^ère. .. 

—  Oui,  je  fus  bien  coupable!.... 
Comme  elle  m'aimait  î.  .  et  cette  ten- 
dresse me  pesait I...  je  voulais  être  li- 
bre     .T'osai   demander   compte  de    la 

fortune  de  mon  père....  ces  conjptes  me 
furent  rendus,  mais  ma  mère  me  bannit 
de  sa  présence  I...  .Te  lis  un  lon^  voya- 

^c moitié  pour  mes  plaisirs,   moitié 

pour  mes  affaires IVndant  mon  ab- 
sence, ma  mère  quitta  son  petit  maga- 
sin, elle  vendit  tout....  Quand  je  revins, 
je  cherchai  en  vain  à  savoir  ce  qu'elle 
était  devenue...  Des  mois,  des  années  ont 
passé  depuis  notre  séparation....  Ma  for- 
tune a  doublé  ;  mais  toujours  j'ai  eu  là, 
au  cœur,  un  chagrin  qui  me  rongeait — 
Elle  s'est  souvenue  de  moi  !...  elle  me 
rappelle!...  elle  me  pardonnel 

—  Tous  allez  la  revoir,  reprit  M.  de 
Courson  avec  bonté  :  elle  aussi,  elle  a 
bien  souffert  !  Un  dépositaire  infidèle  l'a 
dépouillée  du  peu  qu'elle  possédait  : 
l'âge,  les  maladies,  sont  venus....  Je  ne 
puis  vous  le  cacher,  vous  allez  la  revoir, 
mais  peut-être  pour  bien  peu  de  joursl.. 

André  Berthaut  ne  répondit  point;  il 
cacha  sa  tête  entre  ses  mains,  et  pleura. 

Quelques  instants  après,  un  vieil  ec- 
clésiastique entra  dans  le  cabinet,  et  dit 
»  iM.  de  Courson  : 

—  Elle  est  préparée  ;  Mme.  de  Cour- 
son et  votrt  fille  sont  auprès  d'elle....  je 
vais  chercher  le  s&lnt  Viatique. 

—  Tenez,  mon  cher  Monsieur,  reprit 
M.  de  Courson,  venez,  votic  mère  va 
vous  recevoir. 

Ils  traversèrent  la  cour  et  montèrent 
l'escalier  :  André  s'arrêtait  souvent,  ac- 
cablé d'émotion. 

Mme.  de  Courson  et  Esther  tâchaient 
de  préparer  la  vieille  Catherine  aux 
deux  visites  qu'elle  attendait  :  à  celle 
de  son  fils  et  à  celle  de  son  Dieu  I  au 
pardon  qu'elle  devait  accorder,  à  celui 
qu'elle  osait  espérer  I 


137 


—  N'cst-i!  pas  vrai,  disait  Miiir.  de 
<Joms()M,  rjiie  vuus  avez  repris  jioiir  vo- 
tre fils  toute  voire  tendresse  daulreiois, 
f  t  (pie  s'il  se  présentait  maintenant,  vous 
le  Iji'niriez,  vous  prieriez  pour  lui .' 

—  Oui  ,  répondit  Callierine  d'une 
Toix  laihle,  tout  est  oublié- —  j'ai  été 
impérieuse  (  t  dure  pour  lui,  tout  en  1  ai- 
mant  j'ai  eu  des  torts..,. 

—  Nous  voudriez  le  voir?  demanda 

E^tlM•^. 

—  Alil  si  Dieu  me  faisait  eeltegràee! 

—  Il  vous  la  fait  !  ^ Olre  fds  est  iei, 
dit  ^Ime.  de  (jonrsoii  av«e  ('motion. 

—  ()u  il  \  icniic  !  <péil  vienne  ! 

Au  mémo  instant,  M.  de  (loursoii  en- 
tr'ouvrait  la  ])nrte.  André  s'élanea  «'t 
vint  tond)er  à  [;(miou>:  devant  Catlierine. 
Elle  le  saisit  dans  une  éticirUe  silen- 
eieiise,  l'attira  vers  elle  »-t  l<^  tint  em- 
brassé. 

Tout  le  monde  pleurait.  Dans  uu 
muet  é'panelienient,  la  nu'Te  et  le  (ils 
retrouvaient  tout  ce  (pi  ils  avaient  per- 
du. 

Une  ]i(  tit(^  tabl»^  avait  viv  transformée 
en  aulcl.  INtlier  v  avait  ])laei',  snr  nn 
linjje  éclatant  de  blancheur,  un  erueilix 
(Mitre  i\vu\  eirrj;es  allumés;  d'un  e('>té 
1  eau  b«''nite,  où  trempait  un  rameau  de 
huis,  et  de  l'antre  nue  assiette  eontenniit 
du  coton  (  t  lin  pain,  destin('S  ;\  essuyer 
les  doi|;ts  du  prètie  après  1rs  saintes  onc- 
tions. 

datlieriru'  cloi};na  d  (  lie  nn  nu'ment 
son  lils  pour  le  mieux  rej'arder. ... 

—  I*réparez  votre  e(cnr,  ma  bonne 
(lalli(>rine,  dit  M.  de  Ooursou,  car  notre 
Seij;neur  va  venir  I 

—  Ali  I  c'est  trop  de  |p'.ie(\s!  Audn'*, 
tu  ne  sais  ]>ns^  je  vais  faire  nin  pnMinèie 
eomnnnuon —   «t   ma  dernicrc  aussi.... 

l'^tlier  s'asvil  dans  la  ruelle  du  lit.  et, 
d'une  voi\  h  iilc  cl  diMUi-,  (lie  Inl  et* 
passajM"  de  V  I//ntit(i,'n  : 

«•  J  tnrztt  /;/o/,  diles-YuUS,  vous  r«<//ï  qui 


»  elts  dans  la  peine  et  qui  êtes  chargés ^ 

•  1 1  Je  volts  souta^eral.  O  quelle  d»»u- 
"  ceur  (  t  (pielle  biciiveillaneo  celte  |>;i- 
»  rôle  fait  entendre  à  un  jx-clieur,  lors- 

•  que  vous-même,  Seigneur,  mon  Dieu, 
"  vous  invitez  l'indij^ent  et  le  pauvre  à 
>»  la    communion    de   votre    très  -  saint 

•  corps!  Mais  qui  suis-je  ,  Seigneur, 
■  pour  oser  m'approcbcr  de  vous  ? 
>«  Quoi  !  la  vaste  étendue  des  cieux  ne 
"  peut  vous  contenir  ,  et  vous  dites  : 
»  Kt  luz  à  moi^  tous  ?  »» 

—  Il  vient  lui-même  î  dit  Estlier,  in- 
terrompant sa  lecture;  entendez- vous 
des  pas  sur  l'escalier?  (>Vst  le  prêti*e  qui 
vous  apporte  votre  Dieu  !  Mèi-e  du  pur 
amour  et  de  la  belle  espérance,  ô  ?Marie, 
prie/.,  pi  i(  /  pour  nous  ! 

Ouand  le  prêtre  entra,  tous  priaient. 

Le  visage  de  Calbeiine,  quoique  ]v*di 
par  It  s  appriH-hes  de  la  mort,  semblait 
illnmint"  d'une  flamme  inlérieuiv  :  le 
bonlieur  et  la  foi  r('elairaient.  Klli* 
courba  la  tête  avec  bumililé  sous  l'abso- 
lution soleimelle  que  \c  minisln'  du 
Seigneur  pmnonça  au  nom  de  son  divin 
maître,  et  recul, avec  le  sentiment  le  plus 
religieux  et  le  plus  piY»fond,  le  saen'- 
ment  des  mourants,  ces  derniérrs  onetions 
par  les(pielle  l'Eglise  pr('pare  ses  enfants 
au  banquet  étenirl.  Enfin,  le  prèire,  pre- 
nant (Il  m  im  II  coupe  du  salut,  é-lera 
l'hostie  et  dé|>osa  sur  les  lèvres  He  la 
momante  (*e  pain  du  ciel,  gage  piiVieux 
d'une  vie  meilleuif*. 

In  long  sileiuv  ivgna  :  le  dennersouf- 
llc  de  (l.iilierine  sVxhalnit  en  aelions  de 
grAc«*s — 

Elle  tourna  enfin  vers  s<in  fils  pi-osicr- 
ix  un  n*j;ard  pirsque  i  teint,  et  lui  dil  : 
Nlon  cher  enf  ml.  s<m-s  le  Wm\  IHeii.  afin 
(pie  nous  puissions  nous  retrouver.  ... 
cl  vous,  .Mademois<-lle,  vous  (pii  m'avez 
appris  à  et>nnaitn*  Dieu,  sovcz  l»t'*nieî.. 
et  prie/.,  prie?  |H>ur  moi...  prie/ la  sainte 
Vicii;e  ' ... 


138 


Ce  fut  son  dernier  mot...  elle  s'affaissa 
sur  Toreillrr,  ci  son  àinr  s'rxliala  en 
paix  riilir  1rs  mains  de  Dieu  ! 

Au  moment  où  elle  expirait ,  les  clo- 
elies  sonnaient  le  dernier  office  du  mois 
lie  IMarie,  et  l'œuvre  de  charité,  entre- 


prise sous  les  auspices  dclaVierge  sainte, 
était  accomplie  ;  Estlier  avait  conquis  à 
la  vie  éternelle  une  de  ces  âmes  si  chères 
à  Jésus  et  à  IMarie  ! 

Charlotte  Simo?î. 


UN  INTERIEUR  CHARMANT. 


ESQUISSE, 


—  Quel  bonheur  que  de  s'entendre 
appeler  ^Madame  I  Si  vous  saviez,  Ar- 
thur, connue  je  suis  contente  I  Vrai, 
vous  m'avez  rendu  un  immense  ser- 
vice I  Entre  nous ,  je  m'ennuyais  à 
mourir  au  coin  du  feu  de  ma  grand'- 
mère  :  cet  intérieur  était  d'une  mono- 
tonie fatigante ,  et  c'est  là  que  vous 
êtes  venu  me  chercher  pourtant  ! 

Un  aimable  sourire  accompagnait  ces 
paroles  qu'une  jeune  fenmie  adressait  à 
son  mari.  ÎNI.  d'Esessars  relevait  sa 
moustache ,  et  regardait  complaisam- 
ment  la  jolie  enfant,  qui  n'avait  pas 
craint  de  lui  donner  sa  confiance,  quoi- 
qu'un long  séjour  en  Afrique  lui  eût 
valu  le  grade  de  colonel,  la  croix  d'hon- 
nem',  et  un  teint  de  bistre  jouant  assez 
bien  l'arabe. 

Quel  âge  avait  M.  d'Esessars?  Qua- 
rante ans,  disait-on,  et  Léonie  n'en  avait 
que  vingt-deux  :  cependant  leurs  ca- 
ractères opposés  sympathisaient  si  bien 
que  personne  ne  blâmait  celte  union. 
Les  uns  disaient  :  Le  colonel  a  besoin 
de  distraction,  sa  petite  fenune  l'amu- 
sera; les  autres  :  Cette  jeune  femme  a 
besoin  d'un  mentor,  le  colonel  la  diri- 
gera, tout  est  pour  le  mieux. 

Trois  semaines  s'étaient  à  peine  écou- 
lées depuis  la  célébration  du  mariage  : 
l'aimable  autorité  du  colonel  ne  pesait 
pas  à  Léonie;  le  joug  d'Ardiur  était  lé- 


{;er  comme  celui  de  tout  homme  qui 
s'attache  lentement ,  sérieusement  et 
pour  toujours.  Fatigué  de  ses  longues 
campagnes,  I\I.  d'Esessars  avait  donné 
sa  démission,  et  se  promettait  vm  ave- 
nir doux  et  tranquille,  lorsque,  tout-à- 
coup,  il  découvrit  dans  sa  jeune  com- 
pagne un  vif  dégoût  pour  la  vie  d'inté- 
rieur, et  pour  les  simples  devoirs  que  la 
femme  est  appelée  à  remplir.  Léonie, 
franche  et  gaie,  ne  cherchait  point  à  dé- 
guiser sa  pensée  ;  elle  disait  tout  simple- 
ment à  son  mari  :  Ecoutez,  mon  ami, 
je  me  suis  ennuyée  outre  mesure  avant 
mon  mariage,  en  voilà  assez  :  je  veux 
aller,  venir,  voyager,  danser,  donner  des 
fêtes,  m'amuser  toujours,  toujours,  tou- 
jours, entendez-vous,  mon  colonel?       » 

Le  militaire  souriait  ;  mais,  au  fond, 
la  peur  le  gagnait,  lui  qu'on  croyait  si 
brave  I  II  se  disait  :  Quoi  I  échapper  au 
feu  des  Arabes  pour  venir  camper  à 
Paris?  Mener  en  France  la  vie  noma- 
de du  désert  !  c'est  impossible  I  J'ai  be- 
soin de  repos  :  j'entends  lire,  écrire, 
m 'occuper  tout  le  jour,  dîner  tranquil- 
lement ,  et  surtout  ne  pas  aller  tous 
les  soirs  dans  le  monde;  est-ce  trop 
demander? 

En  homme  habile ,  il  ne  demanda 
rien. 

—  Léonie,  dit-il  un  jour,  comment 
prétendez-vous    diviser    votre    temps  ? 


139 


quel  [;rnre  de  vie  vous  plairait  davaiitajjf? 

—  ."Mon  ami,  tous  ceux  qui  ne  res- 
semblent pas  au  (jcure  de  vie  qu'on 
menait  chez  ma  grand'mère. 

—  Chez  votre  [jrand'mèrc  on  s'en- 
nuyait donc  bien  ? 

—  Ail  I  je  vous  en  réponds  I  ]uî;r/,-en 
vous-même  ;  je  me  levais  à  sept  luurrs 
en  hiver,  et  à  six  lieures  en  été  :  ainsi  le 
voulait  ma  {;rand'mère,  assurant  que  le 
repos  du  malin  ne  me  valait  rien —  11 
fillait  l'aire  ma  toilclle  et  vaquer  aux 
s<jins  du  njénajje;  à  midi,  j'avais  déjà 
lait  mille  choses  :  j'étais  habillée,  j'avais 
déjruné,  lu,  éeiit,  travaillé  ;  vraiment 
j''  m'admire  (piand  j'y  pense!  Puis  ve- 
nait l'heure  îles  visites  :  nous  eu  rece- 
vions rt'};nliircm(iit  «Icux  ou  trois,  qu'd 
r;dlail  rendre  promptemenl.  Ces  visites 
charmaient  ma  |;raiurmèrc.  C'étaient 
d'anciens  amis  à  rliumalismcs  ;  on  par- 
lait de  la  pluie,  du  beau  temps,  de  la 
pt)lili(ine  ,  et  des  malheurs  de  ce  bas 
monile  ;  tout  cela  me  berçait,  et  j'ilais 
prête  à  m'endormir ,  (piand  ,  à  noire 
tour,  nous  sortions  pour  allrr  savoir 
comment  telle  ou  tille  personne  avait 
passé  la  nuit,  ce  (pii  m'incpiit'tait  li- 
{;èrement.  A  six  hnurs  nous  dinions. 
J^e  soir,  (piel([ne  parenl,  «liiix  ou  trois 
anus,  nous  arrivaient  :  on  causail  ;  jt* 
faisais  un  pt  n  de  musiipu*,  souvenl  une 
]>arlie  de  wisth  ;  nous  prenions  une  tass<* 
d«'  iIm',  et  (piaml  la  ]>endnle  s<»nnait  dix 
heures,  chacun  stî  retirait.  1>  aulrcs  lois 
nous  restions  en  lêle-A-lêle  :  ma  (;rand  - 
mère  s'endormait  en  lisant,  nmi  je  bro- 
dais en  m'endormant.  Ah!  les  jolies  soi- 
rées! De  loin  en  loin  nous  avions  dn 
monde  :  ma  |;rand  nière  invilail  une 
vin;;laine  de  ]>ersonnes;  ou  s'égayait  un 
])en,  on  ilansail  nu  «inadidli*,  par  eom- 
plaisanci*  pom  la  /ntitr  I/onie;  mais 
jamais  de  loide,  pas  de  bruit,  pas  de 
grandes  loileUes  ;  on  venait  à  huit  heu- 
irs.  on  s'en  allait  aV'Oit  minuit.  Kieii  de 


bourgeois  et  d'emuiyeux  connue  ces  i>e- 
tites  soirées  sans  façon  ! 

—  Mais,  ma  chcre  amie,  que  faudra- 
t-il  donc  faire  pour  vous  dé:>cnuuyer .' 

—  A  raimcnt,  je  n'eu  sais  rieu....  J'ai 
besoin,  voyez-vous,  d'une  vie  acciden- 
tée. 

—  Kn  vérité- .' 

—  <)h  oui  !  il  me  fuit  im  inlérieur 
gai,  bruvant,  animé  ;  en  un  mot,  je  veux 
et  j'entends  cpie  mou  mari  st»  donne  la 
])eine  tle  créer  tout  exprès  jujur  sa 
fennne  un  inlé-rieur  cliarm  int. 

—  iNIais  tous  l<*s  intérieurs  sont  char- 
mants si  l'on  y  vit  en  paix.  ^  ous  cou- 
cevez,  chère  enfant,  qu'on  ne  donin*  pas 
sa  démission  pour  courir  U"s  chaïu-es  de 
la  ;;nerre  :  j'ai  besoin  de  tranquillitt'  ;  je 
demaiule  bien  peu.  (^)ue  me  lanl-il  à 
moi?  uuc  gentille  pi  lile  femme.*  I^i 
voilà. 

--   r.iavo! 

—  Puis  le  confortable  île  la  vie,  qui, 
j;ràee  à  Dieu,  ne  nous  manque  pas;  |kis- 
ser  l'été  à  la  campaj;ne,  y  vivre  à  l'aise, 
tiaiiquilItMiKMil  — 

—  C'est  ça!  si'uier  de  la  In/eriu*, 
c'est  dé'licieux  I 

—  Revenir  à  Paris  Thivcr,  aller  uu 
peu  dans  le  monde  ;  plus  souvent  en- 
core réunir  qnehpies  amis  intimes  :  on 
causi%  ou  s'égaie  au  coin  du  feu.... 

—  Ah!  vraiment,  il  me  .stMuble  que 
j'entends  ma  j;rand'mèir  î  Je  me  vois 
déjà,  entn*  la  |>elle  et  les  pimvttes,  nio 
chaulVant  indétinimeut  les  pieds!  eunuiic 
1  'est  amusant!  é|>ous<v.  donc  des  colo- 
nels! 

M.  d  Ks<\ssai>  se  niU  a  ine,  et  trouva 
fort  jolie  la  |><>tite  moue  de  Ix-onie.  ICii 
etVet,  iTlte  aimable  feuunc  mettait  tant 
de  geutillessi'  à  tout  ovi,  qu'en  rrpc- 
Ix'-Lmt  Jr  vrnjr,  elle  s«Miililait  faire  uih» 
prièiv,  et  «mu  reg-*»»**!  di*ait  :  ^  mis  êtes 
bon,  ma  joie  %crA  de  vous  ol>«''ir,  mais  je 
suis  une  enfuit,  gàleiL-moi  ! 


140 


—  CluTO  l.t'onie  ,  il  faut  |)oiirtant 
qu'on  fasse  votre  bonheur  1  C'est  pour 
cela  qu'on  a  quitté  le  service. 

—  Ail!  alil  Eli  bien!  coiubiiscz-nioi 
au  bal. 

—  Au  bal  !  au  bal!  c'est  à  merveille, 
mais  encore  faut- il  que  je  donne  ? 

—  Ali  !  sans  doute. 

—  Léonie,  vous  iii'eiiil)aiTassez  beau- 
coup ;  qu'appelez- vous  un  intérieur 
cliariiiant?  3Iontre/--in'en  un  du  moins. 

— C'est  bien  facile  !  Nous  allons  vova- 
^;er  puisque  je  suis  invitée  chez  plu- 
sieurs de  mes  amies.  Nous  devons  passer 
quelques  jours  à  Bordeaux  chez  Louise  ; 
nous  arrêter  à  Libourne  chez  Lina;  puis 
aller  chez  Noénii  au  château  des  Tour- 
nelles  :  ces  trois  jeunes  femmes  sont  un 
peu  plus  âgées  que  moi,  et  mariées  de- 
puis quelques  années  ;  elles  ont  épousé 
des  hommes  tout- à-fait...  Oh  !  vraiment, 
des  maris.... 

—  Quoi  î  des  maris  charmants  !  Bon  I 
voilà  qu  on  va  faire  des  comparaisons  ! 
Ah  !  décidément,  j'ai  fait  une  folie  !  que 
ne  suis-jc  encore  simple  lieutenajitl 

Léonie  regarda  M.  d'Esessars  si  genti- 
ment ,  qu'il  se  réconcilia  tout  d'abord 
avec  son  grade  de  colonel,  et  la  conver- 
sation devenant  plus  sérieuse,  on  parla 
lies  préparatifs  du  voyage  qui  devait  avoir 
lieu  prochainement. 

A  quelque  temps  de  là,  Léonie  accom- 
pagnée de  son  mari,  traversait  Bordeaux 
pour  se  rendre  chez  M"'*  de  Tourville, 
une  de  ses  anciennes  compagnes  de  pen- 
sion. 

En  airivant,  on  s'embrassa  cordiale- 
ment, on  s'adressa  de  part  et  d'autre  mille 
félicitations.  Léonie  se  promettait  de  bien 
s'amuser  chez  une  jeune  femme  mariée 
depuis  dix-huit  mois  et  qui  n'avait  pas 
encore  d'enfants. 

L  heure  du  dîner  approche  :  Louise 
veut  présenter  sa  compagne  à  la  mère 
de  son  mari. 


--   Ah  !    tu  demeures  avec   ta   belle- 


^? 


meri 

—  Oui,  nous  sommes  ici  en  famille. 
]\Inio  ([(»  Tourville  habite  le  premier 
étage,  et  deux  autres  ménages  occupent 
l'i'tage  supérieur.  Ce  sont  les  frères  et 
sœurs  de  mon  mari. 

—  Ainsi  vous  êtes  tous  réunis  ?  Com- 
me c'est  agréable  I  au  moins  tu  n'es  pas 
isolée,  quand  ton  uiari  sort,  tu  as  quel- 
qu'un à  qui  parler  ;  puis  on  passe  la 
soirée  ensemble.  iMais  ,  ma  chère  amie  , 
sais-tu  bien  que  voilà  un  intérieur.... 

—  Charmant  I  répondit  Louise  d'un 
air  passablement  ennuyé.  Et  le  colonel 
se  dit  :  Bon  I  voilà  une  femme  qui  ne 
s'amuse  pas  tous  les  jours  I  Les  choses 
commencent  bien  ! 

Léonie  fut  présentée  à  I\I'"<^  de 
Tourville ,  dont  l'extérieur  imposant 
l'intimida  beaucouj).  Puis  elle  monta 
chez  31'"°  Alfred  de  Tourville,  jeune 
l)londe  au  regard  inanimé,  qui  la  reçut 
d'un  air  sentimental  et  ne  lui  plut  qu'à 
moitié  ;  de  là ,  on  passa  chez  IM'"'' 
d'Harfeuille  ,  sœur  de  3LAL  de  Tour- 
ville  ;  celle-ci ,  mariée  depuis  huit 
ou  dix  ans,  reçut  froidement  Léonie,  lui 
parla  peu  et  lui  déplut  beaucoup. 

En  descendant  IM'"*^  d'Esessars  dit  à 
son   amie  : 

—  Comment  t'arranges- tu  avec  tout 
ce  monde-là  ?  Ces  figures  ne  me  revien- 
nent pas  :  l'une  me  paraît  sévère,  l'autre 
ennuyeuse,  et  l'autre  insupportable. 

—  Que  veux-tu  ?  on  se  fait  de  petites 
concessions.  La  vie  commune,  qui  a  ses 
avantages,  a  sans  doute  aussi  bien  des 
inconvénients,  mais  où  n'y  en  a-t-il 
pas? 

Le  colonel  affirma  qu'il  y  en  avait 
partout ,  et,  à  partir  de  ce  moment,  il 
répéta  le  plus  souvent  qu'il  put  que 
Louise  était  une  femme  pleine  de  juge- 
ment. 

On   se  réunit  pour  dîner.   Madame 


lU 


dllaift  uillr  p.-  rut  av(  c  son  air  luajps- 
tucux  et  srs  trois  enfants.  IVl"'^  Al- 
fred entra  suivie  d'un  j)etit  jjarcon  de 
trois  ans  qu'on  mit  à  table  entre  sa  mère 
et  Lt'oiiie,  rt  qui  se  eliarr^ea  de  faire 
toutes  les  maladresses  possibles  pendant 
le  repas,  au  fjrand  déplaisir  de  M"** 
d'Ksessars  (pii  n'aimait  pas  beaucoup 
les  enfants. 

Les  trois  maris  se  trouvaient  la.  Le 
colonel  était  en  <piatrième.  Tout  ce 
ijîonde  parlait  tour-à-tour  politique  et 
colifieliets  :  les  lionnnes  ne  s'entendaient 
pas  sur  la  (pieslion  linancière,  et  les 
femmes  furent  deux  fois  au  moment  de 
se  (pierellrr  à  ])roj>os  d'un  j).>tron  de 
eorsa{;e;  mais  comme  cliaeun  apportait 
à  la  vie  conunune  les  éjjards  et  la  po- 
litesse cpji  ]>rovienneut  d'une  bonne 
étlucation,  il  n  y  eut  aucun  clioc  violent, 
seulement  l^'onie  se  ilit  tout  bas  :  — 
A  oilà  bien  drs  nuances  di*  earactcres  ! 
Qu'il  faut  «le  pi  ndencc  et  de  souplesse 
pt)ur  vivre  en  paix  (piaiid  on  est  si  nom 
bn'ux  ! 

De  son  («»i(''  le  colonel  se  ilisait  : 
Mieux  vaut  cent  fois  mon  tète-à-tèle 
avec  ma  femme. 

Après  le  dîner,  Léonie  s'approcliant 
de  Louise  lui  dcmatula  si  toutes  d«  ux  ne 
pourraient  pas  aller  causer  un  moment 
dans  sa  cliandire  ? 

—  Lnpossible,  ma  elicre  ! 

—  (lomuMul  im{M).ssiblc  ;* 

—  (ie  serait  reninripii'.  Il  est  plus  con- 
venable (pu*  je  reste  au  salon  ;  je  tlois 
faire  tont-à-llu  ine  la  partie  de  ma  belle- 
incre. 

—  Tu  aimes  «lonc  bien  les  caries? 

—  O'esl  un  usane  établi. 

—  Ml  <piel  ennui  ! 

Li  soiri'e  fut  assez,  monotune.  il  \ml 
une  visite,  t)n  causa,  «-es  dames  se  mi- 
rent à  travailler;  deux  iK*  ce*  messieurs 
sVn  allèrent.  I  nu  ni  <  crele ,  Tautn*  au 
speetaele.     Les    «piitre     enfantH,     après 


avoir  fait  un  tapage  impossible  à  décrire, 
disparurent.  On  respira  plus  à  l  aise,  et 
vei-s  onze  beures  cliacun  se  relira. 

—  Ali  I  mon  ami,  dit  Lt'-onie  en  ea- 
trant  dans  la  cbaudjre  qu'on  lui  avait 
préparé'e,  savez-vous  qu  a  la  place  de 
Louise  je  m'ennuierais  beaucoup?  Elle 
n'est  ici  qu'une  jH'tite  fille,  sa  belle- 
mère  diii{;e  tout,  clic  n'ose  pas  com- 
mander, et  j)arce  qu'elle  est  la  plus  jeune 
de  toute  la  maison  on  la  rcj^ard»-  cuaunc 
une  enfant.  Ab  I  (jue  je  me  tiuuvejais 
malbeureuse  ! 

—  Mais,  c'est  pourlanl  la  vie  de  fa- 
mille, dont  je  vous  ai  souvent  entendu 
vanter  les  cliannes.  Je  vous  dirai  que 
j  ai  causé  avec  ce  Monsieur  dont  on  a 
reçu  la  visite.  Il  ma  appris  que  M"»* 
d«'  Tourville,  la  mère,  est  le  motlèle  de» 
maitresscs  de  maison.  C'est,  m'a-l-ildil, 
une  femme  du  plus  baut  mérite,  ilont  la 
vie  n'a  éU*  qu  un  loiij;  dévouement.  St^-S 
enfants  doivenl  leur  fortune  à  sa  sage 
administration,  clic  est  bonne,  pru- 
dente.... 

—  C'est  possible,  mais  elle  joue  trop 
lon{^;ttMnps,  c'est  ennuyeux. 

—  M"'«  Alfred  est  une  fenune  très- 
délicate ,  fort  nerveuse,  mais  inlé- 
ressante  au  plus  baut  de^ré.  Elle  a  di*s 
talents,  elle  est  musicienne,  clle|Hinl... 

—  Véritable  momie  î  Elle  dort  en 
marebant,  et  le  nn>iiitli('  bnnl  bu  lait 
mal  aux  nerU. 

—  M"""  d'Il.irfeuille  est  une  lemme  de 
earailèrc.  Elle  c>t  fort  iiislruilc,  cièvc 
elle-même  ses  enfanls ,  c*c>l  une  |>cr- 
sonne  toul-à-fuil  distin^^uév.... 

—  .\llons  donc!  Elle  parle  À  soii  mari 
cx)mme  à  sou  domestique  ;  c'est  une 
femme  bauuine,  dominaiile,  j'ai  vu  tout 
cela,  moi  ! 

—  >  oUy  aiu'tr  cepcMulant  n»  nC  |HÙnt 
en  j;ueriv  avix*  elle. 

—  Je  crois  lueii,  elle  lui  cîile  toujours! 
Si  lA)uise  était  utoius  douce,  uioius  ix)u- 


142 


cillante,  cet  intérieur  serait  un  enfer! 

— Un  enfer?  Ce  monsieur  appelait  cela 
un  intérieur  charmant  I 

—  Sans  cloute,  parce  que  le  inonde 
ju[;e  sur  l'apparence ,  et  ne  tient  pas 
compte  lie  l'opposition  des  caractères. 
Quoique  je  n'aie  pu  causer  qu'un  mo- 
ment avec  Louise,  j'ai  su  apprécier  sa 
position  :  sa  vie  se  passe  à  étudier  les 
(jonts  de  chacun,  et  à  sacrifier  les  siens. 
A'ous  croyez  que  cela  m'amuserait  ?  Elle 
s'eilace  devant  sa  belle-mère,  fait  des 
fiais  jiour  IM^^  Alfred,  baisse  pavillon 
devant  31'"<'  d'IIarfeuille,  et  ne  conserve 
dans  la  maison  que  le  droit  d'entretenir 
la  paix  entre  tous.  Ah  I  quelle  vie  !  j'ai- 
merais mieux  retourner  chez  ma  grand'- 
mèrel 

M.  d'Esessars,  enchanté  du  début , 
s'endormit  plein  d'espérance.  Léonie  rêva 
qu'elle  avait  une  belle-mère,  deux  beaux- 
frères,  trois  belles- sœurs  et  huit  neveux, 
ce  qui  lui  donna  la  migraine. 


On  passa  quelques  jours  à  Bordeaux* 
Louise  et  Léonie  se  quittèrent  à  regret  ; 
on  se  promit  de  s'écrire  et  on  se  sépara 
le  cœur  gros  ;  mais  Louise  essuya  ses  lar- 
nu^s,  car  il  fallait  ce  jour-là  être  aima- 
ble. Sa  belle-mère  donnait  un  grand  dî- 
ner et  eonqUait  sur  elle  pour  faire  les 
honneurs.  Tout  se  passa  à  merveille; 
Louise  ne  fut  pas  triste  ,  elle  s'occupa  de 
sa  parure,  reçut  gracieusement  les  invi- 
tés, chanta  le  soir,  et  linit  par  danser.... 
Et  le  monde  disait  :  Que  cette  jeune 
fenmie  est  heureuse  I  Elle  est  là  conune 
une  petite  reine  I  aucun  souci  !  jamais  de 
chagrin  !  Ah  1  vraiment,  c'est  un  intérieur 

charmant  ! 

Ainsi  jugeaient  les  étrangers  ,  et  Dieu 
seul  voyait  et  bénissait  en  INI'"*'  de  Tour- 
ville  d'invisibles  combats  et  de  perpétuels 
sacrifices  faits  à  la  paix  du  foyer. 
{^La  fia  au  jnochain  numcvo.) 

JOSÏPH  DB  B. 


INSTRUCTION. 


POESIE. 


COMPARAISON   DE  LA  BEAUTÉ,    DE  L'ESPRIT  ET  DE  LA   VERTU. 


La  fleur  que  vous  avez  vu  naître, 
Et  qui  va  bientôt  disparaîtie, 
C'est  la  beauté  qu'on  vante  tant  ; 
L'une  brille  quelques  journées, 
L'autre  dure  quelques  années, 
Et  diminue  à  chacpie  instant. 

L'esprit  dure  un  peu  davantage, 
Mais  à  la  (in  il  s'afî'aiblit  ; 


Et  s'il  se  forme  d'âge  en  iuge, 
11  brille  moins,  plus  il  vieillit. 

La  vertu,  seul  bien  véritable, 
Nous  suit  au-delà  du  trépas  ; 
Mais  ce  bien  solide  et  durable, 
Hélas I  ou  ne  le  cherche  pas  I 

M*""  de  ScUDÉRY. 


143 
VOYAGES. 


SOLVE.MIt'^. 


La  rivr  occklentalf  de  la  l>air  qui  for- 
iiir  If  Port-Louis  de  l'Ilc-iIi'-Fiaiice  est 
|)ivs(|uc  lUst'i  U".  Lis  voilts  s  viï  i  loi^iicnt, 
car  srs  ahords  sont  scim's  d't'cut'ils  ;  des 
iiiailn'pon  s  y  inontrrnt  sous  Ti-au  h'ins 
crêtt'S  niarbrrcs,  tics  Ijancs  de  sal»K'  y 
j.uuusscMit  la  surface  tic  la  nier,  et,  (|uaiid 
elle  est  h.isse,  ou  peut  iK  couvrir  dans  sa 
profontleur  les  {jrautls  corps  de  j)lu.>ieurs 
navires  (|ui  ont  aucieuiienient  péri  dans 
ce  lieu.  I^a  terre  plate  1 1  connue  noyt*e 
ne  prt'sente  cpie  des  buissons  d'aloès, 
des  enclt)S  de  ])icrrcs  sèches,  et  (juelqut^s 
clMtives  cabanes  où  vivent  tics  nèjjres 
pc'clieurs.  I)e  lt>in  en  lt)in  seulement,  on 
aperçoit  un  cocotier  balançant  sa  tcte 
superbe  au-tlessus  tle  ces  niist'rables  con- 
structions, ou  bijMî  lui  tlattier  tpii  fait 
uiiroiterau  soleil  ses  palmes  luisantes. 

liordez  cette  ceinture  tlune  liyue  tle 
nt)irs  niaos,  ces  sapins  tle  la  zone  torridc 
tlont  la  feuille  sifîlante  imite  le  bruisse- 
ment de  la  va|jue  et  <]ni  se  plaisent  à  jeter 
sur  les  ctJles  leur  t)nd)re  et  liur  tristesse, 
vous  aurt*z  alors  une  vue  complète  de  ce 
morne  jiaysajje. 

Pt)urtant,  cette  pla{;e  si  tl«'laissi'e  n'est 
pas  sans  (]nel<]ue  cliarme.  On  y  trouve 
tle  la  fraielieur,  une  si  d<)U<-e  chose  ilans 
les  climats  brùl mis  !  La  brise  ilu  l.U{;e 
y  arrive  pjut*  et  vive,  encore  toute  char- 
(;ée  tle  r.iir  salin  tpii  j>i<|m'  la  <  hair  «  t 
ranime  Tt^spiit. 

Le  silencj'  y  .sn.iu  (lop  prolon»!  ,  la 
st)lilu<le  trop  {;rande;  mais  le  silentr 
(^coute  au  loin  !<*  liatlement  tles  rame.s, 
les  chants  adoucis  tl(*s  matelots,  Ct  CTS 
mille  petits  bruits  tpù  lui  viennent  du 
l«>ntl  de  la  baie  nu  la  ville  est  alItV  sas- 
setiir.   La   si^lilude  se  raisiné  en   apeitc- 


vant  les  mâts  dt^s  vaisseaux  avec  leurs 
bandcrtjlles  flottantes  ,  les  sonunets  des 
maisons  avec  leius  blanches  ar^amasses. 
J'ai  passt-  là  tpieltjues  st)in'cs  qui  ne 
sont  pas  les  plus  mauvaise^s  parmi  cellt^ 
tlont  ma  nu'moire  a  jjartlé  le  souvenir. 
Si   l'on   me  demantle  ce  t|ue  j'v  faisais? 

Mon  Dieu  I  rien,  »t  le  plus  souvent 

je  ne  jHMisais  à  rien.  Je  respirais  à  mou 
aise,  je  me  stnitais  vivre,  voilà  tout.  N'é- 
tant point  troublt*  par  lt*â  importuns, 
point  arraché  à  moi-même  |>ar  le  mou- 
vem<  nt  ou  la  nouveauté  tles  t)bjels  ex- 
tt'rit  urs  ,  j'avais  cette  tpii(  lutle  tl'exis- 
tence  |>our  latjuelle  il  ne  faut  ni  plaisir 
ni  peine. 

Ouoiipie  le  tt  lups  et  la  tlisLince  aient 
emporté  bien  loin  tléjà  cvs  lieux  et  ce^ 
imj)ressions ,  je  It^s  vois,  je  les  stMis 
connue  si  j'y  étais  ent\)iv^  I^'S  luoiutlrt^ 
cireonstauees  luc  reviennent  :  je  retmuve 
le  ei«  I,  la  mer,  l'oiseau  qui  volait,  la  pi- 
re >j;ue  tpù  (;lissait  au  lt)n[;  «lu  riva^je,  et 
les  rares  visiteurs  tpn*  le  tlésteuvreniiMit 
ou  la  rêverie  amenait  tlans  nutn  silen- 
citHix  domaine. 

Parmi  ces  tlerniei-s,  il  en  est  un  tlont 
l'histoiri*  est  assez  sinj;ulière.  Ce  n'est  pas 
t|U  elle  ci>ntienne  des  aventurer  ronia- 
ncstpies  ou  des  laits  bien  merveilleux  ; 
mais,  tlt^puis  le  (;ranil  Hobinson,  de  f.dui- 
leuse  ménit)iiv ,  je  n«*  |H'ns«*  |»as  qu'il  se 
soit  iviHX)nin'  un  linnunr  ayant  (;oût<* 
plus  larjM'Uient  les  Irivte*,^!»  et  les  ji»it»s 
tle  la  st)htude.  Je  ne  crois  |wis.ius<ii  (pToti 
puisse  citer  un  plus  euiit*u\  exenqde  de 
rinet>nstantY  tle  nt>s  prt>jrLs  et  tlu  vitle  tle 
nos  tlt'sin». 

J'étais,  suivant  ni.i  t^'^ulume,  .issi^  sur 
un   p«  tit   tertre   qui  re-ude   la  luie.    Il 


iu 


vint  s'asseoir  à  mes  cotes ,  donnant  un 
sini])lo  salut  pour  tcnito  att(Mition  à  mon 
voisinaj^o  ,  jniis  il  aj^puya  son  ronilt'  sur 
le  (^azon,  ]>osa  sa  tète  dans  sa  main  et  se 
mil  à  consi(l('rer  la  mer. 

Son  visa{]e  avait  de  la  distinction,  ses 
traits  étaient  ré^ulieis  ;  mais  une  ex])res- 
sion  Va^^ue,  indécise  et  connue  vacillante, 
S(Mtait  de  rensend)le.  On  eût  dit  la  lu- 
mière douteuse  d'une  flamme  qui  a  man- 
qué d'air  et  qui  menace  de  s'éteindre. 

Son  costume  avait  une  couleur  ])lus 
prononcée.  Il  était  complètement  vêtu 
de  toile  blanche  :  pantalon  presque  flot- 
tant, j;ilet  rond  à  col  pendant  et  à  larges 
manches.  De  cette  toilette,  la  pièce  capi- 
tale était,  sans  contredit,  un  grand  cha- 
peau de  feuilles  de  latanier  dont  les 
bords  évasés  formaient  le  parasol  et  om- 
brageaient jusqu'à  ses  épaules. 

Tout  cela  était  d'une  ampleur  mal 
dessinée  et  fort  peu  gracieuse,  mais  cal- 
culée de  manière  à  donner  le  frais  et  la 
liberté  ;  tout  cela  sentait  le  primitif,  et 
je  devais  avoir  pour  voisin  quelque  bon 
créole  d'ancienne  lignée,  quelque  mo- 
deste habitant  de  ces  petits  cantons  per- 
dus dans  l'intérieur  de  File,  où  la  mode 
a  moins  d'empire  que  le  soleil. 

Il  sortit  tout-à-coup  de  sa  contempla- 
tion, et  se  tournant  vers  moi  :  Oh  î  me 
dit-il,  connue  un  navire  filerait  brave- 
ment vers  l'Europe  sous  cette  jolie  brise 
de  Sud-Est  I 

Je  lui  répondis  :  Ce  vent  le  pousserait 
bien  vite  au  large,  et  cette  nuit  qui  vient, 
il  la  passerait  avec  les  goélans.  Croyez- 
moi  ,  il  vaut  encore  mieux  être  où  nous 
sonunes.  On  dort  mal  sous  les  rafTales  ; 
votre  case  est  plus  tranquille.  Oui , 
croyez-moi ,  contentez-vous  de  votre 
vie  créole  ;  ne  demandez  point  à  quitter 
vos  montagnes;  ne  perdez  jamais  de  vue 
la  tète  <lu  Pi  ter  bot  h. 

—  Moi  !  me  dit-il  avec  un  sourire 
mêlé  d'orgueil  et  d'ironie.    Vous  vous 


trompez  ,  ces  montagnes  ne  m'ont  point 
vu  naître  ;  je  suis  un  enfant  de  Paris  ! 

Je  voulus  m'exeuser  de  ma  fausse  et 
maladroite  interprétation. 

—  Ce  n'est  pas  la  peine,  me  répondit- 
il.  Ne  vous  excusez  pas  ,  vous  avez  tra- 
duit ma  figure  et  mon  habit.  Il  est  vrai 
que  vous  avez  fait  un  contre-sens;  mais 
il  faut  avouer  aussi  que  le  texte  est  pas- 
sablement obscur. 

Après  cette  lueur  d'esprit,  son  visage 
parut  s'illuminer.  Ce  n'était  plus  le  même 
personnage,  il  devint  causeur  et,  petit  à 
petit,  il  me  raconta  sa  vie  et  ses  projets. 

—  Tel  que  vous  me  voyez,  me  dit-il, 
j'ai  pourtant  été  bercé  dans  un  des  plus 
somptueux  hôtels  de  la  Chaussée-d'Antin. 
Mes  yeux  se  sont  ouverts  sous  des  lambris 
dorés  et  des  tentures  de  soie  ;  mon  enfance 
s'est  roulée  sur  les  plus  magnifiques  tapis 
d'Aubusson.  J'étais  le  fils  unique  d'un 
banquier  bien  connu  pour  sa  grande 
fortune  et  son  grand  luxe.  A  mesure  que 
j'avançais  en  âge,  la  vue  devant  moi  se 
faisait  plus  séduisante  :  tous  les  plaisirs 
du  beau  monde,  toutes  les  joies  de  la  ri- 
chesse m'attendaient  à  mon  entrée  dans 
la  société.  J'allais  atteindre  ma  dix- 
neuvième  année ,  j'arrivais  ,  je  n'avais 
qu'à  ouvrir  les  bras  pour  attirer  à  moi 
toutes  les  jouissances.  Eh  bien  î...  regar- 
dez là-bas  sur  la  mer,  voyez-vous  cette 
vague  qui  monte. . .  qui  monte. ...  la  voilà 
tondjée  !  il  n'y  a  plus  à  sa  place  qu'un 
alMuie.  Ainsi  tomba  la  grande  fortune  de 
mon  père.  Il  mourut  de  chagrin  et  je  res- 
tai seul  avec  ma  pauvre  mère ,  mes  vains 
rcjjrets  et  mes  désirs  trompés. 

Le  bonheur  m'échappait ,  je  voulus 
courir  après  lui.  J'avais  entendu  parler 
des  colonies,  on  en  racontait  des  choses 
merveilleuses  :  celui-ci  en  avait  rapporté 
des  lingots  d'or,  celui-là  des  tonnes  d'ar- 
gent. L'ambition  me  donna  du  courage, 
j'embrassai  ma  bonne  mère  en  lui  disant: 
Je  reviendrai  bientôt.  Trois  jours  après, 


1 


10 


j'étais  sous  voiles,  emportant  au-dtlà  drs 
mers  mes  rêves  de  vinj^t  ans,  les  lx*lles 
esp<Tancrs  de  la  jciniesse  et  cet  esprit 
aventureux  qui  repousse  le  doux  rivage 
de  la  patrie. 

Avec  ces  richesses  naturelles,  je  drhar- 
quai  à  rile-de-Franee.  J'y  trouvai  la  plus 
j;<''iu'reuse  hospitalité.  Quant  aux  trésors, 
ils  «'taient, comme  partout  ailleurs, cachés 
sous  la  terre  ou  renfermés  dans  les  veines 
du  commerce.  Pour  les  eu  tirer,  il  fallait 
planter  des  cannes  à  sucre,  élever  des 
{;irollier.s,  cultiver  rindi{;o,  faire  la  récolte 
ducalV'.  Il  fallait  les  lah<urs  du  comptoir, 
la  science  des  affaires  ,  K'S  chances  de  la 
spéculation  ou  la  patiente  économie  du 
marchand. 

On  m'odrit  <les  occupations  qui  de- 
vaient sufiirc  à  mes  besoins;  je  trouvai 
des  emplois  qui  j)i»uvaient  mener  douce- 
ment au  bien-être  de  Texistencc  crénelé  ; 
mais  je  n'avais  point  traversé  tant  de 
uiers,  je  n'étais  point  venu  jusqu'aux  In- 
des pour  y  bâtir  une  cabane  et  passer 
toute  ma  vie  à  l'ombre  d'un  bananier. 

A  cette  époque,  un  armateur  du  pavs 
venait  d'obtenir  de  l'amirauté  la  conces- 
sion d'une  petite  île  déserte,  à  peine  con- 
nue des  marins  et  jusqu'alors  oubTu-e  des 
spé-culateurs.  ^ Oïdant  v  foruK-r  un  éta- 
blissement, il  y  avait  transporté  (jueKpics 
noirs  et  il  cherchait  un  réjjisseur  pour 
aihninistrcr  sa  possession. 

Les  contlilions  cpiil  proposait  pas- 
saient pour  lrès-avanta{;euscs,  et  cepen- 
dant p«  isonne  ne  se  pressait  d  en  faire 
son  profit.  O't'lait,  disait-on,  sCnlcrrer 
tout  vif,  c'était  accepter  volontairement 
le  sort  «l'un  naufraj»é  ;  c'était  vouloir 
tenter  Dieu  ,  (pic  d'aller  ainsi  faire  sa 
demeure  au  miliru  d«s  vaches  marines, 
et  disputer  la  pi  h f  un  plit><|ii<  s  il<'  I  » 
(jramle  mer. 

Moi  ,  je  me  présentai  sans  souri  de 
toutes  ces  craintes.  Je  n'avais  a|vryu  (}ue 
l'occasion  d'arriver  plus  vite  à  la  fortune, 


je  ne  considérais  qnelc  bonheur  de  ren- 
trer quelques  années  plus  tôt  dans  notre 
belle  France. 

Dès  la  première  mtrevue  tout  fut  ar- 
rêté, et  je  me  mis  aussitôt  en  mesure  de 
partir.  V w  petit  brick  me  conduisit  en 
vin{jt  jours  à  ma  destination.  Il  dél>arqua 
les  outils  né'cessaires  ,  des  instruments 
de  pèche  et  quelques  provi>ions,  puis  il 
tourna  son  beaupré  vers  le  large,  reprit 
sa  route  en  fuyant  sous  toutes  ses  voiles 
et  dis|)arul. 

Ohl  ce  fut  alors  que  je  compris  la  so- 
litude! Elle  était  partout  !  Dans  la  mer 
qui  s'clendait  devant  moi  blanchissante 
et  nue  jusque  sous  li»s  bnunes  de  l  hori- 
zon ;  dans  le  ciel  ardent  et  fiie  au-dessus 
de  ma  tête  ;  elle  était  à  mes  pieds  sur 
cette  lonj;ue  {;rève  sablonneuse,  semée 
de  coquillages  brist's;  je  léc-outais  dans 
l'air  qui  me  disait  le  sourd  i-oulemenl  des 
flots  ,  rélernel  clapotis  des  lames  ,  et  pas 
un  son  de  l'humaiiilé;  je  la  respirais 
dans  cette  saveur  acre  îles  terres  nou- 
velles, dans  cette  odeur  de  rivage  qui 
porte  avec  elle  connue  une  inq>n^ssion 
de  sauvagerie,  connue  une  idée  d'aban- 
don. 

Je  tlemeurai  quelque  temps  étomili  àc 
ma  situation,  ain^i  (pion  l  «  si  au  s«>rtir 
d'un  rêve  pénible.  Je  me  demandais  si 
c'était  bien  moi,  ix)mment  je  me  trouv»iis 

là dans  quel    lieu!*  J'eus   lvs<^in  de 

raj>peler  tous  mes  souvenirs  :  mon  enga- 
geuïcnt ,  mon  départ ,  les  deux  i-ents 
lieues  que  je  venais  de  faire  sur  la  mer 
des  Indes.  Ah  !  j'étais  bien  nrlleimut  sur 
le  rivage  de  l'ile  dWgaléga. 

Agaléga  !  voiU  le  nom  île  mon  triste 
royaume.  Au  temps  de  ma  jeunesse,  il 
m'<  tait  arrive  deux  ou  tmis  fois,  en  par- 
(X)uranl  tics  cartes  mannes,  il'ariéter  mes 
reganls  sur  un  |>oint  pres<]ue  im|M'reep- 
tible  jeté  entre  la  côte  tl'Afrique  et  ivlle 
de  >!alabar,  i  deux  cents  milles  envimn 
tle  la  jvïinte  septentrionale  île  l.n  grande 


14G 


île  de  IMa(la{;ascar.  Je  ne  ino  tloiilais 
[{uère  alors  que  ce  point  nratteiidait , 
qu'un  jour  il  devait  lu'attirer  à  lui,  que 
Dieu  avait  luaiqué  dun  mcnie  sijjiie, 
moi,  joyeux  enfant  de  la  grande  ville,  et 
ee  pauvre  îlot  solitaire. 

Enlin  !  puisqu'il  nie  lallait  y  vivri%  je 
voulus  eonnaître  son  clenilue  ,  ses  pro- 
ductions ,  ses  ressoiuces  et  ses  dan^jers , 
et  je  nie  mis  à  le  parcourir  avec  cet  in- 
térêt triste  et  tendre  qui  s'attache  aux 
lieux  où  l'on  doit  soulVrir. 

L'île  entière  peut  avoir  en  longueur 
quatre  lieues  tout  au  plus,  et  sa  plus 
{;rande  largeur  n'excède  pas  une  demi- 
lieue.  KUe  est  environnée  d'une  plage 
It'gèrement  inclinée  sur  laquelle  le  flot 
monte  et  descend  deux  ibis  le  jom'.  A  la 
uiarée  pleine ,  il  vient  battre  la  côte  au  - 
dessus  de  laquelle  il  roule  en  grondant, 
et  alors  on  dirait  que  le  sol  s'enfonce 
connue  le  pont  d'un  navire  qui  va  som- 
brer. iMais  quand  le  reflux  entraîne  la 
mer,  il  se  forme  à  la  place  qu'elle  aban- 
donne une  ceinture  de  sable  d'un  aspect 
onduleux  et  qui  brille  au  soleil  connue 
les  glaciers  de  la  Suisse.  On  voit  en  même 
temps  apparaître  tout  à  l'entour  de  gros 
rochers  de  corail  qui  montrent  leurs  tètes 
limoneuses  et  se  tiennent  rangés  en  cercle 
conune  s'ils  étalent  les  gardiens  de  la 
contrée. 

Ln  canal  sépare  l'île  en  deux  parties, 
et  cette  rivière  d'eau  salée  qui  s'élève  et 
qui  s'abaisse,  qui  répand  son  amertume 
et  son  bruit,  donne  plus  de  désolation 
que  de  joie  à  la  terre  et  aux  arbres. 

L  ne  épaisse  végét'Uion  couvre  ce  petit 
pays  ;  mais  sa  parure  la  plus  belle  et  aussi 
la  ])lus  précieuse,  c'est  le  cocotier.  Il  est 
là  dans  son  climat  natal,  il  y  forme  de 
véritables  forêts,  il  y  donne  toute  la  ri- 
chesse de  son  fruit.  Ce  noble  palmier  est 
bien  la  providence  de  toutes  les  îles  bas- 
ses et  madréporiques  de  la  uier  des  Indes. 
L'année  entière  il  produit  sans  jamais  se 


lasser.  Au  milieu  de  son  luisant  panache 
se  trouvent  en  même  temps  des  rameaux 
qui  fleurissent ,  des  grappes  de  jeunes 
cocos  et  des  branches  chargées  de  grosses 
noix  grises  qui  toudjent  de  maturité. 
Elles  fournissent  en  abondance  une  huile 
très-enq)loyée  dans  nos  colonies ,  et  qui 
est  aussi  l'oljjet  d'un  grand  conunerce 
ilans  tous  les  états  de  l'Inde.  Voilà  ce 
qui  avait  attiré  les  regards  de  l'industrie, 
et  décidé  les  frais  d'uu  établissement  sur 
ee  petit  coin  de  terre. 

Les  noirs  que  je  trouvai  dans  l'île 
étaient  sans  cesse  occupés  à  ramasser  ces 
noix  et  à  les  ouvrir  pour  en  tirer  les 
amandes  qu'ils  broyaient  ensuite  dans 
des  tiones  d'arbres  creusés  comme  de 
grands  mortiers.  Ils  s'acquittaient  avec 
zèle  de  ces  différents  travaux,  et  pourtant 
il  ne  leur  revenait  rien,  ils  u'avaient  ici- 
bas  rien  à  prétendre  autre  chose  que 
vivre  et  mourir  sur  ce  misérable  rocher, 
car  ils  étaient  esclaves  ;  le  maître  de  l'île 
était  aussi  leur  maître.  Presque  tous 
étaient  sortis  de  la  nation  des  Mozani- 
biques.  C'est  une  boime  race,  bien  tra- 
vailleuse, ne  songeant  point  à  mal  quand 
elle  a  son  appétit  satisfait  ;  et  l'abon- 
dance du  poisson,  sur  cette  côte  qui  n'a- 
vait jamais  été  pèchée ,  donnait  tout 
contentement  à  ces  pauvres  créatures. 

IMais  mon  Dieu  I  pour  moi  quelle  so- 
ciété I  nous  n'avions  point  le  même  lan- 
gage ,  point  les  mêmes  pensées  ;  nos 
habitudes  et  nos  goûts  étaient  si  diffé- 
rents !  Leurs  traits  rudes  et  leur  couleur 
africaine  me  faisaient  souvenir  du  loin- 
tain de  ma  patrie  ;  leur  présence  me  fai- 
sait mieux  apercevoir  mon  isolement. 

Ils  avaient  établi  leur  camp  sur  le  ri- 
vage. Comme  ils  ne  connaissent  guère  les 
souffrances  de  l'imagination,  c'était  })our 
eux  la  meilleure  place.  D'ailleurs,  qu'a- 
vaient-ils à  regretter?  Cet  aspect  sau- 
vage de  la  grève ,  cette  morne  étendue 
d'une  mer  sans  vaisseaux,  devait  leur 


147 


plaire ,  c'était  l'image  de  leur  pays  bar- 
bare. Tout  au  contraire,  je  fis  choix,  pour 
y  bâtir  ma  case ,  du  lieu  le  plus  retiré. 
L'abandon  est  conune  la  nudité  ;  il  fuit 
l'espace  et  la  vue,  il  a  l'instiiiet  de  la  re- 
traite et  du  mystère.  En  vérité,  je  trou- 
vais mon  âme  moins  délaissée  quand  j  é- 
tais  tout  seul,  bien  caelié  au  fond  du  buis. 

C'était  là  que  j'allais  elierelier  un  peu 
dt!  calme  quand  le'  travail  ne  su! lisait 
pointa  dévorer  mon  emmi,  et  rêver  à  ma 
mère. 

Durant  le  jour,  les  heures  s'en  allaient 
encore  assez  doucement.  J'étais  poussé 
par  mes  occupations;  je  visitais  les  tra- 
vailleurs, je  faisais  l'inspection  de  nos 
pêcheries  ,  je  surveillais  la  récolte  des 
noix  de  cocos.  La  chaleur  du  climat 
domiait  de  la  fatij^ue  à  mon  corps ,  de 
1  apaisement  à  mon  cteur.  Je  crois  aussi 
(pie  la  lumière  rendait  mes  pensées  plus 
saines.  Mais  sitôt  que  venait  le  soir,  je 
me  sentais  pris  d'une  aj^itation  que  je  ne 
saurais  dire.  Le  démon  de  la  solitude 
s'attachait  à  moi ,  me  poursuivait  en 
tous  lieux.  Conune  un  hunnne  qui  a 
perdu  la  raison,  je  courais  sur  le  rivage; 
connue  un  enfant,  je  faisais  crier  sous 
mes  pieds  le  sable  durci  par  le  (lot.  Sou- 
vent je  montais  à  la  cime  (.l'un  innnense 
cocotier  (jui  dominait  toutes  les  parties 
de  Tile.  Selon  leur  coutume,  les  noirs 
avaient  creusé  des  degrés  dans  son  écorce 
pour  arriver  sans  trop  de  peine  jusqu'à 
ses  rameaux  ;  cai*  ils  y  avaient  fait  une 
incision  et  suspendu  un  loiij;  tnvau  de 
b.mdjou  dans  lequel  coulait  goutte  à 
goutte  cette  liqueur  sucrée  (pron  nonnnc 
Ciilvu  dans  les  Indes,  et  tpie  les  Kuro- 
péen  appellent  vin  de  palme.  C'était  ià 
mon  observatoire  ,  je  m'v  établissais  au 
nulieu  des  grandes  palmes  et  j  y  demeu- 
rais des  heures  entières  à  regarder  la 
mer  qui  se  prolongeait  suus  les  derniers 
rayons  du  couehant.  ^on ,  jamais  vous 
n'imagineii /.    (ouïes    1rs     (ii.N(e»ses    tpii 


sortaient  de  cette  eau  profonde  perdue 
dans  l'infini,  sous  ce  ciel  qui  s'abaissaiti 
Quelquefois,  je  découvrais  dans  la  lu- 
mière mourante  du  crépuscule  un  navire 
qui  cinglait  bien  loin.  D'où  venait-il? 
où  allait-il?  Peut-être  qu'un  pauvre 
matelot  suspendu  dans  ses  cordages  me 
donnait  un  salut  de  la  main,  disait  un 
mot  du  c(L'ur  à  ce  pays  inconnu  qui  de- 
vait lui  parai tre  connue  mie  t  lehe  verte 
à  la  surface  de  l'abhne. 

La  nuit  venait,  elle  enlevait  la  voile 
avec  mes  rêves ,  s'étendait  sur  la  mer, 
tombait  sur  mon  île.  Je  ilescendais  alors. 
Oh  I  si  je  pouvais  rendre  les  elVets  de  la 
miit  I  La  nuit  de  la  terre  d'Agaléga  ne 
ressend)le  point  à  la  nuit  «les  grandes 
terres  habitées;  elle  a  des  bniits  étran- 
ges. Une  légère  ondée,  une  folle  brise 
qui  courent  sur  les  têtes  des  cocx)tiers, 
snllisent  à  réveiller  la  forêt  tout  entière. 
Aussitôt,  les  longues  feuilles  ailét^  de 
ces  arbres  toujours  tremblants ,  battues 
par  la  pluie,  soulevées  par  le  vent,  |H'til- 
lent  comme  la  iKnnme  ou  sonnent  conune 
iXvs  cynd^ales. 

Lonj; temps  avant  l'aube,  du  creux  des 
arbres  et  de  la  fente  des  rochers,  partent 
des  volées  d'oiseaux  pêcheui-s.  Je  les 
sentais,  pour  ainsi  dire,  passer  au-dessus 
d(*  mon  habitation  où  ils  martpiaient 
leur  route  en  laissant  descemlre  jKir  iu- 
tirvalle  un  long  cri  bien  plaintif.  11  y  a 
surtout  une  famille  de  ces  oiseaux  qui 
fait  r(  pouvante  des  noii-s.  C'est  un  signe 
de  maiht  ur  (pianil  le  jouquct  vient  à 
chanter  au-dessus  de  leurs  cas<*s,  cl  il 
faut  avouer  qud  n\st  p*is  gai  de  l'en- 
tendre. Celte  esiKHre  de  gixw  p«'-lrel,  d'un 
roux  lrès-soud)re,  ne  st*  montre  <pie  dans 
les  ténèbres;  \\  Vi»le  toujums  en  nind,  et 
sa  vt)ix  e>t  si  lugubiv,  qu'on  dirait  les 
gémissements  d'un  |M*(it  enfant  qu'on 
em|H>rte  dans  les  airs.  ."Mais  ce  qu'il  y  a 
de  plus  saisissant,  c'est  la  gramle  runu  ur 
des  tlols.  Selon  les  lieux  où  elle  anive, 


148 


la  mer  lait  riitinuliv  uiio  voix  diiU'i*2utt\ 
Kilo  nuisit  sur  les  };rùves,  vWc  ru(>it  sur 
K'S  rocliois,  clK"  loimr  dans  les  eaveiiuvs. 
Kt  tous  tvs  bruits  sont  cutivcoupc's  de 
silences  ]>iofonds ,  duiaut  les([uels  ou 
distiujjue  la  chute  des  noix  de  cocos  à 
travers  le  bois. 

J  avais  pourtant  tini  ])ar  uiaccoutu- 
iner  à  cette  harmonie  sauva^^e.  Elle  me 
beryait  dans  mou  souuneil;  dans  mes 
iusouuiics,  elle  ui'apportait  des  pensées 
un  peu  trist(^s,  mais  attachantes. 

Aujourd'hui  que  mes  nuits  sont  tian- 
quilles,  le  croiriez- vous?  j'attends,  connue 
s'il  me  manquait  (juclque  chose;  invo- 
loniaircment  j'écoute  s'il  ne  viendra 
point  quelque  souffle  de  mon  désert. 

Ah  I  vraiment  c'était  bien  un  désert  I 
si  loin  de  toute  terre  habitée,  je  me  con- 
sid(Tais  comme  retranché  du  monde 
vivant.  Les  arbres  étaient  mes  seuls 
amis,  le  ciel  avait  toutes  mes  confiden- 
ces, mes  plus  intimes  rapports  étaient 
avec  la  mer.  Seulement  une  fois  l'année, 
nous  avions  la  visite  du  petit  brick  qui 
m'avait  porté  dans  mon  exil.  L'extrémité 
de  ses  mats  pointait  à  peine  hors  de  l'eau 
que  déjà  les  noirs  l'avaient  signalé.  J'ai 
souvent  admiré  le  merveilleux  coup  dVeil 
de  ces  hommes  de  la  vie  sauvage.  A  quel- 
les marques  pouvaient- ils  rceonnaitre 
ainsi  cette  voile  qui  formait  une  sinqile 
ligne  blanche  à  l'horizon,  connue  routes 
les  autres  voiles  que  les  courants  entraî- 
naient quelquefois  dans  nos  parages  ?  Et 
cependant,  jamais  ils  ne  se  sont  trompés, 
lîientot  le  corps  du  navire  était  en  vue, 
il  grossissait,  il  approchait.  Je  ne  quittais 
])lus  le  rivage,  je  couvais  des  yeux  la 
place  où  il  allait  jeter  son  ancre;  il  n'a- 
vait pas  encore  fdé  son  câble  que  déjà 
j't'tais  rendu  à  bord. 

Il  fallait  me  voir  embrasser  ces  braves 
malins  tout  ébahis  de  ma  tendresse. 
J  avais  un  si  grand  bonheur  à  les  regar- 
der, et  les  entendre  parler  !    J'étais   en 


admiration  devant  tout  ce  qu'ils  disaient. 
Je  leur  demandais  des  nouvelles  du 
monde  entier.  Et  la  paix et  la  guér- 
ie   et  les  grands  hommes  du  jour.... 

et  les  livres  nouveaux....  et  les  inven- 
tions ?  je  faisais  mille  questions  ;  j'étais 
presque  aussi  naif  et  tout  aussi  curieux 
que  ce  bon  vieux  solitaire  de  la  Thé- 
baïde  qui  voulait  savoir  si  les  hommes 
bâtissaient  toujours  des  maisons,  s'ils 
étaient  toujours  ambitieux  et  querel- 
leurs. 

La  présence  de  ces  étrangers  donnait 
du  mouvement  au  rivage,  de  la  vie  à  la 
mer  et  presque  de  la  joie  au  paysage. 

Le  matin,  en  ouvrant  la  petite  porte 
de  mou  pavillon,  j'étais  réjoui  par  la 
vue  du  navire  qui  se  montrait  entre  les 
arbres;  le  soir,  en  me  retirant,  j'étais 
rassuré  par  son  feu  qui  scintillait  en  se 
balançant  sur  les  lames.  Les  pirogues 
allaient  et  venaient,  il  y  avait  des  goû- 
ters sous  les  cocotiers,  de  longues  cau- 
series dans  ma  case.  Cette  bonne  exis- 
tence durait  trois  ou  quatre  jours.  Puis 
le  capitaine  venait  m'annoncer  qu'il  avait 
sa  cargaison  complète;  il  me  serrait  la 
main,  et,  sansplus  de  souci, commandait 
la  manœuvre  du  départ. 

Jîeauté  des  bois,  beauté  du  ciel  et  de 
la  mer,  bonheur  et  confiance,  tout  s'en- 
volait en  même  temps,  et  ma  petite  île 
me  paraissait  comme  une  grande  mai- 
son vide  et  abandonnée. 

Les  heures  traînantes  ramenaient  l'a- 
battement; les  jours  sortaient  des  nuits, 
les  nuits  succédaient  aux  jours  et  pas- 
saient dans  ma  vie  sans  y  laisser  plus  de 
trace  que  les  oiseaux  de  marine  n'en 
laissent  derrière  rux  quand  ils  glissent 
dans  l'air  ou  plongent  dans  les  flots. 
Toilà  mon  histoire  pendant  quinze 
années.  Quinze  années  1  c'est  un  bien 
long  espace  dans  la  durée  humaine  ! 
Enfin ,  le  temps  les  a  emportées  comme 
il  emporte  toutes  choses. 


149 


J'avais  réussi ,  comme  on  dit  dans  le 
monde,  car  j'avais  fait  fortune.  Notre 
('tal)lissenient  avait  prosprré,  ma  part 
dans  les  b<'néfices  s'était  [grossie  sous  les 
mains  honnêtes  et  intellijjentes  de  mon 
armateur.  !Mes  piastr<"S  bien  comptées 
me  donnaient  droit  de  bourjjeoisie. 

Aussitôt  j'ai  dit  adi«'U ,  adieu  pour 
toujours  à  la  terre  d'Agaléj^a.  Je  vous 
laisse  à  jn(;er  de  mon  bonlirnr  alors  que 
j'ai  vu  fuir  ses  fcjréts  solitaires  et  sa 
{^rève  sablonneuse  I  ù  peine  si  je  pouvais 
croire  à  uia  délivrance,  j'appelais  la  brise, 
je  bénissais  la  voile  qui  m'emportait.  Sur 
le  soir,  aux  lieux  où  {;isait  mon  île,  je 
M  apercevais  plus  que  les  palmes  de 
queUpies  cocotiers  qui  semblaient  sortir 
de  la  m«r  «  t  floller  à  sa  surface.  Kli 
bien  I  ce  tjui  est  étran{;r  ,  cette  dernière 
apparition  m'a  dit  quebpie  chose  de  si 
touchant  (pie  j'en  ai  pleuré,  (tétait 
cx)mme  un  reproche  ou  une  tendress«*, 
et  je  11  ai  plus  osé  regarder  derrière 
moi. 

Dès  mon  arrivée  ici,  j'ai  pris  passap^e  à 
bord  d'un  bâtiment  fran<,:ais  qui  retourne 
vers  lu  mère  patrie.  Je  reverrai  ma  mère, 
je  reverrai  la  France  ,  je  reverrai  Paris 
avec  toutes  ses  merveilles,  Paris,  le  cen- 
tre de  toutes  les  |;loiivs  ,  le  rende/.-  vous 
de  tous  les  plaisirs!  Comme  battra  mon 
cœur  sitôt  que  mes  yeux  auront  d«cou- 
verl  les  tours  de  Nolre-Dauïe  à  travers 
cette  vapeur  blanche,  pareille  à  un  (jrand 
manteau,  (|ui  descend  sur  la  grande  ville! 
Kl  «pi.nul  la  voiture  aura  cessé  de  rou- 
ler... alors  je  n'aurai  plus  ritiià  rej;rrller, 
rien  à  désirer  :  je  ne  rencontrerai  quedes 
hommes  élé'(;ants  ,  drs  femmes  (;racieii- 
srs,  d»   beaux  cavaliers,  de  brillants  écpii- 


paf;es.  Quel  mouvement  !   comme  cette 
voix  d'un  j^rayd  peuple  sera  douce  à  mes 
onilles  !  Tout  ce  que  le  génie  du  luxe 
peut   inventer    pour   les  jouissances  du 
monde  entier  ,  y  le  trouverai  là  sous  ma 
main.  Là  jamais  une  heure  vide,  pas  la 
plus  petite  place  pour  l'ennui.  Les  jour- 
nées sont  pleines  d'activité ,  de  courses 
joyeuses  ,  de  promenades  ravissantes  sur 
les  quais,  sur  les  Houh-vards  ,  dans  des 
jarilins  où  l'on   voit  ù  peine  les  arbres  , 
tant  il  y  a  de  kiosques ,  de   vases  ciselés, 
de   statues  de  marbre  et  d'airain.   Les 
nuits  sont  remplies  de  danse  et  de  musi- 
que. Lci  tbt'àtres  chantent,  les  caiVs  ba- 
billent. Le  ^az  lait  éiinceler  ses  mille  so- 
leils  qui  ne  brûlent   point,  et  qui   sont 
aussi  lumineux  <pie  ce  soleil  di  s  tropi- 
ques qui  nous  dévore.  Paris  I   Paris  I  lu 
es  pour  moi  la  terre  promis<'  1  Pour  loi 
j'ai   j)assé  tant  d'années   dans  le  dcsi'rt  ! 
Pour  toi  je  vais  braver  encore  les  ennuis 
et  les  soull'rances  d'une  longue  traversi'r. 
^'oyez-vous  à  l'entive  de  la  baie  tv  grand 
navire  avec   tous  ses  mâts  et  tout»^  sei 
ver;;ues  ,  portant  ses  voiles  hautes  et  re- 
j;arilant  la  pleine  mer  :  c'est  mon  hU-ra- 
lenr.   Demain  ,  au   premier  souflle  de  la 
brise  île  terre  ,  il  prentlra  sa  course  pour 
me  |K>rter  au  |>ays  où  vont  toutes  lucs 
pensées,  où  sont  toutes  mes  es]n'rantvs. 
A  ces  mots,  il  s<'  leva.  Je  lui  souhaitai 
la  mer  Inlle  et  le  vent  favorable.  Puis,  le 
Voyant  s'éloi(;uer  tout  joyeux  ,  je  me  dis 
A  moi-même  :  Kntin  voilà  un  houuue  qui 
tient  son   lK)nheur  !  cet  homme  ,  il  s'i^t 
assis  là ,    il  a   eaus<>    amicalement   Avr< 
luoi,  et  je  ne  le  reverrai  plus  ! 
^Iai  fin  au  prochain  MHmèroJ) 

II.  Duoi  IM. 


150 


i<:coxoMiB^  i>oiii:«Ti(iui^ 


L.V    MAITRESSE    Diî    MAISON. 


I. 

I-mploi  (le  la  iiuitinéo. 

Ta  Irllic  m\i  fait  (^raïul  plaisir,  ma 
l)oiinc  et  clièie  CK'inence,  et  cllo  a  forti- 
fie' la  ivsolutioii .  ])liis  il  à  moitié  prise, 
d'obtenir  tle  ma  belle- mère  qu'elle 
veuille  bien  ui'eiiseijjner  l'art  de  tenir 
ime  maison  ;  ear  e'est  un  art,  entends- 
tu  ?  INlais  j'ai  ri  eu  voyant  que  tu  te  dé- 
clares mon  écoUcie^  et  que  tu  veux  faire 
de  mes  lettres  l'objet  d'un  cours  pour 
celles  de  nos  amies  qui  doivent,  connue 
toi,  quitter  cette  annre  la  })ension.  At- 
tends du  moins  que  j'aie  appris  quehpie 
cbose  I  Au  reste,  la  pensée  de  t'ètre  utile, 
ne  fût-ce  que  bien  petitement,  me  don- 
nera le  courage,  oui,  le  courage  de  de- 
mander une  instruction  qui  m'a  offert 
jusqu'ici  peu  d'attraits,  je  te  l'avoue. 

INIa  belle-mère  consacre  toutes  ses  ma- 
tinées à  sa  maison  ;  moi,  je  m'étais  pro- 
mis, en  me  mariant,  de  consacrer  toutes 
les  miennes  à  la  peinture,  que  j'aime  de 
passion. ^..  Il  est  vrai  que  pas  un  seul 
des  projets  faits  au  moment  de  mon  ma- 
riage n'a  pu  jusqu'à  présent  se  réaliser, 
et  qu'il  faut  prendre  mon  parti  de  n'a- 
voir pas  mon  mari  sans  cesse  auprès  de 
moi.  Tu  sais  qu'il  a  des  terres  dont  il 
surveille  l'exploitation.  Il  est  souvent 
obligé  d'aller  à  notre  maison  des  cliamps, 
et  je  reconnais  la  nécessité  de  me  créer 
des  occupations  de  diverses  sortes.  D'ail- 
leurs ,  si  ma  belle-mère  venait  à  nous 
quitter,  connue  elle  eu  parle  quelque- 
fois, ou  bien  si  sa  santé  ne  lui  permettait 
plus  d'être  aussi  active  que  par  le  passé, 
cette  maison  si  bien  tenue  j)rrdrait  tout  en 
pass -Uit  dans  mes  mains  ;  idée  (jui  blesse 


et  stimule  à  la  fois  mon  amour-propre. 

Ces  réflexions,  dont  j'avais  été  préoccu- 
])ée  depuis  que  je  t'ai  écrit,  et  l'arrivée  de 
ta  lettn^  m'ont  décidée  ces  jours-ci,  pen- 
dant ime  absence  d'Edouard ,  à  aller 
trouver  Mme.  Beaumont,  un  peu  avant  le 
dc'jeuner,  et  à  lui  rappeler  qu'elle  a  con- 
senti à  m'admettre  comme  auxiliaire 
dans  les  travaux  du  ménage. 

Elle  m'a  embrassée  tendrement ,  m'a 
fait  asseoir  à  ses  cotés,  puis  elle  m'a  mon- 
tré ses  livres  de  recettes  et  de  dépenses. 

—  Mais,  ma  mère,  me  suis-je  écriée , 
conunent  pouvez-vous  tenir  à.  vous  seule 
toutes  ces  écritures? 

—  En  ftiisant ,  ma  fdle,  une  distribu- 
tion sage  d'un  revenu  que  nous  possé- 
dons tous,  du  temps  qui  nous  est  donné, 
à  cliacun,  dans  la  même  mesure.  Dès  ma 
jeunesse  ,  j'ai  pris  la  bonne  liabitude  de 
me  lever  de  grand  matin,  été  connue  hi- 
ver. Après  avoir  consacré  à  Dieu  les  pre- 
miers moments  qui  suivent  mon  réveil , 
je  me  mets  à  mon  bureau  ,  et,  avec  la 
ponctualité  d'un  teneur  de  livre ,  j'a- 
pure les  comptes  portés  la  veille  sur  une 
main  courante  ;  je  vérifie  les  livrets  de 
chaque  fournisseur  que  la  cuisinière  est 
obligée  de  me  remettre  à  la  lin  de  cha- 
que jour;  au  bout  de  la  semaine  le  total 
de  ces  comptes,  ainsi  apurés,  est  facile  à 
faire  ;  il  en  est  de  même  du  total  du  mois  ; 
ce  qui  reste  en  caisse  m'aide  à  établir  la 
balance.  Je  peux  voir  d'un  cou])  d'oeil  , 
mois  par  mois ,  à  combien  s'élève  la  dé- 
pense, s'il  y  a  eu  économie  ,  ou  bien  s'il 
n'est  pas  possible  d'en  faire  quelqu'une  , 
nécessitée  par  une  dépense  inq^révue 
pour  le  mois  suivant  ;  car  je  ne  ])uis  em- 
ployer  pour  la  maison  qu'une  somme 


loi 


invariable,    et  qui  doit  suffire  à   tout. 

—  Une  somme  invariable'  !  n'pétai-jr. 
Pourtant ,  ma  mère  ,  il  y  a  des  mois  où 
vous  recevez  plus  de  monde?  ^  ous  don- 
ne/, même  de  [grands  dîners  ,  des  soi- 
rées ? 

—  La  somme  à  dépenser  pour  l'auncc 
est  invariable  ,  ma  fdle  ;  seulement  elle  se 
distribue  iné{jalement  suivant  les  saisons, 
et  jamais  le  nombre  des  vxiras  ne  doit , 
\(i  le  répète  ,  di'passer  les  limites  fixées 
par  cette  somme. 

—  -Mais  quand  on  est  riclic  on  peut 
se  trouver  maljpé  soi  entraîné... 

—  Si  Ton  cède  à  ee  };enn*  dentraine- 
ment,  ma  elière  Pauline,  on  n'est  pas  ri- 
che lon(; temps  I 

—  J  avoue  ,  ma  mère  ,  fjue  calculer 
ainsi  toutes  ses  dépenses  sans  jamais,  ja- 
mais se  permettre  d«'  (h'passcr  la  limite 
fixée,  me  paraît  bien  ilililcile  !...  Par 
exemple,  supposons....  quehjue  [jrand 
mallieur,  un  incendie  qui  ruine  une  fa- 
mille ,  un  villajje  I... 

—  C'est  alors  ,  mon  enfant  ,  (pic  Ion 
compiend  la  valeur  d  une  saj^e  écono- 
mie qui  laisse  la  j)ossibilité  d'njjir  avec 
{;énérosilé,  et  presque  sanscoinpter  ,  dans 
Ics.'dlreux  fléaux  quitlésolcnt  (piclquefois 
tout*'  mie  contrée.  Si ,  d  avance  on  n'a- 
vait pas  rc{;K'  ses  dépcnsi'S  ;  si  l'on  avait 
cédé  à  ces  entraînements  dont  vous  par- 
liez à  l'instant,  comment  céder  plus  tard 
à  rentraîneinent  du  (  œur?  où  trouver  la 
Honune  nécessaire  pour  venir  utilement 
au  secours  de  ceux  tpii  soutirent,  et  cdiu- 
mcnt  alors  ne  pas  reconnaître  cpion  a 
mérite'  d'être  place  au  nombre  th's  maU" 
vais  riches  ? 

Trouveras-tu  qucbpie  chose  à  ré|H)n- 
dix;  A  cela  ,  (lléincnc»- .'  pour  moi  je  suis 
restée  muette. 

Ma  belle-mère  ma  montré  l'article  : 
Aumônes  journaltrrr.%  ;  elle  m'en  a  lait 
voir  le  chillre  pour  l'anniv  en  me  disant 
ipie  celui-<i  varie  aussi  pendant  le  mois. 


suivant  les  saisons  ,  et  que  presque  tou- 
tes ces  aumônes  sont  données  en  nature; 
ce  qui  les  rend  bien  plus  profitables 
aux  malheureux  dont  les  besoins  réels 
s<jnt  ainsi  prévus  et  s<jula(^és  dune  ma- 
nière certaine;  dans  ce  cliitlic  n'entrent 
pas  les  reliefs  de  chaque  jour  ni  les  rète- 
ments  ,  le  linge  qu'on  réforme  pendant 
l'année  dans  la  maison  :  car,  j'ai  hâte  de 
te  le  dire,  ma  belle-mère,  très- économe, 
n'est  pas  avare  ;  elle  aime  à  donner  ;  elle 
dit  (juc  le  riche  doit  dépenser  auUnt  que 
le  lui  permet  une  sage  prévoyance,  et,  en 
ofirant  du  travail  à  pluî«icurs,  faire  tou- 
jours la  part  des  vieillards,  des  inlirmes, 
des  enfants  incapables  de  gagner  un  sa- 
laire. 

Nous  en  étions  là  ,  lorqu'on  est  venu 
avertir  Mme.  Ik\aumont  qu'elle  était  .«cr- 
vie. 

Je  t'avouerai  que  depuis  notie  entre- 
tien de  l'autre  soir  ,  ma  belle-mère  inc 
jiarait  plus  aimable.  Sa  figure,  toujours 
grave,  me  semble  ex [>rimcr  plus  d'allec- 
lion  pour  moi,  et  j'ai  cessé  d'épnuiver  au- 
près d  i-lle  C(  tte  gène  qui  me  glatirait ,  cl 
qui  venait,  sans  aucun  doute,  des  dispo- 
sitions |)eu  bienveillantes  dans  lesquelles 
j'étais  à  son  égard. 

Après  le  di'jeuner,  je  1  ai  t  imuein  e  au  i 
salon  en  lui  disant  gaimciit  tpi  elle  né-  1 
tait  pas  quitte,  et  qu'elle  me  devait  Tex-  | 
j)Ost'-  fidèle  de  l'emploi  de  sa  maluite  /w/i- 
tifiitlc  ;  ordinairement,  à  la  suite  de  ce 
premier  repas  ,  elle  n*ste  au  salon  à 
jïarcourir  les  journaux  ,  et  à  causer  a%'ec 
Kdouaril  et  moi  ;  ensuite  elle  va  faire 
quehiues  visites  ,  des  emplettt*s  »  et  le 
reste  de  la  journi*c  est  consacré  aux  al- 
lants et  venants  quelle  re^xjit  sans  ct'-ré- 
monie  et  sans  ciss<t  un  instant  «le  rou- 
lire  ,  tic  faiiv  de  la  tapiss* ne  ,  ilu  filet  ou 
de  tricoter  ;  elle  a  toujours  un  ouvrage 
d'aiguille  ou  bien  un  livre  .'i  la  main. 

—  Où  en  é(ais-jc.^  uie  »leuàaniLi-l-cllc 
du  ton  lie  ralVtvliou. 


152 


—  Tous  avioz  apinv  vos  comptes  de 
la  veille,  ma  mère. 

—  AKirs  le  moment  est  venu  de  don- 
ner andiiMice  à  ma  cuisinière  d'abord, 
n'est-ce  pas?  car  il  faut  à  déjeuner,  à  dî- 
ner pour  tout  le  monde.  Je  eonunence 
j>ar  demander  compte  de  la  desserte  du 
jour  prt'cédent  ;  compte  toujours  lidcle, 
parce  qu'on  sait  que  chaque  matin  je 
visite  lofllee  et  que  je  parais  à  la  cuisine 
à  l'instant  même  où  Ton  s'y  attend  le 
moins. 

—  Jai  entendu  dire,  ma  mère,  que 
les  cuisinières  de  Paris  ne  resteraient  ])as 
dans  une  maison  dont  la  maîtresse 

—  Ne  les  laisserait  pas  complètement 
maîtresses,  n'est-il  j)as  vrai?  interrom- 
pit Mme.  Beaumont  en  souriant.  Nos 
cuisinières  de  province  sont  tout  aussi 
despotes,  mon  enfant,  dans  les  maisons 
dont  la  conduite  leur  est  abandonnée 
par  une  fennne  légère,  plus  occupée  de 
sa  toilette  et  de  ses  plaisirs  que  de  ses 
devoirs;  mais,  ici,  la  rè^jle  est  si  bien 
établie,  on  sait  si  positivement  que  telle 
est  ma  coutume,  que  lorsqu'il  m'est  ar- 
rivé de  changer  de  domestique,  chose 
rare  bien  heureusement,  des  fdles  pro- 
bes se  sont  seules  présentées.  Je  donne 
de  vive  voix  le  menu  de  chaque  repas 
lorsque  nous  sommes  en  famille  ;  je  le 
donne  par  écrit  lorsque  j'ai  du  monde, 
et  ces  jours-là  on  me  voit  un  peu  partout. 

A  la  cuisinière  succède  la  femme  de 
chambre.  Pendant  qu'on  m'habille,  je 
m'informe  des  travaux  de  couture.  Une 
fois  la  semaine,  je  fais  visiter  devant  moi 
le  linge  qui  a  été  mis  de  côté  pour  être 
réparé;  ceci  est  l'une  des  occupations  du 
samedi;  le  travail  à  faire  se  trouve  ainsi 
préparé  pour  la  semaine  suivante.  Je 
donne  en  suite,  et  en  compte,  le  linge 
pour  la  maison  ;  je  me  fais  rendre  cha- 
que lundi  celui  de  la  semaine  précédente. 
IVIe  voilà  prête  à  recevoir  quiconque 
a  besoin   de  me  parler  seule  à    seule. 


Parfois  j'ai  bien  de  la  peine  à  expédier 
tout  mon  monde  avant  l'heure  du  dé- 
jeuner; les  gens  de  campagne  surtout 
n'en  finissent  pas,  et  j'en  reçois  beau- 
coup :  je  me  garde  bien  de  les  in- 
terrompre dans  leurs  récits;  mais,  lors- 
que d'avance  je  sais  l'affaire  qui  les 
amène,  je  les  aide  à  arriver  prompte- 
ment  au  fait;  la  réponse  est  donnée  en  peu 
de  paroles,  et  je  me  trouve  libre  de  con- 
sacrer deux  bonnes  heures  à  mes  enfants. 
Ainsi,  ma  lille,  quatre  heures  chaque 
malin  de  travaux  sérieux  et  inqjortants, 
le  reste  de  la  journée,  le  coup  d'œil  de 
la  maîtresse,  uti  peu  partout,  et  la  vie 
])asse  plus  ou  moins  paisiblement  et  plus 
ou  moins  agréablement,  suivant  ce  que 
la  volonté  de  Dieu  amène  en  jouissances 
ou  en  amertumes,  en  ])laisirs  ou  en  dé- 
ceptions. Ce  n'est  pas  une  rude  tâche, 
comme  vous  voyez!...  Nous  parlerons 
plus  tard  des  inspections  du  linge,  des 
vêtements ,  des  armoires ,  de  toute  la 
maison  enfin...  Tous  êtes  bien  pensive, 
mon  enfant  I  Quelle  idée   vous  occupe? 

—  INIe  permettez-  vous ,  ma  mère ,  de 
vous  dire  toutes  mes  pensées? 

—  Je  vous  le  demande,  ma  chère  fille. 

—  Eh  bien!  vous  avez  été  jeune,  vous 
avez  aimé  le  monde,  vous  êtes  allée  au 
bal,  en  soirées,  en  parties  de  campagne. .. 
Ainsi  plusieurs  fois  vos  matinées  ont  été 
prises  par  le  plaisir,  parle  sommeil,  par  la 
fatigue,  ou  bien  par  la  maladie 

—  Et  vous  en  concluez  naturellement 
que  la  conduite  de  la  maison  a  dû  en 
souffrir,  n'est-ce  pas?  Cette  conclusion 
est  juste;  seulement  avant,  comme  après 
mon  mariage  ,  j'ai  peu  fréquenté  le 
monde,  et  l'habitude  de  l'ordre  était  en 
moi  si  bien  enracinée ,  que  je  me  cou- 
chais tard  le  jour  où  je  m'étais  levée  tard, 
afin  de  ne  pas  laisser  mes  comptes  s'ar- 
riérer. Pendant  mes  maladies ,  trop  fré- 
quentes, hélas  !  et  que  Dieu  m'a  envoyées, 
dans  sa  sagesse,  pour  développer  en  moi 


i53 


la  patience  et  le  coura(;f,  je  prenais  mon 
parti  d'un  surcroît  de  dépenses  inévi- 
tables. 

—  ^'f>us  n'aviez  donc  pas,  ma  mère, 
une  seule  personne  à  qui  vous  pussiex 
vous  eonfur  aveuj^lément? 

— Aveuglément!  n'péta  M"*  lîeaumont 
en  sreouant  la  tête  avec  un  sourire.  L'n 
de  ces  jours,  si  vous  le  voulez,  ma 
fdle,  nous  causerons  d'un  sujet  bien  im- 
j)ortant,  des  doinesiifincs.   Pour  aujour- 


d  liui  veuillez  remarquer  uniquement  que 
le  sainfire  de  quatre  heures  par  jour  et 
de  quelcjues  joui'uécs  par  an,  suiiit  pour 
maintenir,  dans  une  maison,  l'ordre, 
1  économie  ,  d'où  résulte  saos  efl'ort  la 
paix  domestique.  Cela  ne  vaut- il  pas  la 
peine  de  se  lever  du  matin  et  tle />a>jffr 
rinspectiun  ? 

Décidément,  Clémence,    je  Unirai  par 
aimer  de  tout  mon  cœur  ma  bclle-uière. 
Paidiue  Beàimoit. 


ivj.ou>"^J3. 


THAVALX   A    L'AUiLILLF. 

Moflc?  (lo  printcmpc.  —  Mode  ptuir  les  premières  communiantes.  —  Voiles.  —  Calinr  en  jacona5.  — 
Sac  au  point  do  rr(»chet.  —  Col,  broderie  anslaise.  —  Patron  de  robe  en  gerbe.  —  Dessin  sur  étoffe. 

—  Fleurs  en  papier,    pivoine.  —  Corbeille  de  mariaijc.  —  .Ameublement.  —  I.a  Vierge  aux  rose*. 

—  Traduction.  —  Art  culinaike.  —  Nettoyage  des  élofTe*.  —  Patron  de  kadaveika,  de  chapeau, 
de  coisel,  grandeur  nature.  —  Broderies  diverses. 


Tu  as  sans  doute  déjà  remarqué,  ma 
clière  Adèle,  que  nos  j^raviuTs  de  modes 
ne  ressend)lent  point  à  celles  des  autres 
recueils;  ce  sont  des  tableau.x  de  ^enre 
que  nous  donnons,  et  de  très-jolis  ta- 
l)leaux.  N'est-<  lie  pas  charmante  notre 
mode  de  ce  mois? 

La  jeune  maman  est  velue  d'un  p«M- 
(jnoir  en  batiste  brodée  sur  lecpul  rlle  a 
passi-  une  j///)r  à  ceinture,  en  talUuis  lilas 
jjarnie  d'un  volant  brodé  et  festonne  à 
crclc  de  coq  eu  soie  pareille.  Pour  sor- 
tir, <lle  a  endoss»'-  son  kadaveika  de  talTe- 
tas  pareil  à  la  robe  et  brodi*  de  même. 
Les  j;arniture;<  cpii  sortent  de  tlessous  la 
manehe  pa^;()«leou  en  entoimoir  ou  à  sa- 
bol  du  katlavcika,  appartiennent  à  l'élé- 
(;ant  pei;^noir,  <jin,  an  U»{;is,  lient  lieu 
tle  corsage  blanc  ;  c  est  eouune  si  on  avait 
un  cane/.ou  dont  la  ceinture  serait  eachén* 
%nits  celle  lie  la  jupe.  I,a  «aixjt»*  «le  eré|>o 
blau»'  est  orné»'  de  ileux  lH)U<|uets  de  plu- 
mes blanches  ;  nu  tic  «  liatpie  »  ôt«'-. 


La  robe  de  la  jeune  fdle  est  en  pope- 
line vert  Isly.  Le  corsage  décolleté  et  les 
manches  courtes  sont  recouverts  par  un 
canezou  corsage  à  manches  lonj^ues,  en 
mousseline  froncn-e;  le  col  et  le  bas  des 
manches  se  termiuent  par  im  bouillon  en 
mousseline  dans  lequ«l  passtMit  les  ru- 
bans roses  à  longs  lK>utsqui  foruH^it  san- 
ton- rt  bracelets.  Trois  lH)utons  de  métal 
émailK-  frrnuMU  le  tlevant  du  cane/ou. 
Ceinture  «Il  larj;»*  rnban  à  dents,  vert  Is 
1\ ,  de  ménu'  nuamv  que  la  robe.  IU)ttines 
en  tlrap  de  soie  noire.  Capote  en  gros  de 
Naples  et  erè|>e  lisse  roses. 

On  halidle  de  dillerenti^  façons  les 
petits  garçtius  de  A  »i  7  ans;  ceci  déjHMu! 
de  la  fantaisie  <li*s  jeunes  lucres  ;  ccpou- 
d ant  la  blousi',  plaU»  siu*  la  poitrine  et  ou- 
vrant devant  avec  une  rauj'/vdelKHitons. 
est  tonjoui  s  \c  vêt»  nient  »le  pn-thUvtion 
pariv  qn  il  est  le  plus  ix>mmode.  Xjc  ve- 
loms  non  n'est  pis  rt''S«Tvé  seulement 
|Hnir  l'hiver;   mais  bicntùl  il  faudra  lui 


154 


substituer  les  piqués  de  coton,  le  nankin, 
et  les  étofl'es  plutôt  unies  quV'eossaiscs 
qui  auront  la  vo{;ue  cette  année.  Les 
jambes  doivent  être  nues  entre  le  panta- 
lon blanc  très-large,  riclienient  brodé  par 
le  bas,  descendant  un  peu  au-dessous  du 
genou,  et  les  cbaussettes  rayt'^es  qui  sor- 
tent des  souliers  à  (;uètres.  Le  clinpeau 
de  leiitrc  gris  sera  aussi  renij>lacé  pro- 
cliaineuient  par  le  cbapeau  de  paille,  en- 
touré d'un  velours  uoir. 

Les  premières  conuiumiantes  portent 
celtt^  année  des  robes  de  mousseline  ornées 
d'un  large  ourlet  montant  presque  jus- 
qu'au genou  ;  au-dessus  de  Tourlet  il  fnut 
faire  de  quatre  à  cinq  petits  plis;  quel- 
ques confectionneuses  remplacent  les 
j)lis  ])ar  quatre  ou  cinq  rangs  de  petite 
dentelle  très-peu  coquilléc.  Le  corsage  est 
montant  et  froncé.  Autour  du  cou,  deux 
rangs  de  dentelle  basse  tuyautée  ;  manclies 
en  entonnoir  terminées  par  un  large  our- 
let ;  au-dessus  de  l'ourlet  cinq  petits  plis 
ou  cinq  rangées  de  petite  dentelle,  sui- 
vant C ornementation  du  bas  de  la  jupe. 
Les  sous-mancbes  en  mousseline  sont 
froncés  et  se  ferment  par  un  poignet  uni 
ou  brodé  ;  point  de  manchettes.  De  même 
que  Tannée  d(Tnière  le  boimet,  en  tulle 
illusion,  est  recouvert  d'un  voile  en  mous- 
seline aux  coins  arrondis;  l'ourlet  qui 
l'entoure  doit  être  large.  Tu  peux  recou- 
rir, pour  la  coiffure,  à  notre  planche  de 
1S-J9. 

Les  voilettes  sont  remplacées  par  de 
grands  voiles  brodés  en  plein  et  entourés 
d'une  bordure.  Je  t'ai  envoyé  au  mois  de 
mai  1849  une  bordure  charmante  avec 
son  plein,  et  quia  été  levée  sur  une  vé- 
niable  dentelle.  Brodes-la  en  reprise 
avec  du  fil  plat;  le  fd  qui  forme  les  con- 
cours doit  être  assez  gros  pour  les  bien 
dessiner.  Regarde,  d'ailleurs,  comment 
est  faite  une  véritable  dentelle,  et  copie 
soigneusement;  avec  du  fil  fin  tu  brodes 
en  reprise  Vcritoilage   de  l'intérieur  des 


fleurs  et  tu  fais  les  points  de  dentelle  sur 
le  tulle  même. 

Si,  pour  le  jardin,  tu  préfères  à  un  cha- 
peau de  paille  ime  coiffure  plus  légère, 
fais  une  câline  en  jaconas  imprimé.  Relis 
l'explication  que  je  t'ai  donnée  pour  la  ca- 
liiK^  en  velours,  du  mois  de  mars  dernier.. 
Lst-ce  fait?  Eh  bien!  prends  ton  jaco- 
nas inq^rimé,  coupe  un  lé  de  37  centi- 
mètres ;  sur  la  largeur  de  l'étoffe ,  enlève 
une  bande  de  manière  à  ce  qu'il  ne  reste 
plus  que  de  G 4  à  G 5  centimètres  d'ampleur. 
Arrondis  le  devant  de  la  câline  de  chaque 
côté  des  joues.  Double  ce  devant  avec  du 
jaconas  ])arcil,  sur  une  profondeur  de 
1 8  centimètres.  A  présent  forme  dans  ce 
devant  doublé  huit  coulisses  larges  cha- 
cune de  5  centimètres  ;  ces  larges  coulis- 
ses partent  du  fond  de  la  câline  et  abou- 
tissent au  bord  du  devant  ou  passe.  Tu 
glisses  dans  chacune  un  morceau  de  car- 
ton mince  et  lisse  portant  un  peu  moins 
de  5  centimètres  de  largeur  et  un  peu 
moins  de  18  centimètres  de  longueur; 
arrête  des  deux  bouts  par  un  point  de  sur- 
jet ;  tu  as  la  passe  d'une  espèce  de  ca- 
pote. Ferme  le  fond  par-derrière  comme 
pour  la  câline  de  velours  ;  fais  une  cou- 
lisse  dans  le  bas,  par-derrière,  de  manière 
à  te  donner  un  bavolct;  passes-y  deux 
rubans  ;  attaches  les  brides,  et,  si  tu  le 
veux,  garnis  la  câline  tout  autour  d'un 
bouillonné  en  pareil,  ou  bien  d'une 
étroite  valencienne  peu  coquilléc.  Cette 
espèce  de  capote  se  plie  et  se  met  dans  la 
poche,  de  sorte  qu'on  l'emporte  avec  soi 
à  la  campagne,  sans  (ju  il  y  paraisse;  rien 
de  plus  léger ,  de  plus  commode,  et, 
ajouterai-je,  de  meilleur  marché.  Tu 
peux,  si  tu  le  préfères,  te  servir  de  ba- 
tiste écrue  ;  mais  le  jaconas  imprimé  est 
plus  convenable. 

Tous  les  dessins  que  je  t'envoie  s'expli- 
quent, pour  ainsi  dire,  d'eux-mêmes;  la 
dentelle  n»  1 ,  la  serviette  n*>  2,  sont  très- 
faciles  à  copier.  Arrêtons-nous  au  n"  3. 


155 


Il  te  faut,  p  >iîr  un  sac,  1  bobine  de 
soie  noire,  1  de  soie  jaune  pâle,  et  2  de 
soie  bleue  ou  cerise,  à  ton  choix,  puis 
des  anneaux  en  laiton  comme  pour  la 
Ijouiso  duchesse. 

IVeiids  un  de  ces  anneaux  et  recouvre- 
le  au  point  de  crochet  plein  en  soie  jaune 
j)àle,  rloilc  A. 

Prends  un  autre  anneau  et  recouvre- 
le  de  même,  mais  en  soie  noire,  étoile  B. 

J^  première  ranjjée  de  mailles  co- 
lonnes doit  être  faite  en  soie  cerise,  si 
lu  as  choisi  cette  couleur;  la  seconde 
ranf»/'e  de  mailles  pleines,  en  soie  de  la 
même  eonlenr  que  celle  qui  intoure 
l'anneau  du  milieu;  la  ran^^ée  extérieure 
à  «lents,  mailh's  colonnes,  en  soie  cerise. 

Tu  alterneras  A  et  IJ.  I^e  sac  se  com- 
pose en  hauteur  de  o  étoiles;  il  en  faut  10 
pour  lui  donner  la  largeur  convenable. 
1/intcrvalle,  (jui  S('pare  quatrede  eesétoi- 
les,  se  renq>lit  par  un  moulinet  en  soie 
noire,  ainsi  que  le  le  montre  le  dessin. 

Tu  termines  le  sac  dans  le  haut  par 
quatre  ran{;é-es  de  crochet  carré,  en  soie 
eonlenr  cerise.  La  ]^remière  ran^jée  de 
dents  en  points  de  colonne  se  fait  avec  la 
soie  noire  ;  lu  la  bordes  dune  ran{;éc  de 
mailles  j)leines  en  soie  jaime  pâle.  La  se- 
conde ranjjée  de  dents  en  mailles  colon- 
nes se  fait  avec  la  soie  cerise,  et  se  borde 
éjjalement  d'une  rangée  de  mailh's  plei- 
nes en  soie  jaune  pâle. 

Tu  passes  dans  la  première  ranjjée  de 
crochet  carré,  en  partant  des  étoiles,  une 
j;anse  de  soie  où  se  trouvent  mélan;;érs 
les  trois  couleurs  emplovées  pour  le  sac, 
et  tu  garnis  ee*lui-ei,  de  ehacpie  c<*)té  tle 
l'ouverture  du  huit,  d'un  {;land  dans 
Kquel  se  retrouvent  ces  trois  couleurs.  I^\s 
deu\(;lands  doivent  être  aussi  lon(;squ(* 
le  sac  Uïême. 

Le  u"  1  se  broile  à  l'anclais*»  sur  ja- 
connas  ;  tous  à  jour,  les  olives  Iwrdt^s^ 
*«>Mnne  W  le  montre  le  dessin  <jui  est 
eharniAMt  exécuté-. 


Les  n»,  5  et  G  sont  le  devant  et  le  dos 
d'une  robe  en  gerbe.  Le  patron  est  ici 
réduit  au  cinquième,  et  excellent.  Tu 
fronces  les  épaulettes  par-devant  ;  le  »los 
et  le  devant  se  froncent  au  bas  de  la  taille 
et  se  montent  sur  une  ceinture  lanje  de 
de  deux  doigts  seulement. 

Voici  trois  jolis  dessins  pour  bouton- 
nières de  chemises  d'hommes,  n**  8,  9 
et  10,  et  tm  joli  coin  de  mouchoir  n'  Il 
tout  en  boutons  de  roses. 

C'est  au  point  de  chaînette  et  sur  ca- 
chemire que  tu  brotleras  le  brodequin 
d'enfant,  n''*  l2  et  13.  I>a  broderie  doit 
trancher  avec  la  eoultur  de  l'élofle  ; 
beaucoup  de  personnes  enq)loient  de  pré- 
férence la  soie  blmchc  sur  toutes  les 
couleurs  possibles.  Le  graveur  a  oublié 
d'indiquer  à  droite  du  n"  12  les  l)outon- 
nières;  mais  la  place  des  /fort/om  étant 
indiquée  à  |;auehe,  tu  sauras  bien  les  es- 
pacer convenablement. 

Puisque  tu  ne  réussis  pas  à  Tiire  tenir 
ton  décalque  sur  étolTe  en  ponçant  avec 
du  blanc  d  argent  et  de  la  sandaracpie,  il 
faut  pren<lre  le  parti  de  repass*  r  sur  le 
poneis  au  pin<'eau.  Pour  faire  le  |>oneis, 
écrase  et  réduis  en  poussière  impalpable 
sur  du  marbre  ou  sur  un  morceau  de  vi- 
tre, du  blanc  d'Espagne  ou  de  la  craie  ; 
un  hajpnent  de  marbre  peut  t«*  s«*rvir  de 
mnlritr  pour  cette  o|H''ralion.  Forme  une 
sorte  tl'estompe  avec  une  bande  de  feu- 
tre roulée  sur  elle-même  ;  prends  de 
cette  ]Kiudre  en  quantité  sullisanle ,  cl 
frotte  avec  cette  estonq>e  tout  le  d«-ssin 
soigneustMuent  pi«pié-  ,  après  que  tu  l'as 
]>ose  sur  l'étolVe):  délaie  ensuit»*  du  blanc 
d'argent  dans  de  l'eau  où  tu  as  fait  fondre 
de  la  gonune  arabique  eu  |Hnidre,  en  y 
mêlant  un  |M'u  d*eau-«le-vie  ordinaire  ou 
d'r.ui-tlc-vie  de  lavande;  prends  un  pin- 
;  ceau;  essaie  si  ce  m»*la«ige  me ^/ bien  sur 
I  rétolVe,  sans  fain^ de  intiu/rs^  et  avec  ton 
pinceau  n*|visse  sur  tous  \cs  traits  du  |x>u- 
1    cis.  —  P«>ur  ixmci'r  et  di*S5iner  sur  étoile 


156 


blanche^  ivduis  on  ]iou(liv  iin]>alpable  sur 
le  inaibiv,  Je  l'intli};o  au  licni  àv  ciaio, 
rt  fais  foiuhv  rnsuili'  dr  rindi}',o  au  liiii 
ilo  Itlanr  trar|;tMit,  dvins  *\c  l'eau  {join- 
nuV,  nièléo  d'eau -tle-vie. 

Tu  trouveras  au  u"  li  un  patron  de  fi- 
(dius  ]>c'lerine  à  pans  pour  entant,  rédue- 
tion  aneinquiènie.lA^  toutse  faiten  uious- 
si  line  hrcnlée  au  ]>t)int  de  eliainette  et  à 
rainaj^e.  Tu  [;arnis  la  pèlerine  et  les  deux 
pans,  qu'on  noue  par-derrière,  d'un  rang 
de  mousseline  pareille,  iestoinié;  ce  vo- 
lant doit  être  brodé  et  festonné  si  le  corps 
est  en  mousseline  unie;  un  second  vo- 
lant se  place  au  contour  intérieur  que 
te  montre  le  dessin  et  sinude  une  seconde 
pèlerine.  Il  ne  faut  pas  donner  plus  de  3 
centimètres  de  hauteur  à  la  garniture. 

Le  n"^  1  ô  est  le  devant  d'une  guimpe  à 
plastron.  Ce  riche  dessin  se  brode  au  plu- 
metis.  Le  coin  des  fleurs  ,  à  jour  avec 
points  de  dentelle.  Le  n°  16  est  l'entou- 
rage du  cou  par-derrière. 

Je  t'en(jage  à  faire  en  papier  rose  la 
pivoine  pour  l'exécutiou  de  laquelle  je 
t'envoie  les  patrons  n°»  1  7,  18,  19  et  20. 

Découpe  huit  ])étales  sur  le  n°  17; 
douze  pétales  sur  le  n**  I  8  ;  huit  ])étales 
sur  le  n°  19,  et,  en  papier  vert,  une  fois 
seulement  le  n"  20. 

Tu  gauflres  en  creusant  avec  un  étui 
ou  avec  l'outil  boule  sur  ta  pelotte ,  les 
découpures  de  chacun  des  huit  pétales 
11"  17,  quatre  doivent  être  creusés  en 
didiinsj  quatre  creusés  en  dehors^  puis 
tu  les  roules  en  forme  de  cornets. 

Gaullre  de  même  les  découpures  des 
douze  pétales  n'^  18,  de  façon  à  renverser 
ces  découpures  en  dehors.  De  même  pour 
les  huit  pétales  n"  19. 

Les  deux  parties  du  n*  20  doivent  être 
creusées  profondément  en  dedans. 

Roule  un  peu  de  coton  vert,  en  carde, 
à  l'extrémité  d'un  fd  de  fer  recoiu-bé  en 
crochet;  étends  de  la  gomuie  sur  ce  cœur, 
et,  avec  de  la  soie,  attache  1  un  après 


l'autre  tout  autour  les  quatre  ]K'tales 
n"  17,  gaullrés  m  dedans.  Attache  en 
second  rang  lis  (piatre  pétales  n"  17, 
gaullrés  m  dehors.  Tu  montes  de  même 
sur  deux  rangs  les  douze  pétales  u*  18; 
de  même  eueore  les  huit  jH'tales  n°  19  ; 
aie  soin  d'alterner  de  façon  que  le  uii- 
lieu  d'un  pétale  enveloppe ,  pour  ainsi 
dire  ,  les  bords  des  deux  pétales  de  la 
rangée  précédente.  Enfde  les  deux  sépa- 
les n"  20  qui  forment  le  calice,  et  colle- 
les  à  la  ileur  avec  un  peu  de  gomme. 
Yoilà  une  pivoine  rose  épanouie. 

Si  tu  veux  en  faire  une  à  demi  épa- 
nouie, quatre  pétales  n*  17  te  sufliront; 
tu  les  creuseras  m  dedans,  tu  entoureras 
le  cœur  avec  ces  quatre  pétales;  puis  tu 
gaulTreras  en  dehors  quatre  pétales  n"  1 8. 
Il  faut,  avant  de  les  monter,  les  rouler 
tous  en  cornets  plus  serrés  que  pour  les 
fleurs  épanouies.  Les  sépales  du  calice 
Ug  20  envelopperont  le  dehors  de  cette 
espèce  de  bouton. 

Léopold  vient  de  se  marier.  C'est  à 
moi  qu'd  s'est  adressé  pour  la  corbeille 
et  pour  l'ameubleuient.  Il  jouit,  tu  le 
sais,  d'une  certaine  aisance  ;  mais  la  jeune 
fille  qu'il  a  épousée  ne  lui  a  apporté 
qu'une  très-petite  dot.  Il  fallait  agir  en 
conséquence. 

Nous  avons  fait  choix  chez  Tahan 
d'une  élégante  table  à  outrage  destinée 
à  servir  de  corbeille,  c'est-à-dire  à  ren- 
fermer un  des  beaux  cachemires  français, 
longs,  qu'on  ne  troure  qu'au  Persan,  rue 
Richelieu,  ensuite  une  grande  pointe  en 
dentelle  de  laine  blanche.  —  Col  et  man- 
chettes en  dentelle. —  Berthe  en  dentelle. 
—  Une  robe  de  moire  grise  pour  les  vi- 
sites. —  Une  robe  de  popeline  couleur 
écrue.  —  Chez  M'"*^  Perrot ,  nous  avons 
fait  emplette  d'une  très -jolie  guirlande 
en  roses  blanches  et  boutons  de  fleurs 
d'oranger,  avec  le  bouquet  pareil. — Chez 
Prévost  nous  avons  acheté  un  évc-t-id 
monté  en   nacre.   —  Un  flaco^i. — Des 


\ 


r>  i 


liants.  —  Dp  là,  nous  sommrs  all«'s  clior- 
clirr  clioz  Gillon  un  cliarinant  bracelet 
vu  rinail  ,  cliaînc  et  croclict;  une  tiès- 
jolie  broche  en  ramée  animé;  ceci  est 
tout  nouveau.  I.a  couroiuie  en  petites 
fruilles  et  la  draperie  de  la  tête  du  cauit'e 
forment  un  relief  de  couleur,  relief  ad- 
mirable. —  liièvuet  iious  a  donne'  une 
cliarmante  et  excellente  petite  montre.  — 
Knfin  ,  Léopold  a  choisi  lui-mèuie  une 
bourse  eu  soie  blanche  et  acier,  <Wu\ 
(jont  exquis  ,  et  il  l'a  remplie  de  pièces 
d'or. 

L'appartement  «si  bit  petit.  ^|(JUS  n'a- 
vons pu  trouver  place  dans  l'antichambre 
que  pour  une  banquette  formant  coffre 
à  IkjÏs  et  pour  une  armoire  à  portes 
pleines  en  uover. 

I^a  salle  à  manj^er  a  étt'  bientôt  meu- 
blée avec  \\n  bullet  à  étagère,  \\\\c  table 
ronde  et  douze  chaises,  le  tout  eu  aca- 
jou; les  chaises  sont  garnies  eu  caime; 
sur  ré'taj;ère  des  grès  artistiques  et  des 
porcelaines. 

Le  salon  s'est  trouvé  ])lein  avec  deux 
causeuses,  six  fauteuils,  six  chaises,  une 
table  ovale  au  milieu  ,  uue  table  à  jeu  , 
et  uue  étagère  à  glace  entre  les  deux 
fenêtres.  Le  bois  des  meubles  est  en 
palissandre,  stvic  Louis  W  ;  rélolle, 
pareille  aux  rideaux,  est  en  dauias  de 
soie  rouge.  Doubles  rideaux  en  mousse- 
line brodée,  et  stores  pavsages.  Sur  la 
cheminé-e  une  pendule  sinqil«"  et  de  bon 
|,()ùt,  en  bron/.e  avec  les  candélabres  pa- 
reils, de  chez  (lolas  et  Harlx-dienne. 

La  chaud>re  à  coucher  est  charuiante. 
Llle  est  toute  eu  toile  de  Pc'rse;  papier 
de  cluz  Cuulat-Simon  ,  pareil  aux  ri- 
deaux ;  doubl(*s  rid«-aux  eu  uiousseline 
buMiée.  Armoire  à  (;la«"e,  lit  à  baldaquin, 
deux  fauteuils  Voltaire  ,  deux  chaist^s 
ehaunéuse5,  six  p4>titeschais(*s,ci)nuiiude 
formant  s<erélaire;  tt>ul  tvla  est  élégant, 
joli  et  Irais  lonnue  la  n«)U\elle  niariév ; 
Leroy  et  (!an<lrelier  avaient  été  eharj»i''s 


de  fournir  rameublenient.  Le  cabint t  de 
toilette  contient  une  armoire  à  liiige  et 
une  table  toilette  ,  ornée  de  ridt  aux  en 
mousseline  brodé'e.  La  nouvelle  mariée 
les  remplacera  sans  doute  bientôt  par 
des  rideaux  en  tricf>l  ,  avec  dentelle  au 
point  de  cnx'hel,  et  elle  fera,  je  l'espère, 
d'après  le  dessin  de  notre  journal ,  au- 
quel elle  est  aboimée,  un  joli  couvrepieil 
en  crochet  carré.  I^a  pendule  de  la  cham- 
bre à  coucher  est  en  porcelaine  de  Sèvres, 
genn^  Pompadonr^  avec  petits  flambeaux 
pareils;  i\v\\\  lampes  montées  sur  des 
vases  en  j)Orcelaine  ,  eonipletent  la  gar- 
niture de  la  cheminée.  J'oubhais  de  te 
dire  que,  dans  la  corbeille  ,  nous  avons 
placé  d'élégantes  passementeries  chez 
Uiehnet-Havard,  et  des  dentelles  de  laine 
de  couleurs  ass*jrties  aux  robes  de  moire 
et  de  |>opeline.  Les  dentelles  de  laine 
dans  toutes  les  nuances  possibles  sont 
les  garnitures  ob/ifjér  des  robes  d'étoffe. 

Les  tafletas  chan^rnnti  ont  irmplacc 
les  tafletas  {;lacé*s.  On  fait  aussi  des  taffe- 
tas imprimés  en  ramage  de  branches  et 
de  fleur<tt«*s  ;  ])Our  ces  rol>es-là,  des  vo- 
lants avec  guirlandes  courantes  sont  pn^ 
parés.  C'est  de  la  nouveauté,  mais  ce 
n'est  pas  joli. 

Mon  oncle  vient  de  me  donner  un»* 
a^uvre  d'art,  h  f'iffgr  aux  roses  dessinée 
et  gravée  d'après  I^*  Dominiquin  |var 
M.  Leroux,  avec  c«*lte  1«y,<^hiI<'  :  •^<'  fème 
lie  ri)st'.i  /r  cfirnrn  qui  mrnr  nu  ctrl.  Mon- 
seigneur de  Paris  a  adirsso  à  l'artiste, 
si  ilislingué,  la  lettiv  la  plus  flatteuse  au 
sujet  de  l'hounuage  res|>ectueux  que  ce 
th'rnier  lui  avait  fait  de  son  nruvrr  ;  dans 
cette  httn"  il  est  «lit  :  -  Xa'  choix  tin  sujet, 
la  puret»'  du  burin,  le  fini  de  l'i-xéeulion, 
tout  u»e  parait  admirable  dans  cet  ou- 
vrage. Je  le  n*coiuman«leral  avix*  enq^res- 
sement.  tant  je  dt^irr  qu'il  soit  connu,  cl 
il  ne  tiendra  pas  .^  moi  que  cette  gracieuse 
image  île  la  tii-ssainte  Vier|;e  ne  déxx^n^ 
tou'i  1'  'i  nrifi/nci  ef  n.-  figurc  (laus  l(^  ha- 


158 


bltations  dos  familles  tle  mon  diocèse.  » 
Celles  de  nos  jennes  amies  qni  von- 
diont  possédtu-  la  f'irrgc  aux  roses,  si 
di{;iie  sons  tons  les  rapports  de  la  liante 
approbation  accordée  A  cette  nonvelle 
(vnvrt^  de  Inu  de  nos  meillcnrs  artistes, 
penveiit  s'adresser  soit  à  notre  bnrean, 
soit  à  31.  Leronx  Ini-mème,  1,  place  de 
1  Kstrapade.  Le  titre  {\.\ihonncc  au  Journal 
(les  Jeunes  Personnes,  leur  assure  des 
épreuves  choisies,  et  une  remise  sur  le 
]n\\  qni  n'est  pour  elles  que  de  2  fr.  à 
Paris. 

L'espace  nie  manque  pour  te  donner, 
chère  amie,  quelques  pensées  en  italien. 
Nous  n'avons  reçu  que  deux  traductions 
de  nos  citations  en  anglais.  Nous  enga- 
geons  nos  jennes  amies  à  comparer  leur 
travail  avec  celui  de  Mlle.  A.  Montmoret 
que  voici  ; 

TRADUCTION. 

ï . —  Nous  ne  comprenons  aucune  épo- 
que du  monde  qu'à  demi  si  nous  n'en 
étudions  pas  les  fictions;  il  y  a  autant  de 
vérité  dans  la  poésie  de  la  vie  que  dans 
la  prose. 

2.  —  Les  passions,  semblables  aux 
vents,  ne  se  font  sentir  que  lorsqu'elles 
s'agitent  :  invisibles,  leurs  effets  seuls  les 
révèlent. 

3.  —  Ce  n'est  qu'en  traversant  l'ad- 
versité que  nous  apprenons  ci  réfléchir; 
car  le  miel  de  la  sagesse  humaine  ne  se 
recueille  pas  sur  des  fleurs,  mais  sur  des 
épines!... 

4.  —  IMieux  vaut  semer  le  bienfait 
dnns  un  noble  cœur  que  du  blé  dans  un 
ciiamp,  car  la  moisson  du  cœur  estéter- 
nelle. 

i').  —  Nos  pensées,  semblables  à  des 
nonnes,  ne  devraient  point  se  montrer 
aux  yeux  du  monde  sans  un  voile. 

G.  — Ln  solitude  est  devenue  pour  moi 
ce  que,  pour  la  tortue,  est  son  écaille  ; 
elle  est  mon  égide,  elle  est  ma  vie! 


7.  — Il  me  semble  que  chez  l'homme, 
l'ànie  comme  le  corps  fut  créée  pour 
marcher  droit  et  re{j;arder  les  cieux. 

8.  — Le  bonheur  et  la  vertu  réagis- 
sent Tune  sur  l'antre. —  Les  bons  sont 
non-seulement  les  plus  heureux,  mais  les 
heureux  sont  généralement  les  meilleurs. 

9. —  La  honte  ne  réside  pas  dans  la 
perte  de  l'estime  d'autiui,  mais  dans  celle 
de  notre  propre  estime. 

10. —  Les  longues  distances  éteignent 
tous  les  faux  éclats,  et  ne  laissent  sub- 
sister que  les  vérités.  —  Dans  cette  salle 
du  festin  d'hier,  les  lampes  se  meurent  ; 
mais  à  mille  ans  de  nous,  les  étoiles  que 
nous  contemplons  ce  soir,  brilleront  aussi 
piues. 

11.  —  La  nuit,  selon  une  croyance 
égyptienne  de  l'antiquité,  est  la  sombre 
mère  de  toutes  choses  ;  les  siècles,  en  s'é- 
loignant  d'elle,  approchent  de  la  lumière. 

Puisque  nos  recettes  c/^/Z/îo/r^*  te  plai- 
sent tant,  en  voici  quelques-unes. 

Adieu  et  aime  moi. 

Annica  BmCOGNE. 
ART    CULINAIRE. 

Epigramme  cV agneau,  —  Entrée. 

C'est,  je  t'assure,  quelque  chose  de  très-agréable 
k  l'œil,  à  l'odorat  et  au  goût  qu'une  épigramvie 
d\t(jneaH.  —  Prends  un  des  quartiers  de  devant 
d'tm  agneau,  et  fais  trois  parts  de  l'épnule,  des  cô- 
telettes et  de  la  poitrine.  —  Lrs  côtelettes  se  panent 
et  se  mettent  sur  le  gril.  —  L'épaule  doit  être  rôtie 
et  accommodée  ensuite  en  blanquette.  —  Quant  à 
la  poitrine,  tu  la  fais  cuire  dans  le  pot-au-feu.  Dès 
qu'elle  est  cuite,  retire-la.  Tu  l'aplatis  entre  deux 
couvercles  de  casserole,  et  ensuite  lu  la  découpes 
en  forme  de  côtelettes.  Tu  te  sers  des  petits  os  que 
tu  relires  de  la  poitrine  pour  les  piquer  dans  le 
bout  pointu  des  morceaux  que  tu  viens  de  décou- 
per ;  celte  façon  achève  de  leur  donner  Vapparence 
de  vraies  côtelettes.  Tu  panes  deux  fois  ces  fausses 
côtelettes  avec  de  l'œuf  battu,  et  tu  les  fais  frire. 
Ces  diverses  opérations  doivent  avoir  lieu  presque 
en  même  temps,  car,  lorsqu'il  s'agit  de  dresser  ton 
epigramme,  il  faut  entourer  le  plat  en  couronne, 
et  alternativement,  avec  les  côtelettes  grillées  et  les 
morceaux  de  poitrine  frits;  tu  verses  au  milieu  la 
fricassée  faite  avec  l'épaule.  Mon  onclo  u'aimo  l'a- 
gneau que  préparé  de  celte  façon. 


lo9 


Lapcrenuj:  confits.  —  Hors-dNruvrc. 

Cest  ma  taule  qtii  m'a  euseigné  a  préparer  ainsi 
«1rs  lapereaux.  — Quand  ils  sont  dép»juilles  et  dés- 
ossés, on  les  pi(|ue  avec  des  lardons  de  lard  et  de 
jambon  cru.  11  faut  mettre  dans  t'iniérieur  du  sel, 
des  épices,  les  ruuler  serrés  dans  leur  lon^^ueur,  les 
liceler,  puis  les  mettre  dans  une  ca>serole  a\ec  de 
riiuile,  du  sel,  des  epic»  s,  du  lautier,  du  thym  et 
du  basilic.  Fais  cuire  pendant  une  In  urc  a  feu 
doux,  sans  laisser  bouillir,  'lu  auras  soin  de  les 
retourner  de  temps  en  temps  pour  qu'ils  cuisent 
«*;;alemenl  partout.  Tu  les  retires,  et  tu  les  laisses 
c'^outter  jusqu'au  lendemain.  Alors  tu  les  pares  en 
enlevant  les  liceiles,  tu  les  divises  par  tranches  éga- 
les, el  tu  les  places  dans  de  petits  pots  que  tu  rem- 
|)lis  de  bonne  huile.  Lor>(jue  tu  veu\  en  servir  sur 
la  table,  tu  coupes  en  rouelles  minces  les  morceaux 
que  tu  retires  du  pot,  tu  les  dresses  sur  une  as- 
fiette.  tu  les  entoures  de  persil  haché,  et  tu  les  ar- 
roses de  leur  huile. 

Gâteau  de  ponu/ics.  —  Entrcmcls  sucre. 

Il  faut  prendre  douze  belle.*  pommes.  Tu  en  ôte- 
rns  les  ccrurs,  lu  les  couperas  par  (juartiers  et  tu 
les  feras  fondre  (ou  cuire)  sur  le  feu  avec  le  reste 
d'un  citron  et  un  peu  de  cannelle.  —  ra.<!s«  au  ts« 
mis.  Tu  remets  ensuite  cette  marmelade  dans  la 
ca>seritle  avec  une  cuillerée  de  fécule,  125  gramm. 
(demi-livre)  de  sucre  râpe,  et  62  grammes  (i  onces) 
<lc  beurre  bien  frais.  I.ai<se  mijoter  et  réduire.  Re- 
tire du  f«u.  Quand  la  marmelade  est  froide  (ne  la 
laisse  pas  refroidir  dans  la  casserole,  au  moins!),  il 
faut  y  mêler  six  œufs.  B»  urre  un  moule;  verses-y 
rappircil,  et  fais  cuire  au  bain-Marie  pendant  une 
d.-mi  heure,  renverse  sur  un  plat,  et  sers  chaud. 

Ile  /luttante.  —  EiUroiiicts  sucré. 

Huit  ou  neuf  belles  pommes  suffiront  pour  te 
donner  un  joli  plat.  Tu  les  fais  cuire  a  Teau  iM)uil- 
l.iTite.  Quand  «Iles  sont  refroidies,  passe-les  au  ta- 
mis, et  Diéles-y  de  beau  sucre  en  poudre  (la  quantité 
suivant  Ion  goùl)  Tu  bats  ciiu)  blancs  d  irufs  avrc 
une  cuillen-e  d'eau  de  rose.  Feu  ii  peu,  lu  mêles 
ces  bl.iiirs  d'u'iifs  battus  avec  les  pommes,  en  cou- 
llnuaiit  de  battre  pour  rendre  le  tout  bien  léger.  Tu 
AS  préparé  sur  un  plat  une  belle  gelée  aromatisée  il 
la  roRe .  tu  «Iresses  alors  celte  mou.^se  au  milieu  du 
plat  en  Ur  Jluttante.  — Tu  pourrais  encore  te  s«  r- 
vir,  pour  faire  une  ile  Jl<ttitntf,  de  blancs  d'n-ufs 
battus  en  neige  avec  de  la  geU«e  de  gr«»seille,  couiinr 
nous  l'a  enseigné  Caroline  (t),  et  ^ervir  sur  unu 
gelée  de  pommes. 

/:t()//'ts  (le  laine  et  de  soie. 

Il  faut  nettoyer  non  rol>rn  de  laine  avant  <juc  de 
leur  dire  iidifii  pour  jusqu'à  l'hher  pri»ch.iin  ,  p.is 
»i  prorhiiin,  heiireUNeiiient  !  et  |>our  Ceci  II   faut  les 

(1)T.  III  du  la  l'iéiW,  p.  341. 


défaire,  ainsi  que  celles  de  oos  rot>es  de  soie  qui  ont 
l>»'Soin  de  subir  la  même  opération  : 
Prends  JtOgr  -   '  i-' bonne  eau-de-v  ic  ; 

155  gi  .    «avon  noir, 

et  tsc  grammes  (  6  oncrs)  de  miel.  —  Tu  mêles 
ces  trois  choses  ensemble  jusqu'à  ce  qu'elles  for- 
ment «ne  s^irte  de  pâte  liquide  et  bien  hee.  Étends 
l'étoffe,  lé  par  le,  sur  une  talde  recouverte  d'un 
drap  plié  en  plusieurs  doubles  Tu  t'es  munie  d'une 
bros*e  douce  ;  avec  la  brosse  tu  prends  un  peti  de 
cette  pite  et  lu  l'etends  sur  l'étoffe  avec  soin,  de 
haut  en  bas.  I.ors^iue  l'étoffe  a  été  bien  impreign^ 
partout  de  cette  p."\»e,  lu  la  rinoes  sneressiveroent 
dans  tniis  eativ  différentes,  sans  li  tordre,  sans 
l'etreindre  en  aucune  f.icon  ;  puis  tu  l'elends  sur 
une  corde  et  lu  laisses  écou!<'r  l'eau. 

Il  faut  aitarfurr  la  /«ine,  mais  on  rep-tts"  la  tfu 
avec  des  fers  un  pe»i  chauds,  et  lorx|ue  l'une  ou 
l'autre  est  a  demi- sèche. 

Explication  de  la  plaixchc  de  Broderies, 

(rETITE    ÉDITION.) 

>'o  1.  —  Dentelle  au  point  de  crochet. 

N"  2.  —  .Serviette  de  dessert,  crochet  carre. 

>vj  3.  —  Sac  au  iKuiit  de  crochet. 

Ko  4.  —  Dessin  de  col,  brod'-rie  anglaise. 

No«  5  et  6.  —  Patrons  d'un  corsage  en  Rffbe,  ré- 
duction au  Cinquième. 

N*  7.  —  Enlre-drux,  p!umetis  et  feston. 

No«  8,  y  et  10.  —  lioulounuTCs. 

R*  11.  —  Coin  de  mouchoir,  a  broder  au  plu- 
nietis. 

N"*  12  cl  13.  —  Brotlequin  donfanl. 


(gr.\m>b  Édition.) 


IS'oU.  —  Fichus-pelerine  a  pans,  pour  enfant; 
réduction  au  cinquième. 

Ko*  15  et  IG.  —  (Guimpe  a  plastron,  broderir  au 
pliimeti.s. 

>o«  17,  IS,  |9  et  20.  —  Patrons  pour  faire  une  pi- 
voine en  papier  nise. 

No  il.  —  Passe  pour  un  chapeau,  la  forme  rsl 
peu  différente  »le  celle  qu'on  a  portée  CfX.  hi*rr.  Tu 
d«)nneris  au  bivolel  8  centimètres  de  hauteur  el 
57  centimètre»  d'ampleur;  le  bavolel  a  une  lèle  d« 
2  centimètres.  Il  présente  par-<lerriere,  quand  il  r>l 
monlé,  la  f«»rme  tl'un  f«r  a  cheval.  On  met  Wmi- 
coup  de  fleurs  des  champs  sur  la  forme  et  ru-de«- 
sous  de  la  passe.  Les  rose»  sont  préférables  piMir 
les  rhapeaiix  eu  crêpe  H.inc.  Je  ne  tr  parlerai  pAs 
de-  ^ 

de    . 

pas  au\  Jetines  prcMMine»  Il  y  a  une  gran<le  varirlo 
dans  les  tissus  de  p.iille  ri  dans  1rs  driL^ins  des  ru- 
bans. Jusqu'à  pn*seul  rim  ne  domine  posllhr- 
menf. 

K«  fi.  —  D«-s«in  et  iviln>n  pour  le  dtH  du  c-»or- 
ïoM  tliHit  Je  r.»l  ei^  roi*  passe. 

N.*i3  el  ii.  —  l.  .  .^         ^.  •rieansUbr. 

K»  i5.  —  Kntre-deux  au  plamrlia. 

N*  i7  |H)ur  le  cuin  d'un  mOMboIr,  bro- 

derie au 


-I 


160 


Explication  de  la  planche  de  Patrons. 

PETITE    ÉDITION. 

J'ai  donné  l'an  dernier  à  nos  Jeunes  amies  un 
patron  de  corset;  en  voici  un  autre  pour  Illicite  de 
douze  à  quinze  ans.  Cet  excellent  patron  sort  des 
ateliers  de  Mme.  Pousse,  et  l'on  pfut  tros-aisément 
l'ajuster  a  la  taille  d'une  jeune  personne.  Il  faut 
ajouter  au  dos.'soit  ce  (ju'on  appelle  un  dHaçaye, 
soit  une  bamle  d'étoffe  «garnie  du'illets  en  laiton. 
Le  gousset  maicjué  B  s'ajusie  au  point  du  devant 
raaniué  B.  Devant,  l'élui  A,  destine  à  la  baleine,  se 
continue  sur  le  gousset  marqué  A.  Le  buie  est 
remplacé,  sur  la  poitrine,  par  un  élastique  large  de 
4  a  .■>  centimètres,  à  partir  du  haut  jusqu'à  la  flèche; 
le  reste,  de  la  flèche  au  bas  du  corset  «e  compose 
d'iuie  bande  de  coutil  de  même  largeur  que  l'élas- 
tique. De  chaque  coté  on  pose  un  ressort  en  «cier. 
le  trait  ponctué  en  donne  la  largeur  et  la  place; 
d'autres  traits  indiquent  l'endroit  où  l'on  fait  des 
étuis  pour  l«s  baleines. 

Je  n'ai  pu  donner  que  la  moitié  de  la  passe  du 
chapeau  ;  mais  il  est  facile  de  tailler  double  ce  pa- 
tron. 

(grande  Édition.) 

Dessin  et  patron  d'un  kadaveika  à  broder  sur 
mousseline. 

Je  n'ai  pas  pu  trouver  place  pour  te  donner  le 
de^sin  tout  entier  du  kadaveika;  mais  le  dessin  du 
devant  l'aidera    à  le    compléter.  Tu  porteras  le 


bouquet  de  la  grande  dent  h  côté  de  celle  man^uée 
C,  fti  fe  retournant,  dans  la  dent  marquée  D  ;  tu  en 
feras  autant  pour  broder  le  tour  au  bas  du  dos.  Lis 
attentivement  les  indications  tracées  sur  le  patron  ; 
suis  les  contours  indiqués  par  ces  traits --et  ces 
petites  croix  +,  et,  comme  toujours,  commence 
par  couper  un  patron  en  grosse  mousseline  que  tu 
ajusteras  à  ta  taille  avant  de  couper  et  de  dessiner 
la  mousseline  destinée  au  kadaveika. 

Le  bas  de  la  manche  pagode ,  ou  à  entonnoir, 
doit  élre  brodé  de  même  façon  que  le  tour  de  ce 
par-dessus.  La  dent  niar(|uée  C,  répétée  autant  de 
fois  qu'il  sera  nécessaire,  te  servira  pour  les  man- 
ches. Tu  feras  les  feuilles  du  semé  et  des  dents  au 
plumetis;  les  grappes  en  œillets,  largement  brodés, 
et  au  point  de  feston.  Il  est  bien  entendu  que  1« 
semé  doit  être  reproduit  sur  les  deux  manches.  — 
Ce  dessin  est  très-riche,  très-beau.  —  Tu  peux  en- 
core te  servir  des  grandes  dents  pour  festonner  un 
kadaveika  «n  soie  ou  en  toute  autre  étoffe  pareille 
à  celle  de  la  robe  que  tu  achèteras;  mais  dans  au- 
cun cas  ce  par-dessus  ne  doit  trop  marquer  la 
taille;  il  faut  le  faire  un  peu  flottant. 

Les  bouts  de  manches  pagodes,  ou  plutôt  a  sabots 
ou  larges  volants,  partent  du  haut  du  bras.  S'ils 
sont  en  tulle,  tu  les  garnis  par  le  bas  de  deux 
rangs  de  haute  dentelle  avec  entre-deux  en  dentelle. 
S'ils  sont  en  mousseline,  l'cntre-deux  est  brodé  au 
plumetis,  et  les  volants  brodés  de  même  sont  fes- 
tonnés. Je  t'ai  envoyé,  dernièrement  encore,  une 
multitude  d'entre-dcux  et  de  bandes  avec  feston; 
tu  n'as  qu'à  faire  un  choix. 


LES  JEUX  DU  SPHINX. 


ENIGME. 


Honneur  soit  à  celui  qui  me  donna  naissance  I 
Si  ce  fut  un  tyran  il  n'en  a  pas  moins  fait 
Un  utile  présent  au  royaume  de  France, 
Oii  chacun  applaudit  à  son  rapide  effet. 
Grâce  à  mes  soins  constants,  rapprochant  les  familles, 
Je  sers  avec  ardeur  leiu'S  plus  chers  intérêts  ; 
Aussi  voit-on  souvent  les  femmes  et  les  filles 
Confiantes  en  moi  me  livrer  leurs  secrets. 
Mais  sous  ce  beau  côté  si  vous  pouvez  me  prendre, 
J'en  ai  d'autres  aussi  hasardeux  à  saisir  : 
Par  exemple  celui  qu'on  vous  force  à  défendre 
ÎMalgré  mille  dangers  sous  peine  de  mourir; 
Celui  que  vous  pensez  devoir  vous  satisfaire, 
Et  qui,  prétendez- vous,  comblerait  tous  vos  vœux. 
Ah  I  croyez-moi,  lecteur,  restez  dans  votre  sphère. 
C'est  le  plus  siir  moyen  d'être  toujours  heureux  I 

GUERNU. 

L«  mot  de  la  charade  du  numéro  d'avril  est  ceiif-volant. 


i61 


ÉDUCATION 


a3i2;â'ji>jî  ^^\s  :iîsD3i^ii3. 


Lb  Boxhelh. 


l/antl(init«''  tout  nitlèrr  a  dit  (jue  le 
luit  di'  rcxistciice  Iniiii  liiu*  t'tait  \c  boii- 
licur.La  souveraine  iVliriu'  sVstpiésontéc 
aux  aneiens  sous  toutes  les  formes,  tan- 
tôt nobles,  tantôt  plus  ou  moins  niaté- 
rielles,  mais  l'itlée  de  la  cluMelier  a  tou- 
jours dominé.  De  notre  temps  on  essaie 
de  ressusciter  ce  [^cuve  de  philosophie, 
sous  le  nom  assez  équivoque  d'utilité;  on 
prétend  n»cme  donner  le  soin  du  bon- 
heur pour  fondement  à  la  morale.  CejKMi- 
dant  le  trait  saillant  comme  le  tiait 
sjblime  du  chrislianisme,  c'est  d'avoir 
pro|)osé  un  autre  but  aux  hommes  que 
celui  de  la  félicité  ici- bas. 

Que  nous  dit  la  relij^ion  chn'lienne 
dans  le  lanjjnj^;»*  quelle  a  consacré  .'  Elle 
nous  dit  :  «<  qu'aidé  du  secours  céleste, 
l'houune  peut,  dis  cette  vie,  conunencer 
à  rétablir  tlans  son  âme  l'imaj^e  elVacée 
de  la  divinité,  et  que  s'il  renq)lit  les  con- 
ditions inqu)sées  tl.ms  1  Kvan^ile,  eoudi- 
lions  dont  raeeonq)lissement  tend  à  pn- 
rilier  son  co'urde  plus  en  plus,  la  {;rande 
expiation,  olVerle  |H>ur  S4S  ollenses,  lui 
assure  le  salut  éternel  ou  la  réunion  avec 
Dieu  dans  une  auliT  vie.  •»  Cette  doctrine 
n'est  antre  elios*^  que  la  perfection  pn)- 
mis«*  pour  n conqu'us»'  »  1"  iivre  du  p«'r- 
feetionnement. 

Si  l'on  s'exprimait   avec   une    ri';ueur 

Aucun  des  nrllclos  inMift  rontenuA  dan.^  ce 
rccuoil  ne  peut  être  reproduit,  «ans  le  con»cn- 
tonirnt  foiii!  .tours,  tout  peine  de  pour- 

SUllC-  «Ml  Ooi   '    (  1. 

Il»  Si:i\iL   Tome  IV.  N»  n.  - 


que  ne  permet  guère  l'usage  ordinaire, 
jx*ut-étre  trouverait-on  qu'il  v  a  quel- 
que chose  de  faux  et  de  contradictoire 
dans  l'idée  que  nous  sonunes  obligés  de 
nous  former  du  bonheur.  Que  ce  soit  une 
situation  exempte  de  prines,  cela  va  si!i> 
tlire;  mais  puiscpi'un  désir  non  s;iti>fait 
est  déjà  une  jH'ineque  l'imagination  pt^ut 
{jrossir  à  son  gré,  on  est  forcé  d'ajouter 
que  c'est  un  état  où  nos  vœux  sont  com- 
blés. Or,  cet  état  serait  Histidieux  à  la 
longue.  Il  n'y  aurait  plus  de  motif  [>our 
agir,  et  nos  forces  resteraient  oisives. 
Nous  avons  des  facultés  qui  demandent  à 
être  exercées,  et  loflice  de  riinagination 
est  de  susciter  quelque  désir  capable  de 
les  mettre  en  jeu.  .Nous  st^mmes  donc 
laits  pour  former  dt*s  vonix,  c'est  p^^r 
nous  l'étal  de  santé  morale.  Noiiv  .i 
S'élance  en  souhaits,  connue  la  sève  d'un 
arbre  vigoureux  s'élance  eu  rameaux. 
Point  de  botdieur  s.'ins  activité,  |HÙnl 
d'activité  s^ms  but,  et  qui  dit  but,  dit  un 
objet  qu'on  voudrait  atteindiv  et  qu  on 
n'a  pas  encore  atteint.  La  suprême  fé- 
licitt*  serait  donc  ici-bas  un  état  où  il 
nous  man(|uerait  quehpie  chos*»,  ce  <pii 
est  .ibsurde. 

.^lais  siée  mot  n  a  piN  d-  mmis  absolu, 
il  en  a  un  |Kir  eonq-  ;.  Noliv  sort 

|X'ut  s'améliorer,  le  stnitiuieul  de  l'cxis- 
teuee  |Mnit  devenir  plus  animé  et  plus 
agivabh*.  (^)uantl  cela  nous  arrive-t-d  .' 
(Test  qu  mil  nous  croyons  avantvr  tcis 
le  tenue  île  u«»s  vœux;  e*e>t  quaiul  le 
Jil.x  18:)0  G 


102 


luoiivouuMit  moral  est  soulcim  par  Trspr- 
rancc.  Les  objets  1rs  j^liis  cU'sirables  do 
celle     espérance   en    contiennent     en\- 
nicnics  d'antres  en  {;cnne,  ils  transpor- 
tent la  pensée  an-delj  i\e  Icnr  ]iosscssion 
et  la  font  avanciM'  ]ilns  lapidcnient  dans 
la   route  cpielle   s\\st  frayée.  Le  savant 
s'attache  à  découvrir  telle  vérité  qui  jclte 
du  jour    sur    une  autre  pîns    J^éni^rale  ; 
rijonnne    charitable   voit  dans  le   bien 
qu'il  opère  le  connnenci  nunt  a  un  bien 
plus  p^rand  :  toujours  il  v  a  de   l'avenir 
dans    les   jouissantu'S    qui    répoiuu  nt   à 
notre  attente.  S'il  en    est   autrement,  le 
plaisir  de  les  avoir  obteiuies  no  vaut  pas 
celui  de  les  cliereher. 

Le  bonheur,  tel  qu'on  peut  le  conce- 
voir ici-bas,  n'est  donc  pas  une  situation 
arrêtée;  c'est  une  uiarclie,  c'est  l'état  où 
lin  mouvement  doux  et  réj^ulier  est  sou- 
tenu en  nous  par  l'espoir.  J^orsqu'on 
s'avance  vers    un    but   bien   choisi,  on 


exeice  des  facultés  qui,  retournc'es  en 
dedans,  nous  touinienleraient  ;  on  jouit 
]>ar  anticipation  du  monient  de  l'arrivée 
et  CMJin  on  a  la  vive  satisfaction  de  ce 
nionu  lit.  îMais  s'd  ne  renaît  pas  de  là 
(pieKuiautre  iiitéièt  ,  quel([n'alinient 
noTiveau  ]ionr  r.'.ctivité  de  l'àme,  notre 
situation  n  a  pas  beaucoup  f;agn<'. 

Jj'art  dètic  heureux  est  donc  celui  de 
distribuer  l'cspi-rancc  sur  toute  la  \'u\ 
de  lui  faire  toujours  reprendre  son  cours. 
Le  sort  le  plus  envial)le  est  celui  où  Ton 
a  en  perspective  une  suite  de  buts,  tous 
assez  acc?"ssibies  jour  qu'on  puisse  y 
marcher  avec  calme  et  confiance,  mais 
dont  les  plus  éloignés  sontles  plus  dijj,nes 
de  nos  vœux.  Alors  aucun  de  nos  pas  ne 
nous  semble  perdu,  nous  supportons 
gaîment  les  fatif],ues  du  voyaj^je,  et  l'a- 
venir s'offre  à  nos  regards  sous  un  aspect 
riant  et  favorable. 

]\{me  ]Ve(jkER  DE  SaUSSUKE. 


DÉVOUEMENT  ET  RESIGNATION. 


RECIT. 


—  Tu  as  beau  dire,  ma  chère  îMarie  ! 
disait  Elisa  de  Montvilliers  k  sa  sœur, 
faire  sa  volonté  est  toujours  ce  qu'il  y 
a  de  meilleur  au  monde!  Eiisa  avait 
seize  ans  ;  sa  phvsionomie  animée  expri- 
mait l'insouciance  de  son  âge.  Elle  offrait 
iiu  contraste  frappant  avec  ÎMarie ,  dont 
la  figiue  réflf'chie  était  empreinte  d'une 
douce  mélancolie.  Quatre  années  n'a- 
vaient pu  art'aiblir,  malgré  sa  résignation, 
la  douleur  où  l'avait  plongée  la  mort  de 
sa  mère. 

•—  Faire  sa  volonté  !  répéta  Marie  en 
regardant  sa  sœur  avec  une  afl'ectueuse 
tristesse;  tu  ne  crovais  pas  que  ce  fût  un 
si  grand  bonlicm-,  après  aroir  lu  Lr  par- 


clininn  du  docteur  Maure  (  1  )  ;  tu  avais 
reconnu  le  contraire,  il  me  semble  ;  t'en 
souviens -tu? 

—  Ah  !  oui ,  c'est  vrai.... 

—  Connue  cette  histoire  m'a  rappelé 
les  conseils  de  notre  pauvre  merci  repiit 
ÎMarie.  Avec  quelle  profonde  conviction 
elle  m'entretenait  de  l'heureuse  nécessité 
où  nous  sonunes  de  remettre  entre  les 
mains  de  Dieu  nos  désirs,  nos  espérances, 
en  cherchant  premièrement  à  connaître 
et  à  accomplir  sa  volonté  I  «  Confions- 
nous  en  la  Providence,  me  disait-elle 
souvent,  sa  divine  bonté  saura  diriger 

(I)  Par  Emile  Souvcstrc,  Journal  des  Jeunes 
Prr'<n)inrs^  t.  II  ûc  l;i  î"  si'iio,  ]).  4i. 


I«i3 


toutrs  (  lios^\s  (le  la  mniiièrr  la  plus  avan- 
tageuse pour  nous,  nialj;!»'  les  apparences 
qui  peuvent  parfois  nous  porter  à  en 
flou  ter  !  M 

Eiisa  fjarda  un  inouient  Ir  sileuee , 
puis  ellr  st*  jeta  au  eou  de  ^larie  en  s'»'*- 
eriant  :  Parle-uioi  de  notre  mère,  (iis, 
ma  SOMU-;  veux-tu? 

—  Si  je  le  veux  ?  répondit  Marie  avec 
émotion.  AIi  !  depuis  longtemps  je  dé- 
sire te  dire  Tliistoire  dr  notre  pauvre 
mère  et  nos  derniers  entretiens;  assirds- 
toi  là  près  de  moi. 

Elisa  s'approcha  de  Marie ,  passa  un 
bras  autour  d'elle,  et  dit  eu  penchant  la 
tcte  sur  son  épaide  :  J'écoute. 

Marie  commença  aiîisi  :  —  j  avais  dix- 
huit  ans,  lorsqu  un  jour,  en  éprouvant 
un«^  vive  contrariété,  je  m'é'criai  connue 
toi  ,  mon  Elisa,  que  je  serais  bien  lirn- 
rciise  de  pouvoir  toujours  faire  ma 
volonli'. 

—  «•  Si  tu  dé'sires  jouir  de  cr  hoidi-ni , 
répondit  ma  mère,  je  t'en  indiquerai  le 
moyen. 

—  »  Le  moyen  de  faire  toujours  ma 
volonté"  I  Oh  !  chère  maman,  dijcs-nioi 
vite  votre  secret  I  m'écriai-je  fort  intri- 
guée. 

—  ».  IMa  pauvre  enfant,  reprit  ma 
mère  avec  bonté,  ce  secret,  je  te  l'en - 
wigne  tous  les  jours,  mais  tu  n'as  guèn^ 
profité"  juscpi'ici  de  mes  hçons. 

»  Pour  faire  toujours  notre  volonté, 
et  voir  nos  désirs  s'accomplir,  d  faut 
vouloir  tout  ce  que  Dieu  veut  ;  ne  rien 
vouloir  de  ce  qu'il  ne  veut  pas  et  nous 
scMunettr»'  hnnd)lem("nt  aux  é"preuv("s 
<pi  il  nous  envoie,  en  puisant  notre 
<"onsolation  dans  la  ferme  conliantv  (pi'a- 
j>rès  avoir  béni  ,  avec  résignation  ,  la 
main  «pii  nous  frappe,  nous  ta  bt'nirons 
plut  tard,  avec  reconnaissance,  eu  jouis- 
saut  des  biens  cpii  seront  la  n*eom|w'nsi* 
lie  e<'s  épr«'uv«s.  • 

—  Célail-là  le  secret  »le  nnirc  mère, 


dtnianda    Elisa   avec    un    ptlil  n.«Hiv<- 
nwnt  de  dé'pit  ? 

—  Oui.  ma  sœur,  répondit  doucement 
Alarie,  et  ma  mère  ajouta  : 

•  Je  te  parle  bien  s<Tieuseuient,  mi^ 
fdie  ch('rie,  mais  tu  nés  plus  une  enfuit 
et  tu  te  tn)uves  dans  une  |x>sition  qui 
doit  tinspirer  de  profondes  réflexions. 
.Ma  santé,  tu  le  sais,  s'afVaiblit  de  jour  en 
jour;  peut-être  devras-tu  bientôt  servir 
de  mère  à  ta  s^^eur  et  à  ta  cousine.  Pénètre- 
toi  bien,  ma  chère  Marie,  des  dfvoirs 
que  timposera  cette  grave  mission  ;  cesse 
(\r  niminurer  contre  «le  légères  contra- 
riét»'s  ;  applicpie-toi  à  fortifier  ton  âme 
contre  les  douleurs  rét^lles  et  à  acquérir 
les  vertus  qui  te  seront  si  nécessaires 
jiour  remplir  tes  devoirs  dans  toute  leur 
«'•tendue  I  ■ 

»  J'embrassai  ma  mère  eu  pleurant  et 
je  lui  promis  «!«•  profiter  de  ses  con- 
seils ;  elle  me  rendit  mes  caress«*s  avec 
effusion,  puis  ell«'  m'engagea  doucement 
à  prendre  plus  d  empire  sur  moi-même. 
Je  m'elforçai  de  montrer  un  visage  calnu-, 
afin  «le  la  satisfaire  ;  mais  mou  cœur 
«'tait  p«'"iiihl«'inent  alTecté.  l>e  souvenir  «le 
celte  conversation  ne  selVuvra  jamais 
de  ma  mém«)ire  I  • 

.^larie  garda  un  moment  le  sileniY, 
comme  absorbée  dans  l'amertume  de  ««^s 
pensées. 

- —  Et  Ihistoire  «l«"  n«>tre  niere  '  ile- 
manda  Elisa  en  end)rassant  sa  s«eur. 

Marie  alla  ouvrir  un  jx-lit  me»dde  «pii 
avait  appartiMiu  à  celle  qu  elle  pleurait 
et  eu  retira  un  «  aliiei  s«)igueus«'menl  en- 
v«'l«>pp«\ 

—  La  voici,  dii-ell«' ,  iell«"  «pic  ma 
mère  me  l'a  rac<mtee  ,  cl  telle  cpie  je 
l'ai  écrite  après  chaque  cou  versai  ion.  — 
Elle  pr«*ssa  le  cahier  sur  s»*s  lèvres,  et  lut 
(  e  «pii  suit  : 

«  A  «pnn/e  ans  |  «  lus  \ain«*  tl«'  ma 
j«)h«'  lii;ure,  «"t  ilu  luxe  dont  je  me  vovaii 
entourée;  mou  orgueil  me  ivudait  insup- 


(il 


|)orL»l)l(";  l('s  conseils  t't  rt\oui{)K^  de  ma 
iiit'iv,  si  simple  ot  si  inotlcsio  lualjjiv  K-s 
brilluuls  avautn;jt  s  qu'illi'  unissait  aux 
plus  soliiles  vcituSj  n'avaient  pu  me  cor- 
riger. 

«•  ].e  II  tulemain  d'uM  bal  où  la  flatterie 
m'avait  ('té  prodijjuée,  tout  occupée  du 
souvenir  de  cette  soirée  si  délicieuse  pour 
uion  auiour-jiropre  ,  je  léiléeliissais  gra- 
vement aux  nunens  de  me  surpasser  ]>our 
la  lèlt*  (|ui  m\t  lit  jiromise  lors  île  Tan- 
uivcrsairc  de  uics  sci/.e  ans.  Tout  devait 
concourir  au  triouiphe  de  uia  vanité  ; 
notre  ancienne  demeure  était  enfin  \cn- 
duc  ;  le  nouvel  liotel ,  que  ma  mère 
venait  d'acquérir,  serait  fraiclieuient 
meublé  pour  cette  époque.  Je  me  li- 
vrais ainsi  aux  plus  doux  rêves  lorsque 
ma  mère  me  fit  ai)pelcr.  Je  nie  rendis 
aussitôt  près  d'elle  et  je  lui  demandai  si 
elle  était  remise  des  fatigues  de  la 
veille. 

—  «  Je  nai  point  dormi,  me  répondit- 
cile  avec  tristesse. 

—  »  Pourquoi  donc ,  m'écriai-je  tout 
inquiète? 

—  ••  Ta  conduite  d'hier  m'a  trop  affli- 
gée. J'ai  éprouvé  tant  de  douleur  et  d'in- 
quiétude en  reconnaissant  qu'au  lieu  de 
développer  dans  ion  cœur  les  qualités 
solides  qui  nous  font  aimer  et  estimer,  tu 
ne  cherches  qu  à  briller  et  qu  à  éclipser 
tes  compagnes  I  La  beauté  passe  vite  ; 
les  vertus  seules  demeurent.  N'abuse 
point  des  dons  de  Dieu  pour  l'offenser 
par  un  orgueil  et  un  égoïsme  si  contraires 
à  cette  vraie  charité  que  je  me  suis  effor- 
cée de  l'inspirer.  Si  tu  veux  faire  mon 
bonheur,  demande  à  Dieu  de  l'éclairer 
par  de  salutaires  pensées.  Deviens  bonne 
et  modeste,  c'est  ta  mère  qui  t'en  sup- 
plie. » 

>»  Et  ma  mère  pleurait  en  m'attirant 
doucement  à  elle,  connue  pour  atténuer 
ramertume  de  ses  reproches. 

»  Enuie  de  sa  tristesse,  je  lui  proniet- 


l.iis  (.lu  ['owd  du  cd'ur  de  suivre  ses  con- 
seils, lorsque  nous  fûmes  interrompues 
par  l'arrivée  d'un  ami.  Son  air  sondjre 
m'inspira  ime  crainte  vague  cpii  redou- 
bla (juaiul  il  m'eut  priée  de  le  laisser 
seul  iwcc  ma  mère. 

»  Quelque  temps  après,  ma  pauvre 
mère  vint  me  retrouver;  elle  m'em- 
brassa en  fondant  en  larmes;  je  trem- 
blais, mais  je  n'osais  point  faire  de  (pies- 
tions.  ]Ma  mère  ujc  dit  enfin  :  »  Nons 
sonnnes  ruinées,  ma  fille  !  c'est  pour  toi 
que  je  souffre;  connuent  pourras-tu  te 
résigner  à  l'obscurité  et  à  la  misère  .'  « 

»  Je  me  jetai  dans  ses  bras,  en  la  sup- 
pliant de  se  calmer,  en  l'assurant  que 
j'aurais  du  courage,  et  nous  pleurâmes 
cnsendjle. 

»  Lorsque  nous  eûmes  repris  un  peu 
de  calme,  ma  mère  m'apprit  que  le  no- 
taire, mon  tuteur,  auquel  elle  avait 
confié  la  gestion  de  ses  biens ,  avait  lui 
à  l  étranger.  A  sa  demande  il  venait  de 
réaliser  toute  sa  fortune  poiu*  la  placer 
sur  l'Etat  et  il  avait  profité  de  cette  cir- 
constance pour  nous  dépouiller  eutièie- 
ment;  il  avait  emporté  jusqu'au  produit 
de  la  vente  de  notre  vieil  li(jtel ,  nous 
laissant  pour  toute  ressource  les  bijoux 
de  ma  mère.  » 

—  Comment  se  fait-il  alors  qu'au- 
jourd'hui nous  soyons  riches  ?  demanda 
Elisa. 

—  Lu  peu  de  patience  ,  tu  le  saïuas 
bient(jt.  Et  Marie  contiiuia. 

«<  3Ia  mère  se  résigna  ,  sa  piété  lui  of- 
frait de  puissantes  consolations  ;  elle 
voulut  ce  que  Dieu  voulait  et  sa  soiunis- 
sion  fut  récompensée  par  la  réalisation 
de  son  vœu  le  plus  cher,  le  changcjuent 
de  mon  caractère.  Souvent  elle  avait  dit 
qu'elle  donnt^rait  avec  joie  sa  fortune 
pour  me  voir  douce  et  modeste  ;  ce  dé- 
sir d'un  cœHU'  de  mère  fut  exaucé.  Le 
malheur  m'ouvrit  les  yeux  et  je  rougis 
de  mes  défauts.  Naturellement  indolente, 


16o 


j'avais  appris  peu  de  cliose  ;  en  iralilt-,  je 
ne  savais  rien.  Ma  tendresse  pour  ma 
mère  me  fit  peu  à  peu  acquérir  de  Té- 
i»<i};i('  ;  (omme  elle,  je  mis  ma  confianee 
en  iJieu  en  me  défiant  sincèrement  de 
moi-même.  Otte  tendre  mère  m'aidait 
si  bien  !  illc  encourageait  mes  moindres 
eflorts  avec  tant  de  honte  I  La  voir  lieu- 
reuse  par  moi,  cjuand  toute  joie  Immaine 
lui  manquait,  obtenir  un  sourire  de  sa- 
tisfaction, dérider  un  peu  son  front  si 
grave,  si  sérieux,  en  emlx'llissant  par 
ma  résignation,  par  ma  gaité  même,  sa 
vie  si  triste  et  si  pénible,  c'était  là  du 
bonlienr  I  bonbeiu'  bien  ])réf('ral)Ie  à 
celui  cpie  me  faisaient  goûter  autrefois  !(  s 
misérables  satisfactions  de  l'amour-pro- 
j)ir.  .1  Oubliais  tout  alors,  et  li  nii-èrc 
qui  nous  menaçait,  et  la  faim  cl  le  froid, 
et  les  douleurs  de  toute  sorte  (jui  assail- 
lent le  |)auvre,  surtout  le  pauvre  <|ni  a 
vécu  dans  Taisanee ,  cpii  a  connu  l.i  ri- 
cliesse  et  ses  mille  jouissances  I 

»  Le  travail  i\t'  ma  mère  suflisali  à 
peine  à  nos  besoins  ;  quant  au  mien,  il 
ne  pouvait  eonq)tcr.  INLiis  je  trouvai 
bientôt  Toecasion  d'apprt  ndre  un  (  tal 
lucratif;  une  personne  tle  notre  mai- 
son, touchée  (le  ma  tristesse,  m  en 
avait  d<*mandé  la  cause  (  t  je  lui  avais 
avoué"  notre  |u)silion.  Klle  uéolIVit  aus- 
sitôt de  m  enseigner  à  raeeonnnnder  la 
(lentelK-;  j'acceptai  aveejnie  et,  (juel(|Ues 
mois  après,  j'étais  assez,  babile  cl  j'av.ns 
suirisauujunl  de  travail  ponr  satisfaire 
nos  moth'stes  désirs. 

»  J«'  n'avais  j>lus  d«*  ujotils  d  nupiic- 
tude  ;  le  bonheur  habitait  noire  petite  re- 
traite; <'l  ma  mère,  heureuse  de  me  voir 
plus  dij;ne  tle  son  alfectiou,  répétait  sans 
cesse  (ju'elle  ne  v»)udrait  point  recouvrer 
sa  fortune,  s'il  f  diail  à  ce  prix  que  je 
n'4P^'»'»t'  <«'  (|n«*  j'aNaiA  été  «lans  la  pii)- 
spérité-, 

»  l'ar  une  b«  Ih*  soirée  «l'été,  j'ein- 
plt)yais  les  derniers   instants   du  jour  ^ 


faire  lir«'  iino  petite  voisine  que  j'avais 
|»iise  euafî'ectiou,  lorsqu'une  dame,  siui- 
plt ment  vêtue,  mais  remarquable  par 
ses  manières  distinguées  et  son  air  alfi- 
ble,  se  présenta  avec  son  fils  pour  récla- 
mer une  dentelle  qu'elle  m'avait  envoyée 
(jn«>hpie  temps  auparavant.  L'eufaut  qui 
me  l'avait  vue  serrer  dans  une  armoire 
s'empressa  d'aller  la  chercher  ;  mais  elle 
l'apporta  si  étourdiment  (ju'tllc  raccro- 
cha en  courant  et  v  fit  un»*  énorme  dé- 
(  liirnre. 

»»  Je  perdais  quin/.e  jours  de  travail  et 
pi  iit-ètre  une  bonne  cliente  I  •» 

—  Connue  j'aurais  grondé  cette  ctoiu- 
die  !  .s'écria  IClis:i. 

ALarie  reprit  :  «  l'u  vif  mouvement  de 
colère  me  fit  monter  le  rouge  à  la  figure, 
mais  j(*  parvins  à  me  dominer  en  priant 
iiilé-rieurement  (cette  pieuse  habitude 
(]ne  m'avait  donnée  ma  mère,  m'aidait  à 
lue  sounu  ttre  à  la  volonté  de  Dieu,  dans 
les  contrariétés  connue  dans  les  mal- 
heius  les  plus  {jraves'  ;  je  puisai  dans 
ma  prière  assez  décourage  pour  ne  faire 
aucun  reproche  à  l'enfant  (]»n  pleurait 
amèrement  son  étourderie.  Je  cherchai 
même  à  la  consoler;  puis  je  mV*xcusai 
près  de  la  dame  qui,  ainsi  que  son  fils. 
avait  observé  cette  |H*tite  scène  avee  une 
gramle  attention.  Elle  me  téiuoigui  un 
tonehnit  intérêt  et  m'engagea  av^  ï-.  ■ 
t»'  à  prendre  tout  le  tiunps  i^ 
ptMU    ré'parer  le  ilouuuagr. 

•  Pt  n  «le  teuqis  aprts,  le  fils  \int  me 
consulter  pour  une  blonde  dont  s«i  mèii* 
de'sirait  ci>nnailre  la  valeur;  il  revint  u\\ 
.nuire  jour  me  montrir,  dans  la  crainte 
d'être  tronqié,  disait-il,  une  dentelle  dont 
il  voulait  faire  pn'srut  à  celte  bonne  inèrr; 
une  autre  fois,  c'était  luw  Xtcvlhc  appar- 
tenant à  sa  sn-ur  «pi'il  fallait  blai.chir 
au  plus  vite,  ou  un  autieuuc  den'- ^l- 
que  sa  tante  votdait  fain»  nnnonter. 

•  Si*  cliar^^cai.t  ainsi  de  toutes  lesrom- 
niisâious  de  aa  famille,  il  nou<  fil  en    i\ 


1()G 


mois  de  frc'iiuontrs  visites  ,  le  ]>lns  sou- 
viMit  seul,  ([uolquelois  accoin]Kij;iic  de 
sa  mère  (jui  me  t«'moi(;nait  l>eane(nip 
(l'aneetion.  » 

—  Om  1  était  clone  ee  nionsieiir  ?  (1(^- 
manda  Klisa. 

jMaiie  sourit  et  eoutlnua  sa   lecture  : 
«  IM'"'"  de  lMt>ntvilliers 

—  De  31outYilliers!  répéta  Elisa. 
IMario  sourit  encore  et  reprit  :  «  IM""  de 

IMontvilliers  vint  liienté)t  seideà  son  tour; 
i\\\v\  ne  fut  pas  notre  élonneuîent  et  notre 
joie,  je  Tavoue,  iorscprelh^  nous  dit  que 
son  fils,  touché  de  ma  patience  et  de  ma 
doucciu-,  avait  pensé  cpi'une  femme,  maî- 
tresse d'elle-nuMne  et  de  ses  impressions, 
devait  assurément  faire  le  bonheur  de 
son  époux.  Elle  était  du  même  avis; 
elle  savait  d'ailleurs  avec  quel  soin  j'a- 
vais été  élevée  ;  on  lui  avait  parlé  des  mal- 
heurs qui  étaient  venus  nous  frapper,  de 
la  résignation  de  ma  mère,  de  sa  dignité 
dans  la  pauvreté  et  de  la  charité  que  nous 
trouvions  encore  moyen  d'exercer. 

»  Le  désir  de  son  fds  avait  donc  ob- 
tenu l'approbation  de  IM'"*^  de  Montvil- 
liers ,  mais  elle  Tavait  engagé  à  étu- 
dier sérieusement  mon  caractère  avant 
de  prendre  une  détermination  ;  cette 
étude  ayant  été  tout  à  mon  avantage, 
c'était  avec  une  véritable  satisfaction 
qu'elle  venait  me  demander  à  ma  mère. 

«  De  ^lon  coté  j'avais  été  frappée  de 
la  modestie  que  M.  de  Montvilliers  unis- 
sait à  un  savoir  qui  en  faisait  un  profes- 
seur très-distingué;  je  lui  étais  surtout 
bien  reconnaissante  des  égards  qu'il  té- 
moignait à  ma  mère  ,  de  ses  touchantes 
attentions  pour  elle.  Ce  fut  donc  avec 
joie  que  j'accueillis  sa  demande  ,  et  je 
remerciai  Dieu  tle  m'avoir  inspiré  la  pa- 
tience ,  première  cause  de  mon  bonheur. 
Plus  que  jamais  je  reconnaissais  que  le 
vrai  moyen  d'être  heureux  était  de  vou- 
loir tout  ce  que  Dieu  veut.   > 

—  Ainsi ,  c'étaient  notre  grand'mèrcct 


notre  pèrel  dit  Eîisa!  je  l'avais  deviné 
presque  tout  de  suite  !  IMarie  continua  de 
lire  :  «  Les  trois  premières  années  de 
mon  niariaj;e  furent  marquées  par  un 
bonheur  aussi  grand  qu'il  est  donné  à 
l'humanité  de  le  goûter  iei-has.  Tendre- 
nuMit  aini('e  de  mon  mari  avec  l(Tjuel  je 
navals  (juiuie  volonté  ;  trouvant  une 
seconde  mère  dans  l'c  xcc^llente  ]M""^  de 
IVhintviUiers  (pii  répondait  si  bien  à  mon 
allr(iion  vrainuMit  (ili.de;  goûtant  toutes 
l(^s  douceurs  de  l'amitié  dans  uwc  étroite 
liaison  avec  la  sœur  de  mon  mari,  que 
j'aimais  connue  j'aurais  pu  aimer  ma  pro- 
pre sœur  ;  estin)ée,  conddc'e  d'<'gards  par 
ma  nouvelle  famille,  j'étais  vraiment  trop 
heureuse!  Ma  mère  partageait  mon  bon- 
heur: quelque  vives  (pie  fussent  mes  au- 
tres joies,  c'était  celle  qui  me  touchait  le 
plus  vivement.  Pauvre  mère  I  elle  nVn 
jouit  pas  longtemps  ;  je  la  perdis!.... 

«  Je  nVssaierai  pas  de  peindre  ma 
douleur  ;  ton  cœur,  ma  bonne  fdle,  te 
la  fera  aisément  comprendre.  La  religion 
vint  encore  à  mon  secours  ;  ses  divines 
espérances  adoucissaient  l'amertume  de 
mes  regrets  ;  la  foi  me  montrait  le  bon- 
heur de  ma  mère  ;  je  la  voyais  trouvant 
la  récompense  de  sa  soumission  et  de 
ses  douces  vertus  dans  la  possession  du 
Dieu  qu'elle  avait  aimé  et  béni  pendant 
ses  épreuves.  11  me  seniblait  l'entendre 
me  dire  avec  l'apôtre  saint  Paul  :  Lrs 
soiiffrdnres  de  cette  vie  n'ont  aucune  pro- 
portion avec  la  gloire  qui  éclatera  un  jour 
en  nou^  (  l).  Ces  pensées  avaient  une  dou- 
ceur ineffable  qui  venait  tentpérer  la- 
mertume  de  ma  douleur. 

»  Un  joiu",  ton  père  rentra  à\\\\  air 
sond)re  :  effrayée  de  son  trouble, je  lui  c\\ 
demandai  le  sujet  avec  anxiété;  il  m'ap- 
])i  it  que  l'un  de  nos  parents,  banquier  à 
Paris,  désespérant  de  remplir  ses  eng^(>- 
ments,  venait  de  se  brûler  la  cervelle  et 
(ju'il  laissait  trois  enfants  dans  un  entier 

(I)  Rom.  VI il,  18. 


1137 


déiiùinont.  ^NIoii  premier  iiiouveuient  fut 
de  lu^'crii  r  :  Sous  nous  cliarceroiis  de 
ces  iiiallirun  ux  orphelins. 

»»  —  J  V  ai  pensé,  me  répondil-i!,  mais 
la  modieilé  de  nos  revenus  nous  défend 
de  nous  imposer  une  si  lourde  charge. 

>•  Alors  je  lui  rappelai  les  ressoiuces 
que  y  m'étais  cn'ées  avant  mon  ma- 
riaj^e  en  n'-parant  des  dentelles,  je  le 
suppliai  de  me  permettre  de  reprendre 
ce  genre  de  travail;  il  y  consentit  quoique 
avec  peine,  et  hienlùt  je  me  vis  mère  de 
cinq  enfants.  Aons  plaçâmes  tlans  une 
pension  du  quartier  les  deux  aînés  qui 
étaient  des  garçons,  et  je  résolus  d'élever 
Anais  avec  mes  filles  chéries. 

»  [Malgré  uuc  stricte  économie  et  le 
};ain  que  je  retirais  démon  travail,  j'avais 
hirn  de  la  peine  à  suhvenir  à  t(»ul<\s  les 
d<'-penses  que  nécessitait  cette  augmenta- 
tion de  famille.  Pourtant  nous  nous  trou- 
vions heureux  ;  nos  enfants  u'étaient-ils 
pas  notre  joie  et  noire  distraction  la  plus 
douce?  • 

—  Qu'elle  était  bonne,  noire  mère  I 
connue  elle  nous  aimait!  s'écria  Elisa. 

—  «<  D'ailleurs,  reprit  Marie,  la  re- 
connaissance de  tes  cousins ,  déjà  en 
âge  de  senlir  ce  que  nous  faisions  ]K)nr 
eux,  et]surlout  la  conscience  de  remj)lir 
notre  devoir  nous  dé-ilounnageaient  des 
sacrifices  (pic  nous  nous  (lions  im- 
posés. Cependant  en  vous  voyant  tous 
grandir,  nous  ne  ]wnvions  nous  em- 
pc(  lier  de  penser  avec  (picUpie  inquié- 
tude au  temps  on  il  faudrait  vous  éta- 
blir. Ija  I^rovidence  y  pourvoira,  nous 
disions-nous  alors,  et  le  calme  renaiss;ut 
dans  notre  âme  un  inslant  lioublée  par 
noire  sollieitudc. 

»  La  Proviilence  y  pourvut  en  i  (léi 
aprc;j  nous  avoir  lait  passer  par  une  rude 
('•preuve  !  m 

—  Quand  donc  saurai -je  a^minent 
nous  sommes  devenues  riches^dit  encore 
Klisa. 


Marie  ne  répondit  pas  et  reprit  :  «  La 
travail  fatijjaiit  auquel  je  me  livrais  alt«'ra 
ma  vue;  je  voulus  braver  le  mal,  mais  il 
s'aggrava  tellement  que  je  dus  appeler 
un  médecin.  L  n  repos  coyiplrt  me  fut 
prescrit  comme  indispensable  pour  ma 
guérison.  Je  me  soumis!  mais  e(3mbieu 
inétait  p«'nible  la  penst'e  délie  iinilile  à 
tous  I  Oui^lles  anxiéu's  n*éprouvais-je  |>as 
en  calculant  les  d('i>*^nses  m'cessitées  par 
mon  traitement  et  la  perle  n'sultant  de 
la  cessation  de  mon  travail  I  Je  trouvai 
en(\)re  dans  la  piété  un  refuge  contre  le 
d(-couragement  qui  parfois  venait  m'as- 
saillir.  Je  priais  alors  avix  ferveur,  je  de- 
mandais à  Dieu  la  patience ,  la  rési- 
gnation; ma  prière  était  toujoui*s  exau- 
ct'e. 

>»  Mon  médecin  entra  un  jour  au 
moment  où  je  me  disais  avec  ellroi,  que 
nos  économies  étant  bientôt  épuist^:^, 
il  nous  faudrait  nous  restreindre  encore  ; 
je  lui  demandai  avec  an\i('"té  s'il  jwuvail 
lixer  le  terme  de  mon  traitement  ;  il  n'-- 
pondit  d'une  manière  vajjue  (pid  (espé- 
rait une  guérison   prochaine. 

»  A  oulant  éviter  de  nouvelles  qiu^- 
tions  ,  le  docteur  me  racxDuta  aussitétt 
(pie,  se  troiiTant  (pielqu(*s  mois  au|vi- 
ravant  en  nelgi(pie,  il  avait  etc  appelé 
dans  une  maison  opulente  où  se  mou- 
rait un  homme  atteint  d'une  cunsc^mp- 
tion  (pii  avait  ivsisté  ju-s<pie  là  à  lotis 
les  eflorts  de  la  nu'tlecine.  Pensant  que 
la  mclan(x>lie  de  son  eliiiit  )K>uvait 
avoir  une  cause  morale,  le  dinMeiir  s'é- 
l  «il  jHrmis  de  rintern>ger  à  ce  sujet; 
mais  1(^  ir|K>nses  brèv(*s  du  malade  el 
sou  air  inquiet  lui  avaient  montré  «pt'il 
devait  éviter  de  renouveliT  de  sembla- 
blcs  (pieslions.  ('^*|x*ndaut  le  mal  <^u- 
pirail,  et  le  malade  était  souvent  eu  proie 
à  une  agitation  si  violente  (jue  I«*fliH  !•  nr 
ciaij;nait  quel(]uef()is  |H)ur  sa  liiisoti. 

••  KuTin.  pn^ssé-  plus  viveuirnt  (pie  ja- 

nvils  n.ii  l(-s   1 1  ini>i  i!^  iiiis  Mit  »  ■<  ni   î<-   in  i  - 


08 


naieiit,  \c  malheureux  avoua  un  jour  au 
dicteur  qu'il  avait  ruiné  la  veuve  de  son 
ami  irenfance  ;  il  ajouta  qu'il  donnerait 
tout  au  monde  pour  pouvoir  faire  une 
restitution,  mais  qu'il  craignait,  s'il  ren- 
trait en  France,  d'être  poursuivi.  Le  doc- 
teur s'était  efforcé  de  lui  persuad»  r  qu'il 
fallait  à  tout  prix  reujplir  son  devoir  et 
il  y  avait  réussi.  Dej>uis  huit  mois,  tous 
deux  faisaient  les  démarches  les  plus  ac- 
tives pour  trouver  la  personne  qu'il  avait 
dépouillée,  sans  avoir  pu  arriver  encore 
au  moindre   résultit.  » 

—  Celle  personne,  s'écria  Elisa,  qui 
était-ce  donc,  3Iarie  ? 

—  Comment,  tu  ne  devines  pas?....  En 
ce  cas,  écoute  ;  et  elle  reprit  sa  lecture. 
«  Ce  récit  m'avait  d'autant  plus  fra]>pée' 
que  j'y  trouvais  beaucoup  de  rapj  oit 
avec  l'histoire  de  ma  mère  ;  je  deman- 
dai au  docteur  avec  émotion  le  nom  de 
la  personne  qu'on  recherchait.  Enentcii- 
dant  nonmier  ma  mère,  je  ne  pus  rete- 
nir un  cri  de  joie  cl  je  tombai  à  genoux 
pour  rendre  grâces  à  Dieu.  La  mort  de 
jua  mère  et  mon  mariage,  en  effaçant 
nos  traces,  avaient  rendu  les  recheichcs 
inutiles.  » 

—  Ainsi  c'était  le  tuteur  de  notre 
mère...  le  notaire  qui  nous  avait...  volés! 

—  Justement,  et  Marie  se  remit  à 
lire  :  «<  J'expliquai  tout  au  docteur  qui 
me  quitta  aussitôt ,  me  laissant  bien 
jovf  use:  j'allais  cire  ridie  ;  si  je  devenais 
aveugle,  je  ne  serais  pas  du  moins  une 
charge  pour  ma  famille  î 

»  La  restitution  eut  lieu,  et  l'auteur 
de  notre  ruine  passée  témoigna  l'énîo- 
tion  la  plus  vive,  lorsqu'il  apprit  que  ma 
mère  lui  avait  pardonné  en  mourant. 
La  joie  que  j'éprouvai  d'avoir  recouvré 
une  fortune  si  nécessaire  à  mes  enfants 
contribua  beaucoup  à  mon  rétablisse- 
ment. 

»  Depuis  cette  époque  jn^qii  au  nio- 
meut  on  je  perdis  ton  père,  ma  lillc  ché- 


rie, nous  vécûmes  heureux.  Sa  mort  re- 
nouvela la  douleur  que  j'avais  ressentie 
di-  la  ]>erle  de  ma  mère  ;  je  demeurai 
longtemps  conuiie  aff  lissée  sous  le  poids 
de  mon  malheur;  je  restais  seule,  char- 
gée du  soin  de  votre  éducation,  si  bien 
connnencée  par  mon  mari.... 

»  !^Lais  bientôt  ie  rou  -.is  des  nuu'mu- 
res  qui  m'étaient  échappés;  je  m'humi- 
liai devant  Dieu,  je  m'adonnai  avec  cou- 
rage à  l'accomplissement  de  uîcs  devoirs 
et,  faible  par  moi-même,  je  puisai  en 
Dieu  la  force  qui  me  manquait.  >» 

3Iarie  s'arrêta  profondément  émue, 
puis  elle  dit  : 

—  Ici,  se  termine  le  récit  de  notre 
mère  ;  sa  faiblesse  l'avait  souvent  obli- 
gée de  s'interrompre  et  j'écrivais  de  mé- 
moire pendant  quelle  reposait;  j'ai  con- 
servé ainsi  la  plupart  de  nos  entretiens: 
j'ai  recueilli  ainsi  ses  conseils;  nous  les 
relirons  souvent  ensemble  d  tu  y  puise- 
ras comme  moi  des  forces  et  des  conso- 
lations. 

Malgré  les  illusions  auxquelles  on  s  a- 
bandonne  dans  la  jeunesse,  je  ne  pus 
longtemps  me  dissimuler  que  ma  nure 
chérie  approchait  de  sa  fin.  Sa  soumis- 
sion et  sa  résignation  la  soutenaient  ; 
elle  demanda  d'elle-même  le  digne  ec- 
clésiastique qui  possédait  sa  confiance 
depuis  de  longues  années,  et  qui  l'avait 
souvent  visitée  et  consolée  pendant  sa  ma- 
ladie. Elle  reçut  avec  une  douce  joie  1rs 
derniers  sacrements;  puis  elle  nous  fit 
appeler  près  do  son  lit,  nous  bénit,  et 
adressa  pour  nous  une  fervente  prière  à 
]Marie,  la  mère  des  orphelins,  la  consola- 
trice des  afiligés. 

—  Je  m'en  souviens,  dit  Elisa  ,  les 
yeux  humides  de  larmes.  Elle  te  parla 
ensuite  à  toi,  ma  sœur  ;  que  le  dit-elle? 

—  Ma  mère,  reprit  ^Marie  d'une  voix 
altérée,  me  dit  :  «  3Ia  fille  bien-aimée,  je 
te  laisse  une  grande  tâche  à  remplir!  Sou- 
viens-toi que  tu  dois  être  la  mère  de   ta 


IfiO 


sœur  cl  <lr  trs  roiisiiis.  !M'"*'  de  ^loiitvil- 
liors,  toujours  dc'voiu't'  malj^iv  son  jjiainl 
il{;o  rtses  infiriniu's,  m'a  [iromis  de  nio 
rcinpl.irci  près  <le  vous,  dr  {juidrrtoii  in- 
expérifiicc;  rrnds-lui  crttr  mission  douce 
et  facile;  imite  ses  rares  vertus,  puisses- 
tu  lui  r<'Ss<MnIil' r  iiM  joiu' !  Reporte  sur 
elle  tonte  ton  alïeetion  filiale,  connue  je 
1  ai  fait  moi-même,  lorsipie  j'ai  perdu 
ma  mère.  One  le  sentiment  de  tes  de- 
voirs mûrisse  ta  raison  e(  la  m(  lie  an 
niveau  de  ton  ecrur.  J'aurais  voulu  pou- 
voir vous  élever  tous!  Dieu  en  a  dispos*': 
autrement  dans  sa  sajjesse,  que  son  saint 
nom  soitla'ni  !  jailore  les  desseins  impt'- 
nélraMes  de  sa  Providence.  Ma  fille,  je  te 
demande  de  supporter  avec  eoiuaj^e  notre 
séparation.  Piélé*  et  résignation,  cliaritéct 
dt'vouemenl,  lelledoit  être  ta  vie  ici-l»as, 
juxpi'au  jour  d'une  réunion  éternelle. 
Aiiieu,  encore  adieu  I  nous  nous  rever- 
rons... »  iMa  mère  cessa  alors  île  j)arlcr, 
ajouta  iNIarie,  ([ni  contenait  avec  peine 
ses  sauj^lots.  Klle  continua  de  nous  rc- 
{jarder  avec  tendresse,...  encore  une  fois 
elle  murmura  adit  u,  et  pnssa  siu"  ses  le 
vres  le  petit  crucifix  cpii  ne  la  quittait  ja- 
mais... Klle  était  dans  le  sein  de  Dieu! 

Le  soir  de  ce  jour,  pendant  lequel 
Klisa  s'était  montrée  moins  étourdie  ipie 
de  coutume,  elle  endirassa  sa  s<eur  avec 
ime  tcndr«sse  plus  vive,  et  resta  lon;;- 
trmps  en  prièn  s. 

Fiien  dis  lii'ures  s'écoulèrent  sans 
(pi'elle  ]>nt  trouver  le  souuneil.  C'est 
<[ue,  pour  la  première  fois,  <  lli-  compre- 
nait ce  (|ue  iM.nje  avait  été  pour  l'ile, 
pour  leur  vieille  j;r;in«rmère,  pour  eux 
tous;  c'est  que  la  réflexion  lui  faisait 
apprécier  le  dévoucnieul  de  crtt<*  so'ur 
chérie  I  Plu^ii  urs  partis  s'étaient  pn'*sou- 
tés  pour  iManc,  mais  iMaii»'  avait  dé- 
ilaré  <pi*«  lie  ne  quitterait  pas  s;i  lannlle 
aussi  lon|;lemps  (pie   la  mission  (|u'elle 


I  avait  reeuc  de  sa  mère  ne  serait  point 
accomplie.  Marie  tiendrait  parole.  Elisa 
le  savait. 

Le  lendemain,  Klisa  demanda  à  lire 
les  conseils  de  sa  mère;  elle  se  jeta  en- 
suite dans  leshrasde  ^Liriecn  luidisaut: 
—  Apprends -moi  à  vouloir,  coiuine  ma- 
man et  loi,  ce  que  Dieu  veut  ' 

A  dater  de  ce  j(3ur,  runi(»u  .i*  -s  i  «nx 
sœurs  devint  plus  iniiine,  plus  douce. 
Marie  aidait  Elisa  à  vaincre  %(h\  carao' 
tère  ,  et  la  tendresse  d'Elisa  donnait  û 
!^L^rie  le  honlteur  le  plus  pur. 

J)ieu  bénit  cette  famille.  M'^*  de  Monl- 
villiirs  eut,  avant  de  moiuir,  la  joie  de 
voir  ses  p(  titcs-filles  et  ses  anièn-ne- 
veux  l)icu  établis,  tenant  à  Marie,  elle 
refusa  de  laisser  seule  sa  vieille  j;rand'- 
mère  et  continua  à  faire  la  consolation 
et  le  })onli(  ur  de  .sa  vieillesse.  O*  ne  fut 
qu'après  avoir  nvii  sa  dernière  Wnédic- 
tion  «pie  la  dc'vou('e  jeune  fille  crut  en- 
fin sii  mission  terminée.  Elle  consentit 
alors  à  s'unir  à  im  lionnne  aimable  et 
instruit  qui  la  recliereliait  depuis  lonj;- 
temps,  et  dont  elle  avait  a&s« /.  «tiidie 
le  caractère  pour  reconnaitn^  qu'il  |>os- 
s«'dait  les  qualité-s  les  plus  préeieufus  de 
l'esprit  et  du  co*ur. 

LorsipiElisa  se  sintait  fnlim  -^ous  le 
poids  des  contrariétés,  des  |Knils  mal- 
heurs (pii  accom|ui};ncnt  la  vie  la  plus 
heureuse,  c'était  auprès  de  Marie  qu'elle 
venait,  suivant  son  expiTSsiou,  ntrrtn^ 
/jrr  son  dmc, 

«  Relisons  1  Insione  d»*  noue  mcie  .  - 
dis:iit-elle  à  .M.uii*.  Elle  lYtournait  en- 
suite chez  elle,  ealme,  cons*)!!-»»,  et  elle 
répétait  :•  Oui,  uia  mère  et  ma  Mrur  ont 
raison  !  Nous  di^vous  couronner  notre 
volonté  à  la  volonté  de  Dieu  et  prrndn* 
p<iur  ncitre  dcvi-^e  iei-b.is  : 

/'.  <     trinrnt  r(  /ir*tgitfitton  !  ■ 

E.  V.  nB  PLoroàsTKi.. 


170 


UN  INTÉRIEUR  CHARMANT. 


ESQUISSE. 


fSuifc  et  fhi.J 


A  Liboinnc  doincurait  une  antre  amie 
(le  Léonie,  INI""'  Diipunt,  qu  elle  iravait 
pas  vue  depuis  einq  ans.  A  la  pension, 
rien  crainiai)le  et  d'enjoué  connue  Lina, 
<;entiUe  espiè[;le  aux  yeux  noirs.  ^Monter 
sur  les  tables,  courir  sur  les  bancs,  jouer, 
folâtrer,  c'étaient  là  ses  passe- temps  : 
heureux  quand,  entre  deux  fou-rires,  on 
trouvait  moven  de  lui  parler  des  Mèdcs 
et  des  Parthes,  dont  elle  se  souciait  moins 
encore  que  des  Francs  nos  illustres  aïeux. 
Cependant  elle  était  si  jolie,  si  gaie,  si 
franche,  que  tout  le  monde  l'aimait,  et 
que  M.  Dupont  l'avait  désirée  pour  com- 
pagne ;  mais  le  temps  avait  opéré  de 
grands  changements  chez  Lina. 

Léonie  savait  bien  que  depuis  son  ma- 
riage, M'"^  Dupont  avait  eu  la  petite-vé- 
role, et  que  sa  fortune  assez  médiocre, 
était  réduite  encore  par  une  perte  consi- 
dérable; mais  de  loin,  les  vicissitudes  de 
ce  monde  apparaissaient  à  Léonie  comme 
un  brouillard  ;  elle  disait  à  son  mari  : 
Bah  !  cette  aimable  Lina  aura  bien  su 
s'arranger  I  Et  puis  elle  a  trois  enfants, 
c'est  gentil,  cela  amuse  ! 

M.  d'Esessars  était  d'avis  de  ne  faire 
qu'une  simple  visite  à  ÎM^^  Dupont  : 
—  Non,  non,  dit  Léonie,  je  ne  veux  point 
aller  à  Ihotel,  je  descendrai  chez  Lina 
qui  me  répétait  souvent  à  la  pension  : 
Quel  bonheur  quand  nous  serons  ma- 
riées, et  que  nous  pourrons  faire  tout  ce 
que  nous  voudrons  I  Cliaque  année  tu 
viendras  passer  quelque  temps  chez  moi  ; 
on  s'amusera,  on  danserai 

—  Bon,  se  dit  le  colonel,  la  voilà  en- 
core dans  le  merveilleux  I  A  oyons  ce  que 
lui  présentera  la  réalitt*. 


En  arrivant  chez  Lina,  Léonie  sautait 
de  plaisir.  Une  femme  pâle  et  maigre 
parut. 

—  Madame  Dupont? 

—  C'est  moi,  Léonie!....  tu  ne  me 
reconnais  pas? 

Léonie  s'élança  au  cou  de  son  amie, 
et  Lina  baissa  les  yeux  pour  cacher  une 
larme  donnée  au  souvenir  tle  sa  beauté 
perdue. 

—  Tu  parais  souffrante,  dit  M'"*^  d'E- 
sessars ! 

—  Oui,  je  le  suis  beaucoup.  Tant  d'é- 
vénements se  sont  succédé  depuis  nos 
folies  de  jeunes  filles  ! 

Tous  les  trois  entrèrent  dans  un  petit 
salon .  Léonie  en  cherchant  vainement  des 
yeux  les  élégantes  bagatelles  et  les  futiles 
ornements  qu'elle  croyait  nécessaires  au 
bien-être,  se  souvint  que  son  amie  était 
devenue  pauvre. 

—  Ton  mari,  où  est-il? 

—  Il  est  à  son  bureau,  je  ne  le  vois 
que  le  soir. 

—  Et  tu  passes  ta  vie  toute  seule  ? 

—  Avec  mes  enfants,  dit  Lina  sou- 
riante. 

En  ce  moment  deux  petites  fdles  en- 
trèrent en  se  donnant  la  main. 

—  Oh  1  les  jolies  enfants  !  s'écria  le 
colonel. 

—  Elles  sont  jumelles,  dit  la  mère, 
voilà,  Monsieur,  toutes  mes  richesses  I 
Avec  Cécile  et  Antonie  j'oublie  mes 
malheurs,  ceux  du  moins  qui  peuvent 
s'oublier  ! 

Le  militaire  soupira,  mais  Léonie  tou- 
jours joyeuse  et  folle  dit  étourdiment   : 
—  Elles  ont  un  petit  frère,  n'est-ce  pas  ? 


171 


Liria  baissn  la  irtc,  et  ses  larmes 
(^onlèrent  sans  ([u'tllc  sonjjeat  inèin»'  à 
les  rctruir.  Moaiitr,  joie,  fortuno,  elle 
avait  tout  jK-nlii,  ri  Tavouait  sans  fai- 
l)l(\ssr,  mais  son  petit  Fiant/  (|iii  l'ai- 
mait tant  !... 

Lina  sanjjlotait.  Cécile  et  Antonie  la 
rr{;artlaient  pleurer,  et  montraient  du 
«loi.';f,  ronnne  pour  excuser  leur  mèic,  un 
petit  berceau  vide. 

Léoriie  embrassa  son  amie,  le  colonel 
lui  serra  la  main  :  peisonne  irosait  rom- 
pr«*  le  silence;  enfin  M.  d'Esessars  tlit 
avec  émotion  : 

—  Vous  aviez  un  (ils,  .M<Klanie.'  A  ous 
l'ave/  perdu  l)ien  j(Mme? 

—  lïélas!  iMonsieur,  il  disait  papa; 
«lans  (piehpies  jours  peut-être  il  aurait  dit 
maman  ! 

Kn  ces  mois  se  résumait  toute  la  vie 
de  Frant/.,  et  la  mère  v  voyait  un  abime 
de  douh'urs  que  la  reli^^ion  seule  pouvait 
coudjler ,  «n  lui  montrant,  sous  les 
ailes  d  im  anjje,  l.hne  de  son  ])elit  en- 
fant. 

li'lieure  du  dîner  allait  sonner,  M.  l)u- 
|K>nt  i-entra.  Il  salua  cordialement  les 
étranjjers,  et,  d  un  icj; ard,  r«'leva  le  cou- 
raj'e  de  sa  clière  I.ina  <pii  sortit  du  salon 
pour  surv«'ilN'r  les  apprêts  du  mo<leste 
repas  (pj'elle  voulait  oflrir  à  ses  amis. 

—  Pauvre  I/ma,  dit  L('onie,  (pii  aurait 
pensé  (pie  Dieu  lui  réservait  tant  desonl- 
IVauces? 

—  INIadame,  lé'pondit  .M.  l)upont,  ma 
femm<' »sl  «lu  pj-lit  nomlne  de  celles  (pie 
le  meilleur  j;randit.  Je  ne  l'ai  jamais  en- 
tendue miirmmer.  iille  a  snpporlt-  les 
plus  poij;nanies  douleurs  sans  se  laisser 
ab.itdc  vous  l'ave/,  vue  jeune  fill»', 
vous  ne  la  (onnaiss»/.  pas.  Klle  était 
l«'j;ère  ,  étourdie;  le  eliaj;rin  Ta  ren- 
due pieuse  et  redeeliie  ,  je  ne  l'ai  jamais 
vue  se  ré'V(»lttr,  même  après  la  imn  l  de 
son  fils;  mais  ce  dernier  coup  laissera  drs 
traces    inelVacabli'S.    La    pauvre    remme 


ne  parle  jamais  de  Franiz,  mais  comme 
«  lley  pense  toujours,  elle  pleure  souvent. 

Lina  reparut  calme  et  fjraeieuse.  On 
se  mit  à  table.  La  conversation  s'anima; 
on  se  trouvait  à  l'aise  dans  ce  p<'lil  cercle 
intime  d'où  l'étiquette  était  bannip.  Pen- 
dant la  soirée,  M.  Dupont  proposa  une 
|)iomenade.  Les  dames  préférèrent  une 
(  auserie  en  tcte-à-tête,  et  ces  messieurs 
sortirent  seuls. 

Les  jeunes  femmes  parlèrent  avec  bon- 
heur des  souvenirs  de  la  pension,  des 
jdaisirs  du  jeune  â{je. 

—  A  ois-tu,  dit  Lina,  j'étais  folle  à 
(jnin/.e  ans  I  je  crovais  que  ma  vie  serait 
ne'cessairement  douce  et  facile;  je  ne 
faisais  que  la  part  du  bonbeur,  et  me 
voilà  tombée  tout-à-coup  dans  un  cercle 
de  douleurs  qui  nramaient  bristV,  si 
Dieu  ne  m'avait  pas  soutenue  I  Tu  sais 
mon  rêve  de  jeune  fille*  Ktre  aimév  , 
jtlaire  et  briller.  Oli!  «pi'il  était  beau 
mon  rêve,  mais  combien  encore  plus 
vain  et  ])lus  lé(;er  !  L'avenir  est  un  livre 
lermé  dont  on  ne  devine  rien,  sinon  de- 
voir et  souffrance  I 

Léonie  sV'tonnail  du  cban(Tement  de 
sa  compa{jne,et  remerciait  Dieudansson 
cieiir  de  la  profonde  paix  qu'il  lui  avait 
doniH-e  et  qu'elle  n'avait  pas  appnvié-e. 
Fn  lui  ouvrant  «on  âme,  Lina  sans  le 
savoir  instruisait  son  amie,  lui  montrant 
Il  vi«' comme  un  ptM|H'>tuelenehainenient 
d'iiKpiiétudes  et  de  douleius,  entre  K^- 
<pielles  le  plaisir  et  la  joie  ne  sont  que 
lies  accessoires  (pi\in  accepte  avtv  reci>ii- 
naissaiice,  mais  sur  Icsipiels  on  ne  «t>mple 
pas. 

Lt'onie  passa  tleux  jours  seulement  à 
Libonrne  «i  K^prit  avtv  son  mari  la  route 
de  Paris, 

Pétulant  lespremièies  lieun's  du  voya- 
ge, il  ne  lut  (pie.stton  «pie  de>  ni.dlu  iir<i 
lie  !Mme  Dupont. 

—  Je  ne  croyais  pas,  ilit  Mme  d'F- 
»es*iU-5,  qu'on   peu   lutter  aviv  tant  de 


T> 


rouraj;o  ccnitro  ratlviMslti'-I  C'osl  la  ic- 
lijjÎDii  (j\n  souliiMit  I.ina.  l^llt*  ma  illt 
qu'après  avoir  pt  relu  sa  bcaiili'  ,  cWc 
s\\st  iniso  à  {jcnoux  devant  im  criuifix 
et  s'est  éeiiéo  :  <•  A  oiis  Tave/.  voulu, 
mon  Dieul  soyez  béni!»  Elle  a  fait  la  mê- 
me eliose  quand  sa  fortune  a  été  enjjlou- 
lie;  jHiis,  quand  son  petit  Franlz  est  mort 
elle  s'est  encore  aj^enouillée,  et  connue 
elle  disait  :  »  A  ous  l'ave/  voulu...  »  son 
eœur  s'est  déeliiié,  et  n'a  pas  pu  diic  : 
<i  îMon  Dieu,  sovez  bénil  »  Depuis,  elle 
s'est  soumise ,  et  maintenant  tout  en 
pleurs,  elle  répète,  ebaque  fois  qu'elle 
pense  à  son  lils  :  «  Soyez-  béni,  mon 
Dieu,  mais  aidez-moi!  » 

A  vinjjt  lieues  de  Paris,  on  s'arrêta  tle- 
vant  la  grille  d'un  superbe  cbâteau  ;  ici 
Léonic  allait  retrouver  Xoémi ,  riclie 
et  brillante  jeune  femuie,  mariée  depuis 
trois  ou  quatre  ans.  Dans  les  annales  de 
de  la  pension,  il  n'était  bruit  que  du 
bonbeur  de  JNoémi,  du  faste  qui  l'entou- 
rait, même  étant  jeune  fdle,  et  des  grands 
biens  que  M.  des  Tournelles  avait  unis 
aux  siens  en  l'épousant.  On  disait  qu'eu 
ce  cbâteau  la  vie  passait  comme  un 
éclair,  sans  souci,  sans  douleur;  des 
amis  nombreux  se  pressaient  autour  de 
la  jolie  cbàtelaine.  Ce  n'étaient  que  fes- 
tins, danses,  cbasses ,  gais  passe-temps; 
en  un  mot,  IN oémi  était  la  plus  beureusc 
des  femmes  ! 

D'après  la  description  de  Léonie , 
31.  d'Esessars  aurait  vivement  soubaité 
retourner  à  Paris  sans  s'arrêter  au  cbâ- 
teau des  Tournelles;  il  ne  voulait  pas  re- 
nouveler une  liaison  qui,  sous  aucun  rap- 
port, ne  pouvait  convenir  à  sa  femme 
et  moins  encore  à  lui-même. 

Le  colonel  organisa  tout  un  plan  assez 
savamment  combiné.  Une  fois  ses  bat- 
teries dressées,  il  se  crut  fort.  iMaisL('o- 
ni.^  déclara  qu'elle  aimait  Noémi,  que 
ne  pas  la  voir  serait  pour  elle  im  vrai 
«ba.'riii et  tout  aussitôt  il  fallut  se 


soumettre    à    la    petite    encbantoresse. 

En  arrivant  au  cbâteau  on  trouve 
joveuse  compagnie.  M.  des  Tournelles, 
en<;age31.  d'Esse  ssars  à  passer  quelques 
jours  cbez  lui,  et  voilà  Léonie  bien  beu- 
reusc :  sa  vie  est  une  longue  fête.  De 
rlelies  voisins  de  cam]iagne  accourent 
au  gai  rendez-vous:  on  rit,  on  danse, 
on  s'amuse,  et  INoémi,  toujours  parée, 
toujours  souriante  ,  send)le  une  jeune 
reine  entourée  tle  sa  cour. 

—  Ob  I  qu'on  est  bien  ici  I  pensait 
31'"*'  d'Esessars.  Voilà  l'idéal  du  bon- 
beur, la  vie  de  cliàteau  î  un  reflet,  une 
ombre  de  ce  beau  temps  de  la  cbevale- 
rie  oùlesbeures  coulaient  calmes  et  poé- 
tiques comme  un  ruisseau  limpide  entre 
des  rives  encbantées  I  Qu'elle  est  belle 
ma  Noémi,  sous  sa  couronne  de  dia- 
mant, ou  sous  son  diadème  de  roses  ! 
Que   son  mari  doit  raimer! 

Les  repas  et  les  fêtes  se  succédaient. 
I\I'"' des  Tournelles,  toujours  occupée  de 
ses  botes,  n'avait  pas  un  moment  de  loi- 
sir. Les  deux  amies  passèrent  plusieurs 
jours'  ensemble  sans  pouvoir  épancber 
leurs  cœurs.  La  solitude  était  presqu'in- 
connue  dans  ce  brillant  manoir. 

3[me  cVEsessars  enivrée,  étourdie  de 
plaisirs,  vit  arriver  avec  peine  le  jour  fixé 
pour  le  départ.  La  veille  au  soir,  pour 
la  première  fois,  elle  put  causer  longue- 
ment seule  avec  Noémi.  Celle-ci  parlait 
des  joies,  des  succès  et  des  espérances  de 
Léonie ,  souriant  à  ses  rêveries  enfan- 
tines ;  mais  quand  sa  jeune  compagne 
lui  dit  : 

—  Parle  •  moi  donc  de  toi  ?  Tu  es  bien 
beureuse,  n'est-ce  pas  ? 

JM'"'^  des  Tournelles  baissa  les  yeux, 
et  voulut  cbanger  de  conversation. 

—  Quoi,  tu  ne  me  réponds  pas?  au- 
rais-tu quelque  cbagrin? 

—  A  Dieu  seul  ce  secret,  dit  Noémi 
d'une  voix  altérée  :  mais  en  serrant  la 
main  de  31""^  d'Esessars,  elle  laissa  tom- 


17:^ 


hfv  qiK'lfjurs  larmes,  iiu'vitalili"  liibiit 
(jiic  toiitr  souffrance^  paic^  .'i  rimiiianil»'. 

—  S«rai.s-tii  donc  niallieiiiTUse?  de- 
manda Li'(,nic  t(jiit  l)as. 

—  Mallicnrcusc'  ,\on,  car  je  suis  eu 
paix  avec  Dieu  rt  avec  moi-même  :  mais, 
vois-tu  ,  le  lionlunr  n'est  j)as  dans  1<' 
faste  joyeux  (jui  m'entoure,  il  est  dans 
le  sanctuaire  du  fover  de  famille,  où  la 

foule  ne  pénètre  pas,   et   njoi iNIais 

non,  je  dois  metaiicl  Dieu  sait  ce  que  jt* 
souffre;  demande-lui  de  me  soutenir 
dans  celte  longue  voie  d  isolement  où 
mon  eo'ur  est  <'n(jnj;('. 

—  D'isolement  !  n'pc'ta  Lc'onie.  Quoi  I 
l«'s  diamants  et  les  roses  eaclient  aussi 
des  larmes? 

—  Des  larmes  amères,  (  l  (jui  ne  doi- 
vent pas  couler  ! 

—  Va  moi  (pii  te  croyais  <ompl('te- 
ment  lieurense  I  11  n'y  a  donc  ])as  de 
lioidieiu-  sans  uu'lan(;e.* 

—  ISon,  ma  Li'onie,  il  nv  en  a  pas  : 
Dieu  l'a  (jarilé  poui"  son  ciel;  c  est  l Dm- 
liie  «le  ce  lioiiliem"  seulement  (jni  con- 
sole la  terre.  Ali  !  prends  }^;arde,  ne  sois 
])as  inj;rate  :  lu  dis  «pic  dans  l«s  jcnus 
de  trislessc  ton  mari  est  d<jà  ton  sou- 
lien  ;  va,  n  (»\i';e  pas  d.ivanlaj;e  I  m 
possèdes  un  ln'soi  (pie  Dii  u  donne  la- 
reuunl  :  jouis  en  paix,  <  l  si  parlois  lu 
sonllr«*s,  pense  à  njoi.... 

—  Mais  lu  es  ainu'r  pomt mt  .' 

—  Je  tdi  vw  beaucoup. 

—  Pauvre  .Noi'mi  !... 

\.\  conversulion  lut  interrompue  par 
la  l)rus(|ue  enln'e  île  .M.  des  romnelles. 
(Croyant  sa  leuuuc  seule  ,  il  lui  |Kulait 
d'un  peu  loin  d'un  ton  sic  cl  froiil  (pii 
«  tonna  AI""*  d'Ilsessars  :  Tayaut  apcriyuc, 
il  s  inclina  eu  souriant,  Si>  dandina  d'une 
fat^ou  merveilleuse,  «  t  Int.  <  n  un  mut, 
ravissant  ! 

l'ailin  le  colonel  repiil  a\ec  sa  ti  nune 
Il  roule  ile  Paris,  (ielle  dcinièitî  caui- 
pa;;ne     lavait     iati(;u«-    prt\s«ph>    autant 


qu'une  cau)pa(^ue  d'Afrique,  a  il  stn 
allait  répétant  que  six  mois  de  service 
au  cliâtcau  des  Touruclles  le  lucttraienl 
hors  de  cond)at. 

Presqu'aux  portes  de  Paris,  on  s  ar  • 
rèta  pour  la  dernière  fois  :  ceci  n  était 
qu'une  simple  ï)olile3s.'  :  ^I.  d'Esrssars 
coiuiaissait  à  Saint  -  Germain  une  fa- 
mille à  laqiielle  il  v»)ulait  présentrr  sa 
fennne. 

Dans  une  ]>elite  maison,  d'assr/.  trisie 
aj^parence,  vivaient  dix  uw  douze  |)er- 
soimes  qui  ne  se  quittaient  jauiais  ;  c'é- 
tait, v\\  petit,  \v  j^em-e  de  vie  de  l.ouis<^ 
à  lîordeaux,  moins  l'aisance.  I^a  famille 
Honnt  ville  était  pauvre.  Cette  famille  s<^ 
<«)nqiosait  «luii   père  et  d  une  mère  in- 
fn mes,  d'une  vieille  cousine,  d'un  jeune 
nn'najje  et  tle  cinq  enfants  :  pour  tant 
de  monde  il  n'y  avait  qu'une  seide  do- 
mesti([ue.   l  ne  a{;ilalion  jH^péluellc  ré- 
gnait dans  la  petite  maison  :  c'était  un 
de  ces  intérieurs  où  l'étranger  sent  qu'd 
nt'    ])onrrait    pas    vivre,    l  n     logement 
beaucoup    trop    exi^u  ,    des    liibiiudes 
mes(piines,  des  caractères  aifjris,  tel  était 
le  nouveau  spectacle  ofl'ert  à  I.é"Ouie  cl 
dont   son    mari    es|M'rait   tirer   \\\\    bon 
parti. 

Céilant  à  des  instances  réitéri-es,  le 
colonel  consentit  .'i  jvisser  deux  ou  lii»is 
joins  à  Saint  Germain. 

Il  v  avait,  dans  cet  inléiicur,  mie  jeune 
fenune  irenviri>n  trente  ans,  I^I'"'  Au- 
pjUSte  Bonucville,  sur  qui  iYpi>s;»it  loul 
le  soin  ile  la  maison.  Jamais  on  n'avait 
vu  fennne  plus  lalK)rieuse  :  elle  .suflîsait  .'i 
tout,  il  parvenait,  par  de  constants  el- 
forts,  \  remplir  sa  noble  ticlic.  Di>train* 
les  (grands  i>aixM)t<«,  plaire  à  son  mari, 
soi(;ner  s<*s  enfants,  diriger  la  donies- 
li«pie,  entretenir  au  delioi^  qui-l«]ue^  re- 
lations, Al"  Aui;uile  faisant  tout  e.li. 
cl  savait  ètix'  aimable,  Qracieus«\ 

M'"''  d'K4ess,irs  rul»s<Mvait  avec  éion- 
nemeut.  Cette   ct>niplieation    d'alTairrs, 


174 


cl\)I)li};;Ulous,  de  cK'lVrences  et  do  petits 
travaux  luanuels  rrlfiayait.  IM""  Auguste 
lui  avoua  qu'elle  n'avait  pas  un  moment 
de  loisir. 

—  ^lais,  Madame,  ne  vous  ennuyez- 
vous  pas  quelquefois  ? 

—  IMemuiyer?  Ilélas  !  INIadame  ,  je 
voudrais  en  avoir  le  temps. 

—  A  ous  ne  vous  ennuyez  jamais  ! 

—  Non  ;  mais  je  m'impatiente  sou- 
vent. Quand  je  considère  ma  vie  dans 
son  ensemble,  je  la  trouve  difficile  et 
pesante  ;  mais  en  Tacceptant  connue 
Dieu  me  la  donne,  jour  par  jour  et  heure 
par  heure,  je  sens  que  cette  vie  n'est 
point  au-dessus  de  mes  forces. 

—  Ah  I  Madame ,  combien  je  vous 
admire! 

En  effet,  la  vie  de  M"ie  Auguste  Bonne- 
ville  était  digne  d'admiration  ;  douée 
d'une  âme  élevée,  d'un  esprit  supérieur, 
cette  femme  avait  courageusement  im- 
molé de  nobles  penchants  aux  simples 
devoirs  de  sa  position.  Elle  aimait  la  lec- 
ture et  ne  lisait  presque  jamais  ;  elle  était 
pieuse,  et  trouvait  à  peine  le  temps  d'as- 
sister à  l'office  du  dimanche  :  le  travail 
à  l'aiguille  ,  l'éducation  des  enfants ,  les 
soins  d'un  ménage  restreint  par  la  plus 
stricte  économie ,  et  les  obligations  de 
famille  faisaient  de  sa  vie  une  course 
pressée,  où  toujours  se  hâtant,  et  toujours 
en  retard,  la  pauvre  femme,  tout  en  fai- 
sant de  son  mieux  ,  ne  paraissait  jamais 
en  avoir  fait  assez. 

Le  colonel,  qui  estimait  profondément 
]\Inie  Auguste  à  cause  de  sa  vertu  simple 
et  solide  ,  vit  avec  joie  que  sa  femme  se 
plaisait  à  causer  avec  elle,  et  il  se  promit 
d  eiu  ourager  par  la  suite  cette  liaison 
naissante. 

Enfin  ,  on  revint  à  Paris  :  quelques 
jours  furent  consacrés  à  se  réinstaller  et 
à  revoir  ses  amis;  puis,  quand  le  calme 
lut  rétabli,  on  songea  à  créer  définitive- 


ment cet  intérieur  exceptionnel  dont  il 
était  question. 

Lt'onie  avait  perdu  bien  des  illusions. 
A  l'agitation  du  voyage  succédait  cette 
innnobilité  où  l'âme  recueillie  retrouve 
en  elle-même  des  impressions  reçues  à 
la  hâte  et  à  peine  senties.  Dans  ses  heures 
de  solitude,  la  jeune  fenune  se  demandait 
quel  serait  l'objet  de  son  choix  entre  tous 
les  intérieurs  qu'elle  venait  d'observer  : 
elle  ne  voyait  partout  qu'inconvénient 
et  déception.  Ce  bonheur  pur,  cette  vie 
exempte  de  petits  ennuis,  de  soins  maté- 
riels, de  concessions  pénibles ,  cette  vie- 
là  n'existait  donc  que  dans  sa  pensée  ? 
M'"6  d'Esessars  en  demeura  convaincue, 
et ,  désespérant  d'échapper  au  malaise 
général,  elle  résolut  d'accepter  franche- 
ment et  aveuglément  le  sort  que  la  Pro- 
vidence lui  destinait,  en  se  promettant 
de  mettre  à  profit  tous  les  petits  bonheurs 
qui  lui  adviendraient,  et  de  se  rt'signer 
de  la  meilleure  grâce  possible  aux  soucis 
et  aux  contradictions  inévitables. 

Un  soir,  le  colonel  se  montrait  plus 
sérieux  que  de  coutume,  et  son  aimable 
compagne  cherchait  vainement  le  moyen 
de  le  distraire. 

—  Qu'avez-vous ,  Arthur?  vous  êtes 
triste. 

—  Je  suis  inquiet ,  et  c'est  vous,  ma 
chère  amie ,  qui  me  préoccupez  en  ce 
moment. 

—  Moil  comment  cela? 

—  Je  crains  que  vous  ne  vous  trouviez 
malheureuse.  Je  voudrais  rendre  notre 
maison  agréable;  mais  j'ai  peu  de  rela- 
tion, et  d'ailleurs,  je  ne  le  sens  que  trop, 
je  n'ai  plus  cette  gaîté  qui  convient  à 
votre  âge. 

—  Ah  î  ne  me  plaignez  pas ,  Arthur! 
je  ne  suis  plus  cette  Léonie  que  vous  avez 
connue  si  enfant,  si  légère;  celle-là  se 
croyait  libre  de  n'accepter  de  la  vie  que 
la  jouissance  et  la  poésie,  maintenant 
j'en  accepte   les    devoirs.    En     peu  de 


175 

lomps  jai  vu  \nci\  des  cliosrs,  mais 
liiMi  d'aussi  Jicau  que  mou  rêve.  J  ai 
aj)pris  de  Louise  que  la  paix  ne  s'eutie- 
liciit  dans  la  vie  eouuuune  que  par  de 
muluilles  co!i<-essions  :  j  ai  vu  daus  le 
cœur  deLina  tout  ce  que  le  boidirur  de 
la  tnrc  pfut  couler  de  iannes  !  Noéuii 
m'a  cliarmi'e,  je  l'avoue,  jt-  lai  crue  Ih  u- 
r<u>r.  Pauvre  femme!  (juand  ou  la  re- 
j;arde  elle  sourit,  et  quand  ou  m-  la  volt 
])as  elle  pli'iuu'I 

—  Ainsi  donc,  clière  enlarit ,  vous 
nenvie/.  le  toit  d  aucune  tle  ces  jeuunes/ 

—  iNtJu;  Louise,  Lina  et  iNoi'-mi  sont 
loin  d'être  parlaileuu'iit  lieureuses. 

—  Lu  ce  cas,  nous  allons  vous  faire 
j»rt'parer  à  Saint-Germain  un  apparte- 
miMit  bcaueoiq)  Iroj)  jxlit,  et.  Dieu  ai- 
dant, nous  arriverons  im  jour  à  toutes 
les  com|  liealiuns  voulues  pour  vous  po- 
ser en  ce  monde  sur  le  même  j)ied  ipie 
M'"*'  Auj;u.ste  JJoimeville. 

—  Ali  I  mon  ami,  (|ue  dites-vous  là  I 
(iràce  pour  de  telles  «'«preuves!  celte 
femme  admirable  a  rectifié  mon  jnj^e- 
menl.  J-llle  dit  qu'elle  est  heiuruse, 
mais  vrai,  ce  bonlieur-là  me  casserait  la 
tète.  One  deviendrais  je  s'il  fallait  ainsi 
me  jxnlre  dans  le  ménajje,  les  addi- 
tions, les  rneconunodjj;es  et  les  petits 
pois?  -Non,  ce  s*'rait  inq)Ossible. 

—  Allons,  allons,  nous  renonçons  à 
Saint-Cicrmain,  décidément  Tair  ne  vous 
eonvient  pas,  il  est  trop  vif.  ."Mais  ipie 
ferons-nous  à  Paris?  Voyons,  causons, 
discutons,  créous-nous,  s'il  se  juut,  un 
inU'riem....  je  ne  dis  pas  tli;^iu'  «!e  vous, 
mais,  du  moins,  supportable. 

—  Couunenl  supportable?  y  ]X'ns<••/.- 
vous,  Monsieur,  moi  cpù  deuiaiide  un 
intérieur  cbarmant 

—  Lneore  !  (pioi,  hmi^^ii  i\  uilli- 
enlh-? 

Oui,  cbaruianl ,  et  nous  y  par- 
viendrons. Keoute/.-uiui  :  je  ue  suis  pas 
si  enfant  t|ue  vous  voidei  bien  le  diiv  ; 


je     siiis     raisonner,    moi...   à    présent. 

—  Comment  doue,  je  suis  cbarméde 
ce  que  vous  me  dites  là,  c'est  une  ?  - 
ble  sur]>ris<.'  I 

—  Kiez,  moquez-vous,  mais  laissez- 
moi  parler,  et  faites  ce  que  je  dis. 

—  Ou'ai-je  fait  jusqu'ici 

—  Lb  bieni  Artbur,  «lepui-  queLiue 
l 'mps  je  «  berebe  aussi  un  anan{;enieut 
de  vie  qui  satisfasse,  autant  que  po>Ni- 
ble,  votre  {;oùt  et  le  mien.  Ab  !  je  vou- 
drais bien  ne  pas  vous  contrarier ,  je 
vous  l'assure  I 

—  Moi,  jeveiiv  u>ni.».  tpievousvou- 
1»'/,  ma  bonne  Ix-oni»* ,  dit  allcclueuse- 
ment  le  brave  oUicier;  vous  aimez  le  bal, 
nous  irons  au  bal.  Vous  n'ainu  z  pas  la 
canqvi^ue,  nous  n  irons  pas  à  la  cam- 
pagne. 

—  Non,  lion,  cber  Arduu-,  ne  me 
sacrifiez  rien  :  je  n'ap|H'lle  plus  bonbeur 
ce  qui  n'est  agréable  (ju'à  moi.  Je  vais 
vous  exposer   mon  plan  de  vie. 

Depuis    (pie   je    suis    niaritV,  il   y  a 
cpi(  bjunn  qui   t  st    bien    triste,    bien   à 
])laindre.  C  est  ma   pauvre    (;rand'nière 
que  je  n'ai  pas  rendue  beureuse,   et  qui 
pourtant    m'aime   par-dessus    tout.     Je 
voudrais  babiter  auprès  d'elle;  nous  se- 
rions indé|HMulanls,  mais  nous  la  verrions 
souvent.  ^  ous  passeriez  votre  temps   à 
lire,  à  écrire,  à  vous  promener,  avec  moi 
ou  sans  moi,  et  je  partagerais  le  mien 
en  ire    les  occupations  ulilt*s  et  les  dis- 
tractions ayivables.   Je   voudrais  aussi, 
puiscpie  nous  le  pouvons,    faitr  un   peu 
de  bien,  et  donner  aux  pauvivs;  non  |vis 
toujours  de  l'argent  jKir  la   main  d'un 
intermédiaire,   mais  ausii  des  consiîla- 
tions,en  les  ét-outanl  et  en  les  plaij;nant. 
Je  WMviiai   Dieu  daus   la   sinqduitt-  »le 
mon  etenr.  S4>uniis<'au\  pieus<»s  pratiquer 
de   l  K;;iiM'.    Je    làcberai   d'eln*    lK>nne 
ctMume  Ix>uisr,  couiai;euse  connue  Lina, 
aimable  ix)muie   Not^mi,   et  labiw'KUse 
cx)mme   .Mme  Bonueville.    \  odà  iv  que 


170 


je  veux  lairo,  mais  vous,  vous  m'ai- 
merez l)i(  II,  ii\st-cepas? 

Le  eolonel  ne  répondait  pas. 

Léonie  le  regarda  avee  anxiété  :  son 
visajje  était  sérieux,  ses  yeux  baissés,  une 
profonde  émotion  faisait  trem])ler  ses 
lèvres. 

—  Oli  î  parle/.-mol  !  dit  la  j(  luu* 
fennne. 

—  Kli  bien!  J^éonie,  nous  ave/.  déj)assé 
mon  rêve  de  bonlieur,  vous  avez  eom- 
])ris  ee  que  tant  de  fennnes  ne  savent 
jamais  I  Oui,  partout  il  y  a  desjieines, 
des  ennuis,  des  devoirs  ;  partout  aussi, 
vous  le  verrez,  il  v  a  des  joies  piues,  des 
satisfaetions  vraies  ;  pour  en  jouir  que 
faut  il?  Se  faeonnner soi-même  au  eadre 
dans  lequel  on  se  trouve  placé  ;  ne  pas 
se  reljuter  aux  piemiers  eliocs,  et  surtout 
s'exercer  chaque  jour  au  support  mu- 
tuel   Oui,  mon  amie,  mon  petit  an- 
ge, nous   diviserons   notre  vie  ainsi  que 


vous  venez  de  le  dire  ;  vous  consolerez  la 
vieillesse  de  votre  aïeule,  vous  secourrez 
tous  ceux  qui  auront  besoin  de  vous,  et 
moi  j(^  m'edoieerai  de  vous  distraire  en 
vous  ])roeuiant  les  plaisirs  de  votre  agc. 

—  Oh  !  oui,  n'est-ce  pas,  vous  me  fe- 
rez danser  de  tenqis  en  temps? 

—  Reposez-vous  sur  moi  du  soin  de 
vos  plaisirs! 

Pendant  qu'il  parlait,  M.  d'Esessars, 
tenait  dans  sa  main  la  petite  main  de 
Léonie,  et  regardait  avec  un  noble  orgueil 
ce  visage  à  la  fois  sérieux  et  enfantin. 

La  conversation  se  prolongea,  et  Léo- 
nie la  résuma  gaîment  en  ces  mots. 

—  Ainsi  je  serai  heureuse  chez  moi  ; 
j'aurai  la  paix,  le  calme  et  l'amitié;  vous 
y  joindrez  la  distraction  et  le  plaisir  ; 
je  mettrai  mon  l)onlieur  à  vous  rendre 
heureux  ,  et  nous  aurons  un  intérieur 
cliariuartt^  entendez-vous,  mon  colonel? 

JOSKPII  DE  BlŒSLER. 


IINSTRUCTION. 


POESIE. 
A   MA    NIÈCE    iMARIE   C. 


MAI. 


C'est  le  mois  des  roses, 
Le  réveil  des  fleurs  ; 
Où  sur  toutes  choses 
Dieu  mit  ses  splendeurs 
C  est  la  tiède  haleine 
Passant  dans  l'air  pur, 
Liondant  la  plaine 
De  ses  flots  d'azur! 

C'est  l'oiseau  i\\ù  chante 
Alix  bois  parfumés. 
Dans  la  douce  attente 
De  ses  o.'uis  aim('s. 


C'est  riierbc  qui  pousse 
Partout  sous  les  pas  ; 
C'est  le  nid  de  mousse 
Au  pied  des  lilas. 

C'est  l'eau  des  fontaines 
Qui  creuse  le  sol. 
Chantant  sous  les  frênes 
Comme  un  rossignol  ; 
C'est  le  frais  rivage, 
Où  le  lys  penché 
Mire  son  visage 
Au  soleil  caché, 


i77 


C'est  dans  les  prairies, 
Le  pnpillon  d'or, 
Aux  tijjes  fleuries, 
Prenant  leur  trrsor  : 
C'est  avec  leurs  uièris 
I^s  petits  moutons 
Paissant,  aux  fouj^ères, 
I^s  premiers  I)outons. 

Mai  I...  c'est  de  l'année. 
Le  joyeux  berceau  ; 
C'est  la  matinée 
Du  printemps  nouveau  ; 
C'est  la  frêle  enfance. 
Qu'on  verra  j^randir  : 
Mai  î,...  c'est  l'espérance  I 
^Lli  !...  c'est  l'avenir  I 

Au  front  des  monta{',nes 
rictuil  le  raisin. 
Et,  dans  les  campa{',iies 
Germe  notre  pain  : 


Ma  (  lière  Maiuf, 
Tu  portes  ce  nom  ; 
Pourquoi,  je  te  prie, 
Te  If  donna- t-on  .' 
C'est  que  ton  visage 


F.NVOI, 


Partout  la  nature 
Accomplit  son  vau, 
S'éveille  et  murmure 
Le  nom  de  son  Dieu. 

Ainsi  donc,  sur  terre. 
Dans  ce  mois  des  fleurs, 
Dieu  fait  (pi'on  es|>ère 
Tous  les  vrais  l>onheurs. 
Sa  toute-puissance 
^onlut,  à  nos  yeux, 
Ktaler  d'avance 
Ix*s  grandeurs  des  cicux. 

Pour  rendre  complètes 
Toutes  ses  faveurs. 
Pour  que  tout  fût  fêtes. 
Amours  et  douceujs, 
l^e  ciel  et  la  terre 
Cliarmt's  de  ses  lois. 
Du  nom  de  sa  mère 
Oni  uounué  ce  mois. 


Ainsi  que  ton  c-onir 
Sont  la  douce  image 
Be  tout  ce  honlieur. 


Galoppe  d'Oxyi  AIRE. 


LlTTl-UATllU^. 


Roviio   liibliourupliiqtio 


AssociAiiON   porn   l'édicatio.n   roriLAiRi. 
Hiblinthcipte  I .  Ciirmrr  (l  ). 


A  oiei  une  ivxwvc  philanthropique  dans 
la  saine  ai'ception  du  mol;  «)ui,  c'est  l'a- 
monr  snieèn*,  ériairé,  île  I  liumanit«'*  qui 
a  rapprorlié  tous  ers  lionnues  tl»»nl  la 
position,  les  occupations  sont  si  ili versos, 

(0  *'ff  ruo  nichcîiou.  au  premier. 


une 

1,1., 


il  qui  a  lait  de    toutes  iv^  \ 
volonté-  unique,  olle  tl  arrivr.  .. 
une   laïune  inqHMlante  dans  1  « 
ment  dit  pf^fmlnirr. 

l'n  besoin  intellectuel  bieti  imp«Tieu\ 
a  été  cnv  par  l<*s  Kcoles  primiin-s,  «-elni 
dr  II  livlun\  et. en  France,  d  est  |m  lit  !•• 


178 


iioiul)iv  ilos  llvivs  approprit's  aux  classrs 
oiivricirs.  Drpuls  ])lus  de  viii^l  ans  1 1  So 
cit'if  jnnii  riiislniclion  ('h'incrUairoscroii- 
«ltVj>ar  un  (.'iliicur,  iM.  Louis  Colas,  a  cou- 
Iriliut"  etcontril)ur  oncoiv  à  la  ]>ul)ll(\uioM 
(Ir  ce  '^\cnic  il  ouvra|;(\s  si  (.'iiiuuiur.u'iil 
uti!(\s  Cl  ([ui  lie  sauraiont  clic  liopiiiulii- 
|)'u''s  ;  aujouitl  liui  l'A.'^^ociniion  j»>iir 
/' F.tt'irat'on  pojjuldiic  \\cui  dounoi"  plus 
iXc  (lôvfloj^pciut'ut  à  celle  (vuvre,  cl,  à 
sou  tour,  elle  liouvi*  un  utiK'  concours 
(huis  le  zèle  d'un  éditeur,  31.  Lt'ou  Ciu- 
j;:ci .  (pii  conçut  l'un  des  premiers  l'idée 
tic  loncUr  dis  i»il)hotîjcqucs  connmi- 
iiales. 

jNos  jeunes  aniics  \\c  ]i(Mivcnt  rester 
clranj'èrcs  à  luic  entreprise  si  nolilc. 
Elles  savent  tout  ce  (pu*  la  lecture  a{)- 
l'Ortc  d'alu^jeuîcnt  à  1 1  souiiranee  nliv- 
sifpie  ci  aux  soulVrances  de  l'ànie;  elles 
savent  aussi  conune  le  cour  s'énuiit,  se 
l^'issionne  ]kuu'  un  récit  qui  exciie  la 
léllexion,  lorsque  surtout  ce  récit  of- 
IVe  un  rapport  plus  ou  uioins  (iirect 
avec  notre  situation  morale  et  matérielle. 
(a'Uc  d'enlr  elu's  qui  visitent  iVé(picm- 
ment  les  salles  d  asile,  les  écoles,  la 
cliaumicre  du  paysan,  li  mansarde  de 
l'ouvrier,  savent,  en  outre,  combien  dif- 
licilement  cllcis  trouvent,  ])armi  les  livres 
qu'elles  possèdent,  quelques  ouvrajjes 
(pîi  puissent  ])r(>curcr  au  j-auvre,  à  1  i- 
(jiioraut,  des  jouissances  réelles,"  et  des 
enseignements  ausii  utiles  que  faciles  à 
saisir. 

Eu  effet,  la  plupart  des  livres  destinés 
à  la  jeunesse  ont  été  écrits  en  faveur  de 
cette  classe  moyenne  où  l'éducation, 
1  instruction  (plus  ou  u  oins  bien  con- 
çues), couanencées  au  ]>erceau  se  con- 
tinuent dans  la  famille,  dans  les  pen- 
sions, dans  les  collèges.  Les  cutunsianccs 
de  la  vie,  pour  cette  classe  moyenne,  ne 
sont  pas  celles  de  la  vie  j^our  les  classes 
pauvres,  vivant  du  labeur  de  chaque 
jour.  Si  le  fonds  des  cnseigucmeuts  est  le 


même  ])our  tous,  si  les  consé<pi(Mie:  s  de 
la  versatilité  tlans  les  {joûls,  de  l'oisivi  lé, 
de  riMiioraiice,  du  désordre,  de  la  proili- 
(^alité  sont  les  mêmes  pour  tous,  1(  s  e/>- 
co.'i^td/K es  qui  préparent  ces  tristes  lé- 
sullats,  dillèriMit  ilans  leur  (\sseiiee,  clans 
leurs  lorines.  Or  ces  circonstaiiees,  ces 
formels  exercent  une  j;rande  iallniiice  sur 
res[)ritdu  lecteur;  l'iles  rendent  ]"'0(U' lui 
la  leçon  plus  ou  moins  sCiisilde,  plus  ou 
moins  applicable  à  la  j)osilion  dans  la- 
quelle Dieu  l'a  placé. 

iVous  en  dirons  autant  au  snjit  de  ces 
livres,  uioitié  réciéatils,  moitié  inslruclifs, 
auxquels  les  jeunes  lecteurs  de  la  classe 
moyenne  prenr.ent  tant  de  ])laisir.  JDi'S 
études  préliminaires,  des  entreliens  en- 
tendus chaque  jour,  les  queslions  qu'ils 
ont  la  possibilité  d'adresser  à  des  gens 
instruits,  donnent  pour  eux  une  grande 
clarté  à  l'exposé  des  ])liéi.omènes  de  la 
création  et  des  merveilles  de  l'industrie: 
ces  lumières  manquent  à  l'enfant  ilu 
])auvre  qui  sort  di-  l'écoU*  pour  entrer  en 
apprentissage,  à  l'adulte  dc'jà  ouvrier. 
Et  cependant  de  semblables  lectuies 
leur  feraieîit  tant  de  bien  î  Ils  seraient  si 
heureux  de  trouver,  dans  les  livres,  des 
leçons  appropriées  à  leur  situation  maté- 
rielle et  morale,  à  leur  intelligence  I  Oi\ 
reprend  courageusement,  à  la  suite  d'une 
lecture  qni  a  ému  le  eccur  et  fourni  à  l'es- 
prit des  souvenirs  instructils,  le  fardeau 
des  misères  de  chaque  jour!...  Nos  jeu- 
nes lectrices,  qui  connaissent  ce  plaisir- 
là,  ne  seront-elles  pas  heureuses  de  pou- 
voir exercer,  d'ime  manière  plus  com- 
plette  la  charité,  et,  après  avoir  poiuvu 
aux  besoins  matériels,  de  satisfaire  aux 
besoins  intellectuels  du  pauvre?  Be- 
soins presque  aussi  iuqiérieux  que  les 
autres;  elles  ne  rignorent  pas. 

Les  noms  les  plus  honorables  compo- 
sent la  liste  des  membres  fondateurs  de 
!  l'Association  pour  l'Education  populaire 
I     dont  fait  partie  3L  d'Albert  de  I^uynes  : 


179 


dans  le  coinitr  d'exanuMi  des  ouvra^jcs 
(envoyés  aux  divers  concours,  nous  trou- 
vons les  noms  de  iM.  l'ahhr  I^^  Drruill»\ 
ainnônier  du  A  al-df-Oràtr,  df  ]M.  Cli. 
de  Kriuusat,  d<'  ]M.  Vivien,  de  >I.  Orun, 
de  M.  Yillenné,  de  M.  Gustave  de  Beau- 
niont,  etc.  Les  concour  souverts  ont  ])our 
objet  de  provoquer  la  composition  de 
récits  moraux,  instructifs,  de  manuels 
teclmolo(jiques,  ric,  etc.;  ft  déjà  un 
jjrand  noudjre  dWrivains  ont  répondu  à 
ra])l)el  ;  déjà  la  Bibliothèque  L.  Tin  nier 
s'est  enricliie  de  plusieurs  petits  volume? 
destinés  à  n'pandre  dans  les  classes  ou- 
vrières des  iih'cs  justes,  saines  sur  la  mo- 
rale et  les  sciences. 

Connue,  à  rexemple  de  TAssocialion, 
nous  plaçons  en  première  li^jne  Vrducd- 
tinn^  nous  couunencerons  par  donner  à 
nos  jeunes  amies  un  aperçu  des  ouvraj;<*s 
composés  en  vue  de  \ cmei'^urnieiit  nionil. 

Nous  mentionnerons  d'abord  un  conte 
ou  n/jo/o^rur  qui  a  paru  dans  leur  journal 
en  1.S43  :  Histoire  d'une  Rosr^  racunlcc 
par  rllr-nu'ine,  de  INf.  Clément  d'ICIbbe  ; 
ce  joli  poème  en  prose,  dont  elles  ont 
j;ardé  sans  doute  le  souvenir,  est  un 
charmant  tribut  payé-  jvir  le  Jouninl  des 
J vîmes  Penonnes  à  la  Biblintlièijuc  L. 
dinnrr. 

Drnx  .nulres  approbnlions  ont  cW  ac- 
cordt'<'s  au  menu'  auteur  pour  X'hi^tmrr 
de  Marc t Ilot  et  ])our  Philippe  le  in- 
tclier. 

\4  histoire  de  Mareillot ,  si  ambitieux 
d«' tievenir  atthef^iste  ,  est  raconlt'c  par 
un  ami,  à  un  jeune  lernner  (pii  a/nhitiofi- 
ne,  ini,  de  ilevemr  né|;<H'ianl  ;  tout  est 
naturel  et  vrai  dans  ce  récit  attachant; 
point  lie  di'clamations  ni  des  longueurs; 
totii  ce  tpj'ti  faut,  et  com/ue  il  faut. 

Phiiipfie  le  batelier  est  I  un  de  cfîl 
beaux  Iv|h*s  de  chantt*  pratit/ue,  tel  qu'il 
s  en  trouve  pins  dnn  dann  les  clanes 
pauvres;  \o  récit  des  belles  actions  fait 
chaipie  année  \  l'A»  \d«  niic  française  eu 


offie  bien  des  exemples.  Il  est  impossible 
de  lire  ce  récit  sans  sentir  ses  yeux  se 
mouiller  des  plus  douces  larmes. 

J),ins  les  liirnfaiti  de  l'Epargne,  par 
INÏme  l'iuck,  Tauteur  sait  amener  son 
le(  leur,  avec  le  secours  dune  fable  inté- 
ressante, à  comprendre  l'importance  de 
cette  institution  ;  en  qurhjues  coups  de 
pincranx  .  dans  h'squtls  on  m-omiaît  la 
touche  «lélicale  de  la  h'mme  faisant  la 
part  (lu  cd'in-  et  celle  d'une  sage  pré- 
vovance,  elle  montre  ([uon  peut  être  tout 
ens<Muble  bon  et  économe^  et  elle  ouvit, 
en  outre,  une  voie  utile  à  cf-xw  qui  peu- 
vent donner. 

In  Manuel  des  tlevo  r€  de  la  vie,  à 
rusa};e  (le  la  jeunesse ,  sans  nom  d'au- 
teur, et  Devoir  et  bonheur  par  M.  Oa- 
bri<'l  Huck,  pi  liront  moins  |>eut  être  à  la 
{^é-néialilé*  des  lecte'urs  (pu  jHJUrront  bien 
n'|M'ler  avec  le  fabidiste  : 

Irii'  iiior.ili'  luio  ap|»ortc  de  IVnnui; 
l.e  route  fait  pa-stT  la  morale  avec  lui. 

mais  ce  (jenre  d'ouvraj;e  est  d'une  {grande 
utilité  potu- le  maître  et  la  maîtresse  d'c'- 
cole  de   villa|;e. 

Nous  avons  remanjué  encore  trois 
petits  voluniis  tont-à-lait  à  put  ]vn  le 
sens  droit  cpii  les  a  iuspiiV'S  ;  ce  sont  les 
i.KirRRSA  MON  W!  JAC^i'ls,  de  >î.  Mau- 
rice lU(»ck.  —  Première  lettre  :  Dh^  HI- 
CHF.s.  —  Deuxième  lettre  :  ui  i.luroT. 
—  Proisième  lettre  :  LK  BtDOET. 

Oue  nos  jeun<*s  amies  ne  «'effraieiit 
pas  de  ces  titres.  Klh's  ne  $i)nt  pas  obli- 
jM-cs,  d'ailleurs,  de  lire  des  sujets  si  f,ra- 
ves  ;  mais  nous  promettons  i  tvlles  «pii 
amont  le  eomagr  d'en  faire  l't^ssai  .  le 
jtlaisir  de  (H»uqin'ndre  plusirui-s  tics 
(pieslions,  dont  tout  le  monde  s'(HVU|H' 
aujoiu'd'hui.  Plus  «l'une  fois  le  spiritu»  l 
auteur  des  i.rttrei  à  mon  ami  Jaci/ues, 
les  fera  sourur;  |vnil-ôlre,  n>nuue  jeuni^s 
filles.  rej;n'tterant-elU*s  cr|>endant  «pie 
l'esprit  «-t  le  raisoiUMMuent  aient  tV  de 
pn-l'«''rruceemploN'^.  l^M^  tjne,  |>. m  |><t- 


180 


suadrr,  une  doiire  IjuMiveillancc  envers 
ceux  (|ni  sDiillVeiit  ili*  la  pauvreté,  aurait 
j)ii  vcmUc  /'fil/xil'lc''.,  d'iUic  inaiiiciT  tout 
aussi  vive,  mais  moins  douloureuse,  des 
vi  riti'S  i néon ti  stables, 

l.c  Mantiel  du  jure,  par  ÎNI.  lîaroclie  , 
V Instruction  cirif/iic  des  Français^  par 
INI.  C.-J.-B.  Aniyot,  voilà  des  titres  laits 
pour  donner,  à  nos  jeunes  amies,  la 
c/tnir  de  potilr.  Mais  leur  père,  mais  leur 
frères  reconnaîtront  de  quelle  utilité  il 
est  de  répandre  des  onyrajjes  qui  ensei- 
gnent à  toutes  les  classes  lis  J)EVoirs  et 
les  droits  des  mendjres  d  une  société  civi- 
lisée; et  leur  mère  sera  lieureuse  de  trou- 
ver, à  la  lin  de  Y I/islruction  civique^  des 
modèles  d'actes  que,  précédennnent peut- 
être,  elle  avait  en  vain  clierchés  ailleurs. 
Qui  n'a  pas  à  faire  mie  déclaration  de 
mutation  après  décès,  un  testament,  une 
reconnaissance,  etc.,  etc.,  et  quelle  est 
la  personne,  la  femme  surtout,  qui  sait 
avec  certitude  en  quels  termes  ces  actes 
doivent  être  rédigés  ? 

Au  nond^rc  des  livres  destinés  à  Yen- 
seigncnient  élémentaire  se  trouvent  les 
Principes  de  dessin  linéaire  et  de  géomé- 
trie pratique  y>^y  iM.  Jacques,  et  les  Elé- 
ments d'histoire  universelle  y^av  M.  Antoi- 
nin  Macé.  Nous  ne  nous  aviserons  })as 
d'émettre  une  opinion  sur  le  premier  de 
ces  ouvrages  approuvé  par  des  hommes 
compétents,  mais  nous  dirons  que  le  se- 
cond nous  paraît  être  le  mémento  le  plus 
utile,  pour  quiconque  sait  l'histoire,  et 
un  précis  largement  dessiné,  et  plein  d'in- 
térêt pour  quiconque  ne  la  sait  pas  encore. 
Un  Tableau  chronologique  des  principaux 
faits  de  C histoire  universelle  termine  et 
complète  cet  utile  volume. 

J^s  sciences'  nnturellrs  appliquées  a 
l'hygiène  ont  trouvé  depuis  longtemps , 
dans  31.  le  docteur  Emm.  LeMaout,- 
un  de  ces  professeurs  qui  répandent  la 
lumière  sur  tout  ce  qu  ils  touchent.  JNous 
engageons  vivement  nos  jeunes  amies  à 


lire  les  quatre  petits  volumes  déjà  pu- 
bliés, l^es  deux  premieis,  (|ui  traitent  de 
la  compnsitio/i  de  l'air  et  de  C( Ile  de  l'eau 
leur  ollViront  ]ilus  d'un  sujet  tladmira- 
tion  envers  le  Créateur,  et  les  données  les 
plus    ciuieuses   sur    (juelques-unes    des 
manipulations   de   la   chimie,    ainsi  que 
sur  les  travaux   de  la  physique.   Dans  le 
\     troisième  volume,  elles  feront  connais- 
sance avec  les  diamants  les  plus  célèbres 
et  peut-être,  en  reconnaissant  la  nature 
de  celtepierre  précieuse,  reporteront-elles 
à  TAuteur  de  tout,  l'admiration  jusqu'ici 
•     réservée  à  ce  produit  du  travail  des  siè- 
\     clés.  Le  quatrième  volume  enfin  leur  of- 
■     frira  Y  Histoire  de  f  éclairage  par  te  gaz. 
î         Des  anecdotes  curieuses  et  bien  choi- 
'     sies  animent  ce  cours,  autorisé  par  M.  le 
INJinistre  de  l'Instruction  publique,  et  font 
de  l'ouvrage  de  31.  le  docteur  Le  ÎMaout, 
une  lecture  attrayante  autant  qu'instruc- 
tive. 

Si  nous  enj'aî'eons  nos  jeunes  amies 
à  lire  la  plupart  tle  ces  dix-sept  petits  vo- 
lumes et  à  en  parcourir  au  moins  quel- 
ques-uns, cest  que  nous  sommes  assurée 
qu'elles  y  trouveront  du  plaisir  et  un 
avantage  réel.  Il  est  bon  qu'elles  recon- 
naissent par  elles-mêmes  de  quelle  ma- 
nière l'éducation,  l'instruction  doivent 
être  données  à  ceux  qui  manquent  de  loi- 
sirs, et  connnent  quelques-uns  des  livres 
qu'elles  ont  jusqu'ici  distribués,  par  bonté 
dànie,  aux  enfants  des  écoles,  peuvent 
être  pour  ceux-ci  plus  nuisibles  qu'uti- 
les; car  l'enfant  du  pauvre,  entraîné, 
connue  elles  le  sont  elles-mêmes ,  par  le 
charme  d'un  léeit,  se  laisse  aller  parfois 
à  tles  rêves  qui  lui  rendent  ensuite  la  réa- 
lité plus  pénible,  plus  dillicile  à  suppor- 
ter. Dès  (piil  ne  trouve  ,  dans  le  livre 
qu'il  ht,  rien  qui  se  rapporte  à  sa  situa- 
tion, rien  qui  l'éclairé  sur  la  route  qu'il 
doit  suivre,  il  ne  peut  que  sentir  plus 
amèrement  l  oubli  on  il  est  laissé  ,  et 
bientôt    des   aspiiations    vaines    à    un 


\H\ 


sort  incilltiir  lui  iciulent  insupporta- 
ble celui  auquel  il  se  voit  coiitlamué. 
Ce  sort  peut  sanu'iiorer,  sans  iloute  ; 
leufaiit  du  pauvre  est  en  droit,  coniine 
tout  être  intellij;eiit ,  de  croire  que , 
les  eirconstai]ees  aidant,  il  parviendra 
un  jour  à  la  fortune,  à  la  ct'léhrité 
}Kut-clre...  Mais  il  ne  recueillera  que  dé- 
eeptioji  et  misère  si  aucune  direction 
n'est  imprimée  à  ses  pensées  par  des  lec- 
tures (\uï  doivent,  avant  tout,  développer 
en  lui  l'amour  du  devoir,  du  tiav.ill,  et 
la  rési{jnation  à  la  volonté  de  Dit  u. 

A  ous  le  voyez,  jeunes  amies,  il  y  a  un 
l)ien  immense  à  faire,  et  vous  le  ferez. 
Slinudées  par  l'exemple  de  ces  lionunes 
si  haut  placés  dans  l'instruction,  dans  les 
sciences  et  qui  consacrent  leiu'  savoir, 
leur  udent  à  l'éducation  ,  à  l'instruction 
de  l'ignorant  «t  du  p.ui\  ic,  vous  vondri  /. 
apporter  votre  quote-part  à  cette  honne 
(l'uvre.  Pour  4  francs  par  nu^is,  vous 
pouvez  devenir  associés  fondateurs  et  re- 
cevoir chaque  mois  les  volumes  auxcpiels 
vous  aurez  droit  ;  pour  un  sonnne  déler- 
niinée,  vous  aurez  un  anlic  droit,  celui 
d'iudicpier  les  niatièresque  vous  voudriez 
voir  traiter,  et  si  votre  indication  est  ac- 
<'<ptée ,  si  un  ouvrn{;e  «'crit  sous  votre 
inspiration  est  approuvé,  vous  recevrez, 
dèscpi'd  aura  été  imprinx-,  un  imndjre 
de  vohunes  équivalant  à  la  sonune  dont 
vous  aurez  disposé  en  faveur  tle  l'Asso- 
ciation. Voulez,  vous  simplement  vous 
borner  à  ilistribuer  (ju»  Iipu  N-mis  des  vo- 


lumes di'jà  pidjli  's?  La  dépense  sera  mi- 
nime ;  les  di\-s<'pt  volumes  dont  nous 
venons  de  vous  parler  coûtent  s«'paréiuent 
dr  10  à  4  0  centimes  l'un,  et,  tous  en- 
sendjle,  2  francs,  pris  à  Paris;  il  faut 
ajouter,  pour  le  port,  4  cenlinies  par 
chafjue  fraction  de  10  centimes. 

Nous  insisterons  sur  la  demande  que 
nous  venons  de  vous  faire,  de  ne  donner 
aucun  de  ces  ouvra{;es  sans  l'avoir  par- 
couru au  moins.  S'il  est  très-vrai  que 
rimaj;ination  du  pauvre  peut  s'exalter 
d'ime  manière  danjjercuse  par  la  lecture 
(11111  livre  (pii  n'a  pas  vie /ait  /jonr  lut\  il 
est  éjjalement  vrai  que  les  j)ersonnes  plus 
ou  moins  favorisées  par  la  fortune  gtt- 
gnri'onl  toujours  qui  ijuc  cUnw  à  la  l«  c- 
tnre  des  livres  fi.its pnur  le  pauvre.  Klles 
V  juiiseront  dahord  la  connaissance  de 
ses  besoins,  de  ses  misères,  de  ses  ei  ivui-s, 
et,  par  const'quent,  des  lumières  sur  les 
movens  les  meilleurs  à  emjîloyer  |K)ur 
subvenir  aux  uns,  |>our  soida};er  K'S  au- 
tres et  pour  tarir  la  source  des  dernières; 
ensuite  t  lies  y  {ja^jneront  une  instruction, 
en  (pieKpie  sorte  />r«//V/Mr,  et  qui  inaïupie 
prestpi  à  nous  toutes.  One  de  clios«\s  vtuis 
ijjnorerez,  chères  et  jeunesamics,  «t  de 
combien  de  jouiss^uices  vous  vous  piive- 
rez  vous-mêmes  si  vous  vous  contente/ 
de  répandre,  sans  les  ouirir^  les  ouvrages 
lie  la  bibliothèipie  L.  Curmer,  approuvés 
par  l'Associalion  pour  llMneilion  jx^pu- 

lairc  I 

S.   l  i.i.iAC  Trk.m  ^dki  rk. 


vnvvcrs. 


iOlNlMUs. .Smir  rt  Ji  n  ,) 


I)i\-hnit  nuiis  après  lelie  rencontre, 
je  me  trouvais  un  soir  à  la  même  plat  e  , 
re(;ard;ml  le  i  ici  cl  l'eau,  rêvant  connue 


t«inii'Uis  ,1  j«-  iH  N.iiN  ihuh.  \  M  i  ii.iii'  I  r 
ji.uut  au  bord  de  la  baie  ,  il  avait  n  Ite 
ntis«'  rixliereliée^  mais  un  {x  it  Uuinle.  et 


18i 


cvi  ail  ilt'pavst'-  (jui  distiiijjuont  los  Eiuo- 
])(»Mis  à  Km  ariivtt' tlaus  nos  tolotiics.  11 
se  iliii^«>a  de  mon  colc.  Qnaïul  il  wc  lut 
plus  (|u'à  qut'liiuos  pas...  —  (loinineut! 
v'cst  \ousl  nrt'vrlai-je.  J  avais  nroinui 
nioii  11  »l)lt.iut  trAjial»'\<>.a. 

O  II 

—  ^  DUS  souvriioz  -  vous  do  moi .'  me 
♦  lit  il  (Ml  mt'  st  riant  la  main  avrc  ('mo- 
tion. Ali  !  vous  dovo/  (jtre  suipris  ,  je  le 
com|)r(Muls  ;  mais  icil)as,  mon  Dieu! 
(|ui  (le  nous  sait  h'wn  où  il  va  ^  qui  mc'uir 
sait  hitMi  ce  (pTil  vrut  .' 

J  an  ivi"  do  Franco  ,  de  cette  Franco 
tant  d(''sirt''0  î  j'ai  revu  ma  mère  ,  Paris; 
tout  une  amu'o,  j'ai  vécu  de  la  vie  la  plus 
l»ollo.  Je  n'ai  rion  ('pai|;u(' poui  être  litui- 
loux.  Je  n  ai  point  à  mo  plaindre  non 
])lus  du  monde  :  il  ma  donne  tout  son 
honlieur,  il  m'a  vendu  toutes  ses  joies. 
J  ai  promené  ma  curiosité  dans  les  fêtes, 
dans  les  tluMtres  ,  dans  les  assenddt'cs, 
(.lans  les  salons,  partout  enfin  où  m'atti- 
raient  respéranced'un  plaisir,  la  promesse 
d'un  amusement.  J'ai  vu  les  acteurs  les 
plus  célèbres;  j'ai  entendu  les  chanteurs 
et  les  musiciens  les  plus  renommés;  j  ai 
IVéquenté  les  savants  et  les  gens  de  let- 
tres ;  j'ai  clierclié  des  distractions  dans 
les  pompes  ]ndjliques  ;  je  me  suis  mêlé 
à  la  foule,  me  laissant  aller  où  elle  allait, 
marrètant  où  elle  s'arrêtait  pour  mieux 
goûter  toutes  ses  sensations  ,  pour  vivre 
comuie  elle  de  légèreté  et  d'inconstance. 

3Ialgré  cette  active  recherche  de  tou- 
tes les  jouissances  extérieures ,  je  n'avais 
point  oublié  de  me  donner  un  bon  c/if^z- 
iitoi.  J'habitais  le  quartier  le  plus  élé- 
{jant  ;  je  m'y  étais  établi  comme  on  lait 
dans  une  demeure  d'affection  qu  on  ne 
doit  ])lus  quitter.  J'avais  paré  mon  ap- 
partement de  meubles  délicats,  de  porce- 
laines, de  tabl(>aux,  de  ces  mille  objets  de 
fantaisie  qu'on  regarde  chez  les  autres 
comme  l'expression  du  contentement  et 
le  témoignajje  d'une  douce  vie  inté- 
rieure. 


I  Je  me  croyais  au  comble  de  mes  V(rnx... 

l'^li  bien  !  au  milieu  de  toutes  ces  délica- 
tesses et  de  ce  luxe  tant  désiré,  voici  que 
ma  ])etite  maison  d'AgaU'ga  m'(\st  appa- 
rue. Pauvre  case  créole  I  assise  au  pietl  de 
son  grand  palmiste  ,  je  l'ai  revue  tran- 
cpuUe  et  souriante,  moi  qui  la  trou  vais  tris- 
te aux  joins  de  ma  solitude,  à  cause  de 
son  air  calme  ;  je  ne  l'ai  j)lus  regard('e  du 
même  œil  au  fond  de  mon  souvenir,  à 
travers  le  bruit  du  monde,  et  je  me  suis 
])iis  à  l'aimer  à  cause  de  sa  bienfaisante 
sérénitél  En  présence  de  ces  hautes  mu- 
railles blanches  et  de  ces  longues  cliemi- 
n('es  noires  des  maisons  de  Paiis  ,  com- 
bien elle  me  paraissait  avenante  et  hos- 
pitalière avec  ses  palissades  toutes  feston- 
ncVs  de  lianes  fleuries,  ses  treillages  de 
vettiver  où  la  brise  se  parfumait  en  pas- 
sant ,  et  son  toit  de  feuilles  jaunies  sur 
lequel  couraient  les  ond^res  des  feuilles 
vertes  ! 

Le  chemin  de  mon  île  une  fois  retrou- 
A'é  ,  ma  mémoire  ne  se  lassait  point  d'y 
faire  des  vovages.  Elle  me  montrait  des 
lieux  charmants  que  j'avais  habités  avec 
indifférence  ,  des  beautés  sublimes  que 
j'avais  considérées  avec  insouciance.  Sou- 
vent elle  me  conduisait  dans  la  profon- 
deur de  ma  forêt,  au  centre  de  ces  grands 
cocotiers,  véritables  colonnes  vivantes, 
groupées,  éparses,  perdues,  fuyant  dans 
la  nuit  du  bois  sous  leurs  chapiteaux 
épanouis  comme  des  éventails  de  bronze 
antique. 

Sur  leurs  têtes  le  soleil  et  les  vents  , 
mais  à  leurs  pieds  l'éternel  oubli,  l'apai- 
sement de  toutes  les  choses ,  le  repos  au 
sein  de  cette  lumière  blonde  et  nacrée 
qui  découle  de  la  cime  des  hauts  pal- 
miers et  qui  ne  se  trouve  qu'aux  régions 
de  l'équateur. 

Quelquefois  elle  me  transportait  en 
face  de  la  grève  retentissante  à  l'heure 
où  le  flot  se  retire.  J'aimais  à  contempler 
ce  lit  de  géant  qui  garde  l'empreinte  du 


183 


vaste  corps  et  des  lonjis  inouveiiieiits  tle 
son  maître  ;  cette  couclie  aliaiulomice  , 
mais  encore  toute  remplie  de  sa  royale 
mn;;iiifieence  :  ici  des  tapis  de  varreli  à  la 
teinte  J^lauqiie  et  satiiw'-e,  des  manteaux 
<ral(;ue  verts  connue  l'émeraude  et  doux 
à  Tceil  connue  le  velours  ;  là  des  };erb<s 
de  corail  fleuries  comme  des  corbeilles  île 
roses  vt  dVeilK'ts  ;  des  coquilles  de  toutes 
les  fornu's,  de  toutes  les  coideui s  siinées 
sur  le  sahle  connue  des  bijoux  |M'rdus  , 
on  r  iss<Mnl)lées  connue  les  pierres  j)n'- 
cieuses  d'une  mosaiipie  éblouissante. 
Pendant  (pie  la  mer  eidève  et  roule  à 
l  liori/.on  ses  innnenses  volutes,  le  lirnia- 
ment  déploie  son  voile  d'orient  si  bl«u, 
si  pur,  si  transparent  sin*  cclt»'  valK'e  «les 
{grandes  eaux.  Il  send»le  alors  (pToîi  soit 
])rès  des  j'ternels  mystères;  on  croit  sentir 
derrière  ces  nua.';es  d'or  d(»nt  les  lind)es 
éiinctllent  connue  uneauréole,  les  rej;ards 
de  Dieu  qui  se  promènent  sur  Tabîme 
et  qui  se  plaisent  à  contempler  la  plus 
piodijjieuse  de  ses  œuvres. 

Ali  !  combien  toutes  les  pompes  de 
l'humaniU'  me  paraissaient  vaines  alors 
(pie  je  descendais  de  ces  bauteurs  et  tle 
ces  lointains  on  m'avait  enlevé  ma  mé- 
moire !  Il  me  restait  le  {',oùt  d  un  bon- 
beur  impossible  au  milieu  du  monde ,- 
je  un*  repr-jebais  mon  injustice  à  rej;ard 
de  ma  solitude,  ^(ju,  je  ue  l'avais  pas 
bien  comprise,  je  ne  lui  avais  pas  Irau- 
cbemenl  livre  mon  e<i  iir.  J  étais  connue 
Vauù  qui  a  perdu  son  ami  et  (pii  s'ac- 
cuse d»'  ne  lui  avoirpas  bien  dit  toute  sa 
ten«lresse. 

(jlrupie  objet  ])resenl  me  rappelait  un 
objet  pass('',  eba(pie  pas  dans  la  sociélé 
me  faisait  faire  un  retour  vers  mou  dé- 
sert. Sous  la  voûte  d«*s  catbeilrales  , 
l'ombre  samte  de  ma  lorèt  s'allon;;eail 
jus(prà  moi.  Si  je  montais  au  souuuet 
iU'A  tonrs  ou  sur  l(\s  plati'S-lomieH  des 
(;rauds  édilict*»,  voyant  W)us  mes  yuth 
les   maisons  alignées  et  les  lon;;ues  rues 


où  s'aj;itaieut  les  passions,  où  remuaient 
les  mille  jx-tits  intérêts  de  la  foule,  je 
stjujjeais  à  ce  paisible  coc-otier  du  ri- 
va<;e  qui  tant  de  l'ois  m'avait  bercé  sur 
ses  palmes  caressantes,  uie  moulrautà  sa 
racine  un  sol  vierge  couronné  de  sou 
abondance  native,  tout  à  reutoui' le  mou- 
vement sublime  des  Ilots  et  des  uuaj;«s, 
une  peis|>eclive  iuunriu»e,  iuiiuie,  con- 
fondant les  (  lioses  des  yeuA  avtn;  celles  de 
riuia};ination. 

Au  milieu  des  bouuues,  les  poètes  et 
les  arliles  m'avaiiiil  d'abonl  stH.luit; 
mais  II  parole  bumaiue,  les  couleurs  lac- 
tiees,  les  instruments  et  les  voix  sont  im- 
puissants à  rendre  ces  aspirations  qu'au- 
cune jdume  ne  |HUt  écrire,  qu'aucun  sou 
ne  |HMit  dire,  et  (pii  s  élèvent  de  l'esprit  le 
plus  simple  en  pn'senee  de  tvt  être  inde- 
liiiissable  cjui  <st  la  nature,  qui  «st  la  so- 
litude, «pii  est  le  père  de  la  méditation 
et  (jui  rem|)lissait  toute  mou  ilc  d'iiar- 
monie,  de  lumière  et  de  |Kx'v.ie  ! 

Hors  l'amour  de  ma  l>onne  mère,  je 
n'avais  trouvé  (pie  dt'txption  et  troiiijH- 
rie.  Les  plaisirs  me  rendaient  triste, 
j'étais  énervé,  sans  jouissaiicv;  je  regar- 
dais en  pitié  ma  ridiesse  acquise  au  prix 
de  tant  d'inquiétudes  ri  de  |>eiues;  je 
fnvais  les  Imnimes  que  j'étais  venu  clicr- 
clui  t  1 1  i\  ■  is  c  iiif  «il-  I  il;  ne*  1 1  de  dan- 
{;er> 

Dans  toutes  mes  iiua(pnatioiis ,  je 
vovais  veiiioyer  un  arbre  des  tit)piqui^, 
et  j'aurais  donné  de  Ihiii  eiiiu  tous  les 
tilliuls  et  tous  les  marionmers  des  Tui- 
leries |Hmr   une  s«ule  ti(;e  de  bananier. 

(^)uand  je  suiseutn*'  tlaiis  la  saison  des 
bromllarits,  de  la  uei|;r  ei  dos  feuilles 
mortes*  quand  j'ai  vu  ce  ciel  pris  d'Ku- 
rope  tleseendiv  si  bas  que  j'aurais  pu  le 
toueluT  de  mes  mains  (;reU»ttantes»  aus- 
sitôt toute  nuMi  âiiio  s'csl  envoUW*  vers 
mon  ileou  U*s  feuiUi^s  sont  éleruellt^.  ou 
le  soleil  est  souverain,  où  monte  le 
iY(;ard,    où    vo)a(;e  la   |m-us*v    toujours 


18i 


(l.uis  IfS  sj)liMi(iciirs  (1  iiii  ciel  iMlim. 
Sur  l.'i  lurctlc  ma  naissaïuv,  j'i'jMOii- 
vais  \v  mal  du  pays  pour  la  Iciic  rliau- 
{]cvc.  1/ouuui  mo  th'vorait,  une  lau|;U(an- 
inoroso  iu\Micliaîuait  à  mon  foyer  où  je 
(lemomais  dos  journées  entières  sins  ])a- 
lole  et  presque  sans  mouvement,  1  reil 
fi  M-  sur  la  liraise  riunanli*  et  laissant  eou- 
li  r  s  uis  lin  mes  lon{jnes  rêveries. 

:Malj;ré  eette  apathie,  je  sentais  une 
ardeur  siuj^nlière  dans  mon  eorps  ;  c'é- 
tait la  lièvre  (pii  connneneait  à  hrùler 
mon  sanj;.  IMes  lorees  s'épuisaient,  tout 
mon  être  dépérissait.  Souvent  ma  pauvre 
mère  me  considérait  avec  inquiétude,  et 
quelquefois  je  la  voyais  essuyer  ses  yeux. 
Un  soir,  après  m'avoir  embrassé  plus 
tendrement,  plus  longuement  que  de 
coutume  :  «  Mon  fds,  me  dit-elle,  tu  n'es 
plus  le  maître  de  rester  ici.  Ta  vie  s'est 
attachée  quelque  part  dans  les  pays  d'où 
tu  viens.  Mon  fds,  il  faut  nous  séparer 
encore.  Oh  I  oui,  j'aime  mieux...  »  et  elle 
se  mit  à  pleurer. 

Rien  ne  pouvant  guérir  mon  mal,  elle 
se  vit  réduite  à  faire  elle-)nènic  les  pré- 
paratifs de  mon  départ.  Quand  le  moment 
fut  venu,  elle  courut  chercher  d'anciens 
amis  ;  on  m'entraîna,  ou  me  conduisit  à 
bord  d  un  navire  comme  un  enfant  qu'on 
embarque. 

A  travers  mon  assoupissement,  j'ai  vu 
la  terre  de  France  s'éloigner,  je  la  regar- 
dais fuir  avec  cette  indifférence  de  l'étran- 
ger qui  passe  devant  une  côte  inconnue. 
Ce  fut  seulement  lorsque  la  haute  mer 
commença  de  frémir  sous  mes  pieds,  que 
mon  cœur  se  réveilla.  La  brise  et  les  flots 
m'apportaient  une  joie  que  je  repoussais 
connue  une  impiété;  le  remords  s'était 
assis  à  la  poupe  du  vaisseau,  tandis  que 
la  proue  se  couronnait  de  mes  espéran- 
ces. Longue  et  cruelle  traversée  I  Enfin, 
après  cent  jours  d'impatience,  nous  avons 
signah'î  la  montagne  des  Bambous,  Hier, 
au  lever  du  soleil,  notre  voile  doublait 


le  eap  d  \inl)i(\  (  I  avant  la  iiiiil,  clic  me 
déposait  à  cette  même  pi  lec^  d  où  j't'iais 
parti,  vous  vous  en  souvenez.,  avec  un 
amour  si  passionné  du  monde  et  de  ses 
plaisirs. 

J'y  rapporte  un  esprit  bien  diflérent. 
Aujourd'hui,  je  soupire  après  ma  soli- 
tude, comme  le  cerf  de  vos  forêts  soupire 
après  rond)re  des  ravins,  l^a  vieille  l'Eu- 
rope (.lans  toute  sa  gloire  n'a  ri(Mi  tl'aussi 
beau  pour  moi  que  le  palmier  V(Mni  li- 
brenuMil  au  bortl  des  grandes  eaux  ;  rien 
qui  me  ravisse  comme  la  mer  étincelaute 
sous  les  feux  du  tropique  ;  rien  qui  me 
séduise  connue  cette  vie  rêveuse  bercée 
par  l'iusouciance,  et  qui  tout  doucement 
se  laisse  aller  à  la  dérive  connue  la  piro- 
gue du  pêcheur  endormi. 

Avant  de  quitter  la  France,  j'ai  fait 
deux  parts  de  ma  fortune.  La  meilleure 
est  demeurée  à  ma  pauvre  mère....  j'au- 
rais voulu  pouvoir  rester  près  d'elle.... 
L'autre,  je  l'abandonne  à  mon  armateui-, 
i  à  condition  qu'il  me  laisse  vivre  et  mou- 
!     rir  dans  son  île. 

I         Par  bonheur,  j'ai  retrouvé  mon  an- 
cien brick  au  mouillage  et  tout  prêt  à 
partir.  Au  premier  sou  {(le  de  la  brise  de 
I     terre,  qui  se  lève  ordinairement  avec  le 
'     jour,  il  fdera  son  câble,  et  avant  que  la 
j     forteresse  ait  tiré  le  coup  de  canon  de  la 
j     Diane ,    demain    nous   serons  en   route 
pou  r  Agaléga.  Adieu  pour  la  dernière  fois  î 
I         Moi  q!ii  vous  raconte  ces  inconstan- 
;     ces  et  ces  désirs  tronqiés,  je  le  plaignais 
1     alors  et  ne  pouvais  conq:)rendre  son  éga- 
I     rement.... 

:  Connue  lui  ie  suis  aussi  venu  sur  la 
!  terre  d'Europe,  et  quelquefois  je  me  sur- 
■  prends  à  penser  que  la  meilleure  place 
!  est  à  l'ond:)re  d'un  cocotier,  que  la  soli- 
j  tude  est  bonne,  que  l'ignorance  est  heu- 
'  reusc  dans  ces  îles  tranquilles  de  l'Océan 
Lidien.  Le  beau  soleil  ne  manque  jaujais 
à  ces  doux  pays  d'Orient  !... 

R.   Drouix. 


I8:i 


^^Ù'S^X^, 


TUAVALX   A    L'AH.l  ILLi:. 

Corsaires  en  cœur.  —  ÉfnllVs.  —  Panirr  hongroi?.  —  Cache-jK)!.  —  Bourse'de  quêteuso.  —  Musique. 
—  IJoiitR  riiués.  —  (*^uvre  fie  bienfaisance.  —  Abt  cu.inaire  :  entremêla  au\  çroieille»  terlc*.  — 
Fiitinaiie  à  !a  Monlinoiem  y.  —  (>»ns<M  valion  du  lait,  du  bouillon  el  des  pclils  poj?.  —  Tricol  pour 
îinbe.  —  Dentf'lle  an  trier. t.  —  Broderie  dr  SmNrne. —  M.int«\Tu  de  nuit.  —  Hrf-»!»  ri*»*  d?\fT*^#. 


Oui,  m.i  clicrr  aiiiic,  1rs  «oi^.ijms  njiis- 
1rs,  ouvrant  du  liaut  en  bas  en  cccui\,  sont 
ce.  qu'il  y  a  de  plus  en  vo|>ue.  On  Us 
{jarnit  ]ku  lois  d'un  revers  declnque  côté; 
ce  ((iii  les  rend  plus  j;raeieux  encore.  La 
cheniiselte  hrodi'e  en  plastron,  ou  for- 
mée d  «'Mire-deux  plae«'*s  en  éelielle  «l 
surnio!il«'s  de  petites  valeneiennes  cocpiil- 
lées  et  remontantes,  parait  ainsi  dans 
toute  son  éb'jjanee.  Les  ieuunes  seides 
porlent  de  lielies  dentelles  en  jabot  à  la 
Louis  \\  .  J.esmnnelies  pap,odes,  };arnies 
]>ar  le  bas  île  volants  brodés  (de  denU  l- 
les  pour  les  ieuunes),  sortent  de  la  inanclie 
d'étoile  cpii  esl  plate  el  fort  éeourlée.  Les 
sous-manelies  (hinoi.\t s  ,  telles  «pie  t  en  a 
jHiiu'  notre  planclie  de  lin{;erie  *\\\  mois 
d'avril  ilernier ,  nuuu'ros  7  el  8  ,  sont  ,  à 
mon  avis,  pnférablespour  les  jeunes  per- 
soimes.  Tu  sais  «pie  j  aime  tout  i«-  (pu 
est  simple  el  <pie  je  crains  tout  ce  qui  lait 
ettilii'^c. 

On  laii  pDii)  iioiiN.  pour  toilrlte  liabit- 
{«'•e  ,  «les  pi  kins  à  mille  raies  ou  à  p«lils 
carreaux  ros«^s  ,  bleus,  blancs,  j»ris,  tout 
SiMut'S  de  bou(pirisbrocli('*s  dans  la  nuan- 
le.  (lest  frais  el  j«)li.  ie  préfér»*  «le  b«an- 
e»)n|>  ces  p<kinsau\  lalblas  v«'rl-I.s|v  av<v 
«le  larj;«'s  ravur«'s  blanelies  S4'm«'es  «le  |h'- 
lits  b()U«pii  ts  «le  roses  et  de  pi«|u«'ivlle«  , 
«I  an\  la  Ht  las  à  relit  ts  verts  sur  n>se. 
Ceux-ci  s«>nt  p«)urtint  bien  jolis,  mais,  à 
mou  avis,  ils  munf.unt Imft^  cl  ils  mtiuiI, 
par  c«)us«'«pii'nt,  plus  piouqileuicnt  hon 
lit  mode. 


Pn!>ipi(  in  M  n\  \.iiit  i  t  i  iuinicdu  k.ida- 
veika,au  lieudelarrondir,  trrmine-lepai- 
dcvant  en  poiittc  de  Hcbus  de  cba«piccôté  ; 
cette  manicreest  fort  jolie;  mais  il  faulaloi  s 
(jarnir  tout  le  tour  de  deux  Tolants  eu 
monssi  line  brodés  et  festoimt*s  àcrèlede 
co(|  ;  tu  |>oinras  ainsi  faiiv  Si^rvir  cikxhc 
la  mante  d'été  «pie  lu  l'es  donnée  raiméi* 
tlernière    I). 

Les  l)otlines  continuent  de  rcui|H>rter 
siu"  les  souliei-s.  Jeu  suis  ravie,  car  celte 
ebaussuic  est  «les  plus  connu(.»<les. 

(Juantaux  ceitilurcs  eu  ruban,  ou  uVu 
j>orle  {juère  ,  si  ce  n'est  avec  les  cauez/i>us 
en  mousseline  fouct*e  ,  parce  que  les  ro- 
b(*s  se  font  toujours  luisiiuévs  devant  cl 
ilerricre;  mais  les  brnc«'l«  Uonl  la  v«Y,ue. 
(jtllion  \ient  «l'en  inventer  decbarniants, 
entre  autrcb  un  double  bouton  |>«iur  fer- 
mer, an-«lessus  du  poi];ncl,  le»sou$-mnn- 
dus  à  boullanls. 

l\>ur  l«s  eli  »|H'au\  ,  iK>  lbni>.  «lis 
tleius  auioiu'  de  la  lurmecl  s«>us  l.i  )>a>>e. 

Je  suis  cbarmée  «]ue  tu  aies  couiuiaiw 
dt*  un  cors«'t  à  .Mme  l*ouss4\  Tu  seras 
mcrv«-illcus«Mnent  bien  babdlet*  avec  cet 
en'^'in  inib>|HM)S.dile  ,  «  t  tu  n  «prouveras 
|KiN  la  monuire  |;ene  ;  cIiom*  nn|HirUinle  ! 
SI  iuqxM  tante  «pie  l  liabde  i\>nftclion- 
neuse  à  obtenu  duyn/^*  ctmtntl  ^  |H)ur  s«s 
e«usets,  lors  de  rei|>a»iliou  de  18-10,  uim* 
iiii.i  >n  r,  L  n  corset  uial  fait  |x  m 

ii>nq>i«Miti  iu(   .1  la  fois  la  santé  et  la  plus 

(1    V.  T.  III  do  la  Z'  hétif,  planche  do  modes 

il    !..    '.M  S. 


80 


jolie  tnllli^  (lu  nioiuli';  c'rst  trop  de  moi- 
tié, n'ost-co  pas .' 

Travaillons  luaiiitcnant.  Tn  ycvuwi- 
tras  i\nc  je  \c\\\o\v  à  la  lin  do  ma  Icthc 
rrxpliration  de  ce  r'wUc  tricot,  n"  1,  dcs- 
tiiu'à  lairr  mu*  aid>t\  et  de  la  diMitcllr  ;ni 
trirot,  11"  2  ,  dont  tu  t«'  si-rvir.is  ]Hmv  la 
{garnir.  Passons  sans  plus  tarder  à  o^ 
j;cMîtil  panier  lionjMois  tout  en  v(Mrc , 
11"  3. 

—  lui  xevie  1  diras-tu.  Oui  ,  ma  elièrc 
Adèle.  IMais  connue  (u  ne  peux  eoupc  r 
toi-niènie  le  verre  de  Bohème  tlont  tu  as 
besoin,  lève,  en  papier  très-l'ort  ,  un  pa- 
tron du  n"  4  ,  réduit  au  /i'"*',  mais  qui 
porte  les  dimensions  vrnirs  en  centimètres 
et  millimètres;  dimensions  indiquées  par 
les  chillVes  8,  17,  22,  et  lève  de  même  les 
patrons  des  numéros  5,  G,  7  et  8. 

Il  te  faut  deux  morceaux  de  verre  du 
n"  4  ;  deux  morceaux  de  verre  du  n<'  ô  ; 
un  seulement  du  n°  (>;  ////  id.  du  ii''  7  ,  et 
deux  du  n°  8.  Fais-les  couper  sur  tes  pa- 
trons par  le  vitrier,  et  recommande  que 
le  tout  soit  de  la  grandeur  juste  de  cha- 
que patron. 

Tu  as  t'ait  emplette  de  comcU\  petit  ru- 
ban de  satin  rose  ou  bleu  ,  n"  1  et  1(2  ; 
la  pièce  de  14  mètres  coûte  1  IV.  ôO  chez 
Guyot,  24,  rue  de  Bussy. 

Prends  ton  ruban,  replie-le  par  le  bout, 
et  pose-le  h  c/ifiui/  sur  l'angle  de  l'un  des 
côtés  du  no  6.  qui  doit  former  le  fond  du 
panier.  Avec  de  la  soie  de  couleur  pareille 
au  ruban,  tu  arrêtes  par  quelques  points 
de  surjet  ton  ruban  à  l'angle  du  morceau 
de  verre.  Continue  à  le  poser  ainsi  à 
cheval,  et  en  le  tendant  bien,  jusqu'à  l'au- 
tre angle.  Forme  chaque  angle  propre- 
ment en  repliant  en  dedans  le  ruban, 
qui  f^od(?  nécessairement  à  cet  angle,  et 
fais  quelques  points  de  surjet. 

Lorsque  tous  tes  morceaux  de  verre 
sontainsi  exactement  entourés  de  ruban  , 
tu  les  assembles  par  quelques  points  de 
surjet,  de  cette  manière  : 


besd(>ux numéros  1  par  la  partieelroite 
(l(^  chaque  eôté  du  n'»  (i. 

Les  xieux  nunu'ros  '*  par  la  partie 
étroite  de  ehacpu^  bout  du  n"  G  ;  ])uis  e(\s 
(piatre  more(Mux  (Misemblc* ,  parle  haut. 

^  oilà  le  ]>anier  fait;  nous  allons  ajus- 
ter son  couvcrrlc. 

'Place  juste  au  milieu  des  deux  côtés 
n"  4,  le  n'»  7  ,  et  fixe-le  avec  quelques 
points  de  surjet. 

Pose  à  présent  de  chaque  côté  du  n"  7 
les  deux  morceaux  n"  8  et  attache-les  de 
chacpie  bout  au  n"  77?//  tic  Ixui^c  pas  ^ 
tandis  que  les  deux  numéros  8,  formant 
coiucrrl(-  ,  doivent  pouvoir  se  .sonlevfr  à 
volonté. 

Avec  le  même  ruban,  fais  douze  roset- 
tes; tu  en  coudras  une  à  chacune  des  an- 
gles du  panier  pour  cacher  les  points  de 
surjet  qui  réunissent  entre  eux  les  mor- 
ceaux de  verre. 

Pour  l'anse  ,  assemble  deux  bouts  de 
ruban  ,  entoure-les  d'un  autre  bout  de 
ruban  enroidé  régulièrement  ,  et  couds 
solidement  cette  anse  ainsi  préparée  de 
chaque  côté  du  n»  7 . 

Le  panier  honjjrois  peut  devenir  une 
élégante  corbeille  à  fruits  poiu'  peu  (jue  tu 
en  aies  la  fantaisie.  Au  mois  de  septembre 
de  l'année  dernière ,  je  t'ai  envoyé  sur  la 
planche  IX,  n"  2,  un  patron  d' octogone  à.e 
11  centimètres  5  millimètres  de  diamètre, 
pour  faire  le  fond  d'une  corbeille  dont 
chaque  pan  coupé,  portant  T)  centimètres, 
doit  recevoir  un  monta/itde  9  centimètres 
de  hauteur  sur  7  centimètres  de  laigeur 
par  le  haut  et  5  centimètres  par  le  bas. 

Yeux-tu  faire  quatre  corbeilles  à  fruits 
tout  en  verre?  lève  le  patron  de  l'octo- 
gone ;  taille  celui  des  huit  montants  ; 
fais  couper  le  tout  par  le  vitrier,  et  assem- 
ble tes  morceaux,  entourés  de  comète  s  , 
tout  comme  pour  le  panier  hongrois. 

Tu  peux  exécuter  très-prompteinent  et 
très-économiquement  de  fort  jolis  cache- 
yjo^  Jct'ai  envoyé  au  mois  de  décembre  der- 


187 


nier,  )).  :)7o  ,  la  i Manière  d'exécuter  eu 
é|)in[jl('S  à  tele  vt  en  laine  ou  clienille 
nn  f/<irîr-h'Jf)Ujr.  Fais  tailler  un  morceau 
(le  lit'ye  un  |»u  plus  lai^^e  (jue  le  loiid  <lu 
pot  à  fieurs  ;  pique  tout  au  tour  14  ou 
20  bouts  de  fds  de  fer  de  laliautcur  du 
pot  à  llcurs  ;  «iiaque  l>out  se  termine  par 
un  croclict,  et  {;arnis  ces  fils  de  laine  om- 
l>r('»',  comme  pour  pour  le  portc-hijou.x. 
Tu  cacheras  sous  une  Ijouirelteen  prluclie 
de  laine  les  croclietsdu  haut  et  le  li«'j;edu 
bas  ;  pour  ceci  tu  peux  choisir  de  la  laine 
(carlate ,  qui  tranclwia  avec  la  mousse 
que  tu  auras  mise  au  pied  de  la  plante. 

Aimes- tu  mieux  te  servir  de  ton  cro- 
ch<  t?  je  viens  de  t'envover  en  mai,  plan- 
che \ y  n,)  o,  dcst'loiles  que  tu  peux  exé- 
cuter en  {;r<)sse  laine  ondin'e  ;  tu  auras 
soin  d'enfermer  un  fd  de  laiton  flexible 
dans  le  dernier  rang  cxtrrieurn.u  point  de 
chaînette.  Fais  d'autres  étoiles  plus  peti- 
tes et  d'une  couleur  tranchante  pdur 
renq)lacerles  moulinets;  qunnd  tu  en  au- 
ras en  fjurintiti'  suffisante,  attache-les  les 
unes  aux  autres  de  manière  à  former  un 
tout  qui  enveloppe  et  cache  parfailenuMit 
le  pot  à  fil  nr.  11  Jani  s'inf^rarrr  ,  comme 
le  dit  mon  oncle,  et  savoir,  ainsi  qu  Eu- 
gène le  dit  à  son  tour,  tinr  ri'iui  snc  tltiix 
nmittuns;  ceci  se  trouvera  parfaitement 
juste  cette  fois  ,  puisque  le  dessin  cjue  je 
t'indijpie  a  iw  destiné  à  fiire  \\\\  sic  , 
cl  que  tu  p<  nx    le  transiormer  m  cachv- 

pnf. 

Tu  ne  rt'ussirns,  ma  chère  amie ,  à 
monter  toi-même  une  b()nr>e  de  (]uè- 
teuse  que  si  tu  pi  n\  i  en  procurer  une 
pour  modèle.  JCssaierai  pourtant  de 
l  ex|)li(pier  de  quelle  manière  il  laut  t  v 
prendre,  (ionnneneons  par  tailler  en 
velours  ronge  un  rond  de  2'.iccnl.  5  mil- 
limètres de  di.unèlre,  ce  (pii  donne  de 
circonférence   DO  cent,    à   tliviser  eu  t  0. 

i*lie  eu  <leu\  ee  rond  tle  velours  ; 
marque  dt*  chaque  bout  cette  moilit*. 
Dessme    de    ehn«pie  c«'>lé   <le  la    maripie 


!«■  n"  0,  en  ayant  soin  de  placer  le  des- 
sin à  3  centimètres  de  cette  marqu  ; 
continue  ainsi  tout  autour  de  celte  pre- 
mière moitié  ,  rn  espaeant  la  brotlerie, 
comme  te   l'indique  le  n*  9. 

Tu  as  i>onct'-,  dessiné  au  pinceau  avec 
du  blanc  d'argent;  brcxle  maintenant 
avec  de  la  souUche  d'or,  en  suivant 
bien  régulièrement  les  contours. 

L(  s  (eillets  destinés  à  receroir  les  cor- 
dons de  la  bourse  se  font  en  fd  «l'or,  un 
p<'U  bordes,  ei  se  placent  entre  les  brode- 
ries ;  mais  il  ne  faut  l«"s  fiire  qu'après 
avoir  doublé-  la  bourSi%  afin  (pi'ils  //<.>r- 
(Itnt  sur  la  doublure. 

J.a  broilerie  étant  terminé-e,  coupe  un 
rond  de  carton  un  p<^u  fort  de  î»  centi- 
mètres ô  millimètrt^s  d»*  diamètiv.  Place- 
le  nu  milieu  du  rond  en  velours  après  l'a- 
voir enduit  d'un  p«ni  décolle  p<nir  qud 
s'v  attache.  Recouvre  le  tout  de  satin 
blanc  très-fort  et  apprêté.  Le  ron«l  de 
carton  se  trouve  ainsi  plact*  entre  le  ve- 
lours <t  le  satin,  bien  caché  par  cons<*- 
qneul.  11  f  ml  à  présent  border  la  l)ounc 
ainsi  doublée  ilun  galon  d'or,  faire  les 
œillets,  et  enfin  former  si  pi  pli»  à  l'in- 
léri»ur,  un  entre  chaque  rangév  de  bro- 
derie ;  «'//le  pli  extérieur  doit  se  trouver 
la  brinlerie.  Il  ne  reste  plus  qu'à  passer 
les  gans<"S  d'or  «lans  les  o-illels,  qu'à  les 
termim  r  y\r  d«*s  j;lan«ls  en  fil  d'or  1 1 
qu'à  serrer  les  eonh/is  de  ta  bonne,  afui 
qu«'  les  plis  s<^  forment  bien. 

One  dis  tu  de  ce  l)eau  dessm  île  tx>l, 
façon  guqMir»^  u"  1 4  !*  Avec  un  peu  de 
patience  lu  1  exécuteras  et  tu  auras  à 
olVi  ir  un  channaut  cadeau. 

Dessine  le  n'  14  sur  de  Ix'lle*  UK>u»r- 
liui's  ;  achète  du  cx>ton  à  lm>ler  n„  f.O  ; 
la  poignée  o)ûte  90  c.  Traiv  tout  le  d«*s- 
sin.  I.<'s  |vtitesert^i\  iniliquent  les  parti«*9 
où  la  mouss«'line  doit  être  eulrv»^;  ;  il 
fuit,  par  couM-queut,  que  h*s  encadre- 
ments de  toutc*s  tx'SiKirti»^  stïientexévu- 
lés  au  |xiinl  île  feston  ;    le  reste   se  fait 


188 


tout  (Ml  cordomun  :  It^ston  tics-liii,  cor- 
(loiHul  tivs  liii  ,  cl  points  do  dcMiU^llo 
]);irt(UJl  ou  If  dessin  t^st  (juadrillé.  ]\i(Mi 
de  plus  ('l(';;ant  cl  de  pins  dôliiMtcuuuit 
joli,  (n  viMias.  Pour  l(M(\str,  ronsullc 
mon  éiiornu*  j>ost-.scrij)liiiu. 

Notre  journal  est  iavorisc  rntro  Ions, 
M.  A  (Mvoittc  aîné,  niaîlre  de  cliapcllo 
à  la  callu'di'.de  ilo  llonen  ,  a  hicn  voulu 
le  tloter  Awn  canticpie  à  la  A  ierjje,  à  trois 
voix  é^jales,  soi[jneusenient  travaillé,  et 
d'une  mélodie  suave  autant  (jue  (gran- 
diose. Ce  l)eau  morceau  ,  empreint  du 
cachet  du  Duirsiro  dont  les  œuvres  sont 
si  recherelu'cs,  a  été  composé  lotit  ca^prcs 
jxuir  nous.  Tu  juges  de  la  joie  avec  la- 
cpielle  il  a  été  reçu  !  et  je  suis  assurée 
qu'avant  ])eu  nos  auiies  le  clianteront 
toutes.  J  ai  envoyé  Eugène  aclietcr  pour 
moi  chez  l'éditeur  de  M.  Yervoitte,  Ma- 
dame veuve  Canaux,  rue  Sainte-Apolli- 
ne, les  belles  compositions  dont  voici  les 
titres  :  IMou  Dieu  !  invocation.  —  O  uia 
mère  I  sérénade.  —  O  bon  Pasteur  I 
prière.  —  Pauvre  mère  î  romance.  — 
Le  printemps ,  nnctnrnc.  —  L'Ange  gar- 
dien, prière.  —  Les  travadieurs,  chœur. 
—  A  saint  Joseph,  canticpie.  —  Mon  seul 
espoir,  loniance.  —  Le  mois  de  BLarie, 
caniifpic. —  Regiua  cœli,  chœur  reli- 
gieux. Mon  oncle  est  très-content  de  me 
voir  ainsi  étudier  de  bonne  nuisique 
d'ensemble  qui  réunit  la  mélodie  à  une 
savante  harmonie. 

Tu  sauras,  chère  amie^  que  plu- 
sieurs de  nos  abonnées  ont  voulu  aider 
!M'"e  Adèle  Cléret  dans  sa  bonne  œuvre, 
en  prenant  sous  leur  patronage  quelques- 
unes  de  ces  pauvres  jeunes  fdles  qu'avec 
tant  de  bonté  de  cœur  elle  élève.  Je  veux 
te  citer  entre  auties  deux  dames  que  je 
ne  désignerai  mèuîc  point  par  des  ini- 
tiales, car  la  vraie  charité  fuit  l'éclat. 
L  une,  après  avoir  souscrit  pour  une  en- 
fant, a  remis  à  IM"ie  Adèle  Cléret  une 
petite  sonune  destinée  à  chausser  pen- 


dant tout  l'hiver  c[ui  a  été  si  rude,  si 
long,  les  petits  pieds  nus.  Non  contente 
de  ces  deu\  bonnes  œuvres,  la  même 
danu^  a  habillé  deux  enfants  auxquelles 
elle  s'est  trouvée  intéressée  par  Textrème 
misère  des  parents. 

L'antre  dame  a  pris  deux  souscrip- 
tions, et  elle  s'est  entendue  avec  l'excel- 
l(Mite  institutrice  pour  que  ces  souscrip- 
tions servissent  aux  trois  sœ>urs,  qu'elle 
s'est  engagée,  en  outre,  à  entretenir  de 
tout.  Depuis  six  mois  ces  pauvres  enfants 
ont  abondannuent  le  nécessaire.  Ces 
choses-là  font  du  bien,  n'est-ce  pas? 
Elles  reposent  l'àme  de  tout  ce  qui ,  au- 
jourd'hui, l'adlige  si  souvent  I  De  nou- 
velles souscriptions  ont  eu  lieu  dernière- 
ment ;  mais  comme  beaucoup  de  per- 
sonnes désirent  de  connaître  M"'*'  Adèle 
Cléret  et  de  choisir  elles-mêmes  leurs 
protégées,  c'est  rarement  chez  M.  le  curé 
de  Saint-Ambroise  qu'on  va  souscrire; 
c'est  chez  l'institutrice  même,  53,  rue 
Popincourt. 

L'album  en  langue  étrangère  sera  sa- 
crifié  cette  fois  aux  recettes  de  la  saison. 
Nos  jeunes  linguistes  me  le  pardonneront 
en  mangeant  des  tartelettes  aux  groseilles 
vertes.  Voici  pourtant,  à  titre  de  consola- 
tion ,  des  bouts  rimes  qu'Eugène  vient 
de  m' apporter. 

CouRo^^E. 

YtRTU. 

E>VlHOiN>E. 

COMBA'n  L. 

Li:r.Kiu'.. 

CilAHMi;. 

SÉVÈRE. 

—  Aimé. 

RÉCOMI'EiNSE. 

BlAU. 

I)ÉCE>CE. 

ClIVI'KAL. 

Nous  avons  reçu  des  remercîments  au 
sujet  Au.  jeu  (lu  typographe  ;  il  fait  jureur 
dans  quelques  départements  ;  on  le  varie 
à  l'infini  ;  mais  le  fond  reste  toujours  le 
même.  Eugène  a  la  prétention  de  com- 
poser un  autre  jeu  qui  détrônera  celui- 


189 


ci.  \ous  rciToiiS  bien.  Eu  attendait  j'aii 
notice  à   un   (>ranil  noiuliie  de   nos   ai- 
mables amies,  qui  ont  demandé  avec  in- 
stalla* un  j)rovrrbe,  li-  plus  fau  possil>Ie,    ! 
qu'riles  seront  satiiaitcs  le  nK)is  pioeiiain. 
M.  Emile  Souveslre  vient  de  faire  pour    1 
elles  quelque    chose  à'chourijfanl  ;   une    ' 
véritable  bonliuimerie,  une  vraie  r//^r^r, 

en  tt  rnie  d  atelier,  avec  clianf-ement  île 

.     I 
costumes  ;  et  il  n  y  a  que  les  chfiri;fx  qui 

fassent  rire.   Rien  ne  manque  à  celle-ci, 

tu  yen  as  ! 

Adieu,  et  aime-moi. 

Akmca  liuicoi.^iE. 

ART    Cri-INAIRE. 

/'//7e  aux  GoosEHEniES,  ou  groseilles  a 
maquereau. 

D'afxird  sàLs-tii  laire  une  tlmballe? —  Non  7  — 
Kli  hieD  !  »olci  oommrnt  il  faut  l'y  prenflre  :  Vfi^f 
sur  la  table  «le  cui.oine.  bien  lavt><*,  1:5  ^iranimes  (un 
«l'jarlfroii'  df  farine,  rai>  un  trou  au  niiin'ii  r\  m<'ts-y 
du  «el  lin.  IrO  ;;ranmi»^  il**  f»eurre.  un  œuf,  un  quart 
de  vrrre  dVau;  d^fLiy»*  Ip  toul,  puis  pttris  ri  pa**e 
trois  \o\*>  ta  pâte  au  rouleau.  A  la  qynlriéme  tni«,  tu 
ne  lui  l.iisses  ((ue  l'épaisseur  «le  deux  p  éces  de  5  fr. 
Beurre  un  moule,  {isrois-en  le  fond  el  les  parois 
avec  ta  \ii\^,  cjupe  le  surplu.s  â  la  main  c»s  ro- 
gh.jn.-»  le  S4'rv iront  a  faire  un  couvercle  ^owr  la  tim- 
bttUe.  Couvre  le  fond  de  la  limhalle  d'une  couclie 
de  surre  en  poudre ,  ensuite  un  lit  de  proseilles  ver- 
tes bien  éplucheeâ  et  lavées, un  lit  de  sucre,  un  autre 
d>'  !  ^,  et  ainsi   de  >uile,  jusqu'à  ce  que   la 

11!.  t  pleine.  T^-rinine   par   un   lit  «te  *ucre, 

cni\  le  .nec  le  reste  de  la  pâte,  et  fais  cuire  au  (our, 
ou  bien  sous  le  four  de  caiopa;ine,  pendant  trois 
quarts  d'heure.  —  61  tu  préfères  de*  tartelettes, 
libre  k  toi  :  Tu  I»-*  garniras  de  pro»«'illes  vertes  l»ien 
U«ei*».  bien  eplut  liée*,  en  atteml.tnt  que  \irnnent 
le»  autres  fruits,  et  tu  m'en  d:r«^  de>  i'  — 

Veux  lu  un  mets  plu*  délicat,  plus  rerli.  us 

un  ji>  DR  caosr.iu.Ks  xnr».»  ai  roiR.  Pour  reri. 
Jette  de  Tenu  l>ouiliante  jur  un  litre  de  pro>eilte< 
\ert«*s.  eerjse-|e»  i-t  passe  au  tamis;  ajoute  au  Jus 

re  en  poudre,  autant 
n  six  macarons,  qua- 
tre <rii!s  lurn  butlu»  ;  lu  roOle»  l»lrn  et  tu  fais  cuire 
dans  une  lonrtiere  sous  le  f<»ur  de  campagne.  Vuila 
trois  emtrrmttt  mcm  a  cliollir. 

fromage  à  la  MtrUtuorency. 

M'I»  sur  le  feu  environ  5  dêrUitres  mne  chopIn»-) 
«le  l>onne  cr^njr.  ai»c  C,i  gramme*  Vi  onrr»>de  sucre. 
Oiiand  la  rn-n.e  a  boui  I'.  retire  du  feu  et  laisse  re- 

(nMilir  ,   .ijuitr  une  dit;  nr 

d'ur,(i);:«r;  fi  uilte  a%er  i  ;  \  »f«* 

que  »e  forme  la  iuous*e  un  peu  epai>»e,  tu  Tenlftw 


arec  une  écumoire  et  la  la  verses  dans  le  caserra 
garni  d»-  linge  très  fin,  datis  lequel  le  fromaze  «loil 
prentlr-  forme.  Il  'aui  foortter  la  crHiie  Jusqu'à  ce 
qu'il  ne  l'en  -  • .  Liiase  ésoutter,  et  frappe  de 

«lace  avant    - 

Moijen  demprcher  le  iail  de  tourner. 

Voici  uoe  rerett<>  excellente  et  bien  nccrssaire  en 
élc  pour  eir-  tourner  le  U:l  avec  lequd  oa 

%eut  faire  u  .  ..e  prise.  Ce  moyen  cuosûle  a 
mettre  dans  un  btre  de  lait,  plas  ou  moins  dumUms 

et  surtout  p.ir  les  leinp«  d'orage.  1  r '  de  fri- 

carboitalt  de  âoudr  :  truis  les  pbir.  .  \ru- 

deiil.Non-^'  leliilair:- 

pas  sur  le  le.,  e>t,  eu   <j  -i 

plus  (dcile. 

Conservation  du  bouillon. 

l,e  même  mi»\en  s'emploie,  a\ec  un   •  _  »«, 

p<jur  con-er\rr  le  lx>uiilot).  l  t;rimmc  '- 

nate  de  >oude  par  litre  de  bouillon.  L-  n, 

ou  fait  iHJuillir  le  tHxiillun  ,  et  a>aul  d  .  ..  .  .>ir 
on  enlevé  l'écume  blanche  dont  il  se  rou«re.  l>n 

peut ,  le  surlendemain  ,  s»  le  bo  ■-      -.re 

a\ail  pourtant  une  oJ^-ur  aci  r- 
bonale  de  soutle,  et  l'odeur  d>»par.til. 

Conservation  des  petits  pois. 

Mets  dan*  une  l»a*sine,  V  v         .deux 

trois  litr»-s  «lu  pois  tins.    <  -         inr«  de 

sucre  pile  et  t.uuiM;  par  cluiqut  litre  de  po  s  ;  tourne 
c«}nlinuellemrnl,  jusqu'à  ce  que  le  sucre  soit  bien 
altsorlM*  ;  étends  les  p.'tits  pois  sur  uue  feuille  de 
p.ipier.  tt  posée  '  .r  un  grand  lami»  ren«er** 

sous  lequ«*l  lu  <  -  Jf^s  cendre»  et.  .'uie>,  ou 

bien  place  le  papier  Couvert  «le  p«»is  sur  une  claie 
dans  un  (our  doux.  Lorsqu'ils  sont  partaitrroeot 
desMcbes,  enferme-les  dans  des  s^io»  de  papier,  ci 
suspt'iids  ceux  ci  dans  un  lieu  bien  scc.  ijorsqu'oo 
VI  ul  lare  cuire  ce>  petits  pois,  on  les  met  tremper, 
dans  de  l'eau  un  peu  chaude,  deux  a  tmu  heures  a 
l'a  tance. 

Je  t  ai  donné  eu  1W7,  pige  iSO.  le  pn^rde  pour 
faire  de  l'eau  de  roae  tam»  aUimbtc  .  reiltetilM^le. 

Tricot  jiour  aube  n'  \ , 

Arbete  du  coton  Oo  10,  preuds  des  alf«illes  d'oa 
ceniiroetre  de  rirconferroc**,  et  monte  un  noabrc 
d.  •  -    '  t  lier  par  13.  A»e<  ce 

t.,  Il  »  dunnenl  I  mK  S0 

de  lar^ 

lr#  r.   . ,  illes  unie*.  —  t  rrln^rte    ♦,  — 

I  ausmrniee,  —  i  u«k,  —  1  ausmmler,  —  1  reti*- 
cie,  —  \  rétrérie.  —  t  aoçmeniee».  —  I  nMrtrte,  — 
1  unie,  —  I  retrei'ie.  —  i  aucmeotee»,  —  I  rrtf^ 
cie.  -  ne 

fou  .1  . 

;;■   r,tH.,<f.   tout    unie  a   I envers,  et  de  isfMM 

pour  tiUlt»  »    1rs   'J"  ••  •■»    I    1    rr« 

3»  r.fM'jfe   «  t  rrlrecK 

\  ■  r.-- 

I  le« 

sur  retrecie,  —  i  au^jmenlert,  —  I  rrtrrvie,  —  l  ré- 


190 


trécie  (reloiirne  au  signe  +);  termine  p;»r  1  ;niu- 
mentt'e.  —  4  unies. 

5»  ranger.  5  inuilics  uniep,  —  1  rétrécir  -f,  — 
1  augmentée.  —  3  unies,  —  1  aiiutnentee,  —  1  refrc- 
tie,  —5  uniesr  —  \  relr«'rie  (retourne  au  signe  4.); 
termine  par  1  auiimentee,  —  5  tinies. 

7f  rangée.  4  mailles  unies,  —  1  rétréci*»  +,  — 
1  augmentée,  —  7  unies,  —  I  jetée,  —  \  rélrécie.  — 
3  unies,  —  1  rétrécie  (retourne  au  signe  +);  ter- 
mine par  1  augmentée,  —  6  unies. 

9*  rangée.  S  mailles  unies,  —  I  réirécie  -f ,  — 
l  augmentée,  —  \  unie,  —  1  rétrécie,  —  2  aug- 
mentées, —  1  surjetée  sur  rétrécie,  —  2  jetées,  — 
\  rétrécie,  —  \  unie,  —  1  augmentée,  —  1  retrecie, 

—  1  unir,  —  1  rétrécie  (  retourne  au  signe  -f  )  ; 
termifie  par  1  augmentée,  —  7  unies. 

\\t  ran(iép.  2   mailles   unies,  —1   rétrécie-!-,— 

1  augmentée,  —  1  ur)ie.  —  1  rétrécie,  —  2  aug- 
mentées, —  1  rétrécie,  —  I   unie,  —  l  reirérie,  — 

2  augmentées,  -  1  rétrécie,  —  1  unie,  —  1  augmen- 
tée, —  1  surjetée  sur  rétrécie  (retourne  au  signe  -I-); 
termine  par  1  augmentée,  —  8  unies. 

13'  raufjre.   3  mailles  unies  -f .  —  1   augm  niée, 

—  1  rétrécie,  —  1  rétrécie,  —  2  augmentées,  —  1  ré- 
trécie. —  1  unie,—  \  rétrécie,  —2  augmentées,— 

—  1  rétrécie,  —  \  rétrécie.  —  1  augmentée,  — 
^  unie  (retourne  au  signe  -f  )  ;  termine  par  I  aug- 
mentée, —  {  rétrécie,  —  7  unies. 

13<-  rangée,  h  mailles  unies,  —  1  augmentée,  — 
1  rétrécie,  —  1  rétrécie,  —  2  augmentées,  —  \  sur- 
jetée sur  rétrécie,  —  2  augmentées,  —  1  rélrécie,  — 
1  rétrécie,  —  1  augmentée,  —  3  unies  (retourne  au 
signe  -f-);  termine  par  1  augmentée,  — 1  rétrécie, 

—  6  unies. 

17e  rangée.  .5  mailles  unies  -f ,  —  1  augmentée.  — 
1  rétrécie,  —  5  unies,  —  1  rétrécie,  —  1  augmenté»^, 

—  5  unies  (retourne  au  signe -f),  termine  pari  aug- 
n)entée,  —  1  rélrécie,  —  5  unies. 

19e  rangée.  6  mailles  unies  -f ,  —  1  augmentée, 

—  i  rétrécie,  —  8  unies,  —  1  rélrécie,  —  1  aug- 
mentée, —  7  unies  (retourne  aH  signe  -|-)  ;  termine 
par  1  augmentée,  —  1  rélrécie,  —  4  mailles  unies. 

1U  rangée.  7  mailles  »inies  -f ,  —  1  augmentée,  — 
1  rétrécie,  —  1  unie,  —  1  rélrécie,  —  \  augmentée, 

—  \  unie,  —  4  rétrécie,  —  2  augmentées,  —  1  sur- 
jetée sur  rétrécie.  —  2  augmentées,  —  1  rétrécie,  — 
1  unie  (retourne  au  signe  -f-);  termine  par  1  aug- 
mentée, —  1  rétrécie,  —  3  mailles  unie.s. 

23«  rangée.  8  mailles  unies -|-,  —1  augmentée, 

—  1  9urj8tée  sur  rélrécie,  —  1  augmentée,  —1  unie, 

—  1  rétrécie,  —  2  augmentées,  —  \  rétrécie,  —  1  unie, 

—  i    rétrécie,  —  i  augmentées,  —  1  rélrécie,  — 
unie  (retourne  au  signe  -f-);  termine  par  1  aug- 
mentée,—  1  rétrécie,  —  2  unies. 

Ce  tricot  peut  encore  servir  pour  nappe  d'autel, 
rideaux,  couvre-pieds,  etc. 

Dentelle  au  tricot  pour  la  garniture  de 
l'aube.  N«  2. 

Monte  16  mailles. 

i't  rangée,  k  mailles  unie?,  — 1  augmentée,  —  1  ré- 
trécie, —  2  unies,  —  1  augmentée,  —  1  rélrécie,  — 
1  unie,  —  2  augmentées,    —  1  rétrécie,  —  3  unies. 


2'  rangée.  5  mailles  unies,  —  1  à  l'envers,  — 
3  unies,  —  1   augmentée,  —  1  rétrécie,  —  2  unies, 

—  1  augmentée,  —  i  rétrécie,  —  2  unies. 

3'-  rangée.  4  mailles  unies,  —  1  augmentée,  — 
1  rétrécie,  —  2  unies,  —  1  augmentée,  —1  rélré- 
cie, —  7  unies. 

4''  rangée.  9  mailles  unies,  —  1  augmentée,  — 
1  rélrécie,  —  2  unies,  —  l  augmentée,  —  1  rétrécie, 

—  2  unif's. 

5'-  rangée,  4  mailles  unies,  —  1  augmentée,  — 
1  rélrécie,  —  2  unies.  —  \  augmentée.  —  1  rétrécie, 

—  1  unie,  —  2  augmentées,  —  1  rélrécie,  —  1  unie, 

—  2  augmentées.  —  \  rétrécie,  —  1  unie.  ( 

6<-  rangée.  3  mailles  unies,  —  là  l'envers.  — 
3   unies,  — là  l'envers,  — 3  unies,  —  1  augmentée, 

—  1    rétrécie.   —  2  unies,  —  l  augmentée,  —  1  ré- 
lrécie, —  2  unies. 

7e  rangée.  4  mailles  unies,  —  1  augmentée,  — 
1  rétrécie,  —  8  unies,  —  1  augmentée,  —  1  rélré- 
cie, —  9  unies. 

8e  rangée.  3  surjetées,  —  7  unies,  —  1  augmen- 
tée, —  1  rétrécie,  —  2  unies,  —  1  augmentée,  — 
1   rétrécie,  —  2  unies. 

Recommence. 

Explication  de  la  planche  de  Broderies. 
(petite  édition.) 

No»  I  et  2.  —  Tricot  et  dentelle  au  tricot  pour 
aube,  nappe  d'autel,  couvre-pieds,  etc. 

^■o»  3,  4,  5,  6,  7,  8.  —  Panier  hongrois.  —  Patrons. 

No  9  —  Dessin  à  broder  en  soutache  d'or  pour 
bourse  de  quêteuse. 

N»  10.  —  Pèlerine  d'enfant,  broderie  anglaise. 

N"  11.  —  Dessin  pour  boutonnière,  pluraelis, 
point  de  plume  et  point  d'arme. 

N°  12.  —  Dessin  de  col  à  broder  au  plumelis  et 
points  de  dentelle. 

N»  13.  —  Entre-deux-plumetis  et  point  d'arme. 

N"  14.  —  Dessin  de  col  façon  guipure. 


(grande  Édition.) 


No  15.  —  Dessin  de  manchette  pareille  au  col 
no  U. 

N"  16.  —  Beau  dessin  à  broder  en  reprises  sur 
tulle,  pour  grand  voile. 

N"  17.  —  Dessin  de  broderie  de  Srayrne.  —  La 
broderie  de  Smyrne  se  fait  en  soie  sur  drap,  pour 
meuble,  on  bien  en  laine  sur  un  tissu  de  paille  qui 
donne  un  tapis  de  pied  Irès-frais  pour  l'été.  Ce 
tissu,  dont  il  faut  au  moins  trois  lés  (|u'on  assem- 
ble, se  vend  2  fr.  50  c.  le  mètre,  chez  RafTaélli, 
86  et  38,  rue  Neuve-Saint-Eustache.  Monte  sur  ua 
métier  l'étoffe  que  tu  veux  broder;  ponce  et  des- 
sine sur  celte  éloffe  le  no  17,  et  brode  au  passé  à 
}X)int  lancé.  Tu  comprendras  la  direction  dans  la- 
quelle doit  se  faire  le  point  lancé,  lorsque  je  l'aurai 
dit  que  les  traits  qui  forment  une  sorte  de  briqne- 
tage  se  font  en  dernier,  et  en  traverf  du  point 
lancé.  Atin  d'épargner  la  soie  ou  la  laine,  quand 
tu  as  lancé  un  point  d'un  bord  du  dessin  à  l'autre, 
repique  ton  aiguille  tout  à  côté,  et  ramène  ainsi  en- 
dessus  soie  ou  laine;  de  cette  façon,  il  n'y  en  a 
point  de  perdue  en-dessout.  —  Il  faut  que  tous  les 


101 


I  I 


points  Inupén  soient  bl«>n  prefR"^  Ip«  un»  c^'ntrc  Ifs 
autres  <t  ne  Inis^f-nt  pas  voir  IVfofir.  —  Ji*  snpn  -»' 
<jiie  II*  lancé  soît  CMinoisI  :  !«•  point  iTat'ache  i!i»it 
«Hn»  vtrl  clair.  Tu  |ii(|in*»  en  «lifî«<»u»  Ion  ai^uili« 
enirf»  A*'\\x  point»  laî'rés;  tu  la  rppi'jn»*s  rn-<lc-^iis 
entrr  *l<-ux  aiitn'S,  de  m  inU-rf  a  re  qm*  If  ;,">// 
d'ultarhe  rmhrmse  ou  cnse>  rc  quiitr^  t  ojtit'^  l;iiif<'s, 
oii  fix ,  suivant  quf  tu  Vfux  un  briqurtniip  plu!« 
CMiid  III  plus  pel.t.  Pour  la  ro«.ve «|i*  i'ln»#rl«*iir, 
la  horrluri'  ou  \\-^ri'.  doil  ^tre  faite  .nu  pns>é  ordi- 
n;«ire  eu  ronleur  verl  c'air.  Lps  quatre  fleurons 
(l<>|\»»nt  i'\r^  Itroifi'H  pu  rou'nir  orangt-;  les  liorns 
s<'  ft-rml  alors  en  Meu  d'azur.  Il  laiit  dns  rnu  eurs 
\ives  et  tranchfts  pour  <•<•  fit-nre  rli*  iirodi-rl<'.  — 
La  soie  a  employer  est  relie  qu'on  appelle  mi  inrsr, 
de  grosseur  moyenne;  la  laine  est  de  la  Inine  de 
B'riu».  Les  li<^n''Ji  >e  font  en  dernier,  a  i  i.jnts 
pre.s«é«,  réguliers,  et  r'  produisant  tidelemenl  le» 
Contours. 

N<-  18,  ly,  20,  21,  22,  23,  2î.—  Patrons  rcduits  au 
(-in')uiêmn  t)oiir  un  manteau  de  nuit  aver  les  me- 
sures en  chiffres  vrnit.  —  Sur  la  piécette  no  18  se 
monte  le  devant  no  t'J;  il  ne  fuit  point  U\fr"uiir  ; 
il  (aul  former  de.'»  piis  réguliers  conune  pour  uw 
chenu^e  rl'homme,  et  les  placer  en're  les  deu\  (lè- 
ches du  n"  IS.  La  pii'ceUe  peut  élre  ornementée  de 
trois  fiç-ons  :  sii:n»U  nient  garnie  par-di\ant,  ainsi 


que  tout  le  lour  du  manteau  de  nuit,  d'un  volant 
en  mfnjssellne  festonnée;  ou  tden  hro«!«*e  faci^n  an- 
glaise ;  oti,  enHn,  hrodée  a-  •  '•"■  -»  *  a*ec  un"  '•  '• 
telle  coquille-  «u  liord.  I.  -  Ucnoi'^ 

lir  —  I-a  p 

»    •  s  n-:f!.   ' 

rninp:eler.  un  le  it  un  mètre  de  ';• 
7»  ceiitimelre5,  que  tu  froncfr-,».  ■ 
la  cf)»i!is<e  du  Imh».  H  que  tu 

deux    «levaid*.  —   20.  mnn<J»»'.    -  i      i  'i 

l'orneras  «l'un  »o!anl  rrmonfniit  j  .uimi- 

ture  du  m.int'-a<i  de  ntiit.  —  t^  i-t  :* •.  |.-.-iirp  d  i 
col  et  col.  —  Tu  ganlir.■«^  de  n  ènv  !••  rd.  -  f '  t 
excellent  patron.  s«»rli  (\r>  ni.-iKA^.i't  de  >ïii«- 

n-ire  (>ltaml>rey,  SB,   nie   ?lru» e- Saint  -  Hi'i *. 

p  ut  encore  te  servir  pour  un  peifno»r  rt  p«»dr  on^ 
r{»'>e  a  Cf>rai:e  montant  et  frouo-.  Il  «ullira  de  le 
nir  plus  courts  l«>s  deux  de\ants,  ainsi  que  la  pte- 
celle.  que  tu  T  ra<  moins  larue  du  bas. 

^o  2ô  —  Dentelle  au  crocliel. 

><>  ifi.  —  Kntrr-detix,  bro-lerie  an|{lai«e. 

Planche  dr  crochet  carré. 

Voici  ce  que  tu  m'as  demande  un  e!<^:^nt  do^ni 
pour  coussin  et  pour  toilrlle  de  fjutruii.  Tu  p«*tn 
garnir  l'un  et  Paulre  avec  la  dentelle  au  cro- 
chet n-  25. 


LES  JEUX  DU  SPHINX. 


CH.KRADF. 


Oii'il  est  flntlnir 
P(Uir  lin  .iiiti'iir, 
Dr  tic  s  «Milriuin*, 
A  li'lr  fnidrr. 
Partout  n  in 
Oiic  iiuui  pniiiii  ri 
(yointiM'  .111  rollfjji' 
H«'las!  <|iir  ii'.ii-jo 
Enror  \c  (Ion, 
P.ir  mou  srcoiul, 
Dr  lur  ïlistr.TJro 
Di'  loiiU"  alTniiv, 
P<>tir  MP  saisir 
Oui*  11'  plai-iir! 
IM.ais  ;\xor  V'\[\i\ 

(li'V  i-l  I  II    s   I  ■  'I  • 


Qu'y  f;agnr-t-on? 
Ali  !  rieii  de  bon  ! 
On  rst  inaussailr, 
Souvrul  iwai  ulo, 
Oiiintnix,  altirr. 
Ou  irarassiiT. 
.Mi*m«*  «'Il  t  uiiillt' 
Une  vc'lill.* 
Suffît  |vu  fois. 
Pi  ixlaut  nu  mois, 
Pour  qu'on  rm"a|»e.,... 
l'/«Nl  «Ml  int'uaj;»'. 
Oii'on  voil  surloul 
>aîtiv  mon  tout! 


Le  mol  i!t  l  in.^uu-  <!u  niois  de  mal  rst  l>o^Tr.. 


Sii'  Jului  Fiaiikliu  est  rt'lroiiNt'!  Au 
mois  (II-  Icvrin"  ilfrniiT  ci*  hiMVc  cnin- 
inaid  iiit  v\  ses  t'cjni;  ii^i-s  >;iliiaitMit  h  ;« 
llis  .Sinil\\ich  (juils  ont  ijniUéfs  il  y  a 
ciiig  ans.  Cinq  ans  !  sur  ce-;  ciiui  aii- 
l\vv>  trois  ont  l'Ic  uix'  sorte  d'ciiipri^o:!- 
iicinfiit  dans  une  |)as-i'  (itTouvertt*  par 
le  iM)r(l-oiie>t  »'t  ou  It^s  ■:l.ice>  ont  r-  tfcui 
It's  N.iis>e.nix  caplilN.  Ainsi  l'tspoir  (!•• 
la  nol)!»*  vl  divine  épouse  se  réalise  !  Sa 
loi  l'a  soulenu'-!  .-tule,  peut  élre.  »'lle  a 
cru  a  II  pdsvilulile  ti'iiii  retour,  et  Dieu 
l'accorde  a  sa  pcr.>evéranee  !  (^)u'oii  ne 
me  p  irle  plus  j.un.iis  de  raiili(pie  Pé- 
nélope qui  sVst  contentée  (l'allemire 
LMy>se  en  faisant  et  en  iléfa;sanl  son 
étiMiielle  t.ipi>ser;e.  Quand  le  me  ma- 
rierai,(pn*  le  ciel  ilai^ine  uï'aceortler  une 
autre  la(i\  Kiatiklin!  Mon  intenti)n 
nVst  as>uiénient  pas  de  coiuir  les  yr m- 
des  aventures  sur  terre  et  sur  mer;  n\,iis 
une  IVmme  qui  ot  cap.il)le  de  reclicr- 
clier  son  mari  envers  et  contre  tous,  (pii 
ne  veut  al)so!umpnt  |)as  se  croire  veuve 
et  <|ui  ne  soni;e  pas  luie  seu'e  lois  a  con- 
voler en  secondes  no«'es,  est  un  phiiiix 
que  chacun  est  l)itn  aise  de  nommer 
si  fil. 

('elte  bonne  nouvel!  '  m'ayant  mis  en 
belle  liumeur,  je  me  suis  iaiVsé  amuser, 
comme  liuis  les  bonnètes  Parisiens,  par 
les  leles  du  '»  mai  ;  fêtes  un  peu  trop 
send)ial)ies  en  la  forme  a  toutes  les 
fêtes  i)ubIi(|Uf  s  lie  tontes  les  époques 
pid)l  (|'iemeiit  fêtées  de  la  civilisalion 
euîopeetuie.  Jai  trouvé  majiniti(iue  le 
ballon  monstre  ou  h' monstre  de  l)all:>n, 
suivi  d'un  antre  \>[v\  m  ciiii/iif  d'nne  so- 
ciit.  })(irtk'uli('.rc :  n)aiiniliipies  les  ibu- 
mi!îalioi>s  >urnominées.  t)arje  ne  sais 
mù.J'aiitdstifjius,  des  deux  fontaines  de 
la  plaee  de  la  Ci»ncorde;  mafiniliques, 
quoi(tu'uu  peu  surannés,  les  piiones  il- 
lumiriato;res  de  la  rue  Nationale  ;  ma- 
ge.itiiines  les  (juatre  arcs  de  triomi)be 
a\ec  ou  sans  sphinx,  avec  ou  sans  bus- 
te>;  magnilique  le  lustre  colossal  aussi 
liant  que  le  portail  de  la  Madeleine;  ma- 
îZniliipies  les  vases  d'or  sÏLiantt  s(pies  ve- 
nant en  lijjne  droite  de  la  Californie, 
nui  décoraient  les  deux  frontons  de  la 
Madeleine  et  du  palais  Lesislatif;  ma- 
Uniliipie.s  les  liuirlandes  de  lampions  et 
les  lustres  suspendus  d.ms  les  entre-co- 
lonnes du  fiarde-meuMe  et  du  minis 
tere  de  la  marine  ;  ma2nifii|ues  jus 
qu'aux  jirands  ri  ifs  paxoisé^  qui  sont 
(lu  ie>>ortde  toutes  les  fêtes  publique^; 
maunifi(}ues  les  danses  plus  ou  m{)i">>. 
échevelét^s  oui  tourbillonnaient  au  rond- 
pt)intdes  Champs-Klysées  aux  sons  d'un 
orchestre  monstre;  majimliques  enlin 
les  tiois  fi'ux  d'artilices,  (juoicpie  je  n'en 
aie  vu  (juUn.  Mais  ce  (pii  m'a  cliarmé 
surtout,  ce  sont  les  nnt>  de  la  fouie.  Que 
de  lêl''s  pensantes!  me  di>ais-JM  en  l'e- 
gardant  couler  ces  (lots  pressés. 

J'anr.ii»  vo^ilu  pourtant  (jue  le  con- 
Reil  municipal  m'eût  demande  mon  avis. 
Il  me  semble  que  j'étais  en  mesure  de 
lui  sufj'iérer,  comme  a  l'un  versite  f(m'i- 
nine  de  la  ville  de  Hiimbour^,  (juel- 
qu'idée  iiiiive,  atlenilu  que  j'abonde  en 
idées.  P,ir  exemple,  n'y  aurait-il  pas  eu 
moyen  de  faire  venir  le  celé!)re  clown 
de  la  ville  de  l.eeds.  et  île  l''  fiiire  esca- 
moter par  une  s(juris,  la  souris  parmi 
cliat,  lecb  it  i)ar  un  chien,  le  chien  pai 
un  lion.  le  liop  par  le  dromadaire  ap 
privoi^é  du  jardin  des  plantes,  le  dro- 
madaire par  un  éléphant?...  l'-i  je  m'ar- 
léte  en  me  souvenant  iVinic  dvmohelli 
qu'un  mouskur  ennuyait  fort  et  d«)ii' 
\\\\  ^ieux  poète  nous  raconte  ainsi  la  ma- 
lice : 

1.3  plu»  pro»s<-  bcle,  dil-rllr, 
Jlons'fiir,  roninu-  r«l-cc  qu'on  l'apprlle  ? 
I  II  t-lrpliaiit,   M.idi  iiioitulJK. 
P'>ur  l)i<  II,  élt'pliniil,  r.r  dit-elle. 
Yii-l-cii  dune  iliiif  laisse  ici  ; 

Or,  depuis  le  déluge,  l'éléphant  étant 
la  plus  grosse  bête  connue,  je  ne  voi- 
pas  par  quel  antre  animal  le  consed 
municipal    aurait  pu   faire  escar.iolej 


CAUSERIES. 

l'eléphanl  contenant,  s'il  \ous  en  sou- 
vient, un  dromadaire  apprivoisé,  c.elui- 
i  un  lion,  le  don  un  chien,  le  chien  un 
clial,  le  (dial  une  souris,  et  la  souns  le 
elovvn  de  la  ville  de  Leeds  (]ui,  sorlaid 
vainijurur  de  l'épreuve,  ser.ul  apparu, 
vêtu  en  prêtre  e^iyptien,  au  laite  de  To- 
belisipie  de  I.uqsor,  au  «irand  ebahis-e 
ment  des  bons  Parisien^,  si  izrands  ama- 
teurs d'e>(amota::e.  l'.t  (pi'on  ne  ci  le 
pas  à  rimpos>ible'  ihjfz  plutôt  <'e  cpie 
vient  de  faire  ce  célèbre  clown,  M.  Ba- 
ker, par  suite  d'un  pari  ! 

.Sa  taille  est  de  5  pieds  10  pouces  an- 
glais. Il  a  parié  qu'il  trouverait  {ilace 
(I  ins  un  p  uiier  de  2  pieds  7  pouces  de 
t)rofondeur  suri  piid7  poucrs  de  lar- 
}î;'iir;  qu'ainsi  roule  sur  lui-même  il  se 
br.iil  e\|)edii'ra  Bradlorl  dans  l'un  des 
waiions  a  1  a;iai:es  ])our  le  même  prix 
qu'un  colis;  et  (jue,  une  heure  après,  il 
serait  de  retour  à  Leeds. 

Le  pari    ayant  été    tenu.  M.  lid\er  a 
f.iit  son  apparition  devant  le  cii(|ue,  vê- 
tu d'un   hal)it  de  peau  de  couleur  roujie. 
Il  a  placé  son   s!irtout|au   b)nd  du  p  i- 
iu<'r   ou  il  s'est    blotti,    rmporlant   des 
or.inszes  et  un    (lacon  d'eau  de-vie  pour 
%e  rafraîchir  et  se  réconforter  en  route. 
Le  panier  a   été   liC' le  .  corde,    cbarj^e 
Idans  \{\n  des  wagons  aux   marchanili- 
Ue>  et  expedii'  à  Bradfort,    puis  dépo.-é 
dans  un   liAtel    de  cette   ville.    Peu   de 
temps  après   on    le  réexpédiait  à  Leeds 
lou  il  arrivait  à  l'heure  dite.   Déballe  i\ 
lia  station   même,  le  clown  est   rentré  a 
'Leeds  en  voiture  et  accompagné,   dans 
sa  marche  triomphale,  d'une    foule  en- 
I  thousiasinée  qui  l'applaudissait  avec  Ire- 
inésie 

I     Comme  on  ne  s'avise  jamais  de  tout, 
I  personne  n'avait  son^é  à  [^w^  assurer  le 
[colis,  de  sorte  que    s'il    lui    fût   arrivé 
malheur  en  route,  la  ville  de  I^eeds  eût 
!  perdu,  sans  compensation,  l'une  de  ses 
[pins  ijrandes  gloires,  tandis  qu'un   my- 
iord  Roosbief  qui   aurait  pris,   en  par- 
tant, une  assurance  pour  sa  i:rosse  per- 
|>0!uie,  aurait  pu   laisser,  en  dédomma- 
1  izement  de  sa  précieuse  vie,  à   ses  béri- 
j tiers,  la  somme  de  ((iiin/e  mille  francs 
Car,  en  Anjuielerre,  dans  plusieurs  gares 
de   chemins  de  fer.  on  vous  «s.s»;-e  con- 
tre les  chances  de  la  route.  .Après  avoir 
paye  sa   place,  le  voyageur  passe  au  bu 
reau  voisin,  et  nKvennant  3  centimes, 
U'il  e.-t  voyageur  dans  les  voilures  dites 
didsï^nc.es'  il    reçoit   une  assurance   de 
1.!), 000,  de  tO.OoO'pour  -2   centimes  aux 
secoiules  places,  de   5,000  pour  l  cen- 
|time   s'il  voyage   en  wagon     Mais   en- 
tendons-nous bien  !  ces   assurances  ne 
nréservent  nullement  le  voyageur  d'a- 
voir les  os  rompus  et   la  tête  cassée  en 
cas  de    rencontre   de  deux    convois,  de 
lierai llement  d'une  locomotive,  etc.,  etc., 
elles  r«.ss»/'t'/(/  seulement  s'il  péril  d'uni 
mort    \  i')ienle  produite    par  quel(|u'un 
lies  accidents    trop   fré(|uents     sur    les 
Voies  (le  fer,  qu'il  laissera  à  ses  ayants- 
causes  une  somme  de...  pour  leur  dem' 
et  pour  payer  deux   ou   trois  ilouzaine> 
le  mouchidrs   destinés  à  élancher  leun 
larmes.  On   prétend  que  nombre  d'An- 
glais attaqués  du  splc'ii  font,  de  ces  as 
siirances,  une  sorte  de  ?p-culation  ;  ou 
spécidera-t-on,  si  ce  n'e.stjen  Augletn- 
re  '.'  et  voici  comme.  .Se  tirer  un  coup  ue 
pisloleloiKse  pendre  tout  p.'osHïipiement, 
c'est  seulement  faire   iiagner  les  pompes 
iunébres.  Aujourd'hui  l'Anglais  (pii  veul 
nour.r   prend   un   billet    de    lu-emièrc 
•lasse,  son  assurance  de  3  lectimes,  el 
noute  en  ddi|',eiice.  Là,  se  livrant  à  de.- 
l'Xcentncilés  effrayantes  pour  évcxpier 
la  mort,   il   ijlace  d'horreur  et   d'épou 
\ante  ceux  (le  ses  compagnons  de  rout' 
qui  n'ont  nulle  envie  de  (initier  ce  mon 
le,  en  leur  faisant  courir  mille  et  mill' 
le  ces   dangers  qui    ne   naîtraient    pas 
l'eux-mêmes.    Ceci  est  a    la   lettre;  dt 
lelle  sorte  (|ue  les  voyageurs  non  assn- 
rr's  ont    demandé    positivement   d'êlri 
.ssuri's  coulre  les  ris  pies  que  leur   font 
courir  les  voyageurs  assures,,,  Kt   voilà 


icommenf,  en  ce  bas  monde,  il  n'est  de 
[bien  qui  ne  serve  à  mal,  tant  l'esprit 
I  humain  est  pervers  de  sa  nature! 
1  .M.  .Sudre  poursuit  ses  succès  en  fait 
Ide  télégraphie  aïoiistique.  Plusieurs 
experii'i'ces  aus.si  concluantes  que  cu- 
rieuses t>nt  eu  lieu;  une  eiitr'aulies 
pour  laipielle  on  avait  échelonne,  de 
Idistance  en  distance,  des  clairons,  ù 
î  partir  de  l'École  militaire,  d'où  éma- 
naient les  ordres,  juscpi'a  Bueil.  Tous 
les  ordres  ou  avis  (loiuiés  par  le  général 
commaiidint  ont  été  transmis  pres- 
(piinslanlaiH  ment  a  Rueii.  Il  y  avait  a 
reprodiiiri' 'les  phrases  assez  longues: 
ISoiis  sDiitines  attnqiiés  par  des  forces 
supérieures.  —  Prenez  vo-t  disposilioiis 
p'iur  que  rassaui  soil  donne  demain 
malin.  Qui'lques  notes  de  musique  ré- 
pétées par  les  clairons,  comme  d'échos 
en  échos,  ont  suffi  pour  faire  eiiLendre 
ces  ordres  a  10  kilomètres  de  dislance. 
J'étais  du  nombre  de  ceux  qui  ont 
assisté  à  celte  curieuse  expérieiic-,  et  je 
m'en  revenais  à  Paris  rctlechissant  sur 
tous  les  genres  de  télégraphie  possibles, 
sur.  toute;-,  les  manières  d'abréger  les 
distances  (pie  les  découvertes  de  la 
science  mettent  h  la  disposition  de  cha- 
cun et  de  tous,  lorsqu'au  moment  de 
prendre  p'aee  dans  le  convoi,  j'aperçus 
a  mes  pieds  un  petit  papier  plie  (u  (|iia- 
tre.  Je  le  r(devai  en  regardant  aulourde 
moi  pour  en  découvrir  le  propriétaire  ; 
mais  tout  le  monde  se  hâtait  de  monter 
dans  les  voilures  ;  je  montai  a  mou  tour, 
et  après  m'êlre  informe  de  mes  voisins 
et  voisines  si  personne  n'avait  pcM'dii 
quelque  cliose,  j'ouvris  ce  papier  lin, 
satiné,  tout  parfumé,  el  je  lus  ce  qui 
suit  : 

«  Chète  amie  ,  je  suis  dans  l'oreille 
d'ouis!  on  a  fait  des  clochettes  sans  lin 
sur  ma  grenade,  en  ce  (jui  touche  les 
acanthes,  et  sur  l'emploi  que  j'ai  fait 
de  mon  peiiolier  blanc  ;  on  a  dit  que 
mon  jasmin  n'était  (pie  du  iiéranium  ; 
(jue  je  n'ai  pas  l'ombre  de  platane,  que 
ran'.iél;({ue  me  manque!...  Ma  luzerne 
est  fl  trie  à  jamais!  Dans  ma  giroflée 
blanche  je  croyais  avoir  un  prunier  sau- 
vage, lel  était  le  but  de  mon  pin  ..  Plus 
d^  tubéreuse,  chère  amie!  pas  même  un 
f  oquilicot  !  Ma  giroflée  jaune  pour  les 
acanthes  me  conduira  â  l'héliotrope  et 
peut-être  au  basilic!  Que  ce  monde  a 
de  renoncules  et  d'èbeniers!)» 

.\pres  avoir  lu,  je  relus,  sans  me  trou- 
ver |)!iis  avancé  qu'aui)aravant.  Le  bil- 
let est  écrit  en  luuijacje  des  Jlcurs,  rien 
de  plus  visible.  Je  me  suis  donc  liàte 
d'acîieter  un,  deux,  trois,  ju-qu'h  six 
traité»  de  ce  lauiyage,  mais  ils  se  conlredi- 
sent  tons.  Mesaimaliles  lectrices,  venez- 
moi  en  aide,  je  vous  en  supplie  !  Ma  cu- 
liosilé  est  vivement  excité*^.  L'écriture 
est  une  écriture  de  femme.  Que  veulent 
tlieces  tletu\s,  ces  arbres  ainsi  mêlés 
sans  ordre?...  je  n'en  dors  plus!  Il  faut 
pie  Je  sache  à  tout  prix  ce  que  sont  ces 
acanthes  qui  conduisent  à  V/u'ltolrope  et 
lui  ne  laissent  pas  même  un  coquelicot  l 
Si  personne  rie  peut  me  le  dir»-.  je  pren- 
drai en  grippe  le  laiigage  des  Ib-iirs  et 
je  le  placerai  de  cent  piques  au-dessous 
lu  langage  en  chilfres  iiue  voici  el  (pii 
i  été  emidoyé  par  un  garde  national 
montant  rarement  sa  garde  et  craignant 
p  ir-dessus  tout  Vlioteldcs  haricots: 

Mes  ni;inqurnu'nl!i,  >IM.,  ne  sont  pas  trèn-coiii  1 
.\iijourd"liiii  je  deni.inde  indulpeiiee  pour  2 

\l;i  luèrr  «'•l.nit  malade  en  la  >illc  de  •> 

P.iiir  p;ii-lir  àriiislaiit,  j'ai  faille  diable  à  A 

Voii»  m'avez,  il  esl  vrai,  eonimandé  pour  le         5 
^ÎI1^  auprès  d'un  malade  il  faut  être  pié  G 

l'oiir  iipplii|iier  ù  temps  l'oie^ueiit  et  la  laii  7 

Dieu  merci  !  j'ai  vaincu  la  fièvre  el  la  p.t  8 

J'ai  fait  à  ma  malade  un  ettomac  tout  9 

Vous  pardoniii'rez  hieii  mon  zèle,  cadc  10 

(^ar.  piiiif  un  til",  vos  cceuis  ne  seront  pas  de  br  1 1 
Je  serai  de  retour  à  l'oitiers  pour  le  12 

.Mort  je  monterai  des  gardci  par  douzaines. 

Ceci    du    moins  est   clair  et   positif 
comme  2  el  '2  font  ■'». 
I  Feruand  pe  L.xstol'RK, 


103 


Énuc\Tio\ 


uiLSCL^iii^^;^/  ji'ji  iaoïiii^iiî. 


SrJITS   l)i:   MIDITAIIDXS. 


OIJLKIA  I  li)\      IM       I     \M(iI   It     I>r     pr.n(H\l\. 


(À'  n  (*st  pas  sans  raison  (jiic  jr  vous 
entiTlii'us  soiivciit  do  la  vraie  vl  parfaite 
cliaiiU'.  J«'  \c  lais,  païur  (pic  ]«•  ne  con- 
nais aucun  rcnicdc  si  saluliic  ni  si  clli- 
cacc  pour  les  lilcssuies  îles  péclienis. 
Ajoutons  (pie,  (piehpie  |>uis>>ant  (|ne  >oit 
ce  reniètle,  il  n  v  a  personne  <pn,  avec 
1  aide  de  Dieu,  ne  puisse  se  le  j)rocurer, 
l*o«u'  les  aulies  bonnes  feuvres,  on  jx  nt 
trouver  (pieUjne  excuse  ;  il  nv  en  a 
point  pour  le  tlevoir  de  la  clinrili'.  (^Miel- 
(|n  un  |i(  ni  nie  dire  :  «  .le  ne  pnis  pas 
'»  jeûner;  •»  tpu  peut  nie  «lire  :  «  .le  n<' 
»  puis  [)as  aimer.'  «  On  peut  dire  : 
«  A  cause  de  la  laiMesse  de  mon  corps, 
'»  je  ne  puis  pas  m'al)stenir  de  viandes 
»  et  d<'  vin  ;  »  cpii  p(  nt  dire  :  "  Je  ne 
•>  puis  pas  aimer  mes  ennemis,  ni  par- 
»»  donner  à  ceux  cpii  m'ont  ollensé.*  .» 
Oue  personne  i\v  se  lasse  illusion;  car 
personiu'  ne  trompe  Du'U...  Il  v  a  beau- 
coup de  clioses  <pie  nous  ne  pouvons  ti- 
rer du  trésor  de  notre  grenier  ou  iU'  no- 
tre cellier;  mais  il  si'rait  honteux  dédire 
(pi'il  y  a  (pieUpie  chose  <pie  nous  ne  pou- 
vons tirer  de  notre  c(cur;car  ici  nos  pieds 
ne  Si;  lassent  point  à  courir,  nos  yeux  à 
re|»aider,  nos  oreilles  à  enteuilre,  nos 
mains  à  iravailh  r  :  nou^  ne  pouvons 
alléguer  aueunt*  lati|;ue  pour  excuse.  On 

Aucun  (les  nrlicles  inMitt  contenus  Han*  ce 

ronicil  nf  f)ont  «Mie  ni nilni'  'ii- 

Innont  fornu'l  (1o$  niilnirH.  «f  iii- 

sullos  en  conlrcfnçon. 

il"  Si*i\iF.    ToniO  l\.  N"  7.  — 


ne  nous  dit  point  :  •«  Al!«v.  à  rOrieul 
'»  pour  y  chercher  la  charité,  naviguez 
"  vers  l'Occident  et  rapport»  7.  en  laf- 
"  iection.»  C  «si  en  nous-mêmes  et  dans 
nos  co'urs  qu  on  nous  ordonne  de  ren- 
trer; c'i'st  là  cpie  nous  trouverons  tout. 
«  Mais,  dit  quelqu'un,  je  ne  puis  en 
'>  aucune  laeoii  aimer  mes  ennemis.  - 
J)ieu  te  dit  ilans  les  Kcritures  que  tu  le 
peux  ;  toi,  tu  réponds  que  tu  ne  le  peux 
]>as  :  regarde  maintenant  :  (|ui  faut-il 
croire  de  Uieu  ou  tle  toi  ?...  Quoi  doue! 
tant  d'honnnes,  tant  de  feuuues,  tant 
d  enfants,  tant  et  de  si  délicates  jeunes 
lill«\s  ont  snpp(M  té  d  un  i-u'ur  Icrme , 
pour  ramotu-  du  Christ,  les  ilauunes,  le 
j;l>iive.  Us  hètes  féixxx'S  ;  el  nous  ne 
pouvons  supporter  les  outraj;es  tle  quel- 
«pies  insens«'sî  et  pour  <]uel«pi«^  |>«iits 
maux  que  nous  a  faits  l.i  nuchancete 
«le  «piel(]ues  lu)nnnes,  nous  jHiursuiviuis 
loniii-  tux,  justpi'à  II  mort,  la  ven- 
j;«anei'  «le  nos  injurts!  Lu  vériti'*,  je  nr 
sais  «le  «ju«l  front  el  avec  quelle  con- 
liance  nous  «)s«.ins  prctemlre  à  partap,er 
avc«'  l«  s  saints  la  Uatitiide  éleniellr, 
nous  qui  ne  mvou^  (vis  suivn*  trur 
exeinpU* ,  mèm«*  «laus  l«*n  mnindm 
ch«)scs!  S.iiul  (<ES\lRE, 

t.\<  iuo  li  .\ri«>>.  «le  :i4H  à  SU  J  . 


1)  5Ain(  r/Mlrew» 
1  imr  drï  ît^m  Arr<  «Ir    i  i 
M*  -hVU*  ,    ;1  r<'lo  ti«*  Itii 
5ermon?. 
JlilliT  IHMI 


foniHJe 

'-<  mi 

,0  «l«» 


104 


BLANCHE. 


ESQUISSE, 


I. 


«  IMon  Dion  !  que  je  souftVe  !  >•  Ce  cri  de 
douleur  s'écliappait  dime  pnuvre  man- 
sarde on  une  femme,  malade  depuis  six 
mois,  attendait,  dans  les  secrètes  an<>ois- 
ses  d'une  misère  inconnue,  que  la  main 
de  Dieu  la  toucliàt. 

Pour  cette  lenune  l'avenir  était  si 
soud)re  qu'elle  ne  sentait  pas  d'horreur 
pour  la  mort  :  il  v  a  des  êtres  qui,  sous 
le  reyard  de  Dieu  seul ,  soullrent  la  vie, 
comme  une  lente  a{j;onie  que  rien  ici-bas 
ne  console. 

IMadame  Descares  était  veuve,  et,  par 
suite  d'un  enchaînement  de  circonstan- 
ces, trop  longues  à  raconter,  avait  descen- 
du tous  ces  degrés  qu'on  nomme  aisance, 
médiocrité,  gène,  pauvreté  ;  elle  en  était 
à  la  misère  absolue.  Noble  misère  qui 
trop  souvent  se  cache  sous  des  souvenirs, 
connue  une  reine  fugitive  sous  les  lam- 
beaux de  sa  grandeur  ;  misère  inaperçue 
du  monde  dont  les  regards  légers  ne  lisent 
point  dans  l'obscurité  ;  misère  que  rien 
ne  soulage  ou  du  moins  qu'on  ne  soulage 
qu'en  la  blessant,  caria  pitié  des  hommes 
la  fait  pleurer  I 

Pleine  de  courage  et  de  résignation  , 
madame  Descares  aurait  su  mourir  sans 
faiblesse  ;  mais  deux  jeunes  fdles  récla- 
maient sa  présence  :  pour  ces  pauvres 
enfants  leur  mère  était  tout;  en  elle 
seule,  elles  trouvaient  appui,  conseil, 
amour  ;  le  reste  du  monde  leur  était 
inconnu  et  ne  savait  pas  leurs  noms. 

Aussi,  la  nuit,  quand,  s'éveillant  pour 
soulh  il-,  la  malade  songeait  aux  dangers 
de  toutes  sortes  que  rencontreraient 
Blanche  et  Nathalie,  elle  se  cramponnait 
à  la  vie  de  toutes  les  forces  de  son  âme, 


et  dans  son  cœur  maternel  se  croisaient 
plus  de  tlésirs,  ])lns  d\\sj)érances  que  n'en 
ont  jamais  enfantés  les  illusions  et  les  chi- 
mères qui  parfois  fontdemander  aux  êtres 
frivoles  une  prolongation  d'existence. 

Ici,  ce  n'était  ni  nmrnuue,  ni  révolte  : 
c'était  amour  et  compassion  pour  deux 
fleurs  si  petites,  qu'elles  seraient  mortes 
à  l'instant  on  on  les  aurait  séparées  de 
leur  tige. 

lUanche  avait  l^  ans  et  Nathalie  avait 
15  ans.  Blanche  était  frêle  et  maladive, 
mais  pleine  de  courage  et  d'énergie  : 
elle  s'appliquait  à  apprendre  tout  ce  qui 
était  en  son  pouvoir;  docile  aux  leçons 
d'une  mère,  elle  a vaiteonstannnent  étudié 
sous  ses  yeux,  et  depuis  que  la  maladie  de 
madame  Descares  ne  lui  permettait  plus 
de  contiiuier  ses  utiles  enseignements,  la 
petite  Blanche  lisait  des  livres  instructifs, 
choisissant  avec  intelligence  les  interval- 
les de  la  fièvre  pour  demander  à  la  ma- 
lade l'explication  de  ce  qu'elle  ne  com- 
prenait pas.  Quand,  fatiguée  de  l'étude, 
l'enfant  voulait  se  distraire,  elle  caressait 
d'abord  un  petit  chat  qu'elle  aimait,  et 
qui  était  à  lui  tout  seul  l'unique  jouet  de 
sa  jeune  maîtresse  et  son  plus  grand  dé- 
lassement; puis  elle  revenait  s'asseoir 
près  du  lit  de  sa  mère,  et  là,  d'après  ses 
conseils,  elle  s'occupait  de  petits  travaux 
manuels  plus  anuisants  qu'utiles,  et  que, 
dans  toute  autre  position,  elle  eût  cepen- 
dant considérés  comme  une  fatigue  ou 
un  devoir. 

Nathalie  aussi  bonne  que  sa  jeune 
sœur,  plus  afïVctueuse,  plus  démonstra- 
tive, ne  quittait  presque  jamais  non  plus 
la  chambre  de  sa  mère.  Tous  les  matins 
elh;  sortait  furtivement  pour  acheter  du 
pain,  du  lait,   et  les  petites  provisions 


495 


iiidispciisalilcs.  Ili-las,  la  p;iuvrc  ciiraiit 
lie  n'Vi'iiait  jamais  cliargt'e  ;  m  irtour- 
ii.iul  au  lijjjis  elle  se  (;lissiit  le  loiifj  des 
imiiaillrs,  dans  les  i"ues  les  jilus  dt' séries, 
elle  aiiivail  en  {jraiide  liàte,  sapproeliait 
du  lit,  cl  pleurait  sur  les  ilouleurs  de  sa 
mère. 

(ij  aude,  forte,  robuste,  Nathalie  scni- 
lil.til  pn  siju  une  feuniie,  mais  sa  nature 
ni;>ll('  (t  tiiiiii!»*  i  l  lil  ('ncrvi'e  pat  l^-s 
eoups  du  niailM  ui  ;  i  lie  eouih.iit  la  tète 
sous  un  poids  tiop  lourd,  et  ne  {(aidait 
d'autre  ilidensc  conln*  1  iului  lunr  1 1  la 
di'tresse  que  des  laruics,  toujours  des 
larmes  I  FOlle  t'iait  helle  à  voir  celte  (ille 
aimante  et  (gracieuse,  lorsque,  tout  en 
pleurs,  à  jjenoux  devant  sa  mère ,  elle 
essayait  par  ses  désirs  de  prolonger  sa  vie, 
ré pt' tant  : 

<«  Mère,  je  l'aime  plus  que  tout,  plus 
que  moi  !  Reste  avec  nous  !  Dieu  ne  peut 
pas  vouloir  nous  st'parer  !   » 

Puis,  accablée  par  la  véhémence  de 
ses  transports,  elle  rceonunençait  à  pleu- 
rer écoutant  sa  mère  (pii  disait  triste- 
ment : 

»•  Pour  moi  tout  tsl  lini  !  rt''si{^;iM'-toi, 
ma  fille,  jr  l'abandonne  à  Dieu  I  mais 
c'est  à  toi  que  mon  cœur  confie  Hlanehe  : 
vois  connue  elle  est  frêle  et  pâle  I  Pour- 
rait elle  se  passer  d'une  mère?  \on,  tu 
me  renq»la«Tr.is  !    > 

Alors,  la  belle  jeune  fille  serrait  Tune 
contre  l'autre  ses  mains  suppliantes;  ou  au- 
rait <lil(pi'elle  voulait  prier,  mais  sou  âme 
au  lieu  de  s'élever  s'allaissait.  iNathalie, 
l«s  (  heveux  épars,  les  lévns  bl.uuhes, 
les  mains  ^;laeées,  passait  (|uelipielois 
une  heure  dans  iiu  complet  évanouisse- 
ment ;  U)orte  à  l'auiitié,  morte  à  la  dou- 
leur, elle  ilevenait  inutile,  et  sa  jeune 
so'ur  avait  à  soigner  deux  malades. 

Ainsi  passi'rent  de  lon(;s  mois  d  hiver: 
madame  Deseares  $<*  demandait  si  les 
Ihmux  jours  lui  rendraient  des  forcrf,  ou 
si  plutôt  le  printemps  n'ouvrirait  pas  fia 


tombe.  Elle  peusait  avec  auiertunie  à 
I  isolement  de  ses  fdlcs,  et,  quoique  sa  foi 
eu  la  Providence  fût  grande,  il  lui  sem- 
blait que  Di»u  dans  l<»s  trésors  de  sa 
|)itié  ne  gardait  rien  d'au&si  Ik)u  que  le 
ereur  d'une  uière  :  surinoutant  ja  fai- 
blesse, elle  disait  à  ses  eufauts  : 

«  Dieu  ni  a  don:ié*e  à  vuiiS  pour 
vous  mener  à  lui  ;  je  vous  l'ai  fajt  con* 
niitif,  ce  Dieu  dr:»  p*  liLset  des  puivres  : 
>  il  nri'loi,;ne  |)our  un  temps,  il  s'appro- 
ilura  lui  uième  et  vous  couuaitrez  le 
Dieu  des  Orphelins.  » 

Lue  seule  espt'-rauce  restait  à  la  mal- 
heureuse veuve  :  un  riche  paivut  de 
son  mari  toueli  lit  à  1  extrême  vieil- 
lesse, il  n  avait  point  d  eufauti.  D  an- 
ciennes divisions  de  famille  avaieut 
existé  de  tout  temps  entre  lui  et  les  Def- 
cares  ;  jamais  aucun  message,  aucun 
souvenir  n'était  venu  rassurer  la  veuve, 
qm,  trop  licre  \hjuv  faire  une  démarche 
directe,  avait  cependant  cherclié  par 
toutes  sortt  s  de  moyens  à  intt'resser  le 
riche  vieillard  à  s<»s  enfants. 

Des  amis  ,  voisins  de  campagne  de 
M.  lieauval .  i  laient  chargés  de  pitH 
nonci  r  souvent  devant  lui  l*'S  noms 
de  Blanche  et  île  Nathalie  :  on  lui  disait 
que  l'une  était  grande  et  belle.  1  autre 
faible  et  souOiante  :  il  ne  ré|>oiuiait 
rien.  Ktait-ce  bizarrerie,  haine  ou  ava- 
rice .'  Nul  ne  le  savait. 

In  soir,  vers  la  fm  de  l'hiver,  une  af- 
freus<*  tristesse  régnait  dans  la  mansarde. 
\jc  mé-<ltvin,  vied  ami,  qui  |vir  nttaehr- 
ehement  venait  souvent  visiter  la  m.ilade. 
avait  Iaiss4-  deviner  aux  enfants  une  |Kir- 
tie  de  son  inquiétude  :  il  ne  tnnivait  pas 
le  mal  sans  nMuètle,  mais  le  remètirrtail 
im|H)Ssible.  Il  fallait  avant  tout  rhangrr 
d  air,  puis  se  sonmettir  au&  exigrnees 
d'un  traitement  diN|XMuheu\  et  long. 
s'entourer  de  soins  minutieux,  éloigner 
les  {X'nst'es  tristes  ;  en   un  mot,  i\  fallait 


196 


CP  qih'  l(\s  paiivros  no  se  doniunt  ]xk... 
un  \)cn  de  InnAicuv. 

iVcM  poiiiquoi  \c  l)()ii  tlt)('UMM  n  avait 
pu  raclu^r  son  tMU)tioii  c\\  sciranl  la 
la  uiaiii  (lis  tMifaiits  qui  lui  disairiU  :  — 
*i  (ïU»''iira-l-elle,  notre  nirre?  « 

l.a  nuit,  une  forte  eiise  vint  ajouter 
aux  touruieiUs  ilu  jour  :  les  jeunes  (illes 
ne  s'étaient  point  coueliées.  Blanelie  al- 
lait et  venait  relevant  les  oreillers  de  sa 
mère  ,  lui  olïrant  ini  breuva^je  préparé 
de  ses  mains,  et,  de  temps  en  temps,  ra- 
nimant les  étineelles  éparses  sous  les 
cendres  du  misérable  foyer. 

Natlialie  éperdue  n'était  plus  capable 
de  rien.  Pâle  connue  sa  mère,  elle  at- 
tendait, inunoblle  et  terrifiée,  que  le  sa- 
erilice  s'aceonij)lit.  Send)lable  à  ces 
belles  statues  de  marbre  qui  représentent 
froidement  la  doideur  parce  qu'elles 
n'ont  pas  la  vie,  la  jeune  fille  ne  donnait 
aucun  témoignape  de  crainte  oud'amour; 
elle  soulVrait  en  silence  un  borrible  mar- 
tyre, et  ne  pouvait  rien  de  plus. 

Vu  long  soupir  de  la  malade  sembla 
tout-à-coup  répondre  à  une  idée  terri- 
ble. Les  mourants  sont  vrais,  ils  disent 
ce  que  nous  n'osons  pas  penser.  Après 
un  moment  d'hésitation  ,  madame  Des- 
cares  appuyant  sa  main  brûlante  sur  le 
beau  front  de  Nathalie  dit  à  demi  Aoix  : 
«  Mes  enfants,  je  n'ai  rien  appris  de 
votre  oncle,  je  n'en  espère  plus  aucun 
secours,  je  me  sens  bien  mal,  qu'allez- 
vous  devenir?  Hélas  !  dans  bien  peu  de 
jours  peut-être  vous  serez  toutes  seules, 
et  vous  n'aurez  pas  même  de  quoi  faire 
dire  une  messe  pour  moi  !..  » 

31adamc  Descares  s'interrompit,  en 
voyant  Tinij^rcssion  que  ces  derniers 
mots  avaient  produite  sur  Nathalie  dont 
la  tète  se  penchait ,  et  ne  se  relevait 
plus. 

Blanche  accourut  vers  sa  so'ur,  I'cmu- 
brassa,  la  réchaulhi  dans  ses  bras  ;  pauvre 
petit   anj^e    d'espérance,   elle  était   prc- 


<pie  ealuK*  entre  deux  immenses  dou- 
leurs, etcjuand,  nnt'  heuie  après,  un  ])eu 
de  sonnneil  ferma  passaj^èrement  les 
veux  des  deux  seuls  êtres  qu'elle  ainiàt, 
on  eut  pu  la  voir  assise  devant  une  ])etite 
table,  cachée  derrière  le  lit,  écrire  à  la 
hâte  uiiv  lettre,  la  plier,  la  cacheter,  puis 
conunencer  avec  une  étranjje  ardeur  un 
ouvrage,  inutile  en  apparence,  un  col  au 
crochet. 

Blanche  aimait-elie  réellement  sa  mère 
autant  que  l'aimait  sa  sœur?  Oui  autant: 
elle  pleurait  nu'ement,  ne  s'é'vanouissait 
jamais ,  et  s'occupait  continuellement. 
D'où  lui  venait  ce  courage  ?  Etait-ce  en 
elle  force  phvsique  ?  Non,  elle  était  petite 
et  maij;re  ;  mais  dans  son  ànie  silencieuse 
il  y  avait,  connue  au  fond  de  son  pauvre 
foyer,  une  étincelle  qu'elle  ne  laissait 
pas  éteindre. 

L'enfant  grandissant  entre  la  mort  et 
la  souffrance  s'était  dit  :  «  J'aime  bien 
ma  petite  maman,  je  veux  lui  être  bonne 
à  quelque  chose.  » 

Et  depuis  ce  jour-là  ,  surmontant  la 
puérilité  du  jeune  âge.  Blanche  avait  re- 
doublé de  courage  et  d'énergie. 

II. 

Le  mois  de  mai  s'approche  avec  ses 
premiers  parfiuns  et  sa  riante  ver- 
dure. 

Le  pauvre  va  s'enrichir  de  la  hunière 
et  de  la  chaleiu',  seuls  biens  qui  ne  s'a- 
chètent pas. 

Madame  Descares  ne  mourra  point 
encore.  Dieu  le  veut  ainsi  à  cause  de  sa 
patience  et  de  sa  soumission.  Elle  est  en 
ce  moment  assise  près  d'une  fenêtre  fer- 
mée ;  elle  regarde  baisser  le  jour,  et  le 
rideau  qui  s'étend  sur  la  campagne  ne 
lui  ]varaît  ]>lus  triste  et  sévère  ;  elle  ap- 
pelle la  nuit  un  temps  de  repos,  le  jour 
un  temps  d'esjn'rance. 

Ln  bon  vieillard  octogénaire  l'a  fait 
venir  dans  sa  riche    demeiue.   C'est  le 


197 


I  I 


parent  que  jusqu'ici  on  avait  en  vain 
cliorclK-  à  inti-icsscr  au  sort  de  la  famille 
iJc'scarcs. 

Qui  donc  a  su  ouvrir  ce  cœur  qu'on 
disait  dur  et  froid  ? 

CVst  une  enfant  qui,  sans  art  et  sans 
élude,  a  puisé  dans  son  âme  assez  d'é- 
ner{;ie  pour  tenter  une  démarche  d»''eisive 
au  moment  le  plus  désespéré. 

Un  jonr,  M.  IJeauval  a  rern  de  l^aris 
u\ïc  lettre  ainsi  conçue  : 

«  Monsieur, 

>i  .1»'  ne  suis  (pi  nne  p<'tile  lilU'  rivons 
»  ne  me  connaisse?,  pas,  mais  on  dit  que 
»  vonsé'tiez  1  Oncle  «l«'  mon  pajia,  contre 

-  ItNpiel  vons  étiez  fàelié  ,  je  ne  sais  ]>as 
>•  pour(juoi. 

►»  On    «lit    anssi    qne  vons  avez    une 

•  {grande   fortnnc    rt    une   In-IU'  c.nn|Ki- 

-  [;ije,  et  moi  je  me  décide  à  vous  écrire 
»  j)arceqne  niaman  est  si  malade  qu'elle 
»«  va  mourir  bien  snr,  si  vous  ne  venez 
»>  ]ias  à  son  secoms. 

»  Le  nu'decin  lui  dit  (pi'il  faut  elian- 
>»  {;er  d'air  et  ne  pas  être  mallieurense. 
)»  Klle  iw  peut  pas  changer  d'air,  puisque 
»»  nous    n'avons  j)lns   »rar;;enl  ;    elle    ne 

•  pent  pas  non  pins  être  lu'urense,  parce 
»  qne  ma  stvnv  et  moi  nous  avons  trop 
»  de  peine. 

»  \  oulez-vous  que  maman  vienne  «le- 
>»  meurer  eluz  vous  à  la  camp.i{;ne  .*  Là 
»  elle  j;uérirait,  le  médecin  Ta  dit. 

u  .le  sais  l)i(*n  (pie  mon  papa  a  du 
>•  vous  faire  de  la  peine  autrelois,  puis(pie 

•  vous  vous  êtes  fàelié  ;  mais  il  y  a  si 
H  longtemps  I  D'ailleurs,  si  vous  vons  en 
1  souvenez  encore ,  je  vous  demande 
»  paiiNui  pour  lui  ,  potir  maman  ,  pour 
»  ma  s(enr  1 1  pour  moi  (|ni  n  elai>  pas 
..  encore  née.  Je  n'ai  pas  dit  (pie  je  vous 
u  écrivais,    parce  ipie  si  vous  ne   me   le- 

•  pondit  A  pas,  ((la  ferait  trop  de  peine  à 

•  maman,  et  aussi  à  Nathalie  qui  est  hien 
»  pins  sensible  (jne  moi. 


«^  Oh  !  je  vous  en  supplie,  r('|)ondez- 
'>  nuji,  et  dites-moi  que  vous  voulez  bien 
>»  (pie  maman  vive  I 

•'  Adieu,  mou  cher  oncle,  je  puis  bien 
»  dire  mon  oncle,  puisque  mon  papa  le 
w  disait.  Pardonnez  mou  t*criture  et  mou 
»>  style,  je  n'ai  jamais  écrit  de  lettres,  et 
>•  je  ne  sais  rien  faire  de  bien,  je  suis  si 
«  enfant  encore  I 

»  Je  v(jus  embrasse  de  tout  mon  copur, 
»»  parce  que,  j'en  suis  sure,  vous  aurez 
»  piti(''  de  mauian. 

"  Bla.nche  Descabes.  » 

Le  vi(  illaid  en  lisant  ces  lijjues  avait 
oublié'  son  ancienne  inimitié,  il  avait 
aiiiK'  lUanche,  et,  comme  nous  l'avons 
vu,  madame  Descares  et  ses  fill(^ étaient 
instalU'cs  chez  lui ,  et  n*(X*vaient,  de  sa 
j;énéieuse  pKJtection,  des  cX)nsola lions  et 
des  soins. 

Le  vieillard,  rajtnuii  par  la  iDuscience 
d'avoir  f.ut  le  bien,  se  plaisait  à  s'entou- 
rer eliacpie  soir  de  l'inléressnnle  famille; 
il  faisait  asseoir  près  de  lui  Blanche,  la 
nièce  préférée,  rpii  réj;ayait  par  ses  jeux, 
et  ses  saillii's  heuivuscs. 

Ce  soir-là,  plus  j'aie,  plus  (•entille  en- 
core (pie  lie  coutume ,  Hlanche  s'était 
amusée  à  tresser  les  lonjjs  cheveux  de  sa 
s(eur  pour  lui  en  faire  une  iX)Ui\>nne  : 
•  Parce  cpie,  disait-elle,  ma  s*eur  est 
belle;  (t  maman,  (piand  elle  cliit  mal- 
heureus4>,  se  (xins^ilail  en  la  n*(;ai(lant.  » 
Nathalie  soupira,  et  dit  tout  l»as  A  sa 
mère  : 

—  C'est  donc  là  tout  tv  (pie  j'ai  fait 
pour  Vous,  moi  qui  vous  aime  tant  !  A 
«pioi  vous  ai-je  s«Tvi .'...  à  rien  ' 

—  M  \  lille,  dit  mailame  lK*scarcs,  tu 
m'as  tant  ainuv,  ne  te  repi(H'he  rien  ! 
Ta  îU'ule  f.iute  est  d'avoir  maïupu-d'éner- 
j»ie,  de  t'ècre  liviVv  pleinement  à  la  dou- 
leur, et  d«'  n'avoir  |ms  su  ct>ns<'rver  assez 
de  (ôvvc  et  de  saiq;  froid  |H>ur  luller 
et^ntre   Ihonrur  de  luMn^  siliniion.  •  Kl 


J98 


comme    Nathalie   soupirait  encore ,     le 
vieil  oncle  reprit  : 

«  INIoii  enfant,  tu  n'es  pas  coupa- 
ble, tu  es  à  planulre  ;  tu  peux  par  tes  ef- 
forts acquérir  réuerjjie  qui  te  manque. 
Le  dévouement ,  vois-tu  ,  se  prouve  par 
des  actes  ;  mais  pour  produire  ces  actes, 
il  laut  plus  que  la  noble  exaltation  d'une 
belle  àme,  il  faut  ])lus  (jue  la  poétique 
douleur  d'un  être  inconsolable  ;  il  faut 
du  courage,  de  la  hardiesse,  quelquefois 
même  de  la  témérité.  Les  larmes  toutes 
seules  témoi^jnent  d'ini  amour  enfantin  ; 
les  actes  accusent  un  aiwour  viril,  ])ro- 
fond  et  parfait.  Faut-il  pour  lutter  contre 
l'adversité  une  organisation  robuste  et  vi- 
goureuse? Non,  ce  n'est  point  absolu- 
raent  nécessaire  :  la  force  principale  de 
la  femme  connue  de  riiomme  est  dans 
la  volonté.  » 

Ici  M"'«  Descares  attira  Nathalie  sur 
sou  sein  ,  la  consolant  par  la  même  pa- 
role: '»  Ne  te  reproche  rien,  tu  m'as  tant 
aimée  I  » 

Blanche  pleurait  en  contemplant  cette 
scène  touchante.  Le  bon  vieillard,  pour 
faire  diversion,  la  prit  sur  ses  genoux,  et 
apercevant  dans  la  poche  de  son  tablier 
un  petit  portefeuille,  il  s'en  empara,  dé- 
clarant qu'il  voulait  savoir  tous  les  se- 
crets de  Blanche. 

Celle-ci ,  troublée  tout-à-coup  ,  arra- 
clia  le  portefeuille  des  mains  de  son 
grand-oncle ,  et  rougit  comme  une  cou- 
pable :  M "^f  Descares,  voyant  le  vieillard 
justement  blessé  de  ce  manque  de  con- 
fiance ,  ordonna  à  sa  fdle  de  rendre  le 
portefeuille,  et  M.  Beauval  l'ouvrant ,  y 
trouva  soigneusement  enveloppée,   dans 


un  petit  morceau  de  papier,  une  pièce  de 
2  francs. 

—  On'(\st-(>e  cela?  s'éeiia-t-il  en  riant, 
cette  ])elite  fille  thésaurise!  C'est  fort 
mal,  INIademoiselle  !  >»  Blanche  baissa  la 
tète  ,  rougit  plus  encore  et  voulut  sortir 
de  la  chambre. 

—  Uestez-là,  ditsérieusement  sa  mère. 
IMa  fdle,  soyez  franehe  ,  d'où  vous  est 
venu  cet  argent,  et  depuis  quand  l'avez- 
vous?  » 

Simple  et  enfantine  ,  Blanche  releva  la 
tète  et  dit  à  sa  mère  : 

'<  Cet  argent,  c'est  moi  qui  Tai  gagné 
à  Paris,  quand  vous  étiez  si  malade  :  j'ai 
fait  un  col  au  crochet,  la  nuit  pendant  que 
vous  dormiez,  maman,  parce  que  vous 
aviez  dit  que  ,  quand  vous  seriez  morte, 
nous  ne  pourrions  pas  seulement  faiie 
dire  une  messe  pour  vous!  Puis  j'ai  été 
vendre  mon  col  :  plusieurs  marchandes 
m'ont  renvoyée  parce  que  j'étais  petite  ; 
une  enfin  a  pris  mon  col  et  m'a  donné 
2  francs,  et  je  suis  rentrée  à  la  maison, 
pensant  que,  quand  vous  ne  seriez  plus 
là,  je  pourrais  encore  vous  consoler  et 
que ,  si  vous  veniez  à  mourir,  j'irais  de 
suite  à  la  paroisse  demander  deux  messes 
en  noir,  l'une  en  mon  nom ,  l'autre  au 
nom  de  ma  sœur.  » 

Blanche  se  tut ,  et  M'"<^  Descares  ,  ser- 
rant toujours  Nathalie  contre  son  cœur  , 
tendit  la  main  à  sa  plus  jeune  fdle,  et  re- 
devint pale  comme  au  temps  de  ses  plus 
vives  souffrances.  Mais  ce  n  était  ni  la 
douleur,  ni  l'angoisse  qui  la  faisaient  pâ- 
lir, c'étaient  l'étonnement,  la  joie,  c'était 
l'amour  maternel  I 

Mme  DE  Stolz. 


199 


INSTRUCTION, 


J^     W    ^    (SJ    -   Jj« 


A    U!HE   JEUNE    MILE. 


Vous  qui  ne  savez  pas  couibicii  l'enfauce  est  belle, 
Kuf.iiit,  nfiivH/.  point  notre  .i}jr  île  (Knileins  , 
Où  le  cœur  toiu  à  tour  est  esclave  et  rel)ell»\ 
Où  le  rire  est  souvent  plus  triste  que  vos  pleurs  ! 

A  otre  à(;e  iiisouciaut  est  si  doux  qu'on  loul^lie! 
Il  pa^se  comme  un  souflle  au  vaste  champ  îles  airs  ; 
(fournie  une  voix  joyeuse  eu  fuyant  allaiblie, 
Comme  un  alcyon  sur  les  mers. 

Oli  I  ne  vous  liàtt  /.  point  île  mûrir  vos  peusi'es  ; 
Jouissez  du  matin,  jouisse/,  du  ))rintemps; 
Vos  heures  sont  dv^  fleurs  l'une  à  l'autre  enlacées; 
Ae  les  elleuillr/,  pas  pins  vite  que  le  temps. 

Laissez  venir  les  ans  I  le  destin  vous  dévoue. 
Comme  nous,  aux  rcjjrets,  à  la  fausse  amitié, 
A  ces  maux  sans  espoir  ipie  Torjjueil  désavoue, 
A  ces  plaisirs  qui  font  pitié. 

liiez  pourtant  !  du  sort  ij^norez  la  puissance  ; 
liiez  î  n  attriste/  pas  votre  front  j;racieux, 
\  oli-e  œil  d  azur,  nuroir  de  paix  et  d  innocence. 
Qui  révèle  votre  àme  et  réfléchit  les  cieux. 

Victor  Ilif.o, 


IIISTOIIir. 
€'iirl4>%ll«^«    lii%(<>rl(|ii«*%« 

l  N     PASSACiK    sots    l'eI  IMIRATE. 


Pendant  des  sièrîes  H.d)vl«)ne  hit  ,  à 
juste  titre,  la  ville  l.i  plus  eéUhn*  de  l'an- 
cien momie   et  eonqitée  an  nondire  des 


sept  Uïervrillei».  In  historien  aiuàen 
rapj>orte  que,  lorvpie  la  ville  fut  pris*" 
par  Cvrus,  trois  jours  $<•  passèrent  «vaut 


200 


que  la  iiouvello  en  parvînt  à  l'autre  evtiv- 
uiité;  et  un  savant  uioderue  ,  INI.  Qua- 
tivnièiv,  auteur  dun  mémoire  spécial 
sur  Jîabylone,  soutient  que  le  proiluit  des 
terres  cultivables  renfermées  dans  Ten- 
ceinte  de  la  ville,  eut  suftl  à  noiurir  ses 
nombreux  habitants  ;  ainsi,  sans  la  tra- 
hison, elle  aurait  élt'  imprenable. 

La  po])ulati{)n  de  ilabylone  se  compo- 
sait de  ]>euplades  entières  transplantées , 
poiu*  ainsi  dire,  à  la  suite  des  conquêtes 
des  rois  assyriens.  Ces  nations  parlaient 
chacune  sa  lan^^ue,  vivaient  séparées  les 
unes  des  autres,  conservant  leurs  mœurs, 
leurs  usa^^es  et  continuant  les  haines  de 
peuplades  à  peuplades. 

l  n  pont-volant  réimissait  les  deux 
rives  de  TEuphrate.  Chaque  soir  il  était 
enlevé  afin  d'oter  à  ces  nations,  qui  se 
détestaient  les  unes  les  autres,  la  possi- 
bilité de  profiter  des  ombres  de  la  nuit 
pour  porter  partout  l'incendie,  le  pillage, 
le  massacre. 

L'élévation  et  l'étendue  des  miuailles 
de  Babylone  ont'  été  constatées  par  les 
historiens  anciens.  Le  temple  de  Bélus, 
les  jardins  suspendus  qui  s'élevaient  par 
degré  jusqu'à  la  hauteur  de  ses  murs  ;  les 
parapets  qui  rétrécissaient  la  largeur  de 
lEuphrate  ;  les  cent  portes  de  bronze  ; 
le  lac  artificiel  non  loin  de  la  ville;  enfin 
ces  constructions  tellement  gigantesques 
qu'on  a  pu  douter  quelquefois  si  la  uiain 
des  honuues  avait  fait  autre  chose  qu'ai- 
der la  nature ,  tout  cela  n'est  plus  que 
ruines,  que  décond^res.  Cà  et  là  le  voya- 
geur aperçoit,  dans  cette  immense  so- 
litude, des  vestiges  de  temples,  de  pa- 
lais, d'iiabitations.  Une  sorte  de  mas- 
sif en  briques  cimentées  se  dresse  encore 
à  cent  cinquante  pieds  d'élc'vation  ;  or,  il 
est  prouvé,  par  la  comparaison  des  récits 
de  plusieurs  voyageurs,  que,  depuis  cent 
ans,  ce  massif  a  baissé  de  GO  pieds.  En 
suivant  la  pro{;ression  de  ce  décroisse- 
ment  pour  l(^s  siédcs  antérieurs,  à  quelle 


efi'rayante  hauteiu'  il  devait  atteindre 
dans  l'originel  Les  savants  pensent  que 
ce  n'était  que  la  terrasse,  et,  pour  ainsi 
(lire,  le  piédestal,  sur  lecpiel  était  bâti  un 
palais,  un  temple ,  celui  de  Belus  peut- 
être  plus  connu  sous  \v  nom  de  tour 
de  Babel  ,  dont  l'élévation  devait  être 
proportionnée^  ;  car  ce  massif  n'ofire 
aucune  trace  de  portes,  ni  de  fenêtres, 
et  son  irrégularité  atteste  que  c'est  seu- 
lement \c  fragment  d'une  tour  colossale. 

Partout  d'énormes  auias  de  matériaux 
aussi  loin  que  la  vue  peut  s'étendre  ; 
partout  la  dévastation  et  le  silence  I 

Là,  cependant,  là,  dans  ces  lieux  dé- 
serts et  désolés,  régna  Sémiramis  !  J-.à, 
toutes  les  recherches  du  luxe  furent 
inventées,  et  là,-  aussi,  fut  ouvert  \i\\ 
passage  sons  les  eaux  d'un  fleuve.  Il  ne 
s'agissait  pas  cette  fois  d'ollrir  une  voie 
lUile  aux  habitants  d'une  ville  populeu- 
se, il  s'agissait  simplement  de  satisfaire 
à  l'une  des  fantaisies  de  la  femme  dont 
le  nom  passera,  de  siècles  en  siècles,  jus- 
qu'à la  postérité  la  plus  reculée. 

Selon  ce  que  nous  apprennent  Dio- 
dore  de  Sicile  dans  son  histoire  univer- 
selle et  Philostrate  dans  sa  vie  d'Apollo- 
nius de  Tyane,  Sémiramis  fit  détourner 
lEuphrate  et  arriver  ses  eaux  dans  un  lac 
que,  par  son  ordre,  on  avait  creusé  aux 
environs.  Elle  avait  conçu  le  projet  d'ou- 
vrir sous  lEuphrate  une  galerie  voûtée, 
afin  d'établir  une  comnumication  entre 
deux  palais  situés  siu*  les  deux  rives 
opposées.  De  nos  jours,  l'ingénieur 
français  lirunel  n'a  point  détoiu'né  les 
eaux  de  la  Tamise  ;  il  a  lutté  pied  à 
pied  avec  le  fleuve ,  trouvant,  dans  son 
génie,  les  movens  de  mettre  obstacle  à 
l'envahissement  des  fiots,   et,   dans  son 


cour 


âge, 


l'audace    de  braver  une  mort 


presque  certaine.  Honneur,  honneiuà  ce- 
lui qui  a  montré  à  rAngleterre,  à  la  terre 
entière,  ce  que  sont  le  génie  et  le  cou- 


rajre  français  I 


201 


Kii  deux  cviii  soixante  jours,  les  tra- 
vaux, entiepris  par  l'oniie  de  Srniira- 
inis,  jurent  achevés.  ï^  voûte,  qui  s'éle- 
vait jus(ju'au  fond  du  lit  du  (leuve  à  la 
liautrur  d«'  12  pirrls  sur  une  lar;;rur  de 
I  ô  pieds,  était  composée  de  piern  s  dures 
cimentées  avec  ilu  hitunie  et  liées  entre 
elles  par  des  crocliets  d'airain.  Alors  les 
eaux  de  IKuphrate  lurent  ramenées  dans 
h'ur  lit,  et  Si'niiraniis  ])Ut  se  rendre  de 
1  un  à  l'autre  de  ses  palais  en  passant 
sous  le  fleuve.  Devant  elle  seule  s'ou- 
vraient les  portes  d'airain  (pii  ferniai«iit 
la  j;alrrie;  ces  portes  subsistaient  encore 
sous  le  rè{;ne  des  Perses. 

Oui  ,  aujounriiui ,  pourrait  retionver 
dans  cr'S  ruines  immenses  les  curioux 
vestiges  du  passaf;e  sous  rKu|>lnate? 

Le  pàtn'  conduisant  son  troupeau , 
1  Arabe  (juidantiine  caravane,  s't'loiCjUent 


avtc  terreur  de  ces  dt^nibres.  La  supir- 
stition  les  a  |>euplés  ]H)ur  eux  detres 
terribles  et  fantasticpics  qui  en  défen- 
dent l'approche.  Ïjc  voyajjeur  eumpt^^n 
lui-même  s*éloi|',ne  aussi,  car  des  lions 
apparaissent  soudainement  au  sonunct 
des  collines  formées  de  tant  de  débris  ; 
il  craint  d'aller  troubler  dans  leurs  re- 
paires h'S  animaux  féroces  qui  rèj;nenl 
à  leur  tour  là  ou  n'{;nèrent  jadis  I  mul- 
li;;ence  et  la  puissance  humaine  !  Puis- 
sance frajjile  !  puissance  qui  ne  |H'Ut  que 
semer  le  itionde  de  monuments  fraf,iles 
connue  elle  !  Babvlone,  ]\inive,  Lacétlê- 
mone,  Tlicbes,  Athènes,  de  vos  mines 
s  élève  une  voix  qui  rt-pète  à  riiouiuic 
orj'jUeilleux  ces  paroles  du  Prophète  : 
.V/r  t/i/nstt  f^lvna  niundt  !  Ainsi  passent 
les  gloires  de  la  terre  I 

h.  R. 


I  1 


i;co\oiizi:  iit>iii:^iit|ti:. 


I  A   MAnUKSSK  \>\i  MA1S()N. 


11. 


Tu  sauras  ,  ma  bonne  (llémmir  , 
(pTlldouard  est  iharmé  du  désir  tpie  j  i- 
pronv«>  de  tlevenir  le  dis(  iple  tle  sa  mè- 
re, objet  de  son  autour  et  de  sa  vj'nera- 
tiou  ;  seulement,  il  ma  priiv  d'attendre 
que  .^I"""  lleaumtxil  m  nivil.ïl  il  elle- 
nièuH-  à  la  sieond«"r  ;  et  ei-lCe  invitation 
a  eu  heu  très-|»<  u  lie  jours  après,  j  ma 
grande  joie. 

«<  ii(*main,  ma  iille,  m  a  \\\\.  ma  Ih'IIi'- 
mère,  nous  aurons  tptelques  |M-rsoune5  à 
diner.  Des  \\\vv  j'ai  donné  des  t>rtlivs; 
mais  si   vous  êtes  matinale,  venex.   me 


trouver  dans  mou  cabinet  avant  sept 
heures,  et  j«*  vous  expliipierai  les  rai- 
sons cpii  m  ont  lait  dis|HiM*r  l«'S  elios<*s 
de  telle  fa^x)u  plutôt  que  de  telle  autre  ; 
puis,  vous  uie  direz  quels  s<Mâienl  les 
mets  (pii  vous  paraîtraient  prt'feralilcs 
à  leuv  dont  j'ai  lait  choix.    ' 

—  Merci,  merci,  ma  mèiv  !  ••  s'esl 
écrié  Edouard  en  pie>sant  sur  s»*»  Icvn'^ 
la  main  de  M">*  lieaunuMit;  |K>ur  uioi,  je 
lui  ai  saute  au  i\)U  et  je  l  ai  embrasstv 
de  tout  mou  cumu.  C  e»t  qiM*,  vois- tu, 
mon  aime,  il  e>t  |h*u  a;;n-able  |K>m  une 
jeune  lemme  tic  miiUi  que  iicn  ne  d« - 
|H'iid  d'elU'i  ne  le^ort  d'elle  dan.n  la  mai- 
son. Je  xt'.ix  .S.IIIS  tloute  UM*  laiÀMT  di- 
riger eu   tout  )Kir  ma  lMllc-liièn\  uiai» 


202 


je  veux  aussi  ivuii  ici  la  \)\.\cc  ([xi'oc- 
cuprrait  sa  fille  si  elle  eu  avait  une,  et 
cesser  d'être  eouiptée  pour  zéro  par  les 
douiestiques.  Je  crois  cpie  IVI'"»^  IJeau- 
uioiit  a  couij)ris  cela;  car  elle  Cit  douée 
d'une  jjraiide  délicatesse  tlàuie,  et  voilà 
sans  doute  pourquoi  elle  téuioi^jiie  la  vo- 
lonté aiuiable  de  in  (issorirr  à  son  pouvoir. 
Tu  penses  bien  que  j'ai  été  ponctuelle 
au  rendez -vous.  Aussitôt,  uia  helle- 
inère  a  sonné  la  cuisinière,  et  Texauien 
sérieux  du  menu  arrêté  dès  la  veille  a 
eu  lieu  devant  moi.  Je  uie  suis  bien 
^jardée  d'y  prendre  part;  Geneviève  au- 
rait vu  prouiptement  uia  complète  i{i;no- 
rance  :  les  uiots  de  relevé  de  potagr^ 
c\  cnlrées,  de  hors-dœiwrc^  d'entremets^ 
étant  tout-à-fait  nouveaux  pour  moi, 
comme  ils  le  sont  pour  toi,  clière  amie. 
Aujourd'hui  je  suis  toute  fièrc  de  pou- 
voir te  dire  que  tu  as  à  la  pension  un 
relevé  de  potage  dans  le  très-ordinaire 
bouilli,  ou  dans  le  miroton^  qu'on  sert 
en  remplacement  de  la  soupière  ;  des 
\\ovs-d'œ livre  froids  dans  les  cornichons 
et  les  radis,  une  entrée  dans  l'humble 
plat  de  lentilles,  et  un  entremets  sucré 
dans  les  tartelettes  aux  pommes  que 
nous  acceptions,  toi  et  moi,  à  titre  de 
dessert.  Je  copierai  à  ton  intention,  à 
la  fin  de  ma  lettre,  le  uienu  <le  notre 
dîner  (\^anus;  plus  tard,  tu  te  procure- 
ras un  Parfait  cuisinier^  et  tu  pourras 
ainsi  faire  connaissance  avec  tous  les 
hors  d'œuvre  froids  ou  chauds,  tous  les 
relevés,  toutes  les  entrées,  tous  les  en- 
tremets qu'on  peut  servir  à  ces  divers 
titres,  en  les  variant  suivant  la  saison  ; 
saiis  compter  tous  les  rôtis  imaginables, 
et  l'ordre  dans  lequel  ces  choses  doivent 
être  servies.  On  devrait  bien  nous  en- 
sei{jner  la  théorie  au  moins  de  l'art  de 
dresser  un  menu  dans  les  pensions,  puis- 
qu'enfin  nous  sommes  toutes  destinées 
à  diriger  un  uiénage  plus  ou  moins 
considérable. 


Quand  Geneviève  a  été  partie  ,  m  i 
belle-mère  m'a  reproche  amicalement 
mon  silence. 

«  Je  ne  vous  aj)pelle  pas  nu  conseil^ 
a-t-elle  ajouté  en  souri.uit,  pour  que 
vous  opiniez  seulement  du  honnet.  » 

Sans  hésiter  j'ai  avoué  ma  complète 
ignorance  et  la  crainte  que  j'avais  éprou- 
vée de  dimiiuuîr  la  considération  de 
Geneviève  pour  moi  s'il  m'était  arrivé 
d'indiquer,  à  la  place  d'une  entrée,  tel 
ou  tel  niets  appartenant  aux  hors-d'œu- 
vre,  ou  bien  tel  prétendu  hors-d'œuvre 
appartenant  aux  entremets;  puis  je  me 
suis  récriée  sur  la  quantité  de  plats  qu'il 
fallait  pour  un  simple  dîner  d'amis. 

«  Nos  amis,  a  répondu  M""*  Beau- 
mont,  peuvent  bien  ne  pas  être  comme 
vous  et  moi,  ma  chère  fille,  complète- 
ment indifférents  aux  plaisirs  de  la  ta- 
ble ;  et  puisqu'ils  ont  l'obligeance,  alors 
qu'un  diner,  fort  passable  au  moins, 
leur  est  assuré  chez  eux,  de  braver  le 
froid,  la  pluie,  pour  venir  partager  le 
nôtre,  il  faut  que  nous  leur  témoignions, 
en  faisant  quelques  frais,  la  joie  que 
nous  éprouvons  de  voir  notre  invitation 
acceptée.  Ne  trouvez-vous  pas  que  ceci 
est  à  propos,  que  c'est  même  un  devoir? 

—  Oui,  ma  mère,  vous  avez  raison. 

—  Si  nous  ne  traitions  que  des  jeunes 
femmes,  des  jeunes  filles  de  votre  âge, 
ma  chère  Pauline,  et  des  honunes  de 
l'âge  d'Edouard,  mon  menu  ne  serait 
pas  tout-à-fait  le  même  ;  le  premier  ser- 
vice contiendrait  surtout  des  pièces  de 
résistance^  et  le  dessert  se  composerait 
un  peu  difiéremment.  îMais  nous  aurons 
deux  anciens  amis  de  ma  famille,  et  une 
de  mes  amies  de  jeunesse  ;  à  un  certain 
âge ,  mon  enfant ,  on  aime  la  bonne 
chère;  on  se  fait  une  afiaire  d'aller  dîner 
en  ville,  et  surtout  on  est  en  droit  de  s'at- 
tendre à  ce  que  la  maîtresse  de  la  mai- 
son témoigne  par  tous  les  moyens  pos- 
sibles de  sa  déférence  pour  la  vieillesse. 


203 


Ainsi  donc,  dans  le  clioix  qup  j'ai  fait 
des  mets  qui  couvriront  la  tablr ,  j'ai 
pris  en  considération  1  â{;e,  les  goûts  de 
mes  principaux  convives,  dont  la  plu- 
j)art  n'ont  plus  de  dents,  bien  plus  que 
rà»;e  et  les  {;onts  des  amis  de  mon  fds  et 
des  jeunes  femnics  ou  jeiuies  lilles  que 
nous  vovons  Iiabiluellenicnt. 

—  Oli  î    clière   maman,    votre   menu 
confenti-ra  tout  le   monde,   je  vous  as- 


sure 


—  C'est  mon  désir  et  mon  devoir. 
Donner  à  dîner,  c'est  exercer  lliospita- 
lilé  ;  il  faut  donc  la  rendre  aussi  agréable 
que  possible  à  ses  invités. 

—  Mais ,  ma  n»ère  ,  il  y  aura  bien  des 
reliefs,  car  nous  ne  s* ions  que  dix  à  ta- 
blel..  Quoique  je  ne  sois  pas  gourmande, 
j'avoue  que  l'apparition,  {)endant  plu- 
sieurs jours  de  suite,  des  mêmes  j)lats , 
diminue  beaucoup  mon  appétit.  • 

M""^  Bcaumont  se  mit  à  rire. 

—  Oubli» '/.-vous  donc,  dit- elle,  qu'a- 
près demain  nous  avons  à  déjeuner  deux 
de  nos  voisins  de  campagne? 

—  Ali!  c'est  vrai  I  Pour  ceux-là,  ils  ne 
laisseront  pas  de  relirfs  I 

—  Une  mai  Messe  de  maison  doit  tout 
calculer,  ma  clière  l'.iuline,  et  s'arranger 
de  trilc  sorte  que  la  déjxMise  occasionnée 
par  un  dîner  de  pins  ou  moins  d'apparat, 
serve  à  diux  fins.  Ainsi,  par  exemple, 
nous  donnons  eliacpit*  liiver  trois  grands 
dîners  ;  ces  trois  |;randN  r«pas  sont  suivis 
d'un  dîner  moindre  et  de  deux  grands 
déjeuners  dînatoires. 

—  Mais,  clière  maman,  comintiii 
faites -vous  pom-  que  certains  de  vos 
invités  ne  se  dontfMit  pas  qu'ils  sont 
conviés  à  faiie  disparaître  les  reliefs? 

—  Rien  tle  plus  simple,  mon  enfant. 
Si  le  elioix ,  la  di>(iibn(ion  des  mets, 
sont  «les  rlioses  im{H>r(an(es,  (^  qui  l'est 
encore  davantage,  |XMil-être,  et  jvirtieu- 
lièrrment  en  province ,  c'est  le  choix  des 
convives.   Réunir  dans  un   même    raftt 


des  gens  que  séparent  leurs  positions  so- 
cial^'s,  leurs  occupations,  leurs  opinions 
politiques  surtout,  ce  sei^it  cotnmettre 
une  fautf  grave  contre  les  bienséances, 
et  donner  la  preuve  qu'on  manque  de 
savoir-vivre.  Par  sa  position  dans  le 
monde ,  mon  fils  est  ap|>elé  à  voir  et  à 
recevoir  la  meilleure  société  de  la  ville, 
fonctionnaires,  gens  de  robt-s  et  d'épée, 
riches  propriétaires,  gens  aimables,  ar- 
tistes ;  mais  ses  occupations  ayant  pour 
objet  une  exploitation  rurale,  il  se  trouve, 
d'antre  part,  en  relations  fréquentes  avec 
des  voisins  de  campagne  qui,  connue  lui, 
font  valoir;  avec  des  fermiers,  des  négo- 
ciants en  grains,  en  bois,  en  bestiaux, 
que  sais-je  encore  ?  Pour  les  gens  de  U 
ville,  les  dîners  d'apparat  ;  pourceax  de 
la  campagne,  les  grands  déjeuners  dîna- 
toires ,  et  tout  le  inonde  est  content  ;  et 
nul  ne  se  doute,  si  ce  ne  sont  pourtant 
les  bonnes  ménagères ,  que  je  sais  faire 
concorder  entre  elles  les  époques  de  ces 
dilTérentes  invitations,  de  telle  sorte,  que 
le  repas  pins  moileste,  qui  suit  un  ^aln^ 
ne  me  coûte  que  très -peu  de  chose  en 
«us. 

—  Mais  c^est  tout  un  travail  que  cela  î 
me  suis  je  écrit^e  aussi  slu|ïéfaite  qiK'  lu 
le  seras  toi-même,  ma  Clémence,  en  me 
lisant.  Te  serais-tu  jamais  dont«v  qu'il 
f;»llût  tant  de  couibinaisons  |»our  niivoir 
chez  soi  ?  Et  moi  qui  inVtais  fait  une 
fête  de  la  seule  id«'e  de  docmer  de^  fèlcs  î 

J'ai  demandé  encore  k  ma  belU^iiièrc 
si  elle  avait  tnujnun  du  monde  le  len- 
demain ou  le  surlendemain  d'un  diner 
d'amis. 

—  Presque  toujours,  m'a-t-elle  ré- 
pondu ,  car  je  m'arrange  {tour  que  ces 
dîners  aient  lieu  aux  époques  où  nos 
voisins  de  camp.ij;ne  ont  alTaire  en  ville  , 
et  j'ai  soin  que  o'il.^ins  pUts.qni  p<  iivent 
être  rajeunis  le  lendeiuain  par  un  noiivrl 
assaisonneiuenC ,  soirut  tosn  fort5  pour 
servir    à    mes   deux    fins  ;    de    la   sorte 


204 

jai  à  ollVir  un  (  lianuant  an\l)i{>u  ,  irlcvi'     I     volent  donc  les  nuances  (lui  nous  écliap- 
d*un  <'>I('j;ant  dessert,  et  j<'  soutiens  ainsi     |     pent,  et  ee  sontelK^s  (|ui  enipèclient sou- 


la  it'initation  dont  jonit  mon  (ils  d'avoir 
une  bonne  l;»i)le  ;  ié|)ulatit)n  qui  n'est 
pas  à  dédai{;ner  eonmie  vous  pourriez  le 
croire,  ma  ehère  Pauline. 

—  Ce  que  je  ne  conçois  pas ,  dis-jc  à 
ma  belle-mère  ,  c  est  conunent  Gene- 
viève pourra  venir  à  bout  de  faire  à  elle 
seule  les  dix  plats  d'aujourd'hui  I 

—  D'abord,  ma  clière  enfant,  tout  ce 
qui  peut  se  ])réparer  la  veille,  l'a  été 
dès  bier;  ensuite  Suzette  est  cliarp^ée  du 
soin  de  faire  les  crèmes,  et  la  fille  de 
cuisine,  très-int(4lij;ente,  seconde  d'au- 
tant mieux  Geneviève,  que  toutes  deux 
vivent  de  bon  accord.  Ce  qui  nous  re- 
jjarde ,  vous  et  moi ,  c'est  de  donner  le 
linge  de  table,  la  porcelaine,  les  cris- 
taux ;  de  faire  monter  les  difl'ércntes 
espèces  de  vins,  soin  que  j'épargne  au- 
tant que  possil)le  à  Edouard  ;  enfin  de 
dresser  le  dessert  rt  de  garnir  les  bougies 
et  le:»  flambeaux  de  ces  jolies  bol)èches 
que  vous  laites  si  bien.  Nous  nous  occu- 
perons de  tout  cela  après  déjeuner,  et 
nous  causerons  alors  tout  en  travaillant  ; 
maintenant,  permettez  -  moi ,  je  vous 
prie ,  de  m'babiller.  J'attends  plusieurs 
personnes  ce  matin.  » 

Je  suis  allée  trouver  mon  mari  ;  il  a 
bien  voulu  me  laisser  faire  étalage  devant 
lui  de  ma  science  toute  nouvelle  en  fait 
de  dîners ,  puis  il  m'a  demandé  en  riant 
si  je  croyais  encore  que  le  rôle  de  la 
fennne  dans  la  uiaison  du  mari  fut  aussi 
peu  inipoitaru  qu'on  le  prétend  en  géné- 
rnl.  Jai  cru  échapper  à  la  difliculté  de 
répondre,  en  disant  que  nous  n(^  sonnnes 
en  réalité  que  le  premier  rninisifc  de 
notre  seif^ncar  et  mniirr. 

»  Soit,  a  repris  Edouard,  premier 
ministre  î  mais  ministre  présidera  du 
conseil  !  Car  les  fenunes,  moins  distraites 
que  nous  par  les  alî'aires  du  dehors,  sont 
dou('es,  en  oi  tre,  d'un  tact  exquis;  elles 


vent  le  seii:^ueur  <  t  maître  de  n'unir  dans 
une  fètc  des  élénuMits  tellement  h('téro- 
gènes,  (pie  la  discorde  pourrait  bien 
naître  de  vc  que  le  sdi^nciir  et  iixtitre 
avait  jugé  devoir  amener  ime  conciliation 
générale.  Réfléchis  à  tout  cela,  ma  Pau- 
line, et  tu  reconnaîtras  (\v\v.  la  femme, 
qui  reste  fenuue,  est,  non  pas  V esclave , 
mais  la  c<>rnj)ngnr  de  l'homme.  » 

Edouard  a  raison  ;  (pi'en  dis  tu ,  Clé- 
mence ? 

Après  le  déjeuner,  uia  belle -mère 
ayant  averti  que  nous  n'y  étions  ()our 
personne,  a  fait  appeler  le  fils  du  jardi- 
nier, et  nous  sommes  descendues  à  la 
cave . 

L'ordre  établi  partout,  mais  plus  en- 
core dans  le  caveau  consacré  aux  vins 
fins,  m'a  charmée.  Lue  ardoise  porte  le 
nombre  des  bouteilles  contenues  dans 
chaque  case  ;  au-dessous  est  inscrit  le 
nouibre  de  celles  qui  ont  été  prises , 
avec  la  date  du  jour  du  prélèvement. 
]VImc  Beaumont  a  fait  monter  du  vin  de 
Bordeaux,  du  vin  de  Madère,  et  mettre 
de  côté  du  Champagne  mousseux. 

De  la  cave,  elle  m'a  conduite  à  la 
lingerie.  Que  de  linge  et  de  beau  linge, 
chère  amie  !  ^La  belle-mère  m'a  uiontré 
de  magnifiques  services  en  toile  damassée 
pour  les  jours  de  gala ,  et  d'autres  aussi 
élégants,  mais  plus  modestes;  elle  a 
choisi  un  de  ceux-ci. 

Je  ne  savais  pas  encore  combien  nous 
sommes  riches  en  porcelaines  et  en  cris- 
taux. Déjà,  pourtant,  j'aurais  pu  les 
reconnaître ,  lors  des  grands  repas  qui 
ont  été  donnés  pour  fêter  notre  mariage  ; 
mais  je  n'y  avais  pas  fait  autant  d'atten- 
tion qu'aujourd'hui.  Et  l'ordre  le  plus 
parfait  règne  aussi  dans  ces  grandes  ar- 
moires si  bien  garnies  du  liaut  en  bas. 

Suzette  avait  réuni  sur  la  table  les 
beaux  fruits  qu'on  envoie  ici  de  nc^fic 


205 


maison  des  (lianips,  à  nu-sure  du  hc- 
s<jiii  ,  les  petits  fours,  les  pâtisseries,  les 
c(Mnpotes,  les  eonfitures  qu'il  s'agissait 
de  dresser  sur  les  assiettes,  dans  dejulies 
corbeilles  et  dans  les  compotiers.  Pen- 
dant que  ma  lulle-mère  et  moi  nous 
nous  occupions  de  ccfoin,  Su/.i  tte  ver- 
sait dans  des  carafons  (\c  cristal  l«'s  dif- 
férentes espèces  de  vin  que  Jean  avait 
montées.  Puis  elle  arran{jea  dans  une 
corbeille  destinée  à  cet  us.i^e,  les  verres 
à  vin  de  Clianipayne. 

««  Quand  nous  sonnnes  en  petit  co- 
mité, dit  ma  belle-mère  qui  remarqua 
mon  étonnement,  nous  faisons  revivre  le 
vieil  usaj^e  d'entourer  des  verres  à  vin  de 
cliampajjne,  le  maître  de  la  maison,  à 
(|ni  n-vient  de  droit  riioimeur  de  faire 
sauter  le  bouclion  ,  afin  (ju'il  ))uisse 
distribuer  pioniptement  le  vin  pétillant 
de  mousse.  Cette  iminœuvrc,  vivement 
exécutée,  nous  semble  préférable  à  celle 
établie  par  la  mode  de  ])lacer  un  verre  au- 
près decbaque  convive.  Kn  petit  comité 
encore,  le  potajje  est  mis  sur  la  table,  avec 
une  pil<*  d  assiettes  à  côté  ;  je  sers,  Su- 
jette porte  les  assiettes,  puis  la  soupièn* 
est  enlev('e,  et  le  relevé'  ap|>arait  aussi- 
tôt sur  son  réchaud.  Pour  les  {jrands  ili- 
ners,  nous  avons  adopté  le  st^rvice  à  la 
Russe  (l),  non  parce  qu'il  fait  plut  il't- 
tdidi^r^  mais  surtout  parce  cpiil  est  plus 
connnode  aux  maîtres  de  la  maison  i  t 
plus  facih'  pour  les  domesticpies.  >■ 

Inscris  tout  cria  snr  tes  tablein^s , 
clière  amie. 

ÎSolre  diner  a  l'ié*  cbirmanl,  |)li  in  «le 
j;ailé;  tout  t'tait  excellent  ,  et,  pour  l.i 
prennère  fois  «le  ma  vie,  je  me  suis  rétl- 
lem«nl  sentie  nilé'resséT  au  MMvic»*  de  l.i 
table,  il  nie  sendiliit  qne  j'avais  ilroil 
à  partajM'r  les  t'>l()j;es  donnes  à  ma  In-lle- 
nièi<'  .    rlle-UH'nie  l  a  iceunnu  en  disant 

(I)  \.  l.  111  lie  la  •>  HMir,  |Mgo  .lèu. 


qu'elle  trouvait  en  moi  un  disciple  plein 
d'intellij^ence  et  de  zèle. 

Le  surlendemain,  nous  avons  oflert  à 
nos  voisins  de  Al.irtijj  un  très-joli  andji- 
gu,  et  maintenant  je  ne  serai  pas  fâchée 
de  voir  arriver  l'occasion  de  prouver  à 
TVlme  Beaumont  que  celle  première  leçon 
a  profité- 

A  oici  notre  menu  : 

ReU'vè. 

Filet  d'aloyau  avec  sauce  piquante 
froitlc. 

Entrèet, 

In  lièvre  en  daube.  —  Carré  de  veau 
aux  fines  herbes.  —  Anguille  piquée 
(cette  anguille  monstrueux»  sortiit  «le 
notre  vivier).  —  l'«)ulet  à  la  parole  sor- 
tant de  notre  basse-cour,  mais  pas  tout 
acconnnodt-,  au  moins  !  ) 

Nors-d'œiiiTr  chauds, 

l^ieds  «le  ctK'hon  f.ircis.  —  Petits  pâtés. 
llors-d  'œu  vre  fro  id^ . 

Lapi-reanx  confits.  —  An«  bois.  — 
Olives.  —  Heurre  aux  noisettes. 

Entremets  de  Irgumes, 

P«tits-pois,  consent-,  —  Choux -fleurs 
au  jus. 

Entn  mets  Jn  nh . 

CrèuM*  velouti'-e.  —  (iehn-  au  rhum. 

Pour  le  dess«  rt,  le  plat  du  nnlieu  eta*t 
un  beau  fromage  de  crème  fouetléf  ri /a 
Mtintmorent  y. 

Il  est  grandeuuMit  question  de  pirlir 
|X)nr  n«itr«*  UMis4»n  «les  «  hanqts.  Huelques 
allan«"s  r«'liennenl  eu«x)n'  FMouani  j  \\ 
vdle.  Ml  Ix  lle-mèn'  et  moi  non»  profite- 
rons de  Cl-  relard  |K»ur  |u-issrr  ruiS|tn*Uon 

dt-  tnule    11   lliaÎM»!!. 

Au  ie\(Mi .  iii.i    Clemeiue,    aime-moi. 
P\l  I  IM;  RFil  mom 


206 


MELANGES. 


LE  tesïa:ment  de  madame  PATLRAL. 


ci:  Qll    VIENT   1)1    Tr»03!PFTTK  S'EN   VA    AU  TAWIJOUR 


i»ERSo:\^Mc;K:f^> 


Madame  ROBIN,  e\écntiice  testamentaire  de 
madame  l'aliiral. 

Cinquante  ans.toilcUe  simple,  f«mmc  raisonnable. 
Ce  lôlf  pml  êlrr  joue.  î-i  on  le  veut,  par  un  homme  et 
le  per  oniiage  dt-Mcnt  nlors  M.  Ro))in  ;  il  suffit  de  faire 
dans  le  dialogue,  les  légers  changenuMis  nëccssitc's  par 
celle  subslilulion. 

Madame  la  Marquise  de  ROŒNCOKF. 

Soixante  ans,  costume  suranné,  le  ton  grotesr|iiemenl 
hautain,  raricature. 


Madame  de  I.01\1I-:UX. 

Trente  ans,  clégince  exagérée, ton  de  précieuse. 

JEAN.NETON. 

Dix-huit  ans,  costume  de  gardeuse  d'; dindons;  jupon 
court,  sabots,  chapeau  de  grosse  paille  ou  coifTe. 

GERTRUDE,  servante  de  Mn'e  Robin. 

Soixante  ans  ,  l'air  hardi,  costume  rappelant  la  vi- 
vandière de  l'Empire. 


La  scène  se  pnsse  ù  Montarpis,  dans  In  maison  de  In  défunte.  Le  théâtre  représente  un  salon  très-simple  ' 
porte  au  fond  ;  deux  portes  à  droite ,  une  porte  à  gauche.  Au  fond,  à  droite  de  la  porte  d'entrée  ^  un  bureau  ;  à 
gar'chc,  un  carlannicr. 

Au  côte  gauche,  une  armoire,  ou  tout  autre  meuble  h  mettre  du  linge, 

Fauteuitsà  droite  et  à  gaurhe. 


SCENE  pre:miere. 

GERTRL'DK  achevant  de  ccunptcr  (lu  liniïn 
plaré  dans  le  meuble  à  gauche,  M"ie  ROîîIN 
écrivant,  à  s<»n  bureau  à  dioile,  ce  que  Gci- 
trudc  dicte  '1). 

jy|me  Robin.  Cinquante-sept  paires  de 
draps...  J'ai  écrit,  Gertrude. 

Gertrude.  C'est  tout,  3Lic1aine;  voilà 

rinvrntaire  de  la    drlunte  aelievé 

3Jniiitenantles  héritiers  peuvent  venir. 

3Ime  RoBi>".  Comme  exécutrice  testa- 

(!)  Les  prs-onnaci's  soiit'in.-crits  en  tête  de 
chaque  scène  comme  ils  doivent  être  placés  sur 
Ic^théàtiC;  le  premier  inscrit  tient  toujouis  la 
gauche  du  spectateur  ;  les  chaniicments  sont  In- 
diqués par  des  renvois. 


nientaire  je  leur  ai  écrit  et  je  les  attends 
aujourd'liui  à  Montaq^is. 

Gi-iiTHiioî'..  Cette  brave  i>I""' Pâturai, 
tant  qu'elle  a  vécu  on  l'a  laissée  toute 
seule;  on  eût  dit  qu'elle  n'avait  pas  de 
famille;  la  voilà  morte,  et  tout  de  suite 
il  s'en  présente  une  I 

l^îme  Robin.  CVst  tout  simple ,  ma 
bonne;  on  n'a  point  de  parents  et  on  a 
des  héritiers  !  Rappelez- vous,  d'ailleurs, 
que  ma  pauvre  amie  était  une  paysanne. 
Le  hasard  l'avait  fait  connaître  à  M.  Pâ- 
turai pendant  la  Révolution  ,  et  elle  lui 
rendit  de  tels  services,  (pril  ne  crut  pou- 
voir  s'acquitter  qu'en  l'épousant. 

Gerteude.  Comme  mon  pauvre  dé- 
funt, le  tambour-maître  du  45"'<^. 


2i) 


]\Ime    KoBI.N.     A     1.1    difli'i  fllCC    qui"    i.« 

famille  de  votre  mari  ne  rrijaida  pas  son 
choix  comme  une  misalliance ,  tandis 
que  celle  de  ]M.  Patur.il  ne  lui  pardonna 
jamais. 

(ÎLitifiL'DE.  (/t'taient  «loue  île  l)icn 
grosses  fjens .' 

M'"*'  RoBi^s  sonna/il  :  ^  ous  les  vernz 
aujourd'hui.  Il  y  a  d'abord  31'"*^  de  llo- 
cencoef  qui  arrive  dOrNans... 

(jEIITULUE.  Ail  !  je  la  connais  celle-là  ! 
c'est  comme  on  disait  au  ré(]iment,  une 
vieille  njarqnise  de  (^irabas... 

]M""  Roui.N.  Dont  le  niar(|uisat  est 
aussi  antlienti(pie  que  celui  du  meunier 
dans  le  eliat  botté. 

(rËUTRiDK.  Conuncnt!  c'est  un  titre 
de  contrebande? 

M"'"  KoHi.N.  Qu'elle  doit  à  un  vieux 
château  acheté  par  son  mari.  La  vérita- 
ble noblesse  n*a  point  cette  vanité'  ridi- 
cule ;  U's  titres  sont  des  ornements 
qu'elle  sait  porter  parce  qu'elle  en  a 
l'habitude.  11  y  a  aussi  M""'  de  IjO- 
rieux....  une  Parisienne  du  monde  é-h-- 
yant,  qui  f;iit  de  j^^randes  toilettes  et  de 
petits  vers. 

()KHriu;DE.  G)nnne  le  trond)onne  du 
4'}"*'^l  un  ninv<  idin  fini,  (jui  portait  des 
boueh's  d'orciUe  et  qui  parlait  en  rimes. 
Eh  bien  !  en  v'ià  des  |)artieuliè'ri  s  dont 
aux(|uels  on  devra  parlrr  avec  th*s  mi- 
taines à  quatre  |H»nees!  [Conjld*  nliel- 
Icment  )  ;  Dites  donc,  Madame,  faudra 
IM'Ut-ctrc  pas  hnr  dire  (|ue  j'ai  servi 
connue  vivandière  ,* 

AP'""  Koiii.N,  soiiriiinl.  (Àla  vous  st  la 
dilVuile;  VOUS  avez  consi'rvé  tant  <!•  s"ii- 
vcnirs  de  vos  campaj;nes  I 

CfKRTiu  nK.  Ah  I  «  'est  vrai.  Dix-hnit 
années  de  (guerre  !  et  de  la  rude,  on  |MMit 
dire:  le  froid,  la  rati|;ue,  la  faim  avec 
tout  le  trendtlement  !  mais  e'it.ut  près 
(h*  mon  pauvre  Tranyois,  voyez-vous.  Vax 
nous  mariant  le  curé  avait  dit  que //r/i 
nr  (Ici'au  tcparer  ce  que  le  hon  Dieu  avait 


ufit  !  aussi  j'aurais  suivi  mon  maitic  tam- 
bour dans  les  dix  parties  du  monde  I 

3Iinc  Kj^ui^j,  Je  connais  mieux  que 
personne  votre  courage  et  voire  dévoue- 
ment, ma  cher»'  (itrtnide. 

GtiiTaUDE.  Madame  est  bien  bonne  ; 
c'était  mon  devoir;  et,  connue  a  dit  uu 
colonel  des  anciens  ti'uips  :  fois  ce  que 
iloiSy  et  vienne  que  fjous%era. — A  propos, 
Madame  n'a  pas  décidé  s'il  fallait  asti- 
(pier  la  batterie  de  cuisine  .' 

^^\n^v  Honi.N.  Nous  verrons  plus  tord. 
Achevez  de  ranger  ici  ;  je  vais  continuer 
1  inventaire. 

(iKRTHunE.  Bien,  mon  commandant. 

('M""^  Robin  sort  par  la  seconde  (torie  à 
droite,  ) 

sckm:  II. 

GEHTHl  DE  j>cule,  rangeant  les  cbal£CS  et 
épou85etant  Ie:i  meubler. 

rrF.RTRlDE.  Kii  v'ià  utie  f nature  du 
bon  Dieu  î  C'est  la  meilleure  fenune 
qne  j'aie  connue  après  mon  pauvre 
François!...  c'est-à-dire,  c'était  pas  une 
fennne,  lui,  mais  il  n'en  étiit  pas  moins 
tonjoui-s  iY)ntent  et  prêt  à  rendre  ser- 
vice, connue  M™''  Robin.  'On  entend 
sonner  ou  dehors.  '  Tiens ,  qui  est-ce 
(jni  sonne  donc  î  est-ce  que  ce  serait 
dé'jà  nos  parents?  (elle  vn  regarder  à 
la  porte  du  fond'* ;  non,  c'est  une  jv*ljle 
paysanne...  Ah  !  la  |H)rte  est  ouverte... 
elle  entre...  Par  ici,  petite,  par  ici!... 

(Elle  rrdesernd  sur  la  scène ^  Jeannetnn 
parait  à  la  porte  du  fond.  ' 

sni:M:  m. 

JEANNKTON.  (.KUTIK  DE. 

Jk4N>kiu>    *  art  étant   tmiide-f-  •   ■  — 
le  seuil.    Pardon,  excuse,  la  Ik>ui  , 
c'est- il  |Kis  ici  que  demeure  ma  inai- 
rainc .' 


20S 


Gertri  PE.  Ta  mairaiiie?  possible, 
mais  faudiait  savoir  qui  elle  est. 

Je\>nfto.n.  (]'ostunc  aiicionnc  friiinir 
coimnrvous,  (jui  a  l'tt'   t  iniboui-niaîliv 


dans  un  iijjinient. 


(ifiRTHUDE.  Hein?  tu  veux  (lire  qui  a 
époust'  le  tauiboui-niaître .' 
Jeamseton.  Ca  se  peut  bien. 
Gertride.  Gertrude  Ricard  ? 
Jeanneton.  Juste. 

Gertride.  Ainsi,  cest  moi  que  lu 
cherebes  ? 

Jeamneton.  Vous...  c'est -il  possible?.. 
Vous  êtes  ]>!'"«  Gertrude? 

Gkrtrude.  Et  toi  tu  serais?... 
Jeanneton   parlant   très-vite  :  Jean- 
iietoii   Piclet,   la  fille  à  Tlicrèse  Piclet, 
la  lemnie  à  Jérôme  Piclet. 
Gertrude.  Ma  filleule? 
JEAlN^ETON.  Vraie  et  véritable.  Je  mai 
lavé  la  figure,  ma  marraine  ;  voulez-vous 
m'permettre  de  vous  embrasser  ? 

Gertrude.  Eli  !  viens  donc,  mon 
pauvre  cliat  (elle  f  embrasse) ,'  mais  c'est- 
il  bien  croyable  !  toi  si  grande  fille  que 
ca  ? 

JEAis>tT0N  nniï'cmrnt.  Ali  I  pas  tout- 
à-fait,  jai  mes  gros  sabots  qui  me  haus- 
sent. 

Gertrude»  Eh  bien  I  je  t'aurais  pas 
reconnue,  par  exemple  ! 

JhA>NET0>.  Ni  moi,  ma  marraine, 
rapport  que  je  vous  avais  jamais  vue. 

Gertrude.  Au  fait ,  nous  ne  nous 
étions  pas  retrouvées  depuis  ta  naissance. 
Jai  quitté  tout  de  suite  après  le  Ver- 
dier-en-Biie,  et  j'ai  su,  par  hasard,  que 
tétais  devenue  orpheline...  iMais  com- 
ment donc  que  te  voilà  à  ÏMontargis  ? 

Jfi.A>>"ETO\.  C'est  parce  que  je  de- 
meure près  d'ici,  à  Ferrières. 

Gertrude.  Et  chez  qui  que  tu  es  là  ? 
Jeanneton.  Pour  le  quart-d'heure  je 
suis  chez  moi .  ma  marraine,  ce  qui  l.'.it 
que  je  me  troure  dans  la  rue. 
Gertride.  Conimcntea? 


JEA^^ET0.^.  \  oilà  Thistoire  :  J'avais 
ét(''  "aj-iée,  ]>ar  Pierre  (iodureau  pour  gar- 
der ses  dindons,  et  je  puis  dire  que  j'é- 
tais la  Providence  de  mes  bètes,  à  ]ii(^u- 
ve  qu'elles  devenaient  grasses  comme 
des  personnes  établies  et  qu'elles  m'ai- 
maient tle  cœur;  aussi  le  bourgeois  me 
considérait  et  m'avait  donné  à  Pâques 
une  paire  de  sabots:  mais  le  brigadier  de 
la  gendarmerie  est  venu  tout  brouiller. 
Gertrude.  Comment,  le  brigadier? 
Ji:a>^eto>.  Oui,  rapport  que  pour 
reconnaître  mes  dindons,  je  leur-z-avais 
donné  des  noms  analogues.  Le  plus  fier 
et  le  plus  bète  je  l'avais  appelé  M.  le 
maire,  le  plus  gourmand  IM.  l'adjoint, 
le  plus  méchant  le  grand  gendarme,  et 
ainsi  des  autres,  le  tout  sans  malice; 
mais  quand  le  brigadier  a  appris  la 
chose,  il  s'est  mis  dans  toutes  ses  fureurs  : 
il  a  crié  partout  que  j'insultais  l'admi- 
nistration, que  j'étais  une  ennemie  du 
gouvernement  !  Alors  Pierre  Godureau 
a  eu  peur,  et  il  m'a  renvoyée. 

Gertrude.  Si  c'est  possible  I  De  sorte 
que  te  voilà  sur  le  pavé  ? 

Jeanneto.  Pas  ici,  mamarrainCj  puis- 
que c'est  des  planches,  mais  je  suis  tout 
de  même  sans  place. 

Gertrude.  Et  bien  tu  vois  ce  que  t'as 
gagné  avec  tes  moqueries?  Quand  on 
veut  rire  aux  dépens  des  gens,  tôt  ou 
tard  ils  se  revengent. 

Jeain^eto.  Olil  j'ai  bien  vu  ça  par 
après,  ma  uiarrainel  on  jette  comme  ça 
des  pierres  dans  les  arbres  et  elles  vous 
retombent  sur  le  nez;  aussi  j'ai  bien 
promis  que  c'était  fini  de  rire. 

Gertrude.  IMais  en  attendant,  t'es 
sans  place? 

Jeannetox.  Depuis  hier,  ma  marraine, 
et  je  viens  pour  vous  prier  de  me  cher- 
cher une  maison,  n'importe  laquelle.  Je 
néemploierai  à  tout  :  je  servirai  les  bour- 
geois aussi  bien  que  les  dindons  ;  j'ai  pas 
do  miuvnise  fi^if  ', 


HVJ 


Gertrude.  Eli  hun  !  on  vtrra  (m  ; 
rjuVst-co  que  tV'S  capaljle  de  faire?  Sais- 
tu  iiM  peu  «if  cuisine  .* 

Jk\>nmo.\.  Oliloui,  ma  niariaiue  ; 
c'était  uioi  qui  faisais  toujours  la  pâtée 
pour  les  l)éles. 

Geiitju  DE.  Va  le  nu''iia{;e  .' 
Jka.\>kto\.     (lerlnineiueiil....     j  étais 
cliar/;ée  tlu  pouliiller. 

Gertrude.  Ilein  .'  tu  «lois  clone  <pu' 
je  veux  te  lueltre  eu  service  chez  des 
oies? 

Jkanneton  hdissdtit  les  yfJtx.  Je  ne 
sais  ])as,  ma  marraine;  mais  je  promets 
d'avoir  bien  du  eoiuafje  et  bien  de  li 
bonne  volonté-. 

Gehtiu  Di:.  A  la  bonne  berne  I  avec  «a 
ou  arrive  toujojus.  On  s'occupera  de  toi, 
fanfan.  As-tu  au  moins  lui  c<*rlilieat  de 
ton  ancien  bour{^eois  ? 

.Ieanneton.  l'ardon ,  excuse;  il  devait 
le  faire  écrire  par  M.  Ki^;oulard,  le  maître 
d'école,  et  il  a  promis  de  me  l'apporter 
ce  matin,  avec  tous  mes  jiapiers  di'  nais- 
sance ''re^fi'dant  ht  pctidulr)  '  mèmi'  (pie 
v'Ià  1  btun*  (Ml  je  dois  le  trouver  au 
niarcbé. 

(li:nTHi;i)r.  Alors  vis  y,  et  (pinid  in 
reviendras  je  le  pi('senterai  à  IM""'  Kobin. 
Jeatïneton.  Merci,  ma  marraine  î  Oli  ! 
je  savais  beu,  moi,  (|iie  vous  ne  m  .dt;m- 
donuerie/  pas;  je  le  disais  toujours  aii\ 
autres  :  les  anciens  militaires,  ça  a  b«)n 
co'ur  ! 

CiEirnu  i>i:.  Parce  cpids  «onnaisscnt 
les  désa[;rémcnls  de  rexisteuce,  vois  tu. 
et  qu'ils  nnt  ('lé  trop  de  fois  dans  le 
pétrm  ]>our  y  laisser  les  camarades.  In 
J''r,in(  itis  Sf  itoit  à  s<  s  M/nh'af/fri  ^  comme 
disait  le  colonel  ilu  ^i.*»'""  «  n  sinvini  d.^ 
Prussiens. 

JkanNETon.  Alors  .«  tcnt-.i  riieuic  , 
ma  marrain(\ 

(IrniHi  DE.  A  tout-â  riieure,  Holte. 
Jr.\>>KTON.    .le    iMii-^    laisser   Ij    mon 
paquet,  pas  vrai  ' 


(ÏERTKCDE.  Ail  !  tu  as  uu  patjuet  ? 

Jea>.\eto\.  Je  crois  beu  tt  u/t  l'u 
grave  tt  un  /jcu  mystérieitxj.  J'ai  fait  des 
économies. 

Gertride.  Vrai  ' 

JeaN.NETO.N    tlltttnt  j'irn  in     y<iu   j,tl  jurt 

l  lisse  s:(r  iinr  cliaisc  près  de  iti  porte  (l  . 
A(»\i/.  plul(Jl  :  une  paire  de  bas,  trois 
(  licmises  et  deux  jupes  de  toile  î  Je  sais 
beu  cpie  c'est  du  /us^/ue;  mais  quiiul  on 
est  j(une,  faut  bu  se  donner  qn'euq' 
douceur. 

(iKiiTRl'DE  fui  donnant  une  tape  sur  la 
jour.  Allons,  je  vois  (|ue  lu  es  une  fille 
d'ordre.  (Jcanneton  va  reporter  son  pn^ 
tjuet  sur  la  chaise.' 

JHA^^ETO^.  Par  ainsi  je  m  en  vas.  ma 
marraine,  /{e^^ardant  au  dehors.^  Ali  . 
mais ,  quoi(pie  c'est  donc  que  cette  voi- 
ture qui  est  arrêter  à  la  jiorte? 
(Ifrtrii)E.  l'iie  voiture? 
Jkannkton.  Avec  deux  !>ell.  s  dames 
qui  descendent. 

(lERTRlDK  allant  rei^arder.  Ali  î  mon 
Dieu,  te  sont  les  bérilièrt^  de  >I""^  Pa- 
inr.d. 

JhVNMTON.  Ib  ;;  «niez  ,  re};arde/  la 
vieille,  ma  marraine  I  Klle  n*ss<Mnble  au 
dindon  que  j'avais  ap|MMé  M.  le  inar- 
(piis. 

(il  inui  i)F.  Jiisl»  nu  nt.  i  '«-««l  une  niar- 
(piise. 

JeaNNETON.  !*-•<.•  qni'  «a  »;.rni  « 
femme? 

('•ERTaiDE  iansant  in  voij .  A'eux-lu 
bien  te  taire  1 

Jean.nfton  parlant  i>as.  Oli  !  ci  l  antie 
(pli  rc|;n(le  avec  un  |>«'lil  nioit^-AU  de 
verre.  /•"'<*  f'iif  "m  f^este  tndapwnt  t 'usa^r 
du  htrgnnn.  Elle  esl  cK»ne  aveuf*lr  de 
naissaïuv  ? 

('•KRTHl  UE.  'l'ais-tui.  Il*»  TOI«  I. 

^1    tiniiinU'.  J'  .1.  iic'rn. 


210 


SCENE  IV. 

JKANNKTON,  >1""  I>H  HOCKNCOKK,  M-*"  DK 
I.OKII.rX,  C.KUTUlDb:. 

31"'^"  DE  JlocENCOEF  entrant  la  pic- 
mière.  Eli  bien ,  personne  jiour  nous 
recevoir!  A  oilà  qui  est  d'un  sans-j^ènc 
insolent. 

^l™*^  DE  LoRIEUX  (l'un  ton  prcteinh'ux 
et  lorgnant  autour  d'elle  Pas  de  coneiei[;e, 
pas  lie  tapis,  des  meubles  démodés.'.... 
mais  c'est  un  vrai  galetas  î 

Gertrude  s'approehant.  Pardon,  Mes- 
dames... 

M™^  de  Rocencoef.  Ah  !  enfin  voici 
quelqu'un... 

31"'^  DE  LohlElix  lorgnant  Gertrude, 
C'est  la  portière,  ça  ? 

Gertrude,  7î"èrf?///<?/7/.  Du  tout,  Ma- 
dame, je  suis  Gertrude,  présentement 
bonne  à  tout  faire  de  jM""*^  Robin ,  et 
autrefois  vivandière  en  titre  dans  le  40"*^. 

M""^  DE  Rocencoef,  avec  un  geste  de 
dédain.  Ah  I 

M™^  DE  LouiEL'X  reculant.  Une  vivan- 
dière ! 

Gertrude  à  part.  Et  bien  !  on  dirait 
que  ça  les  suffoque  !... 

M'"*^  DE  Rocencoef,  montrant  Jean- 
neton.  Et  cette  petite  ? 

Gertrude.  C'est  ma  filleule ,  Ma- 
dame. 

Jean?>eton  saluant.  Jeanneton,  gar- 
deuse  de  dindons  pour  vous  servir. 

M"^*^  DE  Lorieux.  Ah  !  quelle  hor- 
reur !..  Avcz-vous  entendu,  marquise?  Il 
y  a  donc  des  êtres  qui  gardent  les  dm- 
dons  ? 

Jea ^ NETON /?«i<^j ///<?/?/.  Dam  I  fautben, 
puisqu'il  y  en  a  qui  les  mangent  I 

M™*  de  Rocencokf.  A'oyons,  finis- 
sons-en. Prévenez  M™'  Robin  que  je 
suis  ici ,  moi ,  ^M""*^  la  marquise  de  Ro- 
cencoef,  née  de  Rocentuf...  ainsi  que 
M™^  de  Lorieux... 

M™*^  DE  LoBiEux.  De  Paris. 


Gertrude.  Ca  suffit.  Mesdames.  (^ 
port.)  Eh  bien!  en  v'ià  des  paroissiennes 
peu  avenantes  I...  plutôt  que  de  les  ser- 
vir je  me  ferais  vivandière  de  cosaques  !.. . 

M""'  de  Roce^COEF  la  regardant  dit 
d'un  ton  liautain.  Jc  crois  que  vous  me 
faites  attendre  ! 

Gertrude.  On  y  va,  on  y  va!..  [Elle 
sort  par  la  seconde  porte  à  droite  avec 
Jeanne  ton.) 

SCÈNE  V. 

M"'«  DE  ROCENCOÈF,  M"»»  DE  LORIEUX. 

]\Imc  D£  Rocexcoef.  Ces  gens  ne  sa- 
vent pas  à  qui  ils  ont  affaire. 

IM'"^  D£  Lorieux.  Que  voulez-vous, 
INLirquise,  en  province  ce  sont  des  sau- 
vages. {^Elle  va  se  mirer  et  s'arranger  à 
droite). 

3Inie  j)£  Roce>coef.  En  vérité  je  ne 
comprends  pas  que  j'aie  quitté  mon 
château  pour  cette  misérable  succession. 

î\Jme  DE  LoRiEUX  se  mirant  toujours. 
Ni  moi_,  mon  hôtel  du  faubourg  Saint- 
Germain. 

M>"e  DE  RocENCOEF.  Savcz  -  vous  , 
Madame,  qu'il  m'a  fallu  renoncer  à  être 
marraine  d'une  cloche  ? 

M'"e  DE  Lorieux.  Et  moi.  Marquise, 
à  lire  ma  dernière  élégie  dans  une  grande 
soirée  littéraire. 

M'"6  DE  RocENCOEF.  Je  devais  rece- 
voir tous  les  honneurs  que  l'on  rendait 
autrefois  à  mes  nobles   ancêtres. 

i\I"^<^  DE  Lorieux.  On  m'avait  préparé 
une  ovation. 

M'"c  x)£  Ror.ENCOEF.  J'aurais  été  en- 
censée.  Madame  ! 

Mni<^  DE  Lorieux.  On  m'aurait  cou- 
ronnée, ^larquise  I 

M""^  de  Rocencoef.  Et  renoncer  à 
tout  cela  pour  connaître  le  testament 
d'une  dame  Pâturai  I  une  paysanne  I 

î\Ime  j)£  Lorieux.  Sans  la  moindre 
teinture  des  belles-lettres  ! 


211 


IVI"'*^  DE  IlocKxroEF.  Entn'(Mlaus  no- 
tre faniillc   iiial(;r(''  nous  ! 

]V[iiic  nELoRIK(  \  arrangrant snti  xrlinll. 
Et  qui  u\'i  j.'iinnis  su  porter  un  caclie- 
111  in*  ! 

]>!""'  DR  UOCENCOFF  />//<«  bas  (Hrr  in- 
térêt. Vous  ne  savez  pas  ce  qu'elle  a 
laissé  (le  fortune. 

]M""'  i»i:  I.oniKrx  de  nu'inr.  On  m'a 
assuré  qu'elle  était  très  à  son  aise. 

M""*^  DE  R  (:K^(:Ol  K  dr  ntcmr.  Au  fait 
ces  gens  de  rien  tli('sauiisent  d  li  il)i- 
tude  ;  c'est  une  (pialité. 

iM"'"  DE  Ix)RIhU\  de  niéinr.  Pour  leurs 
Iiéritiers  ! 

]M""*  DE  HoCENCOEF  rrj>rrnant  Ir  ton 
haut.  Ali!  Mulanie,  quelle  misère.' 
penser  qu'il  faille  s'abaisser  à  recueillir 
une  succession  ,  moi  ,  marquise  de  Ro- 
cencoéf,  dont  les  aïeux  ont  été  alliés  aux 
rois  clievelus! 

IM"'*-'  DE  LoRlElX  reprenant  également 
son  premier  ton.  C'est  pourtant  vrai, 
INIarquise  î  (Voirait  on  que  ]M'n«  de 
Lorieux  (|ui  lè^le  la  mode  à  Paris  et 
dont  tout  le  monde  cotmait  les  vers  iné- 
dits, se  dt'Taii|;e  pour  venir  ree»'Noii  une 
part   d'liérita);e.' 

IVI'"**  DE  R  CK>C0EF.  Après  cela  on  doit 
queKpic  cliose  à  ses  paients. 

IM""*  DE  Lf)KiEtX.  (]erlainemeiit  on  ne 
peut  pas  nluser  ce  (jui  vient  d'eux.  (/V//v 
biis  n  .!/"••'  df  l(ii(  cnruef  tt  m  pntfnnt 
plus  %yivenient.  )  J'espère  (ju'elle  n'aura 
pas  eu  l'audaee  de  disposer  de  s«  s  biens 
en  faveur  de  quelqu'autre  ? 

M'"»*  DE  ROCKNCOKF.  Oli  quelle  idée, 
Madame  !  mais  il  v  ani.iii  de  (pioi  se 
ile.slionoirr . 

M""'  DF.  LoniEïX.  Au  fail  nous  y  avons 
tttnjonrs  (ompl*-. 

]Mmr  ,,,.  K  oc  K  MOI  F.  Par  «*nnsé(pient 
ça  nous  est  «léi. 

M">*  i)K  Lonrki  X.  (l'est  clair.  (  /ire 
a/naùiiité.)  Je  vois,  !NIar(]m>e,  «pie  noiis 
nous  entendons  admirablement. 


Al'"^'   DE    RoCfXJOFF.  T'est   t'Ut    simple 

entre  ^ens  de  qualité. —  Mais  vuici,  si  je 
ne  me  ironqte,  l'exécutrice  testamentaire. 

s(:i:xt:  \  i 

M  -  DK  h«M:h;.N(:OKI',  M—   KoBI.N.  eiitraai 
par  la  Uroile.  M»»'  DE  I.OHIKIX. 

'M""'RoniN.  >Iillee.\cusrs,  >fesdames, 
si  je  ne  suis  pas  venue  à  l'instant  ;  je 
cliereliais  la  copie  du  testiment  de  ma 
di;;ne  amie  que  je  suis  charM»'»'  d»'  vous 
faire  connaîlre. 

M'"**  DK  Ror.EiycoEF.  A  la  bomie  heure  ! 
Madame,  nous  vous  permeltous  de  nous 
1«*  eoiuninniqm  r.  { Elle  s'a* smit.') 

.A!""*  DE  L'BiEi'x.  Surtout  passons 
les  d«'tails,  je  vous  prie,  et  venons  aux 
dispositions  essentielles  ;  j'ai  horreur  de 
la  prose.  {^Elte  s'a^smtt.) 

M'"*'  Robin  debout  et  rrf^nrdnrtt  tes 
deux  mitres  dnnirs  as<i^es.  Ali  !...  As- 
sevez-vous  donc,  Mrs<lames. 

>I"»«'  DK  RocEXCOEP  la  rr<;nnle  d'nn 
air  hfiiifa>n  et  dit  d'un  ton  ser.  Lisez,  ma 
ebèiv. 

.AI"""  DR  I.'  i.iM  \  .''  t  ■'■^n.tnt.  .Nous 
vous  é'n^ulons,  ma  l>onne. 

M""*  RoMi.x.  Je  suis  trop  polie,  ]^l«*stla- 
mes,  |>our  ///e  souflVirdclK>ul.  'Et/e prend 
un  fiuiteittl,^ 

M"'"     DE    RoCENCOEF    il  part.     Ou*«*st- 

ce  que  v'csi  * 

IM'"»*  DE  I.ORIFI  X  n  pnrt.  On  dirait 
qu'»lle  vent  .»v(>ir  de  1  esprit  î 

M'"'  Roni?«.  Vous  «avez  sans  doute 
que*  ma  res|>ertable  amie  avait  quitté 
Monnrj;is  p-u  de  mois  avant  sa  mort 
|K>ur  visiter  N*  p<  lit  vi!la;;e  où  elle  était 
uér,  «t  qu'«'ll«*  ainnit  toujours  comme  sa 
v«^ritabh'  patrie. 

M"»«  DE  R(x:F?trotr.  n  .V"«  tte  Lo- 
rietix.  Quelle  idcv  |>enple  !  (a  #f»*  Tto- 
hin}  Et  où  était  ce  vdlaj^e? 

.M'"*"  R<>iu>.  Au  ci'ntre  de  la  Brie. 

M™'  DE  LoBiitx.  Ah  I  fi  I  rhorreur  ! 


212 


pallie  un  (Mulioit  où  l'on  fal)ri([ur  ilii 
fromajjr  ? 

]M"i''  IloiîiN.  Mon  amie  en  avait  fal)ii- 
(\\u\  ^ladame,  et  fllo  se  le  rappelait... 
d'aillems  sou  voyajje  avait  un  autre  but. 
Elle  voulait  savoir  s'il  ue  survivait  poiut 
quel(|ues  uieuihres  de  sa  propre  lauùlle. 

31'"'^  Di<:  RocENCOKF.  Conunent?  pour 
les  favoriser  à  nos  dépens? 

]M'»*'  Dii  LoniEi  X.  Elle  aurait  eu  l'idée 
de  nous  dépouiller  ? 

^l'»«  DE  RocK?iCOEF.  Quaiid  on  a 
riionueur  d'avoir  des  parentes  eomnic 
nous,  on  n'en  clierelie  point  d'autres  ! 

AI'"»'  RoiJi.x.  Rassurez-vous  ;  31^*'  Pâ- 
turai n'i  n  a  point  trouvé  et  c'e:.t  alors 
qu'elle  s'est  décidée  à  écrire  le  testament 
qui  vous  donne  des  droits  à  sa  fortune. 

31'"^  OK  IlocE^(:OEF  approchantson fau- 
teuil de  J/'»^  /îoZ>/>/.  Voyons  le  testament. 

INI"!^  DE  LoRlEUX  s' approchant  égale' 
ment.  Nous  écoutons. 

j\IiTic  Robin.  Vous  saurez  d'abord , 
Mesdimes  ,  que  cette  fortune  se  coui- 
pose  de  deux  fermes,  valant  chacune 
cent   mille  francs. 

M™''  DE  LoRiEUx  etM"™e  deRocencoef 
ensemble.  Cent  mille  francs  ! 

M"^^  DE  LoRiKiix.  Mais  alors  cette 
pauvre  >I"i^  Pâturai  était  riclie  I 

M^"^  DE  RocENCOEF.  J'ai  toujours  dit 
que  cette  feuuue  devait  avoir  du  mérite. 

j\[m('  Robin.  Elle  possédait,  en  outre, 
une  forêt  estimée  vingt  mille  écus. 

]M"'e    DE    ROCRKCGEF    et    31"'^    DE  Lo- 

RiEUX  c^?.s6'///^/(".   Une   foret  I 

M'""  Robin.  Avec  un  moulin  et  des 
prairies  qui  produisaient  environ  cent 
louis  de  riMites. 

y\\w  j^j.'  Loin  M  X  vivement.  iMais  c'est 
une  fortune  de  quatre  cent  mille  francs! 

M'"«  DE  RocE>C()EF.  Ah  I  cette  chère 
défunte  ! 

.Al"'c  UE  LoRiELx.  Je  suis  tout  atten- 
drie ! 


]M"it'  DE  KOCENCOEF  a  M"^^  Robin  avec 
une  majesté  i^rote.ujue.  Voyons  le  testa- 
ment tle  MA  COUMiXE  DE  PaTURAL. 

]\lme  RoBi>  salifiant.  Le  voici,  Mes- 
dames... je  passe  sur-le-champ  aux  dis- 
positions (pii  vous  intéressent. 

JM""'DERocE^coEFetM'"«DELoRI^:lJ\. 
O^esiCfAîs..  {Elles  se  penchent  toutes  deux 
vers  iUiiip  Robin  jour  mieux  entendre.) 

^I'"e  Roiîi.x  lisant.  «<  î>Toi,  veuve  Pâtu- 
rai, etc.,  n'ayant  pu  retrouver  personne 
de  ma  famille  et  ne  pouvant  enrichir 
mes  ])ropres  parents,  je  me  suis  décidée 
à  eiu'ichir   ceux   de   mon   mari.   » 

j\Ime  pp  LoRiEiîx.  La  digne  fennne  î 

i\If"«  DE  RoCEXCOiT.  C'est  d'une  per- 
sonne de  race  I 

]y|me  Robin  lisant,  u  Ces  parents  se 
réduisent  à  deux  ;  il  y  a  d'abord  M"ip  1 1 
marquise  de  Roceacoéf,  très-noble  et 
très-illustre  dame,  quiconqitc  beaucoup 
moins  de  quartiers  que  de  ridicules.  •» 

jyjme  DE  RoCENCOLF  f/ui  écoutait  d'un 
air  souria/it  c/iange  de  figure.  Plaît-il  ? 

3Ime  DK  LoBlF. ux  riant.  iVe  prenez  donc 
pas  garde,  c'est  une  plaisanterie.  Cette 
chère  parente  était  pleine  d'esprit.  {A 
ilfine  Robin.)  Continuez,   de  grâce. 

]\jine  Robin  continuant.  «  Il  y  a  ensuite 
Tyjine  de  Lorieux  la  Parisienne ,  muse 
très-connue  dans  le  monde  élégant  et  qui 
fait  faire  ses  vers  connue  ses  cha- 
peaux . . .  •> 

IM™e  DE  LoRIElix  changeant  de  visage. 
Comment.'  que  signiîie?... 

Mme  DE  RocENCOhF  riant.  Rien  ;  la 
chère  cousine  répète  ce  qu'elle  avait  en- 
tendu dire...  Avouez  que  c'est  charmant! 
[A  M^^  Robin).  Allez  toujours,  Madame. 

]\Ime  Robin  lisant.  «(  Toutes  deux 
concourront  au  partajre  de  ma  succes- 
sion à  défaut  de  mes  propres  parents  , 
mais  aux  conditions  suivantes  :  » 

j\Inie  DE  RoCENCOEF  Ct  M"'*'  DE  LoRIELX 

ensemble.  Il  va  des  conditions.^ 

.AI'"'' Robin  lisant.  «  Comme  je  neveux 


213 


pas  ciirifliir  dos  (joiis  qui  ini'prisrrairnt 
ce  que  j'ai  rt»' ,  jVxijM-  (jiic  iiu-s  litri- 
ticiTS  ne  soient  admises  au  partage  qu  a- 
piès  avoir  revêtu  nu  lirdjit  de  paysanne, 
senil)!  il)le  ù  eelui  (\no  je  portais  aulre- 
lui^...     . 

]M""'  i>F.  IlocENcoEF  et  Mj"*"  de  Lorielx 

po  us  s  tint  lin  cri.  Ali  I 

iM'"'"  lloni.N  m  iij'pityaut  Mir  /t s  niolK. 
«  Kt  après  S  être  niontn'es  dans  ce  cos- 
tume à  mon  exécutrice  testamentaire, 
.Mme  Uol)in,  devant  Ia(pi<lle  elles  de- 
vront ilanser  la  bourrée!  - 

M'"**  nn  KocENC'EFet  M'""  bbLoniEix 
se  Irvnnt.    (hielle  atroeilt'  ! 

M"'«  DE  Uoci.NcohF.  Moi,  d.uiser  la 
hnurrér*  ! .. 

Mme  ,,^;  LoniF.'Jx.  M'Ii.ibiller  en  pay- 
sanne ! 

1M'<"' i)K  IlocFNcrEF.  Ine  d(seen<lante 
<ies  rois  elievelus  ! 

]>Ime  j,p  LoR!Ki  x.  Une  fennne  qui 
rèjjle  la  m<)d«^  au  faul)our(;  Saint-Cicr- 
maiii  ! 

AI""'     DK     ROC.RNCOFF     à       J/"""     Jv-hm. 

\o(ie  anéie,  ."Mad  Mn<>,  «st  une  inij^erti- 
nente. 

M""  DR  LoRiKHX.  Ntnis  ferons  casser 
le  testament  1 

M""  Roin\.  Très-bien  ;  mais  eonunr 
lui  seul  vous  donne  \\vs  droits,  vous  tl«- 
vre^  alors  ri'noneer  à  1  ln'ritaj;e. 

M""  DE  LouiEr'X  //  prit  t.   (Test  vrai  ! 

!M""  DK  Kor.ENCOEF  //  J>(irt.  Klle  a 
raison  î 

IM""  l\onTN  ^nnritint.  Au  reste,  v<iu<^ 
ferez,  vos  n'flexiotis,  Mesdames.  Kn  at- 
tendant, la  maison  i\r  >!""  IVilural  est 
à  voln"  disposition.  .1  ai  I  ut  pu  p.urr  »!«• 
(■«'  côte  un  appait'inent  pour  AI""  la 
Alarcpiise;  [EUr  immtre  le  c^tt  ^aurhe,) 
(  «hii  (!«•  .AI""  de  Lirieux  est  ici  :  {Elle 
ntnntrc  l<t  nrr/itirrr  pnrtc  à  tlrnite,)  Si 
quelque  rliose  leur  manque,  elle»  vou- 
dront bien  soiiu-i  ;  (ieitrud**  sera  à  leiii- 
•  •rdres.  [Elle  fait  t/ucit/ucs  pas  poiu  sor* 


tir,  puis  revient. j  Chacune  de  ces  dames 
trouvera  chez  elle  uu  hahilltuieut  com- 
plet de  lille  de  hass<»-cour. 

AI""  DK  LonitUX  se  rctnttrnti/it  imU- 
^/itr.  Hein? 

AI""  DE  RoCE>coEF  tle  me  me.  Par 
exenq»le  ! 

;  jy"'*  Finhin  salue  et  sort  par  ie  jond.^' 

SCK.NK    Ml. 
M""  liK  LOHIF.rX,  M"»«  DE  ROCKNuihl 

AI '"  F)K  RocE>coBF.  Quellc  iusoU  iicf  ! 

Al""  DE  LoniFLx.  (yesl-à-dire  que  si 
j'étais  à  Paris,  j'en  amais  une  crise  tic 
nerfs  I 

AI""  DK  KocENCOEF.  C«^  p<-tites  f,rns 
s'im:i{;inriit  (pion  lient  à  leurs  biens! 

AI"""  DE  L<JBiEi  X.  Connue  si  on  n'é- 
t»it  pas  au-desMis  de  cria!...  Oiiaiid  il 
vous  reste  le  monde  et  la  littéral urc  !... 

AI""  DE  KocE.MioEF.  Si  je  fejjrtltc 
(pu  I(pie  (  hose  île  cet  liéritaj;e,  ce  sont 
s»ul« ment  Irs  fermes  î...  parce  que  les 
It  rnu  s,  c'est  d'un  {jrand  ton  î... 

AI'"'  DE  LoRiEi'x.  Aloi  je  ie^;rrttf  sur- 
tout la  i«)rèt....  il  y  a  là  Ax^i,  ois«*aux. 
des  ombraijes  :  c'est  {Kx'tique  !...  et  puis 
on  peut  faire  des  coupes. 

AI"'  DE  KocENcoEF.  Ix*  iiuuliu  aii.v>i 
int"  plusait  ]\ir  son  caractère  féi^ilal. 

AI  "^  DK  I.ORIEIX.  Kt  h  s  prairies,  avec 
leurs  pq>i lions,  leurs  fleurs,  leurs  i«'- 
pliyjs  '...  On  va  iè\cr  stîiis  les  saules!... 

AI"»*  DK  llo<:r?tcoi  F.  Et  l'on  ven«l  i.- 
foin  î 

M""  DK  Lonmx  a^rc  ienlin  ent.  Ah  ! 
Aï  idame,  je  vois  <pie  vj>us  srnti  y.  la  ua- 
tnn"  comme  moi  I  [Chongrant  tic  /.###.) 
Alais  on  nous  met  ces  btons  .\  un  prix 
im|>o5sibl<\ 

AI'"*  DE  UotKM;oir.  I.<  >  .M  ipnnr,  ce 
M'rait   nous   de>lionorer  ! 

M"*»  DE  Ix)niri  X.  I)e  sorte  que  nous 
sommes  diVitU^f,  iiV»t-cr  |>as? 

Al""    DE    Iloe.Rx.ukr.    nien  décidirsî 


2ii 


INI"""  DE  LoiuFix.  Vous  promettez  do 
neY>oint  irinplir  la  clause  thi  teslanicnt? 

31""'  DE  UocK.NCOEF.  Positivement  ;  et 
vims,  iMadame? 

M"""  DE  Lor.iEi  \.  Tout -à- fait. 

IM'"*^  DE  RocENCOKE.  Du  irsto,  je  n'y 
pense  déjà  plus. 

iM""  DK  LoRiELX.  Ah!  mon  Dieu!  je 
l'ai  déjà  uuMié  I 

IM"""  DE  KoCEycor.V  ri  pnrt,  fnnfc  pe/i- 
sivr.  Plus  de  deux  cent  mille  francs! 
connue  cela  relèverait  le  noble  nom  de 
Rocencoéf  ! 

IVIf"»  DE  LoRiEUX  (de  même).  Près  de 
cent  mille  cens  !  cela  paierait  tant  de 
toilettes  et  d'équipajjes  ! 

SCÈNE  yiii. 

GERTRUDE,  JEANNETON,  >!•«•  DE  LORIEUX, 
Mnic  DE  ROCENCOEF. 

Gertrude.  Ainsi  ce  sont  là  tous  les 
tes  papiers  ? 

Jean>etox,  tenant  dc^  papiers  ii  la 
main.  Oui,  ma  marraine;  le  bourgeois 
a  bien  dit  qu'il  n'y  manquait  rien. 

Gertrlue  montrant  le  bureau.  Mets- 
les  là,  je  vais  prévenir  M"''  Robin.  [Elle 
entre  à  droite  (l). 

31"!*^  DE  RocENcoEF.  Ah!  voici  cette 
petite  campagnarde. 

31""^  DE  LoiuELx.  Avec  le  costume 
qu'on  voulait  nous  faire  ])rendre. 

JEA^^ETO^  à  port.  Ce  sont  les  héri- 
tières. [Elle  s/) lue.) 

M"^«  DE  RocE.NCOEF  à  part.  Je  suis 
bien  aise  de  voir  comment  se  portent 
ces  habits  de  manants.  {Elle  niet  sea  lu- 
nettes et  regarde  Jeanttcton.) 

31'"*'  DE  LoRiElîX  à  part.  Il  faut  que 
j'examine  la  coillurc,  [Elle  lorgne  Jean- 
/!(  ton. 

Jea>>'ETON   à  party  dcconeertée.  Quoi 

(l)M"'«  de  Loricui,  Jeannelon,  M""*  de  Ro- 
cencoéf. 


qu'elles  ont  donc  à  me  reluquer  connue 
ra?...  Est-ce  que  j'ai  quelque  chose 
de  ma'propre  après  moi?  [Elle  regarde 
derrière  elle.) 

31  "H'  DR  RocE.NCocF  à  part.  Après 
tout,  une  p(MSonne  de  cpialilc'  donnerait 
à  cet  habit- là  un  grand  airi 

3I'"<^  DE  LoRiElJX  //  part.  Eh  bien!  il 
n'est  pas  si  mal  ce  costume....  le  jupon 
est  court,  et  quand  on  a  la  jandje  bien 
faite 

Jeanneton,  de  plus  en  plus  déconeer- 
tëe.,  à  part.)  Sûrement  j'ai  que'q'chose... 
(toussant  haut  pour  se  donner  une  conte- 
nnnee.)  Ilem  !  hem  ! —  (j4  part.)  C'est  pas 
tout  de  même  honnête  de  regarder  les 
gens  connue  une  cathédrale....  [toussant 
haut.)  hem  !  hem! 

(Elle  Jinil  par  tourner  le  dos  à  la  Mar- 
quise et  à  iï/i"e  (Iq  Lorieux,  et  elle  va 
vers  la  porte  du  fond  en  chantonnant. J 

]\Jaie  D£  LoRlEliX  à  part,  très-vire- 
ment. 3ïais ,  j'y  pense  !  s'il  n'y  avait 
qu'une  de  nous  à  obéir  aux  conditions 
imposées,  elle  aurait  tout  I 

]Vlme  j)E  RoCENCOEF  à  party  d'un  air 
de' profonde  méditation.  Si  je  me  dégui- 
sais seule,  il  n'y  aurait  que  moi  à  hé- 
riter. 

j\Jme  DE  LoRIEtix  à  part,  comme  si  elle 
avait  pris  une  résnlufon .  Allons  I  Haut  à 
j^jmc  (/c  Roceueoëf)  Marquise,  rien  ne 
me  retient  plus  ici,  je  remonte  en  voi- 
ture pour  Paris. 

31"'^  DE  RocEXCOEF.  3Ioi,  pour  Or- 
léans, 3Iadame. 

3I"'«  DE  Lorieux.  J'ai  votre  parole? 

]\jme  ^E  RocE^coEF.  Et  moi  la  vôtre? 

]\[me  j)E  LoRiELX  saluant.  3Jadame  la 
3Iarquise 

]\Ime  DE  RocENCOEF  saluant  préten- 
tieusement.  31adame. . . . 

(  M^^  de  Lorieux  s'avance  vers  la 
porte  du  f<>nd  comme  si  elle  allait  sortir ^ 
puis  elle  se  détourne  ,  et  voyant  que 
M^^  de  Rocencoéf  ne  r aperçoit  paSy  elle 


2i5 


entre  vivcnirnt  (Inii.s  /a  i  h(itnirc  à  (Imite 
préccdcmnicnt  dr^i^nvt;  jjdr  J/'"*'  Robin.J 

M""'  I)K  RoCE.NCOEF  Af  rd'ilii  iitilit  cl 
n'apercevant  j>lus  M^^  de  Lorinix  à  la 
porte  <lu  fond.  KIlc  rst  j)ailip....  vit<-,  cn- 
tiOiis  ! 

(Elle  eoitrt  à  l(i  chambre  de  •nm  Itc  de 
manière  à  y  entrer  prcufiic  ati  moment 
mt'me  où  .1^""'  de  Lortettx  entre  dans 
celle    (le   dioite.J 

JtA»N4NET0.N,  </ui  1rs  a  vues  sans  com- 
prendre le  mystère  fjitelle'i  (,nt  mis  dans 
leur  sortie.)  tli  Ijcm  I  (jiini  donc  fjii  il- 
les  ont?  On  dirait  (|u  *  lies  se  caclintt 
connnr  pour  allrr  niaiij;»!*  It's  ponunrs 
du  voisin  !  Apres  ya,  j'aime  mieux  (pTel- 
les  soient  deliors  (jue  dedans  I  ^lOnt- 
cllcs  dévisafjéc  au  moins  !  J'en  ('tais 
si  alnuie  que  j'aurais  voidu  me  mettre 
dans  mes  poclies. 

SCKNi:  I\. 

JKANNKTON,  CKHI  lU  I)K,  M-"*  ROIUN. 

Gerti\i;de.  Tenr/.,  la  v'ià  notre  maî- 
tresse.... salue  !Mf"'^  Kobin,  fiottr.  {KL'e 
fait  passer  Jcannetan  de\'iint  elle  [\\ 

.Ikanneton  saluant.  A'otrc  servanle , 
Madame. 

M'"'"  Ilom.N.  C'est  vous,  mon  eiil.uit, 
(jui  elierclie/  à  vous  plaeer.' 

.Ikais.-skTo.n  timidement.  Oui  .  Ma- 
dame. 

(iKaTUt;i>F.  N  aie  pas  peur,  va,  .Ma- 
dame te  nianjjera  pas.  {A  M""  fh-hin)  : 
Ces  jeunesses,  cVst  timide,  «a  n'.i  pas 
vu  le  feu.  (A  Jeanneinn)  :  Dis  ton  fait  à 
la  l)Ourj;eoise.  [Certrude  va  porter  sur  le 
bureau  du  ji>nd  an  carh>n  qu'elle  tient  ; 
clic  sorciipe  tt  ranger  Mtr  le  dernier  plnriy 
puis  >ort  un  instant,) 

.h:A\NETON  en  s'cnhardissant  ^  à 
i^/inc  i\,,l,i„.  VA\  l)ien  !  Matlame  eonnait 
la  eliose....  je    vouthais  heu  tpi'elh"  me 

(1)  G€rlruil«,  Jcaunclon,  M""  Uol'ii). 


trouve,  si  c'tlaii  un  ellet  de  sa  part, 
qu\'cj*liassc-cour  ou  n'importe  quelle 
auin*  honne  maison  ousqu'on  ga{;nerait 
son  ])aiji....  avec  un  |hu  de  beurre  des- 
sus! 

M""  IloiuN  Jo//r/V/A/r.  C'est-à-dire  que 
vous  voultA  une  place  lucrative.^ 

Jea.\neto\.  Oli  I  c'est  pas  pour  moi, 
^ladame;  mais  c'est  rapport  à  mon  pe- 
tit livre,  (pii  est  encore  trop  moutird 
pour  {;a};«ier  «le  quoi,  et  (pi  il  laut  l»ieii 
que  je  lui  donne  de  ma  part. 

M""  KoHi.N.  Alil  (iertrudc  ne  ina- 
vait  point  parlé  de  cela. 

JKA^^ETO.^  laissf/nt  la  r<>ir.  (.»si 
(pie  je  lui  en  ai  rien  dit,  Madame.  Pour 
la  première  fois  que  je  voyais  ma  mar- 
raine, j'ai  pas  voulu  la  lourineutir.  Si 
je  lui  avais  parlé  de  Pierrot,  peut-être 
heu  qu'elle  aurait  cru  (piil  avait  Ik*- 
soin  de  sa  lH)iité',  et  je  venais  pas  ici 
pour  ea.  Tant  cpie  je  |>ouriai  {ja[;ner, 
oui.  Pierrot  n'aura  rien  à  demander 
aux  auJies  (pie  leur  amitié.  PuiMpie 
ma  iiiere  tst  morte  et  (pic  je  suis  sa 
soMii  aiut  (*  ,  (  'est  ix>mme  mon  en- 
fant ;  je  lui  donnerais  mon  sai»^;  , 
vovtz  vous,  Madame  I  et  v'Ià  pourquoi 
je  voudrais  (îe  forts  gaR*^»  *^"  travail- 
lant tant  «pie  je  |H)urrai,  à  cette  s<'ule 
lin  de  donner  du  contentement  .'i  Pier- 
rot. 

M'"'  KoBIN  avec  intérêt.  Vous  clcs 
une  brave  lille,  Jeaimcton  I 

Jkannkto.n  haïssant  les  yeux.  Madame 
est  ben  lionnète. 

.M""  Honn.  Kt  il  ne  vous  reste  plus 
aiieun  parent .' 

JrvNNKTON.  Faites  exeus«\  .'Madame, 
il  me  reste  le  |>«lit  Pierrot. 

!M  "•   IbniiN.   11  est  à  rerncn^s? 

.U. i\>t.T«)N.  Cliei  la  mi're  Breton  , 
«pu  le  soi(»ne  ixnnme  un  primv.  Alil 
laut  vtùr  aussi,  M.ulame,  quel  cbcni- 
bin  !  surtout  maintenant  que  j'ai  donné 
ma  bonne  jujm'  |H)ur  lui  faire  un  babil 


21() 


lient  !  il  est  lier  eoiume  un  jeune  eixj,  et 
avec   ea   si  oàlin  !    il    vou^;  embrasse,   il 

o 

VDUS  aj)pelle  ma  petite  .leamu^loii.  ma 
jolie  .l(\iniutoiî  !  ea  fait  toujours  plaisir, 
vous  eomjnene/.'  Et  })uis,  si  vous  sa- 
viez connue  il  ohéit!  jamais  ou  ne  l'a- 
vertit deux  lois  !  un  vrai  anjje  tlu  para- 
dis, (juoi,  Madame;  liorinis  qu'il  oublie 
toujours  tle  se  inoueber. 

31"""  lloin.N.  l'^l  il  ne  reste  plus  cpie 
vous  deux  .* 

.Ikanxkton.   lïélasi  oui. 

INI'"'"  1U)BI^.  A  otre  famille  était  })Our- 
tant  de  J'\^rricres? 

Je4l?«.\eton.  Faites  exeuso,  Madame  : 
mes  ])arents  étaient  venus  de  bien  loin, 
à  ce  (|ue  j  ai  entendu  dire;  d'un  petit 
villa(;e  qui  s'appelait  le  A  erdier, 

M'"*'  Rom  IN.  Dans  la  Brie? 

.1 1-  A^ >  KTON .  Justement. 

M""^^  RoBLX.  Et  ils  s'appelaient? 

jKA?i>iETON.  Piclet. 

ÎM'"*'  lloBlx  ayant  l'air  de  clicrchcr  à 
se  rapfx-lcr.  Ticlet!...  Ce  nom  ne  m'est 
point  inconnu....  mais  vous  devez  avoir 
des  papiers? 

GErvTRL'DE,  (jui  vient  de  rentrer.  Cer- 
tainement, ils  sont  là  sur  le  bureau 
de  jMadame.  (Elle  montre  le  bureau  au 
fond.) 

IM""=  lloBTN.  Voyons  :  {Elle  va  ou 
bureau^  et  se  met  à  examiner  les  papiers 
qui  y  ont  été  déposés  par  Jeanncton.) 

GertiiL'DE  venant  à  Jennncto/t  ,  à 
demi  voix'  Quand  je  t'avais  avertie 
qu'il  fallait  pas  avoir  peur  I  Comme  di- 
sait mon  défunt  :  V  effroi  n'est  pus  fran- 
çaise!.... et  toi,  t'es  Française  I  [Elle  re- 
retourne  ranger  au  fond  (l). 

.TkaNNETON  seule  sur  le  devant.  C'est 
ben  vrai  que  cette  brave  dame  a  l'aii 
d'être  la  reine  dos  femmes. 

iNI'"*  lloBl.N,  (jui  a  parcouru  les  pa- 
piers.  Ah!  mon  Dieu  !  est-ce  possible? 

(1)  Jeanncton,  M"»»  Robin,  Gcrlrudc. 


(iEirrin;i)E  se  retournant.  Quoi  clone? 

.Ieanxeton  s' approchant.  IMadame  a 
vu  que'cju'  mauvaise  chose? 

M""=    Robin.  Au  contraire!   Ah!   ma 

(hère  eidant  !  s'il  était  vrai le  petit 

i^ierrot  et  toi,  vous  ne  inancpierie/,  plus 
de  rien. 

Gertuude  et  Jeanneton.  Comment? 

M""  Robin.  Vn  moment  ....  il  faut 
(jue  je  vérifie  et  que  je  m'assure.  [Elle 
va  au  cnrtonnier  h  gauche^  et  consulte  des 
papiers  (  I }, 

CjERTUIjDE  (bas  à  Jeanncton).  Tu  vas 
voir  qu'elle  te  trouvera  que'q'  bonne 
])lace! 

Jeanneto.n.  Peut-être  d'iille  de  basse- 
cour  dans  qne'qu'  château  !  Oh  !  si  c'é- 
tait possible  !  je  serais-t-y  heiucuse  I  je 
les  soi^nerais-t-y  mes  poidets,  mes  ca- 
nards, mes  dindons  I  je  les  aimerais-t- 
y  !...  et  mon  petit  Pierrot  aussi....  Oh  ! 
rien  que  l'idée,  ea  me  met  des  ailes  à 
mes  sabots;  y  me  semble  que  je  vais 
m'envoler.  [Elle  se  met  à  chanter  et  à 
danser.)  Tra  la  la  la....  {Geitrudc  est 
retournée  au  fond ,  vers  J/'^e  Hobin.) 

SCÈNE  IX. 

Lks  Mêmes,  iM"'^-  DE  ROCENCOËF  sorlaul  île 
la  chiiinhro  à  gauche,  en  habit  de  garilcuse  de 
dindons,  M"'»  DE  LORIEUX  sortant  un  peu 
après  de  la  chambre  ù  droite,  dans  le  ménjc 
costume  (2). 

M""^  J)K  RoCENCOEF,  à  part  ,  .\ans 
Voir  personne.  M""^  de  Lorieux  est  par- 
tie, je  serai  seule  héritière. 

JEAiXNK'O-N  C apercevant.  Tiens!  une 
autre  pastouve  !  Est-ce  qu'elle  vient  aussi 
chercher  une  place  ? 

(1)  M'"«  Robin,  Jeanncton,  Gerlrudc. 

(2)  Les  deux  eostuines,  qiiuuiuc  de  uicmc  na- 
ture, doivent  différer  pou.  la  couleur  et  les  dé- 
tails. Une  des  deux  femmes  peut  avoir  un  eha- 
p.>an  de  païtourc,  l'autre  une  coiffe;  il  faut  que 
toutes  den.K  aient  des  jupons  très-courts. 


217 


M""*  DV.  LoRIELX  paraissant  a  droite, 
à  part.  >i 'oublions  pas  que  C(!  dqjuisr- 
nunt  va  nous  lappoilei  ciuq  cnit  mille 
francs  î 

Jeannetojc  l'a/jcrcevanf,  à  jjart.  Vax- 
«rorc  une  autre  !  Alil  çà,  mais  c'fst  donc 
ici  le  rrndc/.-vous  des  {;ardcuses  de  din- 
dons ?  iV"""  Hohin  rst  ou  fnnd^  le  (loi 
t(mini\  et  montrant  di:%  papiers  h  (u  r- 
trudf^  (jni  fait  des  si>^nf.s  d'ctonncuK  nt  ; 
Jcannt'ton  rst  un  /jeu  reniontrCy  de  sotte 
que  J/""  de  Rocencoef  et  AJ""'  de  Loric  ux 
occupent  seules  le  devant  de  la  scène  ; 
toutes  deux  s* avancent  sans  s'apercevoir 
d'abord.^ 

M"^**  deLorieux  reconnaissant  M^^  de 
Roeencot'f,  Que  vois-jel 

]>Ime  |)£  UoCE.NCOKF  ,  reconnaissant 
.17""'  de  Lnrieux.  Mni«*  i\c  Loiieux  ! 

iM"^*"  DELonilXX.  Ali  I  qurlle  perfidie  ! 

]Mme  i)p^  RocENCOKF.  (Test  une  trahi- 
son I 

OEnTHIDECt  Ain»''  KoniN  se  retournant. 
Ah  ! 

j>Ime  HoijiN  liant.    J'en  étais  siue  (l). 

(ïEiiTBUDF.  Qu'est-ce  que  c'est  qu«"  ces 
i\v\\\  mardis-{;ras! 

M'"''  i)K  Loi'.iEix.  C'est  ainsi  qu«'  vous 
tencA  vos  promesses,  .Madain»*  .* 

IM'"<*  DE  HocHNCOKF.  A  oilà  douc  le  cas 
qu'il  faut  faire  de  votre  parole? 

I\I'»''  i>K  LoniF.i  \.  A  DUS  espériez  m'e\- 
elure  du  partaj;e! 

.M'"*'   I)F.    KoCENCOFF.  A  OUS  VOldic/   UlC 

dépouiller! 

INI'"'*  DE  LoniElx  Mais  j'ai  reinph  les 
conditions,  .Madame. 

"\|mc  Df.;  UocK.NCDEF.  M«)i  aussi,  Aja- 
dame. 

M""'  DE     i.OlUMA.     .lai     UIH"    roill.-      l-' 

toile. 

INI'"'*  DE    UoCENCOEF.  J'ai  des  saholsl 
M»'^  i)i:    LoniLi  \     l'.i   je    danserai    la 

bourrée. 

(I)  M'««  kW  U()Cpnro«"'f,  M»"^  Hobin,  t'iortrud»', 
Jrannt'loii,  M""-  do  l.«>iirii\. 


IMm»^  UE  RocKxcOEF.  Je  la  danse,  Ma- 
tlame  I 

M"'**  J)E  I>ORiELx.  Pas  avant  moi,  Ma- 
dame ! 

Toutes  deux  se  mettent  à  danser  ridi- 
culement la  bourrée  en  cliantant,  Gertru  • 
de  et  Jeannrtnn  se  tordent  de  rire. 

j/m.'  Hohin  se  tient  dam  le  fond  et  rit 
plus  modérément.  Elle  s'avance  enfin  vers 
Mmf  de  Rocencuéfet  M^^  de  Lorieiuc. 

Mf"*"  Robin.  Assez  ,  Mesdames  ,  de 
-r.ice  ! 

Al'n<*  i)K  RocKNCOEF.  ^  ous  ctes  témoin, 
Madame,  que  j'ai   obt'i  au  lesumcnl. 

M™«  DE  LoRiELX.  Comme  moi  I 

^Inic  DE  RoCENCOEF.  L'héritage  m'ap- 
pnrtieiil. 

iM">^  DE  LoRiEiA.  C*»st-à-dire  ipi«* 
j'en  aurai  ma  part. 

Jeameton.  Ah  I  bah!  par  ainsi  c'est 
p(»nr  de  rarg«'nt  (pielles  se  sont  dé^jui- 
sées  coumie  ça,  ces  pauvn^s  dames,  et 
«pTelles  nous  ont  tlonné  le  bal.'  Mais 
alors,  c'est  connue  les  sauteurs  de  (x»rde, 
qui  sont  veiuis  au  villa(;e  et  qui  dan- 
saient pour  des  gros  sous  I 

M'"»*    DE    ROCB.NCOEF     et     M""'    DE   \a)' 

i; lEUX.  Couunent! 

(iEUTiu  DK.  Ces  dames  prennent  plus 
cher,  voilà  la  dilft'fenee. 

M™^   DE  RocE.xcoEF.  Im|HM  tiueulc! 

(«FUTRl'OE,  à  demi  voix  ti  Jcannetnit, 
Va  avec  ça  que  pour  s'exclure  du  paitage 
«•lies  s'étaient  uunti  l'mie  .i  l'-mlre, 

Jka.nneion.  C'est- il  |K»ssible!  \avee 
conviction.)  Ah!  bcn,  par  exeuqiK ,  je 
ne  suis  {piune  pauvre  fdle,  j'ai  jamais 
fr»M|uent(''  cpie  les  volaille.^  de  maître 
'  (fOtlureau,  et  je  sais  lire  que  dans  K*s  al- 
nianachs,  mais  j'ai  pas  oublié  er  que  ui'a 
dit  notre  ciué,  <t  plutôt  cpie  tic  mentir 
j'aimerais  mieux  manger  dos  croules 
dans  lie  l'eau  claire,  et  aller  nu-pieils 
par  les  chemins....  j'aiuierais  mieux.... 
tout....  et  même  ii'im|xirle  quoi  î 

M""**    RoiiiN.    Ru  u    Jeannctoti.    tii    e$ 


218 


une  li(imièto  fillt\  [iroiiirjncDicNf.  )  Mais 
ces  (lamos,  vois-tu,  ont  plus  tl  esprit  (jue 
toi  ;  cllos  ont  trouvr  (|U0  rien  ne  devait 
router  pour  être  Iiéritièie  de  iM'"^'  Pâtu- 
rai tlaus  le  cas  où,  selou  sou  testauieut, 
flic  ne  Idissridil  (menu  piinut  !  En  eon- 
si  cpienee,  elles  ont  pris  \c  ("ostnnie  de 
ferme,  et  elles  ont  dansé  la  bourrée  ]>()ur 
nous!...  je  les  eu  reuu^cic  au  nom  de 
uion  amie  (/jrcsr/itant  Jeanncton).  et  je 
leur  présente  la  seule  et  l('};itime  héri- 
tière (1). 

JEA^^ETo^^  iMoi  ! 

M"»'  DE  RoCKNCOEF  etM'"<'  DE  L()I\IEi:X 
en  nienie  Irnijjs  que  Jeunnclon.  ElU^  I 

Gertuude  en  nie'tne  temps  <y//r  les prc- 
eéclenles.  Jeanne  ton  I 

JMtiic  RoBlx.  Le  liasard  vient  à  Tin- 
slant  morne  de  nie  faire  découvrir  dans 
cette  enfant  une  petite  nièce  de  ^l"**^  Pâ- 
turai. 


Toutes.  Dieu  ! 

]\[ine  RoniN.  Par  conséquent,  la  clause 
du  testament  est  sans  objet,  et  c'est  à  elle 
seule  que  tout  a])|)artient. 

Jeanneton.  Si  c'est  possible! 

M'T'p  DR  RocE^coLF.  Ah!  les  jaudjcs 
uie  manqu(M)t!  [lille  ise  Inisu:  tomber  sur 
snr  un  fau(e'iiL) 

1M'"<*  DE  LouiEiîx.  Je  suis  anéantie  ! 
[Elle  se  laisse  tomber  sur  un  jnuteuit.) 

Jeain]\kto\.  l\)ut  à  moi!...  Ali  1  ma 
marraine...  Ab  !  Madame  Robin...  mais 
alors  je  suis  riche...  riche  I  Ah!  quel 
bonheur    pour   Pierrot! 

(jrKRTHUOE.  Eh  bien!  à  la  bonne  heure, 
fallait  que  ea  arrivât  couune  ça.  L'héri- 
tajje  de  rancienne  vachère  devait  appar- 
tenir à  la  gardeusede  dindons,  parce  que 
comme  on  disait  dans  le  45*  : 

Ce  qui  vient  du  trompette  s\n  lui  ou 
tambour. 


5^<Î>^*4S3« 


TRAVAUX  A    L'AIGUILLE. 

Donne!  d'homme.  —  Frivolité  nouvelle.  —  Fleurs  en  papier,  OEilIet.  —  Canezoïi  corsage.  —  Bi  • 
bliothèque  L.  Cuimcr.  —  Comités  de  femmes,  —  recettes  diverses,  gelée  de  groseilles,  remède 
contre  les  brûlures.  —  Vins  de  groseilles  et  de  cerises.  —  Racaou.  —  Col  en  tricot  dentelle.  —  Mo- 
des de  lingerie.  —  Droderies  diverses.  —  Tapisserie  coloriée. 


Chère  amie,  j'ai  à  te  parler  aujourd'hui 
d'une  foule  de  choses...  Par  où  coin- 
mencer  ?  Par  nos  travaux  aiiués  ;  ils  sont 
en  jjrand  nombre  cette-  fois,  et  qiielques- 
ims  exigent  des  explications. 

Devines -tu  conunent  il  faut  s'y  pren- 
dre poiu'  faire  un  fond  rond  avec  le 
dessin  n"  1  ?...  Mais  d'abord  nous  avons 
acheté  c:hez  Guyot ,  rue  de  Bussy  , 
60  grammes  de  cordonnet  de  Berlin,  à 


(i)  M'"«-  De  Rocencoéf,  M'»>e  Robin,  Jeannelon, 
Gerlrude,  M'"':  de  Lorien\. 


1  fr.  25  c.  les  10  grammes;  3o  grammes 
de  bleu  pour  le  fond  du  travail  ;  1 0  gram- 
mes de  brun  ,  10  grauunes  de  jaune,  et 
tO  grammes  de  noir;  quant  aux  palmes 
du  n°  2 ,  nous  trouverons  bien  dans 
nos  restes  de  bobines  de  quoi  les  exécu- 
ter eu  couleiu's  variées  et  toutes  de  fan- 
taisie. 

Prends  ton  crochet,  ton  cordonnet 
noir  et  monte  4  mailles  légères;  forme 
une  boucle  et  fait  huit  mailles  dans  les 
4  premières,  2  dans  chacune, 

5'"*^  RA>GÉE.  —   1    maille  pleine,  — 


210 


1  aujjinrutre  f  ou  dnix  mailles  prises 
dans  la  iiiciiiej ,  et  ainsi  alteriialiveineul 
jusqu'à  la  fin  de  la  S"**  raujjt'e. 

4"»*^  RA^GFE.  —  De  iiièiiie  que  la 
troisième. 

■iine  cl  (,a.e  bangées. —  2  mailles  plei- 
nes, —  I  aU{;meiiU«',  alleniativeiiHiil. 

7'"^  »A>GEE.  —  3  mailles  pleines,  — 
1  aii(;meiilée.  alternativement. 

Lorsque  ee  rond  porte  42  mailles  de 
tour,  tu  connnences  à  «m  «nier  le  dessin 
11°  1.  Il  s'ajjit  de  rej>rodiiire  les  dents  du 
haut. 

Prends  ta  ioie  brune  et  lais  einq 
mailles  pleines.  Prends  ta  soie  bleue  et 
fais  une  maille  bleue  pleine ,  et  ainsi 
allernaliv*  nient  sriit  jua.  11  faut  avt)ir 
soin  de  placer  I  au()menlre  au  milu  u  de 
ô  mailles  brunt^,  ce  qui  te  donne,  pour 
celte  ranf;<'e,  7  augment»'es ,  nombre 
suffisant. — Au\  ran(;ivs  suivantes,  lu 
places  (  lia(]ne  au(;mt  ntée  au  milieu  des 
mailles  bleues,  pins  entre  les  palmes  de 
la  p,uirande,  <le  lacon  à  ee  que  les  auj;- 
inentées  se  trouvent  rarement  (ih-(1(\mi< 
les  unes  des  autre  s.  L**  foi  ni  dv  vv  bon- 
net d  lionnne  doit  former  un  rond  rc{;u- 
licr  et  p'tit.  (î'est  en  jaune  que  tu  lais 
les  dents  qui  le  terminent. 

Tu  as  pris  mesure  »le  la  };ro$S€iU'  de  la 
tète  (|ue  lu  as  à  coiffer.  Mesure  mainte- 
nant le  tt>ur  du  fond  et  vois  si  ces  deux 
mesun  s  sont  è'{;ales.  Si  ci  lie  du  fond  est 
jJits  fjttitt'^  ajoute  deux  ou  trois  ranj;ccs 
ru  continuant  de  faire  des  au{;m  -nt(<  >  .i 
cbaeune.  (j.deide  le  nombre  île  ti^  mail- 
les de  façon  à  n'avoir  dans  le  [>4juitour  ni 
demie  ni  ipiart  de  palme;  tu  |hmix,  |H>ur 
éviter  cet  inconvénient.  Us  *//>/</ wcrr  pins 
ou  moins  ;  il  ne  faut  point  iXauf^nn  /.  t  r 
dans  le  tour  «le  lète.  (À)nunence-lc  avec  la 
soie  bleuie  ;  fais  la  borduiv  eu  soie  noire 
et  jaune,  en  suivant  les  indications  du 
dessin,  et  les  palmes  de  coulcmsili\ei>e5. 
bien  trancluts,  toujours  d  apics  le  tien- 
sin  dont  les  si|;nes  dilVerints  t  indiquent 


les  couleurs  claires  et  les  coidcurs  fon- 
cées. L  encadrement  ne  sijjnitie  rien. 

Double  ce  joli  lx)nnet,  borde-h*  d'un 
galon  de  soie  noire  ou  d'or,  à  lou  clioix, 
et  acliève-le  en  l'ornant  d'un  f.land  de 
sine  tiès-louj;  ci  très-fourni,  de  la  cou- 
1'  ur  (pii  te  plaira  le  plus,  ou  d'un  gland 
d  or,  si  le  (;alon  du  lK)ril  est  en  or.  Tu 
auras  ainsi  à  ollrir  un  cbaruiant  cadeau  à 
ton  père. 

Pnis<pie  nous  nous  occupons  d  ouvra- 
j;es  au  ciixdict,  passons  au  n"  6. 

Je  t'ai  expliqué,  au  mois  de  janvier 
18  1'»,  la  manière  de  faire,  avec  une 
navette,  îles  trèfles  en  frivolité;  travail 
dé'lié- ,  élé|;ant  ,  mais  qui  exij;e  toujours 
un  blancliissa{;e  à  n«-ul  ;  tu{>eux  imiter 
cette  fi  ivolité  au  point  de  crocbet ,  et 
blancbir,  sans  tout  cet  rt///r<///,  le  joli  ct»l 
(pie  lu  auras  ainsi  exécuté*. 

Prends  un  crocbet  fin,  du  (il  d  lilanile 
n"  liO,  et  fais  une  l)OUcle  de  H  mailles 
lé{;ères.  Cette  boucle  iloU  tli^fmniitn' 
piesqu'en  totalité^  comme  raniu^au  de 
nn'lal  pour  les  étoiles  que  dernièreuient 
j«*  t'ai  ensei|;né  à  faire,  snus  les  mailles 
pi»  ines  avec  le>4piell«'S   lu   la  reix)uvres. 

Ta  boucle  est  feriiu  c  ,  lais  3  nuilU  s 
])leines,G  mailles  légères  qui  forment 
un  picot,  '1  mailles  plcmes,  6  lé"j;ères  , 
et  ainsi  jusqu'à  ce  que  tu  aii-s  G  pifx>ts 
en  mailles  lcjjèri*s  ;  finis  par  3  mailles 
pleines,  (lommcno*,  sans  cou|x  r  le  fil, 
une  stxonde  boucle  de  \i  madies  lé- 
(;ères,  fais  3  mailles  pleines,  C  mailli>s 
léjjèreselc;  passe  à  la  iruisiènie  boucle  ; 
p^arnisla  de  même  de  GpicTils  en  mailk*s 
l«'{;ères.  Voilà  un  premier  irèlle.  Ompe 
Ion  (il,  ri  fais  un  autre  iiclle.  Tu  |xnx, 
cbeniin  faisant,  atlaclier,  s«*lou  U*  In^soin, 
les  picots  que  tu  fi>rint^  aux  piix)ls  des 
Indes  pn'i édenls ,  ou  bien  pn-parrr  de 
ivu\-ei  la  qiiantiu*  né-ct^ssairr  (xturi^tm- 
|K)ser  un  col  <  t  les  ix>iidie  ensuite  lt*s  \i\\s 
aux  antres  |var  quelques  |>oint$  de  smjet. 
Aie    bien    soin    d  en\Tlup|M*r    sous     les 


220 


mailles  ]>l(Miirs  les  mailles  lrj;î^ivs  qui 
iDiineut  les  j;iancles  l)i)iieles  ;  le  Iravail 
ainsi  l.iit  est  ])!iis  ilélieal  el  plus  joli. 
St'tK-  le  jjDtnt. 

Il  l'aiil  i)r(>lit(M-,  ma  elière  Adèle,  de  la 
saison  où  les  (x'illels  sont  en  lltur  pour 
en  produite  unt^  jolie  eollection  en  ])a- 
pitr  ,  ils  te  serviront,  l'hiver  proeliain,  à 
oiiua-  une  jardinière. 

Déeoupe  huil  jais  du  papier  l)lanc, 
rou|;e,  rose,  à  ton  elioix  ,  sur  le  ]>ation 
de  ])t'tal(^s  H"  ô.  Avee  ta  piuee  tu  formas 
luul  plis  dans  eliaeuu  des  si\  pétales 
unis  eusendde,  et  sur  ta  pelottc  molle, 
avee  une  jjrosse  aiguille  à  trieoter,  tu  les 
tltiJDonncs  par  le  haut.  Prends  un  modèle 
ncitnrc ,  enlève  à  e<'hd-ei  son  calice , 
lends-le  eu  deux,  élale-le  sur  du  pa- 
pier et  lèves-en  le  patron.  Quand  lu  au- 
ras découpé  deux  ou  trois  calices  eu 
])apier  vert  ylauque,  assendjle  les  deux 
bords  de  la  ieule  avec  un  peu  de  colle  et 
laisse  séclirr. 

Tu  attaches  à  Tcxtrémité  du  fil  de  fer 
qui  doit  servir  de  ti(je,  deux  barbes  de  plu- 
uies  bien  blanches,  après  les  avoir  lVis('es 
en  les  passant  légèremeut  entre  le  pouce 
et  le  bord  de  ta  pince. Tu  roules  lui  peu  de 
coton  vert  sur  le  point  où  ces  barbes  de 
pluuie  sont  reteiuies  au  fil  de  fer,  tu 
(>ouimes,  et  voilà  le  cœur  tout  prêt. 

Enfile  l'un  après  Tautre  les  huit  pé- 
tales, en  mettant  un  peu  de  colle  entre 
chacun;  enfile  le  calice ,  et  recouvre  la 
tij^e  de  papier  vert.  Avec  la  nature  sous 
les  yeux  tu  reproduiras  aisémeut  et  les 
boutons  à  demi  épanouis,  et  les  feuilles 
en  ]>apier  vert  .^jlauque. 

\  ois  pour  le  col  en  tricot  dentelle  et 
pour  le  patron,  à  la  fin  de  uia  lettre; 
mais  arrètous-nous  au  n"  7,  à  ce  riche 
dessin  de  uiouchoir  qui  joue  la  dentelle 
ancienne,  quaud  il  est  exécuté. 

Il  faut  d(^  très-belle  et  très-bonne 
l)atiste  de  fil  ;  tu  eu  trouveras  au  ma- 
^'asin    de  ÎMme  Maureau  ,   au  coin  des 


rii(\s  de  Tournou  et  du  IVllt-lînurbon- 
Saint-Sulpiee.  Dessine  tout  r(Milourap,e, 
(piini  trait  hachv  distinj^;ue  chi  dessin,  et 
ne  fais  qu'u.N  SF.tL  coin  complet.  Celte 
bio'.K  lie  s'ex('eute  cnùcicinciU  au  point 
de  leston  (pii  a  plus  que  jauiais  repris 
fiveur,  à  ])résent  qu'on  fait  moins  de 
broderi(^  anj;laise  et  cpie  le  pluuK  lis  a  la 
voj'jUe;  le  feston  sainr  celles  qui  ne  sa- 
vent ])as  très-bien  broder.  Tantôt,  pour 
ledi^ssin  n"  7,  le  fi'Ston  est  très-fin,  très- 
serré;  tant(jt  il  est  bnnlcow  lar/je.  Il  tant 
faire  ])aitout  dc^  œillets  plus  ou  moins 
petits  suivant  l'indication,  et  n'enlever 
la  batiste  que  dans  les  endroits  marqués 
])ar  des  croix.  La  place  que  doivent  rem- 
plir les  points  de  dentelle  est  7//«r/r///ee. 
J'ai  vu  ce  riche  dessin  exécuté  ;  \\  est 
d'un  eflét  prodigieux.  Je  donne  diverses 
couronnes  afin  qu'on  puisse  choisir  celle 
qui  conviendra  le  mieux  ;  je  donne  aussi 
un  alphabet  dans  lequel  on  pourra  pren- 
dre les  initiales  desliiuvs  aux  deux  écus- 
sons  ;  le  mois  prochain  lu  auras  un  autre 
alphabet  d'un  [jenre  dilli'rcnt,  et  dont  les 
lettres  pourront  aussi  être  exécutées  au 
point  de  feston,  tandis  que  celles-ci  doi- 
vent se  faire  au  plunietis. 

A  présent  })arlons  lillérature. 

En  ce  moment,  ma  tante  s'occupe 
de  fonder  un  comité  de  fennnes  pour 
répandre  les  bons  petits  livres  de  l'As- 
sociation  pour  rilducation  populaire. 
Quand  nous  serons  vin^jt  associées,  se 
cotisant  chacune  pour  la  modique sonmie 
de  5  fr.  j)nr  an,  nous  aurons  pour  cent 
francs  de  livres  à  répandre.  IMon  oncle, 
qui  est  uu  homme  (^rave,  tu  le  sais,  se 
montre  partisan  zélé  de  cette  fondaticin. 
L'autre  soir,  il  nous  a  apporté  le  Cours 
clcnie/i taire  d'ii'^riculliirc  pra'Hiuc,  de 
]M.  J.  Laureau.  Ma  chère  amie,  quelle 
vie  de  travail  que  celle  du  lal)ourcur  ! 
Et  quaud  on  volt  que  sur  le  ])rix  d'une 
ferme  qui  rai>porte  2,'28ô  iV.  à  son  pro- 
priétaire,  le  fermier  ne   retire  que  de 


221 


000  fr.  à  1,000  fr.,  awc  lesquels  il  lui 
faut  payer  ses  iiiipôls.  iiounii  et  eutie- 
teuir  six  à  huit  personnes,  on  comprend 
coninieiit  il  ne  peut  que  bien  dilllcile- 
ment  mellre  ({uclque  ciiosc  de  côté  |>our 
ses  vieux  jours.  Je  ne  erovais  pas  cpie 
ce  livre-là  ni  inspirerait  tant  diiitt'ièt, 
et  ferait  naître  en  moi  tant  d'idées  nou- 
velles. Kien  de  curieux  connne  V  JIi\rone 
iluffti  griion  (t  de  la  himpc  de  Mtrrlé^ 
inventée  pour  les  mineurs  I  Je  t'assure 
tpie  y\.  leMaout/Yirf^A//*.'  ht  sc'unce  d'uiu* 
manière  on  ne  peut  plus  intéressante. 
Kt  puis  {Hi^toiir  tic  Jeanne  d'Are ,  ]»ar 
INI.  Frédéric  Loek  :  en  lisant  son  livre, 
j'ai  liien  vu  que  je  ne  la  savais  pas  par- 
faitement, cette  toueliante  histoire;  enfin 
j  ai  lu  encore  Les  /ntHs  auxiluiires  <lu 
cnlfifuiiar, 'pm  M.  de  Frarière  ;  ce  sont 
les  oiseaux.  Fa  son{;e,  elière  amie,  (|ue 
uon-sculeinent  il  est  j'crmis  de  dire